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Nitobe Inazƍ

Nitobe Inazƍ (æ–°æžĄæˆž çšČ造, – ) est un Ă©ducateur, docteur en agronomie et en droit. Il a rĂ©alisĂ© de nombreux Ă©crits, dont le plus cĂ©lĂšbre est Bushidƍ, l'Ăąme du Japon (1899).

Jeunesse

Nitobe est nĂ© en 1862, le troisiĂšme fils d’une Ă©minente famille de samouraĂŻs dans la ville de Morioka dans le nord du Japon. Son pĂšre meurt alors qu’il n’a que six ans et c’est sa mĂšre qui l’élĂšve jusqu’à l’ñge de neuf ans. Il est alors adoptĂ© par son oncle, Ota Tokitoshi, qui vit Ă  Tƍkyƍ. C’est Ă  lui que Nitobe dĂ©dia son livre Bushidƍ, l’ñme du Japon. En phase avec l’esprit d’ouverture Ă  l’Occident, son oncle le persuade de commencer l’anglais Ă  l’ñge de dix ans. À quinze ans, il entre Ă  l’école agricole de Sapporo, oĂč il Ă©tudie aux cĂŽtĂ©s de Kanzƍ Uchimura, futur cĂ©lĂšbre intellectuel chrĂ©tien japonais, et il fait la connaissance de William Smith Clark (1826–1886).

Rencontre avec W. S. Clark

Les Ă©poux Mary Elkinton et Nitobe Inazƍ

Clark est nĂ© dans le Massachusetts, il est diplĂŽmĂ© d’Amherst College et fervent chrĂ©tien. ÉlevĂ© au rang de colonel pendant la guerre de SĂ©cession, il est nommĂ© prĂ©sident de l’universitĂ© du Massachusetts en 1867. En 1876, il fut invitĂ© au Japon pour aider au dĂ©veloppement de Hokkaidƍ, alors territoire frontalier. Il est chargĂ© de la planification des programmes scolaires de l’école agricole de Sapporo. Il s’inspire du modĂšle de l’universitĂ© du Massachusetts. Il reste Ă  l’école pendant neuf mois, enseignant l’agriculture, la botanique, l’anglais et organisant des lectures de la Bible chez lui. C’est un homme Ă  la discipline stricte, Ă©rigeant la morale chrĂ©tienne comme principe de vie, interdisant toute forme de drogue sur le campus. Il convertit de nombreux jeunes Ă©tudiants japonais au christianisme. Sa maxime, « Jeune gens, soyez ambitieux ! » fit Ă©cho dans tout le Japon, stimulant les espoirs et les aspirations de nombreux jeunes hommes au moment oĂč le Japon se lançait dans un ambitieux programme de modernisation. Clark laissa une marque indĂ©lĂ©bile dans l’esprit de Nitobe.

Nitobe poursuit ses Ă©tudes Ă  l’universitĂ© impĂ©riale de Tokyo, Ă  l’universitĂ© Johns-Hopkins et en Allemagne. Il adhĂšre Ă  la SociĂ©tĂ© religieuse des Amis (quakers) Ă  Philadelphie en 1886[1]. En 1890, il obtient son doctorat Ă  l’universitĂ© de Halle (Saxe-Anhalt). L’annĂ©e suivante, il Ă©pouse Mary P. Elkinton, une quaker de Philadelphie qui allait devenir son Ă©ternelle assistante dans la publication de son livre et de ses essais en anglais. Il revient au Japon en 1891 et enseigne Ă  l’universitĂ© impĂ©riale de Hokkaidƍ, puis Ă  l’universitĂ© impĂ©riale de Kyoto et enfin Ă  l’universitĂ© impĂ©riale de Tokyo.

Diplomate

Télégramme du philosophe Henri Bergson, président de la CICI, à Inazo Nitobe, directeur de la section des bureaux internationaux de la SDN (dans laquelle se trouve la CICI)[2].

Quand la Société des Nations fut créée en 1920, Nitobe en devint secrétaire général adjoint et déménagea à GenÚve, en Suisse. Il devint le directeur de la Section des bureaux internationaux, sous l'égide de laquelle fut fondée la Commission internationale de coopération intellectuelle (dont l'institut parisien devint en 1946 l'Unesco sous le mandat des Nations unies).

SynthĂšse entre Orient et Occident

C’était un fervent chrĂ©tien, un Ă©ducateur et un homme qui mit tout en Ɠuvre pour amĂ©liorer la position du Japon dans le monde. Mais par-dessus tout, sa culture samouraĂŻ et ses convictions chrĂ©tiennes le destinaient Ă  incarner le lien entre le Japon et l’Occident.

