Parc national du Diawling
Le Parc National du Diawling (PND) est un parc national de Mauritanie. CrĂ©Ă© en 1991, le PND est situĂ© dans le bas-delta du fleuve SĂ©nĂ©gal en rive droite et couvre une superficie centrale de plus de 16 000 ha et une zone pĂ©riphĂ©rique de plus de 56 000 ha. Le parc fait partie de la wilaya (rĂ©gion) du Trarza et de la moughataa (dĂ©partement) de Keur MacĂšne. Il se dĂ©ploie sur le territoire de la commune de NâDiago.
Pays | |
---|---|
Coordonnées |
16° 25âČ 00âł N, 16° 21âČ 00âł O |
Ville proche |
N'Diago |
Superficie |
130 km2 |
Superficie terrestre |
16 000 ha |
Population |
13 000 |
Type | |
---|---|
Catégorie UICN |
II |
WDPA | |
Création |
1991 |
Texte fondateur |
Décret présidentiel N°91-005 |
Patrimonialité | |
Administration |
MinistĂšre de lâEnvironnement et du DĂ©veloppement Durable (Mauritanie) |
Site web |
Le PND voit le jour en 1991 dans un contexte de pressions environnementales fortes, compte tenu des consĂ©quences des amĂ©nagements hydrauliques (barrages de Diama en 1985, Manantali en 1986 et annexes) sur le fleuve SĂ©nĂ©gal, conjuguĂ©s aux effets pervers des sĂ©cheresses des annĂ©es 1970 et 1980. La destruction des habitats, la disparition de la biodiversitĂ© et lâexode rural Ă©taient les consĂ©quences directes de perturbation de cet Ă©cosystĂšme deltaĂŻque.
Le PND a été classé site Ramsar en 1994 pour l'importance de ses zones humides[1].
Historique et raison d'ĂȘtre
Un territoire riche
Jusque dans les annĂ©es 1960, les zones humides du bas-delta du fleuve SĂ©nĂ©gal Ă©taient reconnues parmi les plus Ă©tendues et les plus riches de lâAfrique de lâOuest. Ces zones, siĂšges dâune alternance entre eau douce de la crue du fleuve et eaux marines, favorisaient le dĂ©veloppement dâune diversitĂ© biologique riche. Ă cette Ă©poque, les systĂšmes traditionnels dâexploitation contribuaient fortement Ă la subsistance de milliers de personnes qui dĂ©pendaient alors Ă©troitement et presque exclusivement de lâutilisation des ressources naturelles de ces Ă©cosystĂšmes[2].
Sécheresses des années 1970 et 1980
NĂ©anmoins, Ă partir des annĂ©es 1970, le delta a traversĂ© une sĂ©rie de crises. Dans tout le Sahel, la sĂ©cheresse des annĂ©es 1970 et 1980 a dĂ©cimĂ© le bĂ©tail et contraint les anciennes populations nomades Ă devenir sĂ©dentaires. Dans le mĂȘme temps, les bonnes inondations sont devenues de plus en plus rares, le dĂ©bit annuel moyen du fleuve diminuant presque de moitiĂ©, entraĂźnant une rarĂ©faction de ces ressources naturelles si prĂ©cieuses pour lâactivitĂ© Ă©conomique locale. Pour subvenir Ă ses besoins, une partie importante de la population autochtone, le plus souvent des hommes, rĂ©alisait alors un exode rural massif, pour se diriger vers la capitale Nouakchott ou des villes en plein essor au SĂ©nĂ©gal, dans lesquelles ils tenaient de petits magasins ou cherchait des opportunitĂ©s de travail dans les travaux de construction ou la pĂȘche maritime[2].
