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Opération Némésis

L’opération Némésis est le nom de l'opération menée entre 1920 et 1922 par la Fédération révolutionnaire arménienne pour exécuter plusieurs responsables du génocide arménien ou des massacres d'Arméniens à Bakou condamnés par les cours martiales turques à la peine de mort mais qui s'étaient enfuis de l'Empire ottoman, ce qui rendait leur mise à mort par la justice turque impossible[1] - [2] - [3] - [4].

Exposition consacrée à l'opération Némésis au musée du génocide arménien à Erevan.

Cette recherche de justice et de vengeance par les victimes d'un génocide a parfois été mise en relation avec la traque des nazis initiée par le Mossad à partir de la fondation de l'État d'Israël[2] - [3] - [5].

L'événement le plus marquant de l'opération est l'assassinat de Talaat Pacha à Berlin, où le principal organisateur du génocide trouve la mort[6].

Origines

Au départ, cette action est organisée par la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA) afin d'exécuter les sentences des Cours martiales ottomanes lorsque celles-ci les ont prononcées par contumace. L'opération doit son nom à Némésis, déesse grecque de la juste colère et de la rétribution divine.

Actions

Après demande expresse de la FRA, Armen Garo, Aaron Sachaklian et Shahan Natalie[7] fondent une cellule secrète destinée à l'assassinat des condamnés à mort[2]. Au total, huit hauts responsables turcs ou azerbaïdjanais (et trois « traîtres » arméniens) sont tombés sous les balles de sept « justiciers »[8].

La vengeance exercée lors de cette opération se situe à deux niveaux ; il s'agit de venger le génocide en exécutant les responsables les plus importants mais il s'agit aussi pour la Fédération révolutionnaire arménienne de se venger des Jeunes-Turcs, avec qui elle avait été alliée et en très bons termes jusqu'au génocide[3]. Pour beaucoup de dirigeants de la FRA, le génocide était perçu comme une trahison des Jeunes-Turcs, dont ils avaient partagé les combats et qu'ils avaient même soutenu lors de la Révolution de 1908[9]. Il s'agit ainsi aussi d'une opération cathartique pour la FRA, qui voulait "expier ses fautes" et l'erreur qu'avait été le soutien aux Jeunes-Turcs contre Abdulhamid II.

Le , assisté de deux complices, Soghomon Tehlirian a ainsi tué Talaat Pacha en pleine rue à Berlin. Ministre de l'Intérieur puis grand vizir de l'Empire ottoman durant le génocide, Talaat Pacha s'y était installé après avoir fui la Turquie au moment de la chute du régime Jeune-Turc. Soghomon Tehlirian est arrêté par la police allemande immédiatement après l'assassinat de Talaat Pacha, mais acquitté par un tribunal berlinois trois mois plus tard[6].

Un autre membre de Némésis, Archavir Chiragian, a assassiné Said Halim Pacha (grand vizir durant le génocide) à Rome le et Djemal Azmi (en) (en poste à Trébizonde durant le génocide, il avait organisé la noyade de dizaines de milliers d'Arméniens dans la mer Noire) à Berlin le ; il blesse également Behaeddine Chakir, qui est tué par un complice de Chiragian, Aram Yerganian, quelques secondes plus tard.

Liste d'assassinats perpétrés dans le cadre de l'opération Némésis

Date et lieu Cible Responsables
Drapeau de la Géorgie RD de Géorgie, Tbilissi
Fatali Khan Khoyski
Premier ministre d'Azerbaïdjan
Aram Yerganian
Misak Kirakosyan
Drapeau de la république de Weimar République de Weimar, Berlin
Talaat Pacha
Ministre de l'Intérieur et Grand vizir

Soghomon Tehlirian
Drapeau de la Turquie Turquie, Constantinople
Behbud Khan Javanshir
Ministre de l'Intérieur d'Azerbaïdjan
Missak Torlakian
Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie, Rome
Saïd Halim Pacha
Grand vizir

Archavir Chiragian
Drapeau de la république de Weimar République de Weimar, Berlin
Behaeddine Chakir
Membre fondateur du Comité Union et Progrès
Aram Yerganian
Drapeau de la république de Weimar République de Weimar, Berlin
Cemal Azmi
Gouverneur du vilayet de Trébizonde

Archavir Chiragian
Drapeau de la République socialiste soviétique de Géorgie RSS de Géorgie, Tbilissi
Djemal Pacha
Gouverneur de Syrie et ministre de la Marine ottomane
Stepan Dzaghigian
Artashes Gevorgyan
Petros Ter Poghosyan

Dans la culture

Bande dessinée librement inspirée de l'opération Némésis.
  • Paolo Cossi, Jean-Blaise Djian, Jan Varoujan, Mission Spéciale - Némésis (BD)[10], éd. Sigest, 2014.
  • Olivier Delorme, Tigrane l'Arménien, H&O, 2018 (roman qui mêle à une intrigue contemporaine le génocide arménien et l'opération Némésis).

Notes et références

  1. Yves Ternon, « Impunité, vengeance et négation. Le génocide arménien devant les tribunaux et les instances internationales », Le Monde Juif, vol. 156, no 1, , p. 32–56 (ISSN 0026-9425, lire en ligne, consulté le )
  2. Eric Bogosian, Operation Nemesis : the Assassination Plot That Avenged the Armenian Genocide, (ISBN 978-0-316-29208-5 et 0-316-29208-7, OCLC 886490509, lire en ligne)
  3. Rolf Hosfeld, Operation Nemesis : Die Türkei, Deutschland und der Völkermord an den Armeniern, Kiepenheuer & Witsch, (ISBN 3-462-03468-5 et 978-3-462-03468-4, OCLC 58422031, lire en ligne)
  4. « Opération Némésis : l’élimination du turc Talaat Pacha » (consulté le )
  5. Yair Auron, The banality of denial : Israel and the Armenian genocide, Transaction Publishers, (ISBN 0-7658-0191-4, 978-0-7658-0191-3 et 0-7658-0834-X, OCLC 50948549, lire en ligne)
  6. (en-US) Anna Green, « A Beautiful Crime: Soghomon Tehlirian and the Birth of the Concept of Genocide », sur EVN Report, (consulté le )
  7. Sarkis J. Eminian, West of Malatia : the boys of '26, AuthorHouse, (ISBN 1-4184-1262-7, 978-1-4184-1262-3 et 1-4184-1263-5, OCLC 80448383, lire en ligne)
  8. C'est ainsi qu'ils s'appelaient. Voir également les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA), qui reprend la terminologie en souvenir de l'opération Némésis pour assassiner les diplomates turcs accusés de diffuser la négation du génocide arménien.
  9. « La vengeance des Arméniens - Le procès Tehlirian (FR - Arte - 2015) » (consulté le )
  10. Ariane Bonzon, « Bande dessinée: ils ont planché sur le génocide arménien », sur Slate,

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Archavir Chiragian, La dette de sang. Un Arménien traque les responsables du génocide (1921), précédé de « Le temps des assassins » par Gérard Chaliand, éd. Ramsay, 1982, rééd. aux éd. Complexe, 1984
  • Jacques Derogy, Opération Némésis, Fayard, 1986. Réédité dans l'anthologie Fragments d'Arménie, éd. Omnibus, 2007 (p. 473-723)
  • Yves Ternon, La cause arménienne, Le Seuil, 1983 (récit de l'opération Némésis p. 113-117)

Liens externes

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