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Oscillation atlantique multidécennale

L’oscillation atlantique multidĂ©cennale ou OAM (en anglais, atlantic multidecadal oscillation ou AMO) est une variation de la tempĂ©rature de surface de la mer qui s'Ă©tend sur plusieurs dĂ©cennies, de 40 Ă  80 ans[1] - [2], observĂ©e dans le Nord de l'OcĂ©an Atlantique en soustrayant la variation linĂ©aire due au rĂ©chauffement climatique. Ce mode de variabilitĂ© expliquerait jusqu'Ă  40 % de la variance de la tempĂ©rature de surface moyennĂ©e annuellement dans l'ocĂ©an Atlantique Nord[3]. L’indice OAM dĂ©fini comme la moyenne glissante sur 10 ans de la tempĂ©rature de surface dans l’Atlantique Nord (Ă  partir de l’équateur) montre que cette moyenne Ă©tait plus froide durant les pĂ©riodes 1900-1920 et 1970-1990 et plus chaude sur la pĂ©riode 1940-1960[4].

Oscillation entre 1856 et 2013 qui montre un cycle qui s'étend sur plusieurs décennies.

Bien qu’il y ait un consensus gĂ©nĂ©ral sur le rĂŽle de la circulation mĂ©ridionale de retournement de l’Atlantique (AMOC) dans cette variabilitĂ©, les mĂ©canismes proposĂ©s sont variĂ©s. Certaines Ă©tudes attribuent un rĂŽle central aux tropiques[5] - [6] ; d’autres soulignent l’importance de l’ocĂ©an Arctique[7] et enfin d’autres suggĂšrent que seuls les processus liĂ©s Ă  l’ocĂ©an Atlantique Nord sont essentiels[8] - [9].

Ces basses frĂ©quences sont associĂ©es Ă  des changements de prĂ©cipitation sur le Sahel et sur le Nord-Est du BrĂ©sil, Ă  la frĂ©quence et Ă  l’intensitĂ© des ouragans en Atlantique Nord et au climat estival de l'Europe et de l'AmĂ©rique du Nord[10].

DĂ©finition

L'indice de l’OAM est calculĂ© en soustrayant de la tempĂ©rature de surface de la mer la composante due Ă  l'effet de l'augmentation des gaz Ă  effet de serre sur l’atmosphĂšre. Elle ressemble Ă  des oscillations semblables dans les modĂšles numĂ©riques du climat et qui sont associĂ©es Ă  de faibles changements de la circulation thermohaline dans l'ocĂ©an Atlantique Nord. Cependant, les donnĂ©es historiques ne s'Ă©tendent pas sur une pĂ©riode suffisante pour conclure que les deux coĂŻncident.

Le calcul de l’OAM dĂ©pend de l’hypothĂšse que l'effet du rĂ©chauffement climatique est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme Ă©tant linĂ©aire et lisse. Cependant, si celui-ci s'Ă©loigne de cette hypothĂšse et offre des variations plus alĂ©atoires, ces derniĂšres vont fausser les cycles de l'oscillation multidĂ©cennales[11].

Au-delĂ  de cette dĂ©finition universellement admise, les organismes mĂ©tĂ©orologiques utilisent d'autres approches de l'oscillation. Ainsi, la National Oceanic and Atmospheric Administration prĂ©fĂšre parler d'un signal tropical, qui se focalise plus sur la tempĂ©rature de surface de la mer et les schĂ©mas de la pression moyenne, et qui ne comporte aucune rĂ©fĂ©rence Ă  la circulation thermohaline. Ce signal est lui-mĂȘme divisĂ© en une composante multidĂ©cennale, qui n'est autre qu'une vision particuliĂšre de l'OAM, et un signal quasi-dĂ©cennal[12] - [13].

Impacts sur le climat

Graphique de la pression moyenne au niveau de l'anticyclone des Bermudes de 1949 Ă  2009

L'OAM semble reliĂ©e Ă  la variation sur de longues pĂ©riodes de la pluviositĂ© et des tempĂ©ratures de l'air dans l'hĂ©misphĂšre nord, en particulier en Europe et en AmĂ©rique du Nord. Par exemple, la pĂ©riode d'OAM au-dessus de la moyenne de 1925 Ă  1965 semblent correspondre Ă  une frĂ©quence accrue de sĂ©cheresses, comme le Dust Bowl des annĂ©es 1930 et celles des annĂ©es 1950 dans l'ouest du Canada et des États-Unis, mais Ă  des pĂ©riodes plus arrosĂ©es sur la cĂŽte nord-ouest du Pacifique et en Floride[14].