Construction des barrages de Diama et de Manantali
En novembre 1985, la construction du barrage de Diama dans la basse vallĂ©e du fleuve, Ă 23 km en amont de Saint-Louis, nâa rien arrangĂ© Ă la situation dĂ©jĂ dĂ©gradĂ©e du bas-delta. Ce barrage a Ă©tĂ© mis en service dans le double but de prĂ©venir l'intrusion d'eau salĂ©e qui pĂ©nĂ©trait jusqu'Ă 350 km en amont dans la vallĂ©e du bas SĂ©nĂ©gal et de rĂ©guler le dĂ©bit de la saison des pluies du fleuve, le tout afin de favoriser lâagriculture sur les hautes rives du fleuve par des conditions plus clĂ©mentes (eau douce, et niveau dâeau constant au fil de lâannĂ©e). Trois ans plus tard, en 1988, le barrage de Manantali au Mali finira de dĂ©stabiliser le fonctionnement hydrologique du delta, jusquâĂ le rendre quasiment dĂ©sertique et non-vi(v)able pour toute espĂšce, quâelle soit vĂ©gĂ©tale, animale ou humaine. Par exemple, les surfaces inondĂ©es du PND propices Ă la production de nĂ©nuphars ont Ă©tĂ© assĂ©chĂ©es par la construction du barrage de Diama, et le Sporobolus robustus utilisĂ© comme matiĂšre premiĂšre dans la confection de nattes avait quasi-disparu, lĂ oĂč il pouvait couvrir avant des milliers dâhectares de plaine inondable[3].
Création de l'aire protégée en 1991
Câest dans ce contexte que lâUICN recommande en 1989 la constitution dâune aire protĂ©gĂ©e, qui se concrĂ©tise par la crĂ©ation du PND en 1991. Il sâagit alors pour le parc de sâaffirmer comme le cĆur de gouvernance du systĂšme socio-Ă©cologique formĂ© par le bas-delta du fleuve SĂ©nĂ©gal, avec des objectifs qui sâinscrivent pleinement dans la reconnaissance de ce rĂŽle clĂ© pour la gestion durable de la zone :
- La gestion hydrologique du bas-delta du fleuve Sénégal ;
- La restauration et conservation des valeurs écologiques, des écosystÚmes et de la biodiversité ;
- Le développement des activités socio-économiques génératrices de revenus compatibles avec la conservation des ressources naturelles, dans une optique de développement durable.
AprĂšs une premiĂšre phase de tĂątonnement et de mĂ©fiance au sein des populations locales dans le dĂ©but des annĂ©es 1990, la direction du PND sâest vite appropriĂ© la complexitĂ© socio-Ă©cologique de cette zone sensible, et par une dĂ©marche de concertation et de dialogue, a conçu un systĂšme exemplaire de gestion du bas-delta, en accord avec les besoins en eau des diffĂ©rentes activitĂ©s traditionnelles, tout en prenant en compte les contraintes propres Ă la sauvegarde de ce joyau de biodiversitĂ©[2].
AprĂšs 30 ans dâexistence, des rĂ©sultats probants en matiĂšre de restauration et de conservation
AprĂšs plus de trente ans dâefforts de restauration et conservation Ă la fois sur les plans Ă©cologiques et socio-Ă©conomiques, le parc a su rĂ©habiliter avec succĂšs les Ă©cosystĂšmes et les activitĂ©s humaines, tous deux intimement liĂ©s, pour redevenir un site majeur en termes de biodiversitĂ©.
DâaprĂšs une Ă©tude publiĂ©e en 2020, le Diawling est le seul parc du RĂ©seau des Aires Marines ProtĂ©gĂ©es dâAfrique de lâOuest (RAMPAO) Ă montrer une Ă©volution globalement positive de tous ses habitats, alors mĂȘme que câest lâun des parcs le plus sous pression du rĂ©seau[4]. Les Ă©cosystĂšmes de ce milieu estuarien ont ainsi pu ĂȘtre restaurĂ©s, redessinant un paysage riche et variĂ© : en plus dâune jonction entre dĂ©sert, ocĂ©an et fleuve, on y trouve des estuaires, des Ăźles, des Ă©cosystĂšmes de mangroves, des dunes intĂ©rieures, une dune cĂŽtiĂšre, des plaines inondables et le fleuve SĂ©nĂ©gal.
