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Opération Savanna

L'opération Savanna ou Savannah[1] fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, la première mission Action en territoire français organisée par la France libre, conjointement avec le Special Operations Executive, avec les moyens de la Royal Air Force (pour les parachutages) et ceux de l'Amirauté (pour la récupération de l'équipe par sous-marin).

Protagonistes

Responsables
Équipe d’exécution

L'équipe est formée de cinq soldats français de la première compagnie d'infanterie de l'air, des FFL.

  • Capitaine Georges BergĂ©, commandant la compagnie, chef d’équipe.
  • Sous-lieutenant Petit-Laurent,
  • Sergent Forman,
  • Sergent JoĂ«l Le Tac,
  • Caporal Renault.

Préparation de la mission

  • : Le 2e bureau dispose des renseignements suivants :
    • Une grande partie des avions qui viennent chaque nuit bombarder Londres dĂ©collent de l’aĂ©rodrome de Meucon, près de Vannes. Il s'agit du Kampfgruppe 100 (qui deviendra en 1941 le Kampfgeschwader 100), spĂ©cialisĂ© dans le marquage des cibles Ă  l'aide de faisceaux lumineux.
    • Les Ă©quipages (pilotes et navigateurs) sont logĂ©s Ă  quelques kilomètres de lĂ .
    • Tous les soirs, Ă  la mĂŞme heure, deux ou trois autocars viennent les chercher Ă  leur cantonnement pour les conduire de Vannes Ă  l’aĂ©rodrome, selon un itinĂ©raire constant qui a Ă©tĂ© identifiĂ©.
  • Le ministère de l'Air britannique demande au SOE d'organiser une embuscade pour interrompre l'activitĂ© de cette unitĂ© de bombardement. Mais la section F n'a encore personne de prĂŞt. Tout en se chargeant de l'opĂ©ration, Colin Gubbins et Barry demandent Ă  disposer de paras français.
  • Le major Barry (du SOE) et le commandant « Passy » (du 2e bureau) mettent au point les conditions de rĂ©alisation d'un coup de main qui attaquerait et dĂ©truirait les cars et la centaine d’aviateurs allemands qu’ils transportent : des explosifs hâtivement camouflĂ©s dans la route arrĂŞteront le convoi, qui sera alors attaquĂ© Ă  la mitraillette et Ă  la grenade. Pour rentrer en Angleterre, l’équipe sera ensuite rĂ©cupĂ©rĂ©e par un bateau de pĂŞche français qui avait rejoint Londres, La Brise.
  • Des volontaires sont recrutĂ©s au sein de la première compagnie de parachutistes des FFL.
  • « Passy » obtient du gĂ©nĂ©ral de Gaulle un accord de principe sur l’opĂ©ration.
  • Les volontaires vont s’entraĂ®ner en Écosse.
  • : « Passy » demande au gĂ©nĂ©ral de Gaulle l’autorisation d’utiliser La Brise[2]. Le GĂ©nĂ©ral entre aussitĂ´t dans une violente colère : « les Anglais veulent donner des ordres au personnel français et utiliser nos bateaux pour des opĂ©rations dont on me prĂ©vient au dernier moment en me mettant le couteau sous la gorge ». « Passy » lui fait remarquer que cela est injuste puisque, un mois plus tĂ´t, il lui a donnĂ© son accord de principe, et que son rĂ´le consiste prĂ©cisĂ©ment Ă  Ă©tudier les problèmes sous leur angle technique afin de pouvoir lui soumettre une solution pour laquelle il n’ait plus qu’à dĂ©cider. Cet accès d’humeur venait, « Passy » l'apprit par la suite, de ce que l'amiral Muselier, ayant appris l'opĂ©ration par les Anglais, Ă©tait venu se plaindre de n’avoir pas Ă©tĂ© consultĂ© pour l'utilisation de La Brise. « Passy » prĂ©cise dans ses MĂ©moires, qu'il avait toujours Ă©tĂ© entendu que les bateaux de pĂŞche pourraient ĂŞtre utilisĂ©s de temps Ă  autre pour des missions secrètes, et que, si l’Amiral avait Ă  donner son accord sur l’utilisation de tel ou tel bateau — accord que les Anglais Ă©taient d’ailleurs venus solliciter —, il n’avait, par contre, rien Ă  connaĂ®tre de la mission qu’on dĂ©sirait confier audit bateau.