La hausse de la tempĂ©rature de surface de la mer dans l'Atlantique Nord implique Ă©galement une baisse de la pression moyenne dans la mĂȘme rĂ©gion. L'air plus chaud a tendance Ă  se dilater et la pression baisse en consĂ©quence. Cet affaiblissement de l'anticyclone des Bermudes est mis en Ă©vidence par le graphe de droite. Il a plusieurs implications. Le gradient de pression entre l'Ă©quateur et l'anticyclone s'affaisse, donnant des alizĂ©s plus faibles. En retour, l'ocĂ©an se refroidit moins. En effet, les alizĂ©s favorisant la dispersion de l'Ă©nergie par convection atmosphĂ©rique, Ă  l'image de quelqu'un soufflant sur un plat chaud pour le refroidir. Cette oscillation s'entretient donc d'elle-mĂȘme. De plus, des alizĂ©s plus faibles signifient un cisaillement de vent rĂ©duit sous les tropiques et la hausse de la tempĂ©rature de surface des mers amĂšne une mousson plus forte au Sahel[15] - [16].

Les caractéristiques du signal tropical multidécennal défini par la NOAA, qui est lié à l'Oscillation multidécennale atlantique
Graphique de l'intensité relative des ouragans de 1950 à 2006

L'intensitĂ© des tempĂȘtes tropicales et des ouragans dans l'Atlantique Nord semble quant Ă  elle faiblement reliĂ©e avec l'OAM. Durant les pĂ©riodes chaudes de l'oscillation, au moins deux fois plus de tempĂȘtes deviennent des ouragans que durant la phase froide. Le nombre de faibles systĂšmes en pĂ©riodes froides versus forts systĂšmes en pĂ©riodes chaudes est moins Ă©vident mais il existe dĂ©finitivement une augmentation significatives des ouragans majeurs durant les pĂ©riodes chaudes.

Par exemple, la période chaude depuis 1995 voit beaucoup plus d'ouragans de catégorie 3, et plus, par rapport à la période froide des années 1970 et 1980. Cette relation s'explique par la variation des paramÚtres de l'atmosphÚre qui se font tous dans un sens favorable à la cyclogénÚse tropicale avec une Oscillation positive. La pression au niveau de la mer favorise l'activité convective, le renforcement de la mousson du Sahel et la hausse de l'instabilité du courant-jet africain d'Est favorise la formation de précurseurs solidement organisé, et la baisse du cisaillement de vent permet la structuration et le développement des cyclones tropicaux[16].

Paléoclimats

Une Ă©tude publiĂ©e en 2021 a conclu que les oscillations atlantiques multidĂ©cennales qui se sont dĂ©roulĂ©es durant toute la derniĂšre glaciation expliquent l'existence d'une variabilitĂ© intermĂ©diaire (cycles climatiques multidĂ©cennaux de 20 Ă  150 ans) rĂ©cemment documentĂ©e en Europe centrale pour cette mĂȘme pĂ©riode Ă  partir de l'Ă©tude des sĂ©diments qui se sont accumulĂ©s lors des 60 000 derniĂšres annĂ©es au fond de lacs profonds de plus de 20 mĂštres situĂ©s dans l'Eifel volcanique en Allemagne[17]. LĂ , cette variabilitĂ© multidĂ©cennale Ă©tait plus importante lors de chaque pĂ©riode interstadale chaude, et moindre lors de chaque pĂ©riode plus froide (sans doute Ă  la suite de changements de circulation atmosphĂ©rique associĂ©s Ă  l'affaiblissement de la circulation mĂ©ridienne de retournement de l'Atlantique et Ă  l'expansion de la couverture de glace de mer de l'Atlantique Nord durant ces pĂ©riodes plus froides)[17].

Projections

Les projections de l'OAM Ă©tendent la phase chaude commencĂ©e en 1995 jusqu'au moins 2015 et possiblement jusqu'en 2035. Cependant, la comprĂ©hension actuelle du phĂ©nomĂšne ne peut que donner des probabilitĂ©s de sa durĂ©e ce qui est quand mĂȘme utile Ă  des fins de planification[18].