Ces succĂšs probants se sont aussi concrĂ©tisĂ©s par un retour de la biodiversitĂ© (restauration et conservation biologique et Ă©cologique). En 1993, on rĂ©pertoriait 10 individus sur 3 espĂšces dâoiseaux dâeau seulement ; aujourdâhui, en cumulant oiseaux dâeau et terrestres, et/ou migrateurs et rĂ©sidents, ce sont plus de 369 espĂšces dâoiseaux qui trouvent aujourdâhui refuge au PND, dont 18 ayant des statuts de protection (en voie de disparition, menacĂ©, critique de la Red List de lâUICN). Cette extraordinaire reconquĂȘte de la biodiversitĂ© a fait du Parc et de sa zone pĂ©riphĂ©rique un site dâimportance internationale pour les oiseaux dâeau, reconnu comme zone humide Ramsar. Enfin, plus de 65 espĂšces de poissons, 39 de mammifĂšres, 17 de lĂ©zards, 15 de serpents, 5 dâamphibiens, et mĂȘme 3 de tortues et 1 de crocodile rĂ©sident au sein du PND (dĂ©nombrement non exhaustif). Toutes ces espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales ont pu trouver au Diawling un espace propice Ă leur reproduction et Ă leur dĂ©veloppement, expliquant ce retour massif de la biodiversitĂ©.
Par ailleurs, lâamĂ©lioration de la disponibilitĂ© des ressources naturelles dans les sites favorisĂ©s par les amĂ©nagements du parc a permis aux autochtones de reprendre leurs activitĂ©s passĂ©es et, par la suite, de faire revenir les populations autrefois rĂ©sidentes. Les activitĂ©s traditionnelles, qui avaient Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement menacĂ©es par la disparition dâespĂšces Ă forte valeur Ă©conomique et fourragĂšre, gĂ©nĂšrent aujourdâhui une valeur ajoutĂ©e totale dâenviron 336 millions de MRU par an pour la population locale. Les ressources naturelles contribuent donc indĂ©niablement Ă fournir des moyens de subsistance Ă des mĂ©nages fortement dĂ©pendants de leur productivitĂ©, en amĂ©liorant leur niveau de revenu, leur sĂ©curitĂ© alimentaire ou encore leur rĂ©silience face aux effets du changement climatique[5].
De nouveaux défis
MalgrĂ© son rĂŽle reconnu et indĂ©niable sur les plans Ă©cologique et socio-Ă©conomique, le PND fait actuellement face Ă des dĂ©fis majeurs qui risqueraient dâimpacter fortement lâĂ©quilibre et lâintĂ©gritĂ© de ses Ă©cosystĂšmes et de ses activitĂ©s traditionnelles. Lâhydrologie de la zone est en constante modification, avec les pratiques et amĂ©nagements agricoles au Nord du parc (chenal dâirrigation, utilisation de pesticidesâŠ), le changement climatique qui assĂšche les bassins du parc et fait remonter la salinitĂ©, ou encore lâouverture de la brĂšche de Saint-Louis en 2003 par le gouvernement sĂ©nĂ©galais, qui cause aujourdâhui des intrusions marines dans toute la rĂ©gion. Or, la salinitĂ© est lâennemie du retour des espĂšces vĂ©gĂ©tales et animales, dont dĂ©pendent les communautĂ©s pour mener Ă bien leurs activitĂ©s socio-Ă©conomiques ; comme le Sporobolus, le nĂ©nuphar a besoin dâeau douce pour sâĂ©panouir[5].
Dans le mĂȘme temps, le dĂ©veloppement Ă©conomique de la rĂ©gion change de visage : en 2023, seront mis en service le projet de gaz offshore Grand-Tortue â Ahmeyim (GTA) situĂ© au large du bas-delta, dans lequel BP a investi dĂšs 2018, et le port multifonction de NâDiago, commanditĂ© en 2016 par lâĂtat mauritanien et situĂ© dans la zone pĂ©riphĂ©rique du parc. BientĂŽt, « NâDiago ne sera plus NâDiago »[5]. Toutes ces infrastructures vont accroĂźtre de fait la pollution (de lâeau, du sol, de lâair, dĂ©chetsâŠ), lâĂ©rosion, ou encore la prolifĂ©ration des espĂšces envahissantes (Typha et Tamarix en particulier), qui vont affecter les zones productives dâespĂšces Ă forte valeur Ă©conomique.