Bushidƍ, l’ñme du Japon

Son livre, Bushidƍ, l'Ăąme du Japon, illustre ce sentiment de destin impĂ©rieux. Nitobe voyant disparaitre peu Ă  peu les coutumes ancestrales lors de la restauration de l’ùre Meiji dĂ©cida d’écrire le Bushidƍ afin de condenser par Ă©crit les multiples prĂ©ceptes des SamouraĂŻs. Il faut savoir que ce livre exalte le travail sur soi, les sept valeurs fondamentales en des termes positifs c’est pourquoi il n’a pu ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ© que partiellement par l’idĂ©ologie japonaise de l’avant-guerre.

Selon Shin'ichi Saeki et Pierre François Souyri, « il conçoit le bushidĂŽ comme une morale prĂȘte Ă  ĂȘtre utilisĂ©e telle quelle si on l'importe dans la sociĂ©tĂ© d'aujourd'hui. (
) il fait du bushido une morale parfaite. (
) Le bushido y est dĂ©crit comme le code des principes moraux que les samouraĂŻs japonais Ă©taient tenus d'observer. (Si cet ouvrage) peut Ă  la rigueur ĂȘtre considĂ©rĂ© comme typique d'un genre d'essais consacrĂ© Ă  la culture Japonaise, il n'offre aucune connaissance sĂ©rieuse sur l'histoire des guerriers et du bushidĂŽ. (
) Il s'agissait d'un discours bien que diffĂ©rent de celui que les nationalistes tenaient sur le Bushido mais d'une certaine maniĂšre, il les rejoignait car il contribuait Ă  en accroitre le prestige et participe Ă  la mode ambiante de renouveau de la Voie du guerrier »[3].

Il s’agissait aussi de « vendre le Japon » auprĂšs des Ă©lites occidentales en montrant que le Japon Ă©tait un pays civilisĂ©, c’est-Ă -dire imprĂ©gnĂ© de valeurs morales, qui devait ĂȘtre admis dans le concert des grandes puissances.

Le livre marqua profondĂ©ment Theodore Roosevelt, surtout aprĂšs que ce dernier fut tĂ©moin de la bravoure avec laquelle le Japon, une puissance Ă©mergente mineure, vainquit la plus grande puissance terrestre de l’époque lors de la Guerre russo-japonaise de 1904-1905. On raconte que Roosevelt alla jusqu’à en acheter un grand nombre d’exemplaires qu’il distribua Ă  ses amis du CongrĂšs amĂ©ricain. Le livre est une synthĂšse des deux mondes de Nitobe, oĂč sa culture samouraĂŻ et son Ă©ducation confucĂ©enne, l’influence militaire de Clark et son Ă©ducation chrĂ©tienne, se fondent sans difficultĂ© apparente. Il ne voit aucune contradiction entre bushidƍ et chrĂ©tientĂ©.

Un perpétuel décalage culturel

Il est Ă©vident que la rĂ©alisation d’une telle synthĂšse importait personnellement Ă  Nitobe. AprĂšs des annĂ©es d’études aux États-Unis et en Europe, il allait devenir un personnage renommĂ© de dimension internationale. Mais cette implication portait en elle un besoin de clarifier sa propre identitĂ©. Les affaires Ă©trangĂšres Ă©taient dominĂ©es Ă  cette Ă©poque par les EuropĂ©ens et les AmĂ©ricains. La foi chrĂ©tienne de Nitobe ainsi que sa connaissance de la civilisation occidentale ne pouvaient pas constituer pour lui une identitĂ© claire. Bushidƍ ne fut pas, bien sĂ»r, la seule Ɠuvre conçue pour faire connaĂźtre le Japon en Occident, mais ce fut aussi un moyen pour Nitobe de retrouver le cĂŽtĂ© japonais de sa propre identitĂ© et de le prĂ©senter Ă  l’Occident. C’est probablement pour cette raison qu’il semble parfois s’excuser auprĂšs de ses amis chrĂ©tiens : « Si mes allusions aux sujets touchant la religion et les religieux peuvent ĂȘtre mal perçues, j’ai foi que mon attitude envers la ChrĂ©tientĂ© elle-mĂȘme ne sera pas remise en question. »

Mais Nitobe a vĂ©cu trop longtemps. Dans les annĂ©es 1920, quand il fut nommĂ© sous-secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la SociĂ©tĂ© des Nations, les relations entre le Japon et les États-Unis Ă©taient dĂ©jĂ  orageuses. En 1931, le Japon se lança dans un programme d’expansion militaire en Mandchourie. Le bushidƍ fut alors associĂ© au militarisme et au nationalisme. Dans l’esprit des Occidentaux, ce n’était plus le bushidƍ que Nitobe avait incarnĂ©.