Notes et références

  1. (en) Navin Ramankutty et Michael E. Schlesinger, « An oscillation in the global climate system of period 65–70 years », Nature, vol. 367, no 6465,‎ , p. 723–726 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/367723a0, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. (en) David B. Enfield, Alberto M. Mestas‐Nuñez et Paul J. Trimble, « The Atlantic Multidecadal Oscillation and its relation to rainfall and river flows in the continental U.S. », Geophysical Research Letters, vol. 28, no 10,‎ , p. 2077–2080 (ISSN 1944-8007, DOI 10.1029/2000GL012745, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. (en) Thomas L. Delworth, Rong Zhang et Michael E. Mann, « Decadal to Centennial Variability of the Atlantic from Observations and Models », dans Ocean Circulation: Mechanisms and Impacts—Past and Future Changes of Meridional Overturning, American Geophysical Union (AGU), (ISBN 9781118666241, DOI 10.1029/173gm10, lire en ligne), p. 131–148
  4. (en) David B. Enfield, Alberto M. Mestas‐Nuñez et Paul J. Trimble, « The Atlantic Multidecadal Oscillation and its relation to rainfall and river flows in the continental U.S. », Geophysical Research Letters, vol. 28, no 10,‎ , p. 2077–2080 (ISSN 1944-8007, DOI 10.1029/2000GL012745, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Michael Vellinga et Peili Wu, « Low-Latitude Freshwater Influence on Centennial Variability of the Atlantic Thermohaline Circulation », Journal of Climate, vol. 17, no 23,‎ , p. 4498–4511 (ISSN 0894-8755, DOI 10.1175/3219.1, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) Jeff R. Knight, Robert J. Allan, Chris K. Folland et Michael Vellinga, « A signature of persistent natural thermohaline circulation cycles in observed climate », Geophysical Research Letters, vol. 32, no 20,‎ (ISSN 1944-8007, DOI 10.1029/2005GL024233, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Johann H. Jungclaus, Helmuth Haak, Mojib Latif et Uwe Mikolajewicz, « Arctic–North Atlantic Interactions and Multidecadal Variability of the Meridional Overturning Circulation », Journal of Climate, vol. 18, no 19,‎ , p. 4013–4031 (ISSN 0894-8755, DOI 10.1175/JCLI3462.1, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. T. Delworth, S. Manabe et R. J. Stouffer, « Interdecadal Variations of the Thermohaline Circulation in a Coupled Ocean-Atmosphere Model », Journal of Climate, vol. 6, no 11,‎ , p. 1993–2011 (ISSN 0894-8755, DOI 10.1175/1520-0442(1993)0062.0.CO;2, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Buwen Dong et Rowan T. Sutton, « Mechanism of Interdecadal Thermohaline Circulation Variability in a Coupled Ocean–Atmosphere GCM », Journal of Climate, vol. 18, no 8,‎ , p. 1117–1135 (ISSN 0894-8755, DOI 10.1175/JCLI3328.1, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) Jeff R. Knight, Chris K. Folland et Adam A. Scaife, « Climate impacts of the Atlantic Multidecadal Oscillation », Geophysical Research Letters, vol. 33, no 17,‎ (ISSN 1944-8007, DOI 10.1029/2006GL026242, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. (en) Michael E. Mann et Kerry A. Emanuel, « Atlantic Hurricane Trends Linked to Climate Change », Eos, Transactions American Geophysical Union, vol. 87, no 24,‎ , p. 233 (lire en ligne).
  12. (en) Mihai Dima, Norel Rimbu, Sabina Stefan et Ioana Dima, « Quasi-Decadal Variability in the Atlantic Basin Involving Tropics–Midlatitudes and Ocean–Atmosphere Interactions », Journal of Climate, Boston, MA, American Meteorological Society, vol. 14, no 5,‎ , p. 823-832 (ISSN 1520-0442, rĂ©sumĂ©, lire en ligne [PDF])
  13. « La saison cyclonique 2010 s'annonce particuliĂšrement active sur l’Atlantique nord et la Mer des CaraĂŻbes », MĂ©tĂ©o-France, (consultĂ© le )
  14. (en) Richard A. Kerr, « A North Atlantic Climate Pacemaker for the Centuries », Science, no 288,‎ , p. 1984–1985 (DOI 10.1126/science.288.5473.1984).
  15. (en) William M. Gray, Philip J. Klotzbach, William Thorson3 et Jason Conno, « Summary of 2003 Atlantic Tropical Cyclone activity and verification of author's seasonal and monthly forecasts », UniversitĂ© d'État du Colorado, (consultĂ© le )
  16. (en) S. B. Goldenberg et al., « The recent increase in Atlantic hurricane activity: Causes and implications », Science, no 293,‎ , p. 474–479 (DOI 10.1126/science.1060040)
  17. (en) Frank Sirocko, Alfredo MartĂ­nez-GarcĂ­a, Manfred Mudelsee et Johannes Albert, « Muted multidecadal climate variability in central Europe during cold stadial periods », Nature Geoscience, vol. 14, no 9,‎ , p. 651–658 (ISSN 1752-0894 et 1752-0908, DOI 10.1038/s41561-021-00786-1, lire en ligne, consultĂ© le ).
  18. (en) Atlantic Oceanic and Atmsopheric Laboratory, « Projecting the Risk of Future Climate Regime Shifts », NOAA (consulté le ) Probabilistic projections

Voir aussi

Liens externes

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