Ensuite, malgrĂ© ce contexte et la dĂ©pendance des populations Ă la richesse de la biodiversitĂ©, lâutilitĂ© de la biodiversitĂ© nâest, jusquâĂ prĂ©sent, pas suffisamment prise en compte dans les dĂ©cisions Ă©conomiques et politiques de la rĂ©gion, constituant une menace pour leur continuitĂ©. Si des initiatives sont progressivement mises en place pour alimenter le plaidoyer, comme lâĂ©tude « Initiative Valeur Verte » visant Ă quantifier la valeur des services Ă©cosystĂ©miques rendus par le parc, elles sont encore insuffisantes[5].
Finalement, depuis la crĂ©ation du parc dans les annĂ©es 1990, de nombreux changements Ă©cologiques radicaux nâont pas fini de modifier les systĂšmes socio-Ă©cologiques, dont la gestion doit continuellement sâadapter pour parvenir Ă de nouveaux Ă©quilibres et faire face aux changements. Ces dĂ©fis lĂ©gitiment donc encore aujourdâhui le rĂŽle du PND dans la rĂ©gion du bas-delta, et rendent toujours nĂ©cessaires ses actions de conservation et de protection de son capital naturel. En 2022, le PAG fera dâailleurs lâobjet dâune Ă©valuation et une actualisation pour la pĂ©riode 2023-2027, qui tiendra compte de ces nouveaux dĂ©fis pour continuer Ă prĂ©server lâaire protĂ©gĂ©e aux niveaux Ă©cologiques et socio-Ă©conomiques.
Activités socio-économiques traditionnelles
Nattes traditionnelles Ă partir de Sporobolus robustus
Au Diawling, les nattes sont traditionnellement confectionnĂ©es Ă partir de tiges de Sporobolus robustus cueillies dans le parc. AutorisĂ©e dĂšs janvier, la cueillette du Sporobolus nâa rĂ©ellement lieu que de fin avril Ă dĂ©but mai, car les bassins doivent ĂȘtre complĂštement assĂ©chĂ©s pour accĂ©der facilement Ă lâensemble des zones de cueillette. Les coopĂ©ratives procĂšdent ainsi, Ă la main, Ă la cueillette du Sporobolus nĂ©cessaire pour lâensemble de lâannĂ©e (une seule pĂ©riode de cueillette dans lâannĂ©e) ; aprĂšs la cueillette, les tiges de la plante sont sĂ©chĂ©es pendant 10 Ă 15 jours (sur les toits des habitations pour les protĂ©ger des animaux), et stockĂ©es jusquâĂ la confection de nattes.
AprĂšs la cueillette et le sĂ©chage, les tiges sont taillĂ©es pour des Ă©lĂ©ments droits de mĂȘme taille, qui constituera la largeur, et nettoyĂ©es de toute trace de bourgeonnement afin quâelles soient parfaitement lisses ; cette Ă©tape prend 3 Ă 5 jours. Pour confectionner les nattes, les femmes relient ensuite Ă lâaide dâune grande aiguille (appelĂ©e lichffĂ©) tiges de Sporobolus et bandelettes de cuir tannĂ© (fabrication du cuir tannĂ© dans la zone du parc Ă partir de peaux et de gousses dâAcacia nilotica, ou achat du cuir dĂ©jĂ tannĂ© Ă Nouakchott), parfois teintĂ©es avec des poudres colorantes (achetĂ©es Ă Nouakchott Ă©galement), le plus souvent rouges, vertes ou jaunes. Ces laniĂšres de cuir sont humidifiĂ©es avec lâeau pour quâelles soient suffisamment assouplies pour permettre le tissage de la natte. Un couteau trĂšs tranchant (echevra ou el mousse) est requis pour la fabrication, afin de couper les peaux, tailler les tiges et couper Ă ras le reste du cuir une fois la natte terminĂ©e.
