Père au foyer
Le père au foyer, ou homme au foyer, est un père qui assume le rôle d'aidant naturel des enfants, et plus généralement de production domestique. Avec l'accroissement du travail des femmes, notamment depuis les années 1970, la place de femme au foyer est contestée, mais cela ne se traduit pas immédiatement par un accroissement de la paternité au foyer. Par ailleurs, les femmes restent dans un premier temps responsables de fait de la charge mentale ménagère au sein du couple.
Le mouvement de paternité au foyer, croissant au cours des années 2010 en particulier, est tout d'abord un fait social originaire des pays du nord, notamment la Suède et le Canada.
Historique
Débuts timides dans les années 1970
L'émancipation des femmes passe notamment, dans l'analyse sociologique des années d'après-guerre, par leur accès au monde du travail rémunéré. Dans les années 1970 notamment, la croissance de l'emploi féminin est forte. Toutefois, la part des travaux ménagers réalisés par les femmes ayant un emploi non domestique reste très forte, ainsi que la charge mentale ménagère qui y est associée[1].
Durant cette période, le nombre de pères au foyer est très faible. Dans de nombreux pays occidentaux, le stéréotype répandu est que le père ait un emploi hors de la maison, indépendamment du fait que la femme en ait également un ou non[2]. Toutefois, dès cette période, un modèle médiatique de père proche de ses enfants est valorisé
Croissance au début du XXIe siècle
Au début du XXIe siècle, l'image de l'homme au foyer reste peu répandue, et souvent perçue de manière négative y compris par les femmes[3]. Les instances publiques de lutte contre le chômage et les collègues perçoivent ce choix comme déraisonnable, voire insensé ; même le temps partiel masculin reste stigmatisé dans un modèle managérial où le présentéisme est la norme[4]. Le corollaire est la perception courante des pères au foyer, vivant des allocations familiales, comme un « parasite »[5].
La Suède fait figure de nation pionnière dans ce domaine, avec un fort développement des latte papas, nommés ainsi du fait de leur présence dans les cafés[1]. Une « inversion des rôles » est perceptible au cours des années 2010, durant lesquelles des chercheurs en sociologie identifient à la fois une croissance des occurrences de pères au foyer et une perception plus positive par les pères eux-mêmes et leur environnement[6].
La paternité au foyer est souvent liée à une hypogamie, dans le cas où l'homme occupe un poste moins bien rémunéré, moins prestigieux ou ne présentant que des possibilités limitées d'évolution[7].
Le développement des pères au foyer est plus prévalent chez les quadragénaires et quinquagénaires, les hommes entre vingt et quarante ans restant assez peu favorables[8].
Prévalence
Évolution statistique
Au Canada, une étude menée en 1976 montre que 1,4 % des familles comptait un père au foyer, proportion qui monte à dix pour cent en 2019. Aux États-Unis, en 1989, ce nombre était de 4 %, proportion qui monte à 7 % en 2018[1]. Les statistiques ne mesurent pas toujours les mêmes faits. Ainsi, suivant d'autres sources, dans 11 % des familles canadiennes, le père est resté au foyer en 2010[9].
En 2013 en France, le congé parental n'est pris que par 4 % des pères[10]. En 2009, une enquête de l'INSEE montrent que seulement 0,2 % des hommes, soit un sur cinq cents, se considère comme « homme au foyer »[11]. Les hommes représentent en 2017 environ 1,2 % des congés parentaux français[12].
Répartition géographique
En 2012, le Pew Research Center estime à deux millions le nombre de pères américains restant au foyer. Parmi ceux-ci, toutefois, une part notable n'a pas choisi cette position ; notamment, 35 % d'entre eux sont à la maison pour raisons de santé, 23 % du fait du chômage ; et 47 % vivent en situation de précarité économique[13]
Une étude menée par l'INSEE en 2014 en Corse montre qu'à cette date, 180 hommes sont « au foyer » pour 9 900 femmes[14].
Perception
La croissance du nombre de pères au foyer est tout d'abord souvent une demande des pères eux-mêmes, qui souhaitent participer à la vie et à la croissance de leurs enfants non plus seulement dans le temps libre que leur laisse leur emploi, mais en continu[4]. Toutefois, ce choix reste, même à la fin des années 2010, souvent mal compris par l'entourage des hommes au foyer, qui envisagent le congé parental comme une période de recherche d'emploi[12].
