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Nombre congruent

En mathématiques, et plus précisément en théorie des nombres, un entier positif n est dit congruent s'il existe un triangle rectangle dont les trois côtés sont des nombres rationnels et dont l'aire est n. Autrement dit n est un nombre congruent si et seulement s'il existe a, b, c ∈ Q tels que a2 + b2 = c2 et n = ab/2. Montrer qu'un entier donné n'est pas congruent est un problème difficile, non encore résolu en 2022 dans le cas général.

Historique

Dans son Livre des carrés, Leonardo Fibonacci définit la notion de nombre congruent, en montrant que 5 est congruent (il résout le problème équivalent de trouver trois carrés rationnels en progression arithmétique de raison 5)[1], mais ces questions avaient déjà été abordées par les Grecs (en particulier chez Diophante), et on en retrouve même la trace dans des problèmes babyloniens[1]. Au milieu du XVIIe siècle, Pierre de Fermat a montré que 1 n'est pas congruent ; c'est à cette occasion qu'il a exposé sa méthode de descente infinie[1]. En 1879, Samuel Roberts, utilisant la méthode de Fermat, obtient divers résultats partiels, par exemple le fait qu'aucun nombre premier de la forme 8k + 3 n'est congruent[1] - [note 1]. En 1983, Tunnell (en) obtient une condition nécessaire simple (en) (satisfaite en particulier par tout nombre congru modulo 8 à 4, 5 ou 6) pour qu'un nombre soit congruent, et montre que cette condition est suffisante si la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer est vraie pour certaines courbes elliptiques[2] ; il est possible de vérifier numériquement cette conjecture dans un grand nombre de cas particuliers, ce qui a permis d'établir la liste[3] des nombres congruents jusqu'à 10 000 ; en 2009, admettant la conjecture, des listes allant jusqu'à 1012 ont pu être établies[4].

Analyse élémentaire

La définition la plus simple d'un nombre congruent est que c'est la raison d'une progression arithmétique entre trois carrés de nombres rationnels, autrement dit que n est congruent s'il existe trois rationnels x, y et z tels que . Si a, b et c sont les trois côtés d'un triangle rectangle, et donc que , on voit que, posant x = a – b, y = c et z = a + b, la condition précédente est satisfaite avec n = 2ab, ce qui montre que le nombre n/4 = ab/2, qui est l'aire du triangle, est congruent[1] ; on en déduit une seconde définition : un entier est congruent si c'est l'aire d'un triangle rectangle à côtés rationnels. Il en résulte qu'aucun nombre congruent n'est un carré parfait (c'est l'une des formulations du théorème de Fermat sur les triangles rectangles).

Utilisant le paramétrage classique du cercle unité et a = cx, b = cy, on en déduit que n est congruent s'il existe x et y rationnels non nuls tels que , ou, de manière équivalente, si l'équation admet une solution rationnelle non nulle[2].

Relations avec les courbes elliptiques

Le résultat précédent montre que n est congruent si et seulement s'il existe des points rationnels (distincts de (0, 0)) sur la courbe d'équation (ou sur la courbe ) ; cette courbe est une courbe elliptique, et ce type de question, déjà abordé dès le XIXe siècle, a fait d'importants progrès à partir des années 1960 grâce aux méthodes de la géométrie algébrique. L'utilisation du groupe de la courbe permet, connaissant un point rationnel, d'en trouver d'autres[5], mais l'existence ou non de points rationnels est beaucoup plus difficile à établir. Une application du théorème de la progression arithmétique permet de montrer qu'un tel point existe si et seulement si la courbe est de rang > 0, ce qui permet d'aboutir au théorème de Tunnell (en) donnant la condition pour que n soit congruent en fonction du nombre de solutions entières d'une équation simple à résoudre, condition démontrée nécessaire, et suffisante si la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer est vraie pour ces courbes elliptiques.

Petits nombres congruents

Triangle rectangle

Les nombres congruents n ≤ 20 sont 5, 6, 7, 13, 14, 15, 20. Les valeurs des côtés a, b et c d'un triangle rectangle correspondant sont :

Pour tout triplet pythagoricien (a, b, c), l'entier n = ab/2 est congruent. Par exemple : donc l'entier est congruent ; de même, l'entier est congruent.

Tout entier quotient (ou produit) d'un nombre congruent par un carré parfait est encore un nombre congruent. Un nombre congruent est dit primitif s'il est sans facteur carré[6]. Par exemple, les entiers et sont congruents primitifs.

Statut des nombres inférieurs à 48
NCP : non congruent sans facteur carré
NCP×k2 : non congruent
CP : congruent primitif
CP×k2 : congruent
n 12345678
NCPNCPNCP1×22CPCPCP2×22
n 910111213141516
1×32NCPNCP3×22CPCPCP1×42
n 1718192021222324
NCP2×32NCP5×22CPCPCP6×22
n 2526272829303132
1×52NCP3×327×22CPCPCP2×42
n 3334353637383940
NCPCPNCP1×62CPCPCP10×22
n 4142434445464748
CPNCPNCP11×225×32CPCP3×42

Notes et références

Notes

  1. Le plus petit nombre congruent congru à 3 modulo 8 est .

Références

  1. Cuculière 1988.
  2. Colmez 2009.
  3. Voir la suite A003273 de l'OEIS.
  4. (en) Congruent number theta coefficients to 10^12, 2009.
  5. (en) Jennifer Ann Johnstone, Congruent Numbers and Elliptic Curves.
  6. Voir la suite A006991 de l'OEIS.

Bibliographie

  • Roger Cuculière, « Mille ans de chasse aux nombres congruents », Séminaire de Philosophie et Mathématiques,‎ (lire en ligne).
  • Pierre Colmez, « Le problème des nombres congruents », Gazette des mathématiciens, 2005 [lire en ligne] (repris et développé dans Éléments d’analyse et d’algèbre (et de théorie des nombres), Éditions de l’École Polytechnique, (lire en ligne), « Le problème des nombres congruents », annexe E).
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