Chaque natte est confectionnĂ©e par un groupe de femmes (appelĂ© twize) dâune mĂȘme coopĂ©rative. Le principe du twize est basĂ© sur lâentraide, puisque chaque femme sâengage Ă aider pour la confection des nattes[3]. Les femmes sont alors assises les unes Ă cĂŽtĂ© des autres dans la longueur de la natte, et elles tissent ensemble et parallĂšlement la largeur. Le nombre de femmes nĂ©cessaires varient en fonction de la longueur de la natte, et le temps nĂ©cessaire pour sa confection selon la taille globale et la complexitĂ© de celle-ci ; cela peut varier de 2 femmes mobilisĂ©e pendant 2 jours pour une natte simple (aussi appelĂ©e natte claire ou natte blanche) dâ1 m sur 1 m, Ă plus de 10 femmes pendant 2 semaines pour des nattes de plusieurs mĂštres de long (certaines nattes font 2, 3, 4 mĂštres de long ou plus !) comportant des motifs denses et complexes. La production annuelle de nattes est assez importante, pouvant atteindre plus de 150 nattes de tailles variĂ©es[6].
NĂ©anmoins, cette activitĂ© est aujourdâhui lourdement menacĂ©e, car elle ne produit pas un revenu suffisant et susceptible de rivaliser avec de nouvelles activitĂ©s, plus rentables, comme le maraĂźchage. « Le tissage et la cueillette nâapportent pas beaucoup dâargent⊠Nous continuons Ă les pratiquer parce que beaucoup dâentre nous nâont pas les moyens de sâadonner au maraĂźchage ou au commerce⊠Donc nous autres, nous sommes obligĂ©es de continuer par solidaritĂ© avec les autres femmes car câest un systĂšme de twize⊠Celles qui ont les moyens de racheter aux autres le produit de leur cueillette sâen sortent gĂ©nĂ©ralement trĂšs bien avec parfois des profits de plusieurs centaines de milliers de MRO »[3]. Le responsable de lâĂ©co-dĂ©veloppement au PND tĂ©moigne de cette tendance des femmes Ă abandonner lâartisanat ; selon lui, câest une occupation pour celles qui nâen ont pas dâautre. De plus, le caractĂšre alĂ©atoire de lâactivitĂ© et dĂ©pendant des pluies nâest pas un gage de sĂ©curitĂ© pour les exploitants. Comme dĂ©jĂ mentionnĂ©, le systĂšme dâinondation entraĂźne une certaine incompatibilitĂ© entre les besoins de la pĂȘche, qui requiert dâinonder les bassins plus longtemps, et la croissance du Sporobolus, qui ne germe pas si les champs restent longtemps immergĂ©s.
Graines et farine de nénuphar
Les nĂ©nuphars sont rĂ©coltĂ©s chaque annĂ©e par les coopĂ©ratives fĂ©minines, de fin octobre ou dĂ©but novembre Ă janvier-fĂ©vrier. Ces rĂ©coltes sont assez abondantes, permettant de produire de 350 Ă 600 kg de graines de nĂ©nuphar (sachant quâun kg de la pomme du nĂ©nuphar = 150 g de graines commerçables)[6].
Ă la suite de cette rĂ©colte, les femmes sâoccupent de la transformation de ces graines, qui requiert 12 ou 13 Ă©tapes prĂ©cises pour arriver au produit fini, prĂȘt Ă ĂȘtre commercialisĂ© (graines ou farine de nĂ©nuphar) ! Lâensemble de ces Ă©tapes nĂ©cessitent environ 6 Ă 7 jours de travail plein, mais cela peut sâĂ©taler en rĂ©alitĂ© sur une pĂ©riode de 1 Ă 2 mois (temps de repos nĂ©cessaires entre certaines Ă©tapes, ou pas la capacitĂ© en termes de personnes, de temps et dâeffort physique demandĂ© de le rĂ©aliser en moins de temps). Peu de matĂ©riel est requis pour la production, si ce nâest des tamis, des pilons, des bassines en plastique, des balances. On compte 12 coopĂ©ratives opĂ©rant dans la cueillette et la transformation de nĂ©nuphars, avec en moyenne 22 ou 23 femmes actives par coopĂ©rative[6].
Savons artisanaux Ă base d'espĂšces locales
La production de savons artisanaux a Ă©tĂ© rĂ©cemment introduite au PND (depuis le mois de juillet ou dâaoĂ»t 2021 seulement). DĂ©terminĂ©e, travailleuse et entreprenante, la productrice Khadijettou Moussa Ba a suivi une formation au SĂ©nĂ©gal sur la production de savons, et a eu lâidĂ©e dâen implanter dans son village, Ă Sbeikha Bariel au PND, en crĂ©ant une coopĂ©rative fĂ©minine dĂ©diĂ©e.
