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Nyamata

Nyamata est une ville du Rwanda. Elle s'Ă©tend sur une quinzaine de collines et reprĂ©sente une superficie totale de 398 km2.

Nyamata
Administration
Pays Drapeau du Rwanda Rwanda
Province Est
District Bugesera
DĂ©mographie
Population 34 922 hab. (2012)
GĂ©ographie
CoordonnĂ©es 2° 11′ 45″ sud, 30° 07′ 20″ est
Localisation
GĂ©olocalisation sur la carte : Rwanda
Voir sur la carte administrative du Rwanda
Nyamata

    Population

    Sa population en , Ă  la veille du gĂ©nocide, s'Ă©levait Ă  environ 119 000 habitants : environ 60 000 Hutus et 59 000 Tutsis. La proportion Ă©levĂ©e de Tutsi s'explique par le fait que la rĂ©gion, inhabitĂ©e pendant la première moitiĂ© du siècle, fut une terre oĂą ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s de nombreux Tutsis, au dĂ©but des annĂ©es soixante[1].

    Histoire

    Des tueries visant les Tutsi y furent perpétrées en , et [2] avec comme point d'orgue le génocide en .

    Camp de Nyamata

    En 1959, lors de la rĂ©volution rwandaise, le pays passe du statut de colonie belge Ă  celui de rĂ©publique indĂ©pendante dominĂ©e par les Hutu, ce qui dĂ©clenche une vague de violences contre les Tutsi. Le , de fausses rumeurs sur la mort de Dominique Mbonyumutwa dĂ©clenchent la « Toussaint rwandaise » : dans plusieurs chefferies du centre et du nord-ouest, des groupes armĂ©s s'attaquent aux Tutsi et le pays vit dans une « atmosphère de quasi-guerre civile »[3]. Des Tutsi fuient leurs habitations et laissent leurs biens sur place, « notamment dans le territoire de Ruhengeri au nord et dans la chefferie du Ndiza au centre », puis en dans la rĂ©gion de Byumba[3]. Les terres des Tutsi sont rĂ©cupĂ©rĂ©es par des Hutu[3]. Le colonel Guy Logiest instaure des « zones Ă  prĂ©dominance hutu », selon un modèle inspirĂ© de l'apartheid sud-africain, oĂą les ethnies sont sĂ©parĂ©es : les rĂ©fugiĂ©s tutsi sont empĂŞchĂ©s de rentrer chez eux[3]. Certaines rĂ©gions se vident des habitants tutsi, qui sont « renvoyĂ©s dans une zone de relĂ©gation au Bugesera », dans une rĂ©gion hostile[3]. C'est ainsi que plusieurs milliers de Tutsi se retrouvent dans « un vĂ©ritable camp de concentration » oĂą ils mènent « une existence faite de privations et de discriminations »[3]. Le camp devient un symbole de la rĂ©pression systĂ©matique contre les Tutsi[3]. Au terme de l'annĂ©e , 10 307 dĂ©placĂ©s s'y entassent[4]. Fin 1963, le camp est dĂ©truit, ses habitants assassinĂ©s ou chassĂ©s[3].

    Massacres de 1992

    Au cours des massacres du Bugesera en , de nombreux Tutsi — 3000 selon une estimation d’une coalition d’ONG rwandaises[5] — trouvent refuge dans l'église de la paroisse après le pillage du bétail et l'incendie des habitations. Selon l'analyse faite par l'historienne Hélène Dumas sur la base de récits d'enfants rescapés, le lieu se transforme en une enceinte que les Tutsi voient « encore [comme] inviolable et protectrice » même si ces derniers attribuent leur salut, en dernier recours, à une intervention divine[6].

    GĂ©nocide de 1994

    Environ 50 000 Tutsis ont Ă©tĂ© assassinĂ©s sur la commune de Nyamata, entre le et le , date de l'arrivĂ©e des troupes du FPR, soit plus de cinq Tutsi sur six.

    Un massacre de masse s’est déroulé dans l’église lors du génocide des Tutsi de 1994[7].

    Environ 22 000 Tutsis, rapatriĂ©s du Burundi et d'Ouganda principalement, sont venus s'installer dans la rĂ©gion dès , Environ 24 000 Hutus, au contraire, ne sont pas revenus de leur exode au Congo.

    En , on dĂ©nombre environ 6 000 prisonniers natifs de la commune dans le pĂ©nitencier de Rilima et 13 386 orphelins.

    En , Nyamata compte environ 35 000 habitants[8]

    Mémorial du génocide rwandais à Nyamata

    L’intérieur de l’église catholique avec les piles de vêtements des Tutsi qui y furent massacrés.

    Avec Murambi, Bisesero et Gisozi, Nyamata[9] est l'un des quatre sites mĂ©moriaux du gĂ©nocide[n 1] qui fait l'objet, en , d'une demande de la Commission nationale de lutte contre le gĂ©nocide d'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO[12]. Le mĂ©morial de Nyamata est une ancienne Ă©glise oĂą plus de 45 000 personnes ont trouvĂ© la mort[13].