  • : Les Anglais, fort dĂ©sireux de monter ce coup de main, font demander au GĂ©nĂ©ral, par l’intermĂ©diaire d’un officier de la mission Spears, son accord pour utiliser La Brise, sans prĂ©venir « Passy » de leur dĂ©marche. Dans l’après-midi, « Passy » est appelĂ© chez de Gaulle. Celui-ci est d’épouvantable humeur et, sans que « Passy » comprenne les raisons qui lui valent cette algarade, puisqu’il n’était pas au courant de l’intervention britannique, le GĂ©nĂ©ral lui crie : « Vous vous laissez toujours rouler par les Anglais de l’Intelligence Service. Un petit bonhomme comme vous n’a pas Ă  prendre la moindre responsabilitĂ©. » « Passy » rĂ©torque qu’« il est strictement impossible de travailler dans des conditions et dans une atmosphère semblables ». « C’est bien, lui rĂ©pond le GĂ©nĂ©ral, Ă  compter d’aujourd’hui, vous ne faites plus partie de mon Ă©tat-major. » Puis, quelques secondes plus tard, il se calme et « Passy » lui explique les difficultĂ©s qu'il rencontre : « Nous n'avons pratiquement aucun moyen, alors que les Anglais disposent de tout. Pour nous dĂ©velopper, il nous faut bien trouver avec les Britanniques un modus vivendi acceptable pour les deux parties. Ce n'est que lorsque nous nous serons rendus indispensables que nous pourrons peu Ă  peu accroĂ®tre notre indĂ©pendance. Nous ne pouvons compter ĂŞtre apprĂ©ciĂ©s avant d’avoir des rĂ©sultats tangibles. L’important est donc d’en obtenir, en grand nombre et le plus vite possible. » Un peu Ă©branlĂ© par l'argumentation, le GĂ©nĂ©ral prescrit toutefois Ă  « Passy » de « tenir la dragĂ©e haute aux Anglais », ajoutant qu’il entend « ĂŞtre seul Ă  donner les ordres relatifs Ă  l’envoi en France des missions ».
  • Pendant ce temps, le SOE, vexĂ© de se voir refuser La Brise pour rĂ©cupĂ©rer du personnel français, a obtenu de l’AmirautĂ© britannique la promesse qu'elle mettra un sous-marin Ă  sa disposition.
  • Un autre dĂ©bat, au sein de la partie britannique, porte sur le fait de parachuter des militaires en civil ou en uniforme pour une telle mission.
  • Toutes les discussions ont fait perdre beaucoup de temps et la pĂ©riode de pleine lune, la seule oĂą il est possible de parachuter le personnel, est manquĂ©e en fĂ©vrier. La mission est reportĂ©e Ă  la lune suivante, celle de mars.
  • Mars : Le 2, le colonel Archdale, dĂ©signĂ© comme agent de liaison entre l'Ă©tat-major britannique et les volontaires parachutistes français, apprend Ă  Georges BergĂ© quelle est sa mission. « Vous allez sauter en parachute avec cinq de vos hommes au-dessus de la France occupĂ©e, lui dit Archdale. Vous serez larguĂ©s en civil dans un champ situĂ© Ă  deux kilomètres de la route Vannes-Meucon. Votre objectif : anĂ©antir un ou deux vĂ©hicules ennemis puis aller au point prĂ©vu pour votre retour, la plage de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, oĂą un sous-marin vous attendra ». BergĂ© Ă©tudie avec attention les cartes que lui a remises Archdale. Mission difficile, Ă  improviser presque totalement, conclut-il. « Colonel, je veux ĂŞtre sĂ»r que je prendrai la direction du commando qui sera parachutĂ© et que je choisirai les hommes qui m'accompagneront. Je n'ai pas sous mes ordres un officier suffisamment mĂ»r pour assumer une telle responsabilitĂ©. » « Je dĂ©plore de devoir risquer de perdre le commandant des Forces Parachutistes de la France libre, BergĂ©, mais je suis habilitĂ© Ă  vous donner mon accord », a rĂ©pondu Archdale. « De Gaulle est-il au courant ? » « Il va l'ĂŞtre incessamment par le gĂ©nĂ©ral Gubbins... » Le 6, BergĂ© est convoquĂ© par de Gaulle Ă  St Stephen's House. « J'approuve le projet, lui dit le gĂ©nĂ©ral. Ă€ un dĂ©tail près. Vous accomplirez votre mission en uniforme… » BergĂ©, Ă©tonnĂ© par cet ordre imprudent, claque les talons, salue et fait demi-tour. « Ă€ vos ordres, mon gĂ©nĂ©ral ». Le soir mĂŞme, il trouve la parade : le commando sautera en combinaison de l'armĂ©e de l'air anglaise, celle du Special Air Service, les SAS. Une fois Ă  terre, ils enterreront combinaison et parachutes et se retrouveront en civil. Le mauvais temps empĂŞche d'agir au dĂ©but du mois. Le 13, le capitaine Appleyard rĂ©unit avant leur dĂ©part BergĂ© et ses quatre compagnons dans une baraque du camp de Ringway. Il donne Ă  chacun une fausse carte d'identitĂ©, des cartes d'alimentation, des clefs, un paquet de Gauloises entamĂ© et de l'argent. Puis il leur transmet les ultimes instructions…