Actuellement, la fabrication sâeffectue de la maniĂšre suivante : on fait bouillir 5 L dâeau avec les feuilles de neem (Azadirachta indica), les feuilles de citron, les feuilles de concombre balsamite (Momordica balsamina) et les branches dâeuphorbia (Euphorbia balsamifera), toutes des plantes issues de la zone du village. AprĂšs avoir filtrĂ© lâeau et laisser refroidir jusquâĂ tempĂ©rature ambiante, on ajoute 1 kg de soude. On mĂ©lange vigoureusement et de maniĂšre continue, pour pouvoir ajouter doucement et progressivement les diffĂ©rentes huiles (5 L dâhuile de palme, 1 verre dâhuile dâolive ou de dattier du dĂ©sert (balanites aegyptiaca) et/ou 30 mL dâhuile de baobabâŠ). On continue de mĂ©langer jusquâĂ apparition de la « trace » ; parfois il faut jusquâĂ une journĂ©e pour que la trace apparaisse ! Une fois la « trace » apparue, on peut transfĂ©rer la prĂ©paration dans les moules, puis laisser reposer Ă lâabri de la lumiĂšre jusquâĂ solidification du savon. Au total, une production dâune quarantaine de savons (sans compter lâĂ©tape de solidification) demande une journĂ©e complĂšte (7-8 heures).
Autres filiĂšres d'artisanat et de cueillette
LâactivitĂ© de cueillette gĂ©nĂšre diffĂ©rents produits, qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s soit pour lâalimentation, le pĂąturage du bĂ©tail, la construction, la maison, la mĂ©decine traditionnelle, lâhygiĂšne, ou encore le tannage des peaux, et qui peuvent ensuite ĂȘtre utilisĂ©s comme matiĂšres premiĂšres pour lâartisanat[5].
Alimentation | Graines et farine de nénuphar ((Nymphea Alba et Nymphea Lotus), couscous local trÚs prisé, riche en fibres et avec une faible teneur en sucres |
Pùturage du bétail | Echinochloa colonna, Prosopis |
Tannage des peaux | Gousses dâAcacia nilotica |
MĂ©decine traditionnelle | Acacia tortilis, fruits dâAcacia nilotica (antiseptique), Boscia senegalensis, Cassia italica, Maytenus senegalensis (fiĂšvre, maux dâestomacâŠ) |
CosmĂ©tique, hygiĂšne & bien-ĂȘtre | Savons locaux, Ă base dâespĂšces vĂ©gĂ©tales disponibles au PND |
HygiĂšne dentaire | Commiphora africana, Maerua crassifolia, Salvadora persica (cure-dent) |
Construction | Acacia tortilis (fixation des tentes), Typha domengensis |
Ănergie domestique | Prosopis (charbon de bois) |
Usage traditionnel : au sol dans la khaïma, mais peut constituer un objet de décoration | Nattes en Sporobolus robustus |
Encens / parfum dâintĂ©rieur | Cyperus articulatus (Tare) |
Au total, l'artisanat implique 300 femmes regroupées en 16 coopératives qui pratiquent la cueillette, et génÚre 12 254 000 MRU de revenu annuel, soit 25 530 MRU/an/femme[5].
PĂȘche
- 130 pĂȘcheurs et 30 femmes mareyeuses (pour la transformation)[7]
- 450 tonnes de poisson pĂȘchĂ© en moyenne par an : mulet (Mugilidae), poisson-chat (Ameiurus melas ou Clarias gariepinus)[6]
- 6 tonnes de crevettes pĂȘchĂ©es en moyenne par an pour les deux espĂšces des Penaeidae (crevettes) : Penaeus keraturus et Penaeus notialis[6]
- Poisson sĂ©chĂ©, appelĂ© communĂ©ment Guedj : production & exportation vers les centres urbains (Nouakchott, Rosso, Saint-LouisâŠ)[7]
Ălevage
LâactivitĂ© dâĂ©levage traditionnel prospĂšre au sein du parc : le cheptel total est estimĂ© Ă 58 500 tĂȘtes en 2021, dont 16 000 bovins, 40 000 petits remuants (dont 10 000 moutons et 30 000 chĂšvres) et 2 500 camelins. Ces derniĂšres annĂ©es, le nombre de cheptels a quadruplĂ© pour les petits ruminants, et triplĂ© pour les vaches et dromadaires. Il a aussi Ă©tĂ© constatĂ© une importante arrivĂ©e de dromadaires en raison de la rĂ©gĂ©nĂ©ration du couvert vĂ©gĂ©tal et des ressources fourragĂšres, le tout grĂące Ă une gestion durable de lâeau.