    Littérature

    Jean Hatzfeld

    Récits du journaliste français Jean Hatzfeld sur le génocide de 1994 et ses suites, à Nyamata :

    • Dans le nu de la vie: rĂ©cits des marais rwandais, Ă©ditions du Seuil, 2000 (ISBN 2020530562)
    • Une saison de machettes, rĂ©cits, Le Seuil, 2003 (ISBN 2020679132)
    • La StratĂ©gie des antilopes, Le Seuil, 2007 – Prix MĂ©dicis
    • Englebert des collines, Gallimard, 2014
    • Un papa de sang, Gallimard, 2015
    • LĂ  oĂą tout se tait, Gallimard, 2021 (ISBN 978-2-0729-2627-3)

    Scholastique Mukasonga

    Le récit autobiographique Inyenzi ou les Cafards de Scholastique Mukasonga évoque l'enfance de l'autrice dans cette ville du Bugesera[14] Sa famille y est déplacée dans les années et en , l'ensemble de ses proches — soit trente-sept personnes — est exterminé à Nyamata[15].

    Sa nouvelle intitulée Ce que murmurent les collines se passe à Nyamata. Dans Un pygmée à l’école, Scholastique Mukasonga raconte l’histoire de Cyprien, un Mutwa victime de racisme, qui est le bouc-émissaire sur les bancs de l'école malgré ses très bonnes notes[16] - [17].

    Personnalités liées à la ville

    • Donatille Mukabalisa, femme politique, y est nĂ©e en [18].
    • Joseph Nsengimana, nĂ© le 11 mai 1950, docteur en lettres de l'universitĂ© de Limoges en France, ancien professeur Ă  l'UniversitĂ© nationale du Rwanda (campus de Ruhengeri), ancien ministre et ancien diplomate.
    • Antoine Kambanda, premier cardinal rwandais, nĂ© le 10 novembre 1958, AchevĂŞque de Kigali

    Notes et références

    Notes

    1. Il existe deux autres sites nationaux : Nyarubuye et Ntarama[10] auxquels il faut enfin ajouter Rebero dont la particularité est d’accueillir les dépouilles de douze hommes politiques rwandais qui furent tués parce qu’ils étaient Tutsi ou s’opposaient à la mise en œuvre du génocide[11].

    Références

    1. Emmanuel Viret, « Chronologie du Rwanda (1867- 1994) », sur Sciences Po Violence de masse et Résistance – Réseau de recherche, (consulté le )
    2. Marie-Laure Colson, « Rwanda, les rescapés en quête de justice », sur Libération, (consulté le )
    3. Florent Piton, « II / Le Rwanda indépendant (1959-1990) », dans Le génocide des Tutsi du Rwanda, Paris, La Découverte, , 275 p. (ISBN 9782707190680), p. 33-66.
    4. Antoine Mugesera, Les Conditions de vie des Tutsi au Rwanda de 1959 à 1990 : Persécutions et massacres antérieurs au génocide de 1990-1994, Kigali / Miélan, Dialogue / Izuba, , 359 p. (ISBN 979-1093440293), p. 69
    5. Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques (ADL), Rapport sur les droits de l’homme au Rwanda : septembre 1991 – septembre 1992, Kigali, , 353 p. (lire en ligne), p. 219
    6. Hélène Dumas, Sans ciel, ni terre : paroles orphelines du génocide des Tutsi (1994-2006), Paris, La Découverte, , 307 p. (ISBN 978-2-348-05789-2), « Enfances en guerre », p. 46-61, spéc. p. 56-58
    7. Brice Dugénie, « Rwanda : à Nyamata, bourreaux et victimes coexistent tant bien que mal », sur RTL.fr, (consulté le )
    8. (en) « Rwanda: Division in Sectors », sur citypopulation.de (consulté le )
    9. « Mémoire et justice - Rwanda année zéro », sur Mémorial de la Shoah (consulté le )
    10. « Sites Memoriaux - Aperçu sur les sites de Nyamata, Murambi, Bisesero, Gisozi, Nyarubuye et Ntarama. », sur cnlg.gov.rw (consulté le )
    11. (en) « Rebero Genocide Memorial Site », sur cnlg.gov.rw (consulté le )
    12. Rémi Korman, « La politique de mémoire du génocide des Tutsi au Rwanda : enjeux et évolutions », Droit et cultures. Revue internationale interdisciplinaire, no 66,‎ , p. 87–101 (ISSN 0247-9788, lire en ligne, consulté le )
    13. « Sites mémoriaux du génocide : Nyamata, Murambi, Bisesero et Gisozi », sur UNESCO, (consulté le )
    14. David Fontaine, « Lettres ou pas lettres – Kafka au Rwanda », Le Canard enchaîné,‎
    15. Jérôme Garcin, « Le témoignage d’une Tutsie – Génocide mode d’emploi », Le Nouvel Obs,‎
    16. Isabelle R., « Les douces collines du Rwanda », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le )
    17. Guy Duplat, « L’impossible deuil d’un génocide », sur La Libre, (consulté le )
    18. (en) Aimable Twagilimana, Historical Dictionary of Rwanda, Lanham, Rowman & Littlefield, , 1ère éd., 358 p. (ISBN 9781442255906), « Mukabalisa Donatille », p. 155
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