Oscillation d'inertie
Lâoscillation d'inertie est, en milieu tournant et notamment en ocĂ©anographie physique, un mouvement horizontal et circulaire d'une particule soumise Ă la seule force de Coriolis et assujettie Ă glisser sans frottement sur une Ă©quipotentielle de la gravitĂ© (localement, un plan horizontal) avec une vitesse initiale non nulle. Un cycle de cette oscillation dĂ©finit le cercle d'inertie qui est dĂ©crit dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hĂ©misphĂšre nord, dans le sens contraire dans l'hĂ©misphĂšre sud, en un temps Ă©gal Ă la pĂ©riode de Coriolis ou pĂ©riode d'inertie.
Historique et observations
Dans son cĂ©lĂšbre mĂ©moire sur la marĂ©e, Laplace avait dĂ©fini en 1776, dans les Ă©quations fondamentales de celle-ci, les termes qui correspondent Ă ceux que l'on appelle aujourd'hui la force de Coriolis. La technique pour mesurer les courants au large n'existant pas Ă son Ă©poque, Laplace s'est surtout intĂ©ressĂ© aux variations du niveau de la mer Ă la cĂŽte et n'a pas prĂȘtĂ© attention Ă l'effet de cette force sur les courants au large. Cette lacune explique vraisemblablement pourquoi la dĂ©nomination de cette force a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă Coriolis qui la redĂ©couvre en 1835, soit plus d'un demi-siĂšcle plus tard, mais en explicitant le rĂŽle qu'elle joue dans les systĂšmes mĂ©caniques en rotation autour d'un axe.
Si Laplace avait eu la possibilité d'observer les mouvements au large, il aurait constaté que le phénomÚne périodique dominant n'était pas la marée, mais bien l'oscillation d'inertie. Alors qu'en un lieu déterminé, la marée est prédictible avec une phase réglée par les mouvements des astres générateurs, il aurait également constaté que l'apparition de l'oscillation a un caractÚre plus aléatoire. Cependant, l'analyse spectrale des courants lui aurait montré qu'au large, l'énergie cinétique de l'oscillation d'inertie est toujours plus importante que celle de la marée.
Il faudra attendre la mise au point du courantomÚtre, notamment par Vagn Walfrid Ekman, pour découvrir ce mouvement inertiel dans la Baltique au cours des années 1930 par des mesures effectuées à partir de bateaux-phares. Avec le développement des techniques de mesures, ces oscillations d'inertie ont été ensuite mesurées à toutes les immersions dans tous les océans, mers et grands lacs du globe, tout particuliÚrement aux hautes et moyennes latitudes. De l'ordre de quelques dizaines de centimÚtres par seconde dans les couches superficielles de l'océan, leur intensité n'est plus que de quelques cm/s aux grandes immersions.
Bien quâil ait Ă©tĂ© Ă©galement observĂ© dans lâatmosphĂšre, ce type de phĂ©nomĂšne nây est pas aussi frĂ©quent que dans lâocĂ©an.
Ăquation du mouvement
Avant dâĂ©tablir lâĂ©quation du mouvement, rappelons que le paramĂštre de Coriolis, double de la projection du vecteur rotation terrestre sur la verticale du lieu, est symbolisĂ© et dĂ©fini par :
OĂč :
- : vitesse angulaire de la rotation terrestre (une rotation complÚte en un jour sidéral, soit 12,934 470 h du temps solaire moyen),
- : latitude du lieu considĂ©rĂ©e, positive pour lâhĂ©misphĂšre nord et nĂ©gative pour lâhĂ©misphĂšre sud.
La valeur absolue est dite frĂ©quence de Coriolis ou frĂ©quence dâinertie, la pĂ©riode de Coriolis ou pĂ©riode dâinertie correspondante est ainsi :
Soit encore :
- .
Cette pĂ©riode est Ă©gale Ă la moitiĂ© du jour pendulaire, ce dernier Ă©tant la pĂ©riode de rotation du plan dâoscillation du pendule de Foucault autour de la verticale du lieu du lieu considĂ©rĂ©. En prenant comme rĂ©fĂ©rentiel terrestre, le systĂšme dâaxes orthonormĂ©s , dĂ©fini selon les conventions usuelles en ocĂ©anographie pour une Ă©tude locale : orientĂ© vers lâest, vers le nord et vers le zĂ©nith. Dans le plan horizontal de lâoscillation dâinertie, un vecteur peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme lâimage vectorielle du nombre complexe de reprĂ©sentation polaire :
Avec :
- : amplitude du vecteur, dit encore module ou intensité ;
- : argument du vecteur, dit encore (selon le contexte) direction ou phase.
Avec ces conventions, pour une particule de masse unité assujettie à rester dans un plan horizontal :
- sa vitesse initiale non nulle :
OĂč est son intensitĂ©, et sa direction, Ă©tant sa vitesse un instant quelconque ;
- la force de Coriolis correspondante est
- son accélération :
La seule force agissant sur la particule Ă©tant la force de Coriolis, lâĂ©quation du mouvement sâĂ©crit simplement :
- (1).
En supposant constant localement, la solution de cette équation différentielle linéaire donne la vitesse de la particule en fonction du temps :
- (2).
Ceci montre que :
- : l'intensité reste donc constante ;
- : la direction (ou phase) a une vitesse angulaire constante, opposée au paramÚtre de Coriolis.