MaraĂźchage
ActivitĂ© non traditionnelle, le maraĂźchage a Ă©tĂ© introduit comme activitĂ© gĂ©nĂ©ratrice de revenus par le PND dans sa zone pĂ©riphĂ©rique, grĂące Ă la gestion durable des eaux qui a permis lâadoucissement de la nappe phrĂ©atique. Depuis peu, les populations locales diversifient les espĂšces cultivĂ©es : si le navet ou lâoignon restent majoritaires dans la production, on voit Ă prĂ©sent des plants de tomates, dâaubergines, de piments, de carottes, de courges, de gombo ou encore de choux.
Unions des MĂ©tiers
Les 45 coopĂ©ratives du PND sont organisĂ©es et reprĂ©sentĂ©es par 4 Unions des MĂ©tiers (UdM), un pour chaque corps de mĂ©tier (PĂȘche - Ălevage - Cueillette et artisanat - MaraĂźchage), formalisĂ©es en 2016 avec l'appui du PND. Les UdM ont pour objectif de promouvoir les activitĂ©s socio-Ă©conomiques, dâencadrer et de valoriser la production dans la zone du parc, dâassurer la formation des usagers des ressources naturelles pour renforcer leurs capacitĂ©s, ou encore de rechercher des financements pour la rĂ©alisation des programmes de dĂ©veloppement durable.
Gouvernance de l'aire protégée
Une gestion basée sur l'hydrologie
En mettant en place en 1994 un systĂšme de digues et de vannes, le PND a crĂ©Ă© un systĂšme dâestuaire artificiel inĂ©dit, composĂ© de 7 bassins qui se vident et se remplissent selon les rythmes saisonniers.
Sous la supervision de lâOMVS et en collaboration avec les populations locales, le ComitĂ© pluridisciplinaire de Suivi Hydrologique (CSH) du parc se rĂ©unit rĂ©guliĂšrement chaque annĂ©e discuter et convenir du nouveau plan de gestion de lâeau (appelĂ© scĂ©nario dâinondation), en tenant compte des enseignements de la campagne dâinondation passĂ©e. Pour avoir une vision prĂ©cise et Ă jour de la situation dans les bassins, les suivis hydrologique et hydrogĂ©ologique hebdomadaires rĂ©alisĂ©s par les Ă©quipes de terrain du parc sont au cĆur du bon fonctionnement hydrologique et Ă©cologique de la zone, puisquâils servent de base aux dĂ©cisions du CSH.
Cette gestion hydrologique a finalement permis de reproduire le fonctionnement de lâestuaire du bas-delta avec une saison humide (juillet-mars) et une saison sĂšche (avril-juin), et ainsi de restaurer et conserver la richesse des Ă©cosystĂšmes et des activitĂ©s humaines qui dĂ©pend de ces variations hydrologiques saisonniĂšres[8].
Plan d'Aménagement et de Gestion (PAG)
Pour organiser et coordonner ses activitĂ©s en phase avec ses missions, le PND est dotĂ© depuis 1997 dâun Plan dâAmĂ©nagement et de Gestion (PAG) quinquennal dĂ©finissant lâensemble des mesures de gestion Ă rĂ©aliser au cours de chaque annĂ©e de lâexercice budgĂ©taire. Le dernier en date dĂ©finit les activitĂ©s et les rĂ©sultats prĂ©vus sur la pĂ©riode 2018-2022, et est composĂ© de 6 programmes divisĂ©s en actions concrĂštes et budgĂ©tisĂ©es pour maintenir le bon Ă©tat de santĂ© de la zone : 1. Gestion hydrologique, 2. Gestion conservatoire, 3. Co-gestion avec les populations locales, 4. DĂ©veloppement territorial responsable, 5. Communication et Ă©ducation environnementale, et 6. Gouvernance partagĂ©e et gestion de lâinstitution.
