Orgueil
L'orgueil (superbia en latin) est une opinion trÚs avantageuse, le plus souvent exagérée, qu'on a de sa valeur personnelle (à ne pas confondre avec l'égocentrisme) mais aux dépens de la considération due à autrui, à la différence de la fierté[n 1] qui n'a nul besoin de se mesurer à l'autre ni de le rabaisser.
C'est un manque ou une absence d'humilitĂ©, selon le philosophe ThĂ©ophraste, le mĂ©pris de tout, sauf de soi-mĂȘme[1].
Dans le christianisme il dĂ©signe un pĂ©chĂ© capital, celui qui donne le sentiment d'ĂȘtre plus important et plus mĂ©ritant que les autres, de ne rien devoir Ă personne, ce qui se traduit par un mĂ©pris pour les autres et le reste de la crĂ©ation et un rejet de la rĂ©vĂ©lation et de la misĂ©ricorde divines. Pour la thĂ©ologie chrĂ©tienne, c'est l'attribution Ă ses propres mĂ©rites de qualitĂ©s ou de comportements qui sont des dons de Dieu (intelligence, vertus, etc.).
Ă l'inverse, l'orgueil peut Ă©galement ĂȘtre perçu par d'autres rĂ©fĂ©rentiels culturels ou civilisationnels comme une vertu ou un idĂ©al. Ă cet Ă©gard, on peut citer le code du bushido, qui sous tend l'organisation du Japon fĂ©odal particuliĂšrement durant l'Ăšre Edo, et qui exalte « L'orgueil qui doit ĂȘtre sorti de son fourreau, comme une bonne lame, pour qu'elle ne rouille pas » (Hagakure, JĆchĆ Yamamoto). Quant Ă La Rochefoucauld, dans ses Maximes et rĂ©flexions (285), il considĂšre que la magnanimitĂ© est le "bons sens de l'orgueil". Enfin, en Europe, la pĂ©riode romantique voit une forme de fascination artistique et littĂ©raire pour l'orgueil et la rĂ©volte qu'il peut entraĂźner, comme le note Albert Camus dans ses analyses (dans L'Homme rĂ©voltĂ© notamment).
DĂ©finition
Différence entre orgueil et vanité
Selon Arthur Schopenhauer, « lâorgueil est la conviction dĂ©jĂ fermement acquise de notre propre haute valeur sous tous les rapports ; la vanitĂ©, au contraire, est le dĂ©sir de faire naĂźtre cette conviction chez les autres et, dâordinaire, avec le secret espoir de pouvoir par la suite nous lâapproprier aussi. Ainsi lâorgueil est la haute estime de soi-mĂȘme, procĂ©dant de lâintĂ©rieur, donc directe ; la vanitĂ©, au contraire, est la tendance Ă lâacquĂ©rir du dehors, donc indirectement. Câest pourquoi la vanitĂ© rend causeur ; lâorgueil, taciturne. Mais le vaniteux devrait savoir que la haute opinion dâautrui, Ă laquelle il aspire, sâobtient beaucoup plus vite et plus sĂ»rement en gardant un silence continu quâen parlant, quand on aurait les plus belles choses du monde Ă dire »[2].
Selon Dominic Moser, lâorgueil est une maniĂšre de se satisfaire de soi-mĂȘme et se mettre dans une position morale plus Ă©levĂ©e que celle que l'on a vraiment par rapport Ă celle que nous avons rĂ©ellement. La vanitĂ© est davantage un besoin de recevoir de la reconnaissance afin d'ĂȘtre rassurĂ© dans la nature intime de notre ĂȘtre ou Ă©go au moyen de flatteries et compliments provenant d'autre personnes. « AprĂšs avoir un certain Ă©tat d'Ă©veil au cours de la vie, il est difficile de se dĂ©barrasser de son propre orgueil et ne pas se glorifier de l'illusion de l'orgueil et le la vanitĂ© que les gens ont Ă notre Ă©gard.»[3]
Dans le christianisme
L'orgueil est considéré comme un péché dans le christianisme.
Dans la premiÚre Béatitude, l'évangéliste Matthieu rapporte les paroles du Christ : « Heureux les pauvres en esprit : le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). Dans son évangile, Matthieu rapporte souvent les paroles de Jésus qui reproche aux Pharisiens leur orgueil et leur suffisance qui les rend sourds à la révélation de Dieu contenue dans la Bonne Nouvelle[4].
Devant la croix du Christ, expression extrĂȘme de son don de soi, il n'y a personne qui puisse s'enorgueillir lui-mĂȘme, de sa propre justice faite par lui pour lui ! Saint Paul, faisant Ă©cho Ă JĂ©rĂ©mie, explicite cette pensĂ©e en Ă©crivant : « Celui qui veut s'enorgueillir, qu'il mette son orgueil dans le Seigneur » (1 Co 1, 31 = Jr 9, 22sq) ; ou bien : « Mais pour moi, que la croix de notre Seigneur JĂ©sus Christ reste mon seul orgueil. Par elle, le monde est Ă jamais crucifiĂ© pour moi, et moi pour le monde » (Ga 6, 14)[5].
Dans le catholicisme, l'orgueil est l'un des sept péchés capitaux[6].
Dans la fiction
- Dans le manga Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa, l'un des sept Homonculus représente l'orgueil. Son nom est Pride, qui signifie « orgueil » ou « fierté » en anglais.
- Dans le manga Judge de Yoshiki Tonogai, Hayato, le jeune homme au masque de lion, représente l'orgueil.
- Dans le manga Umineko no naku koro ni de RyĆ«kishi07, Lucifer, l'une des sĆurs du Purgatoire, reprĂ©sente le pĂ©chĂ© de l'orgueil.
- Dans le manga Trinity Seven de Kenji SaitĆ, les magiciens puisent leurs pouvoirs dans l'Ă©tude des pĂ©chĂ©s capitaux.
- Dans le manga Seven Deadly Sins de Nakaba Suzuki, Escanor est le péché de l'orgueil (péché capital).
- Dans le light novel Re:Zero kara Hajimeru Isekai Seikatsu de Tappei Nagatsuki, Subaru, le personnage principal, est associé à l'orgueil dans le Culte de la SorciÚre.
- Dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry, la rose est dite orgueilleuse.
- Dans le light novel Blood Vampire Aesma's Pride, Aesma est le fils du roi d'Eterna. Enfant, Aesma représente l'orgueil et incarne un "démon" dans la secte des Ophites.
Notes et références
Notes
- L'orgueil est l'envers de la mĂ©daille de la fiertĂ©. L'un n'Ă©tant pas possible sans l'autre, on dit que l'orgueil Ă©merge lorsque les circonstances n'emmĂšnent pas l'individu fier oĂč il veut.
Références
- Les CaractÚres (Théophraste), CaractÚre XIV
- Arthur Schopenhauer (trad. J.-A. CantacuzĂšne), Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Paris, Librairie Germer BailliĂšre et Cie, (lire sur Wikisource), p. 73-74.
- « Dominic Moser », sur dominicmoser.ch (consulté le )
- Heureux les pauvres en esprit : le Royaume des cieux est Ă eux
- Benoßt XVI, audience générale, 8 novembre 2006
- CatĂ©chisme de l'Ăglise catholique, n° 1866