L’Ɠuvre

Bushido (1900)

L’Ɠuvre de Nitobe, rĂ©digĂ©e dans un excellent anglais victorien, est un groupement d’essais courts, arrangĂ©s un peu au hasard dans lesquels il compare les vertus du bushido avec leurs Ă©quivalents europĂ©ens. Cela exige une ingĂ©niositĂ© considĂ©rable et n’aurait pu ĂȘtre rĂ©alisĂ© que par quelqu’un qui, Ă  l’instar de Nitobe, maĂźtrisait l’histoire, la religion, la littĂ©rature et la philosophie de l’Europe. Les thĂšmes abordĂ©s dans ces essais sont le systĂšme Ă©thique du samouraĂŻ, le courage, la bienveillance, l’honneur et la maĂźtrise de soi (des vertus qui s’articulent Ă©videmment dans bien d’autres cultures). Les thĂšmes spĂ©cifiques au samouraĂŻ sont toutefois abordĂ©s dans la douziĂšme partie, « The Institutions of Suicide and Redress » et dans la treiziĂšme, « The Sword, the Soul of the Samurai ».

Selon Shin'ichi Saeki et Pierre François Souyri, « aujourd'hui nombreux sont ceux qui idĂ©alisent les guerriers du Moyen Âge leur faisant incarner une morale telle que la dĂ©finit Nitobe InazĂŽ et qui pensent que les samouraĂŻs tel qu'ils apparaissent dans le dit du HeikĂ© devaient ĂȘtre ainsi. Mais ces reprĂ©sentations des guerriers japonais d'autrefois reposent sur une tradition fictive inventĂ©e de toutes piĂšces au XIXe siĂšcle »[3].

Le rapport sur la langue internationale auxiliaire Ă  la SDN (1922)

Nitobe parlait la langue internationale espéranto. Il a notamment participé au congrÚs mondial d'espéranto de 1921 à Prague. En 1922 il présenta, en tant que secrétaire général adjoint de la Société des Nations, le rapport L'espéranto comme langue internationale auxiliaire[4], dans lequel il écrit : « On peut affirmer avec une certitude absolue que l'espéranto est une langue huit à dix fois plus facile que n'importe quelle autre langue étrangÚre »[5].

Par ailleurs il appela l’espĂ©ranto « moteur d’une dĂ©mocratie internationale ». Il Ă©crivit notamment : « Pendant que les personnes cultivĂ©es et riches jouissent des belles lettres et des traitĂ©s scientifiques en langue originale, les pauvres et les humbles utilisent l'espĂ©ranto comme 'lingua franca' pour leurs Ă©changes d'idĂ©es. L'espĂ©ranto devient pour cette raison un moteur de la dĂ©mocratie internationale et d'une relation solide. Il est nĂ©cessaire de prendre en considĂ©ration cet intĂ©rĂȘt des masses dans un esprit rationnel et favorable lorsqu'on Ă©tudie cette question de langue commune ». Cependant, en septembre 1922, la SociĂ©tĂ© des Nations refusa de suivre la recommandation d'un comitĂ© d'utiliser l'espĂ©ranto comme langue de travail additionnelle de l'institution. Treize pays incluant plus de la moitiĂ© de la population mondiale - dont la Chine, l'Inde et le Japon -, Ă©taient en faveur d'une telle solution, mais la France d'alors Ă©tait contre[6].

Notes et références

  1. Nitobe Ă©crira : A Japanese view of Quakerism (2e Ă©d. Londres, 1929). Le quakerisme vu par un japonais, Lausanne, La Concorde, 1927, 20 p., traduit de l’anglais par « M. et Mme Pierre Bovet », extrait de la Revue de thĂ©ologie et de philosophie, no 63, avril-juin 1927 (sous le titre Qu'est-ce que le quakerisme ?), confĂ©rence Ă  l’universitĂ© de GenĂšve en dĂ©cembre 1926 .
  2. Archives de la SDN 1924, Office des Nations Unies Ă  GenĂšve. Photographie issue de cette collection.
  3. Shin'ichi Saeki et Pierre François Souyri, Samourais : du "Dit des HeikĂ©" Ă  l'invention du bushidĂŽ, Paris, Éditions ArkhĂ©, , 103 p. (ISBN 978-2-918682-29-5)
  4. (en) Nitobe Inazo, « Esperanto as an international auxiliary language. Report of the general Secretariat of the League of nations adopted by the third Assembly, 1922 », (consulté le )
  5. Nitobe Inazƍ, « Citations sur l'espĂ©ranto, la langue internationale », sur Christian Bertin (consultĂ© le )
  6. Robert Phillipson (trad. de l'anglais), La domination de l'anglais : un défi pour l'Europe, Paris, Libre et Solidaire, , 359 p. (ISBN 978-2-37263-065-8), p. 255

Voir aussi

Articles connexes

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