Pour exĂ©cuter ce PAG, le PND est gĂ©rĂ© par un directeur, Daf Ould Sehla Ould Daf, Ă©paulĂ© par un Conseil dâAdministration (CA) qui se rĂ©unit trois fois par an, un conseil scientifique et un ComitĂ© Pluridisciplinaire de Suivi Hydrologique (CSH).
Partenaires Techniques et Financiers
Le parc est en effet capable de mener Ă bien ses actions rĂ©currentes de protection de la zone, grĂące au financement durable de lâĂtat Mauritanien (subvention annuelle dans le cadre de la Loi des Finances Initiale) et depuis 2015 du BACoMaB Trust Fund (Fonds fiduciaire du Banc dâArguin et de la BiodiversitĂ© CĂŽtiĂšre et Marine). Ă cela vient sâajouter lâappui des Partenaires Techniques et Financiers, comme la CoopĂ©ration Allemande (BMZ, GIZ et KfW), lâUE (Union EuropĂ©enne), la Banque Mondiale et WACA, le GEF (Fonds Mondial pour lâEnvironnement), lâUICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), lâUNESCO (Organisation des Nations unies pour l'Ă©ducation, la science et la culture), lâAFD (Agence Française de DĂ©veloppement), lâOMVS (Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve SĂ©nĂ©gal), le RAMPAO (RĂ©seau RĂ©gional d'Aires Marines ProtĂ©gĂ©es en Afrique de l'Ouest), le PRCM (Programme RĂ©gional de Conservation de la zone cĂŽtiĂšre et Marine en Afrique de l'Ouest), la Convention Ramsar, la MAVA (Fondation pour la Nature), Wetlands International, etc[9].
Réserve de BiosphÚre TransfrontaliÚre du bas-delta du fleuve Sénégal
Depuis le 27 juin 2005, le PND est compris dans la RĂ©serve de BiosphĂšre TransfrontiĂšre du bas-Delta du fleuve SĂ©nĂ©gal (RBTDS), classĂ©e par l'UNESCO, qui constitue une entitĂ© Ă©cologique transfrontiĂšre, avec des sites de part et dâautre du fleuve SĂ©nĂ©gal, avec le PND et la rĂ©serve naturelle du Chat Tboul en Mauritanie, et les parcs nationaux du Djoudj, de la Langue de Barbarie et la rĂ©serve de Gueumbeul au SĂ©nĂ©gal[10].
La RBTDS couvre une superficie totale de 641 768 ha (186 908 ha en Mauritanie, et 454 860 ha au SĂ©nĂ©gal) dont 562 470 ha sont situĂ©s en zone continentale et 79 298 ha en zone maritime. Cette RBT englobe des Ă©cosystĂšmes terrestres et aquatiques abritant une importante diversitĂ© biologique. Il sâagit de la deuxiĂšme RBT de lâAfrique de lâOuest et de lâunique RBT terrestre et maritime au monde.
Sa dimension transfrontiĂšre est rendue nĂ©cessaire par lâexistence de peuplements humains et dâune histoire en partie commune sur les deux rives du fleuve SĂ©nĂ©gal. Enfin, le haut niveau dâartificialisation qui caractĂ©rise le systĂšme du delta Ă la suite des amĂ©nagements du fleuve requiert une rĂ©ponse de gestion coordonnĂ©e, qui doit se baser sur des efforts accrus pour mieux comprendre le fonctionnement et lâhydraulicitĂ© de lâensemble de ce vaste systĂšme de zones humides.
Lâapproche proposĂ©e au travers de la RBTDS doit permettre de fĂ©dĂ©rer les capacitĂ©s et les compĂ©tences nationales et internationales au service dâune vĂ©ritable intĂ©gration de la gestion hydrologique et conservatoire de lâespace du delta, dans le but de prĂ©server Ă la fois sa capacitĂ© dâaccueil biologique, et sa valeur socio-Ă©conomique pour les populations locales.
Références
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- PND, « Les partenaires », (consulté le )
- PND, « Le PND et la RBTDS », sur PND, (consulté le )
Article connexe
Bibliographie
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