Avant les années 2010, une proportion importante de mères souhaite être celle des deux conjoints qui prend le congé parental. À partir de cette période, non seulement les femmes sont plus nombreuses à accepter que l'homme s'implique plus dans le foyer, mais la société a tendance à mieux accompagner les pères dans le processus de la parentalité[15].
Il est assez fréquent que l'image des pères au foyer soit bonne dans les quartiers où ils vivent[10]. En Suède, leur image est vue de manière très positive[1].
Notes et références
- Sylvie St-Jacques, « Homme au foyer, homme du futur ? », Le Devoir,‎ (ISSN 0319-0722, lire en ligne).
- « Être père au foyer : un choix de vie », CAF, (consulté le ).
- Sylvie St-Jacques, « Quentin, homme au foyer : “C'est fou comme on se définit par sa profession” », RTBF,‎ (lire en ligne).
- Sylvia Revello, « Père au foyer, le luxueux idéal », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne).
- Madeleine Meteyer, « Courageux ou paresseux? L’image du père au foyer oscille d’un extrême à l’autre », Le Figaro,‎ (ISSN 1638-606X, lire en ligne).
- Myriam Chatot 2016, Introduction, p. 89.
- Myriam Chatot 2016, Des couples hypogames, p. 91.
- Gaëlle Rolin, « Pères au foyer : les stéréotypes ont la vie dure, même chez les “millenials” », Le Soir,‎ (ISSN 1257-595X, lire en ligne).
- « Père au foyer, un choix qui gagne en popularité », Agence Science-Presse, (consulté le ).
- Gaëlle Rolin, « Pères au foyer, enquête sur ces pionniers », Madame Figaro,‎ (ISSN 0246-5205, lire en ligne).
- Myriam Chatot 2016, Qui sont les pères au foyer ? Une minorité invisible, p. 90.
- Gaëlle Guernalec-Levy, « Les pères au foyer : trop peu nombreux », Parents,‎ (ISSN 2555-9486, lire en ligne).
- Lucile Quillet, « En vingt ans, le nombre de pères au foyer a doublé », Madame Figaro,‎ (ISSN 0246-5205, lire en ligne).
- Michel Akiki, « « Être au foyer » : toujours une affaire de femmes », INSEE, (consulté le ).
- Hélène Bonhomme, « “Desperate Houseman” : être père au foyer n'a jamais été aussi tendance ! », Le Point,‎ (ISSN 2271-0744, lire en ligne).
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- [Laura Merla 2007] Laura Merla, « Père au foyer : une expérience « hors normes » », Revue des politiques sociales et familiales, CAF, no 90,‎ , p. 17-27 (ISSN 0246-5205, DOI 10.3406/caf.2007.2322, lire en ligne)
- [Julie A. Nelson 2015] (en) Julie A. Nelson, Husbandry: A (Feminist) Reclamation of Masculine Responsibility for Care, Université du Massachusetts, , 28 p. (lire en ligne)
- [Myriam Chatot 2015] Myriam Chatot, « Affectation des temps et temporalités dans les couples où l’homme est au foyer – une transgression circonscrite », Interventions économiques, no 53,‎ , p. 1-16 (ISSN 1710-7377, DOI 10.4000/interventionseconomiques.2582, lire en ligne)
- [Myriam Chatot 2016] Myriam Chatot, « Homme au foyer : la répartition des tâches domestiques au sein du couple. Vers une inversion des rôles ? », Revue des politiques sociales et familiales, CAF, no 122,‎ , p. 89-99 (ISSN 0246-5205, DOI 10.3406/caf.2016.3165, lire en ligne)
- [Myriam Chatot 2017] Myriam Chatot, « Père au foyer : une nouvelle entrée au répertoire du masculin ? », Enfances Familles Générations, no 26,‎ (ISSN 1708-6310, DOI 10.7202/1041062ar, lire en ligne)
- [Chatot & Medved 2016] Myriam Chatot et Caryn E. Medved, « “Est-ce que c’est vraiment le rôle d’un papa d’être au foyer ?” — Négocier le rôle de parent au foyer quand on est un homme », Négociations, vol. 2016/1, no 25,‎ , p. 155-166 (ISSN 1780-9231, DOI 10.3917/neg.025.0155, lire en ligne, consulté le )