Ces caractĂ©ristiques de la vitesse font que la particule reste indĂ©finiment sur un cercle, dit cercle dâinertie, en le parcourant Ă la vitesse constante dans le sens des aiguilles dâune montre dans lâhĂ©misphĂšre nord (sens opposĂ©e du sens trigonomĂ©trique), dans le sens contraire dans lâhĂ©misphĂšre sud en un temps Ă©gal Ă la pĂ©riode dâinertie .
La longueur du cercle donne le rayon dâinertie : .
Caractéristiques selon la latitude
Aux hautes et moyennes latitudes, une particule qui serait animĂ©e dâune vitesse de 20 cm/s dĂ©crit un cercle dont le rayon est de lâordre de quelques kilomĂštres. En effet, pour cette vitesse, le rayon dâinertie passe de 1,371 km aux pĂŽles Ă 5,298 km Ă 15° de latitude. Ces distances restent infĂ©rieures au dixiĂšme de degrĂ© de latitude et justifient a posteriori lâhypothĂšse du paramĂštre de Coriolis constant en premiĂšre approximation. Quant Ă la pĂ©riode dâinertie, Ă©gale au demi-jour sidĂ©ral aux pĂŽles, elle est de 46,23 heures Ă 15° de latitude et devient infinie Ă lâĂ©quateur. Les pĂ©riodes des composantes, diurne (24,83h) et semi-diurne (12,42h), de la marĂ©e sont respectivement Ă©gales aux pĂ©riodes dâinertie des latitudes 28°56â et 74°28â N ou S. Lors des premiĂšres mesures de courants de surface, au large en mer du Nord, lors des Ă©tudes environnementales des sites de forage par les compagnies pĂ©troliĂšres, ces oscillations ont Ă©tĂ© confondues dans un premier temps avec lâonde barocline de la marĂ©e semi-diurne.
Cependant, en toute rigueur, la variation du paramĂštre de Coriolis avec la latitude fait que la trajectoire durant un cycle nâest pas exactement un cercle. AprĂšs un cycle, la particule se retrouverait lĂ©gĂšrement Ă lâouest de son point de dĂ©part, aussi bien dans lâhĂ©misphĂšre nord que dans lâhĂ©misphĂšre sud. Ainsi une telle particule dĂ©crirait une sĂ©rie de boucles faisant le tour de la Terre vers lâouest, en restant sur le parallĂšle de la latitude moyenne du premier cycle. Signalons que câest cette variation du paramĂštre de Coriolis avec la latitude qui explique le dĂ©placement vers lâouest des ondes de Rossby. Lâoscillation dâinertie dĂ©crite ici est la forme limite des deux espĂšces dâondes de PoincarĂ© lorsque leurs frĂ©quences atteignent la valeur de la frĂ©quence dâinertie.
Aux basses latitudes, les hypothĂšses faites ci-dessus ne sont plus valables et les trajectoires thĂ©oriques sont plus complexes. Si, Ă lâinstant origine, la particule se trouvait Ă lâĂ©quateur avec une vitesse orientĂ©e vers lâest, sa trajectoire dâinertie serait lâĂ©quateur lui-mĂȘme. Par contre, si la direction initiale du vecteur vitesse avec lâĂ©quateur est diffĂ©rente de zĂ©ro, le mouvement inertiel dĂ©crirait une courbe oscillant de part et dâautre de lâĂ©quateur vers lâest ou lâouest selon la valeur de cette direction. Pour chaque valeur du module du vecteur vitesse, il existe une direction initiale critique pour laquelle la trajectoire dâinertie prend la forme dâun « 8 » en restant centrĂ©e sur le point initial Ă lâĂ©quateur, la particule passant alternativement de lâhĂ©misphĂšre nord (trajectoire dĂ©crite dans le sens des aiguilles dâune montre) Ă lâhĂ©misphĂšre sud (trajectoire dĂ©crite dans le sens contraire).
Bien que ces mouvements dâinertie thĂ©oriques Ă la frĂ©quence de Coriolis nâexistent pas Ă lâĂ©tat pur dans lâocĂ©an, les observations ont confirmĂ©, notamment aux hautes et moyennes latitudes, lâexistence de telles oscillations Ă toutes les immersions dans tous les ocĂ©ans, mers et grands lacs du globe. MalgrĂ© le caractĂšre circulaire de lâoscillation dâinertie, celle-ci nâest pas un tourbillon. Dans une oscillation, il nây a pas de cisaillement horizontal de vitesse ; ce qui nâest pas le cas dans un tourbillon. Les oscillations les plus intenses ont toujours Ă©tĂ© mesurĂ©es dans la couche de mĂ©lange, en prĂ©sence dâune forte thermocline, en particulier dans les zones oĂč la topographie dynamique de la surface ocĂ©anique est peu prononcĂ©e ou inexistante. Dans ces rĂ©gions le courant gĂ©ostrophique de surface est trĂšs faible ou nul, et lâoscillation dâinertie devient le phĂ©nomĂšne dominant. Il a Ă©tĂ© clairement mis en Ă©vidence que les oscillations dâinertie de la couche de mĂ©lange, sont toujours engendrĂ©es par le vent en mĂȘme temps que le courant de dĂ©rive.
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