Exécution de la mission

Dans la nuit du 15 au 16 mars[3], l’équipe des cinq soldats français embarque dans un bombardier Whitley, en emportant avec elle deux conteneurs d'armement léger et un « piège routie» spécialement conçu pour sa mission. À minuit, elle est parachutée près d’Elven, aux environs de Vannes, sous couvert d'un raid de bombardement léger sur l'aérodrome. À l'aube, les hommes enterrent leur équipement (parachutes et uniformes). Petit-Laurent est envoyé en reconnaissance. Les informations qu'il recueille ne concordent plus avec les renseignements parvenus à Londres : les militaires allemands logent maintenant pour la plupart sur la base même, ou quittent Vannes, le matin, en voiture individuelle. Bergé décide d'abandonner le coup de main, mais il veut mettre à profit leur présence en France : chacun ira dans la région de France qu'il connaît le mieux et y recueillera le plus grand nombre de renseignements. Tout le monde se retrouvera, dans quinze jours, sur la plage de Saint-Gilles-Croix-de-Vie[4] (Vendée) où un sous-marin attendra pour ramener l'équipe en Angleterre. L'un reste à Vannes, Le Tac part à Saint-Pabu, au nord de Brest. Un autre manque déjà. Bergé et Forman vont à Paris, Nevers et Bordeaux.

  • Avril. Au dĂ©but du mois, BergĂ©, Forman et Le Tac sont au rendez-vous fixĂ©, tandis que Petit-Laurent et Renault manquent. Tous trois passent plusieurs nuits de veille infructueuses dans les dunes, Ă  quelques kilomètres au N/O de la ville. Dans la nuit du 4 au 5, le sous-marin Tigris est lĂ , au large de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. La mer est mauvaise. Les marins mettent Ă  l'eau deux canoĂ«s, qui se retournent immĂ©diatement. Avec le troisième, Geoffrey Appleyard rĂ©ussit Ă  atteindre la plage, charge BergĂ© et Forman et regagne le Tigris. JoĂ«l Le Tac doit rester sur la plage. Les dix jours suivants, le Tigris finit sa patrouille. Mettant Ă  profit ces vacances forcĂ©es, BergĂ© rĂ©dige un rapport complet sur sa mission. De son cĂ´tĂ©, Le Tac revient Ă  deux reprises avec son frère Yves Le Tac près de l'aĂ©rodrome de Meucon dans l'espoir de mener Ă  bien l'opĂ©ration. Mais il finit par renoncer.

Bilan de la mission

  • Les objectifs directs de la mission ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s par nĂ©cessitĂ©.
  • Mais le rapport de BergĂ© fournit de nombreux renseignements que le SOE cherchait en vain depuis des mois, et qui lui permettront de lancer les opĂ©rations sur le continent avec davantage de confiance.
    • Preuves de la popularitĂ© du gĂ©nĂ©ral de Gaulle auprès des Français. Elles conduisent le SOE, tout en maintenant la section F indĂ©pendante, Ă  crĂ©er une section RF qui travaille de manière coordonnĂ©e avec la France libre.
    • Validation de mĂ©thodes : envoi d'agents subversifs parachutĂ©s discrètement en France occupĂ©e ; leur dĂ©placement assez facile ; leur accueil par une proportion raisonnable de Français ; leur rĂ©cupĂ©ration ; etc.
    • Renseignements factuels sur la vie courante en France sous l'occupation : suspension du service de taxis ; facilitĂ© des voyages en train ; règles de couvre-feu ; règlements sur les vĂ©los ; prix des cigarettes ; papiers d'identitĂ© ; cartes de rationnement ; etc.
  • Le SOE a une confiance accrue envers le Service de renseignements (SR) français.

Reconnaissance

À Elven, sur la route de Questembert, une stèle commémore l'opération.

Notes et références

  1. Les sources varient sur l'orthographe : SAVANNA ou SAVANNAH
  2. Une fois l’opération exécutée, il est prévu que l’équipe rejoigne, dans la nuit, une plage sur la côte du sud de la baie du Morbihan, à proximité de Sarzeau et soit embarquée sur un thonier de Concarneau, La Brise, dépendant des FNFL et basé à Penzance-Newlyn. [Source : Les Réseaux action de la France combattante, p. 107]
  3. Les sources varient sur la date : Pour « Passy », Le Tac et Foot : nuit du 15 au 16. Pour Perrier et Decèze : nuit du 14 au 15.
  4. Pour Decèze, c'est Les Sables-d'Olonne.

Voir aussi

Sources

  • Colonel « Passy », Souvenirs. 2e Bureau Londres, Raoul Solar, 1947.
  • Guy Perrier, Le Colonel « Passy » et les services secrets de la France libre, Hachette LittĂ©ratures, 1999.
  • Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la RĂ©sistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis CrĂ©mieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004.
    Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France.
  • Dominique Decèze, La Lune est pleine d'Ă©lĂ©phants verts, J. Lanzmann et Seghers, 1979. Pages 53-58.
  • Franck Renaud, JoĂ«l Le Tac, Le Breton de Montmartre, Éditions Ouest France, 1994.
  • Paul Bonnecarrère, Qui ose vaincra, les parachutistes de la France libre , Fayard, 1971.

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