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Nazôréen (titre)

Nazôréen ou Nazaréen est un titre d'abord appliqué à Jésus de Nazareth et, plus tard, aux premiers chrétiens. La plupart des chercheurs considèrent que la principale signification est « un homme de Nazareth ».

Le terme « nazôréen » ou « nazaréen » est utilisé pour désigner les chrétiens dans les pays arabophones.

Origine du nom

Toponyme

La désignation de personnes en fonction de leur lieu d'origine était monnaie courante au temps du Nouveau Testament, par exemple : Saul de Tarse (Σαῦλος ὁ Ταρσεύς, Saulos o Tarseus), Lucius de Cyrène (Λούκιος ὁ Κυρηναῖος, Loukios o Kurenaios), Trophime d'Éphèse (Τρόφιμος ὁ Ἐφέσιος, Trofimos o Efesios), etc. Le Nouveau Testament utilise à la fois « Jésus de Nazareth » (Iesus ho Nazaraios) et « Jésus qui vient de Nazareth » (Iesus o apo Nazaret)[1]. Ainsi, dans le Nouveau Testament, le terme « le nazaréen » peut être vu comme un cognomen toponymique[2] - [3] - [4] - [5].

Jeu de mots

Dans l'Évangile selon Matthieu 2:23, la famille de Jésus « vint s'établir dans une ville appelée Nazareth ; pour que s'accomplît l'oracle des prophètes : Il sera appelé Nazôréen » (Bible de Jérusalem). Certains y voient un jeu de mots avec le terme naziréen (hébreu nâzîr, de la racine nâzar « séparer »)[6] - [7] - [8].

Variantes néotestamentaires

Occurrences

La double appellation nazôraios/ nazarènos apparaît à vingt-deux reprises dans le Nouveau Testament[9].

La version du Novum Testamentum Graece montre que le terme de « nazaréen » figure six fois et celui de « nazoréen » treize fois dans l'ensemble du Nouveau Testament, dont sept fois dans les Actes des Apôtres. À la seule exception de Ac 24:5, où les disciples de Jésus sont appelés « nazoréens », le mot est toujours l'attribut de Jésus[9].

Dans les Évangiles selon Matthieu et selon Jean, seul le terme de « nazoréen » est employé. Le mot « nazaréen » se trouve exclusivement dans les Évangiles selon Marc et selon Luc (Mc 1:24 et Lc 4:34 ; Mc 10:47 ; Mc 14:62 et Lc 24:19). Le terme « nazoréen » n’est jamais utilisé dans l'évangile marcien.

La localité où Jésus a grandi est mentionnée deux fois (Mt 4:13 et Lc 4:16) sous le nom de Nazara (Ναζαρά)[10]. À tous les autres endroits, son nom est Nazareth (Ναζαρέθ ou Ναzαρέτ). Il est généralement admis que Natz(a)rā est la forme principale du toponyme hébraïque נַצְרַת (Natzrath) et que ce nom possède plusieurs variantes, dont נָצֶרֶת (Nātzæræth).

Récapitulatif

La Concordance de Strong recense les variantes suivantes dans le Nouveau Testament :

  • Nazareth/Nazara
    • Nazareth (Ναζαρέθ) Mt 21:11, Lc 1:26, Lc 2:4, Lc 2:39, Lc 2:51, Ac 10:38
    • Nazara (Ναζαρά) Mt 4:13, Lc 4:16
    • Nazaret (Ναζαρέτ) Mc 1:9, Mt 2:23, Jn 1:45, Jn 1:46
  • Nazaréen
    • Nazarēne (Ναζαρηνέ) Mc 1:24, Lc 4:34
    • Nazarēnon (Ναζαρηνὸν) Mc 16:6
    • Nazarēnos (Ναζαρηνός) Mc 10:47
    • Nazarēnou (Ναζαρηνοῦ) Mc 14:67, Lc 24:19
  • Nazoréen
    • Nazōraios (Ναζωραῖος) Mt 2:23, Lc 18:37, Jn 19:19 Ac 6:14, Ac 22:8
    • Nazōraiou (Ναζωραίου) Mt 26:71, Ac 3:6, Ac 4:10, Ac 26:9
    • Nazōraiōn (Ναζωραίων) Ac 24:5
    • Nazōraion (Ναζωραῖον) Jn 18:5, Jn 18:7, Ac 2:22.

Terme juif pour désigner les chrétiens

Les Juifs du Ier siècle n'utilisaient pas le terme « chrétiens » pour désigner les disciples de Jésus de Nazareth[6], car ce mot reconnaît explicitement Jésus comme Christ, c'est-à-dire comme « Messie »[11]. En outre, les rabbins ne côtoyaient souvent que des judéo-chrétiens, souvent ébionites ou nazôréens[11]. C’est pourquoi la littérature rabbinique applique indistinctement le nom de « Noẓri » à l'ensemble des chrétiens, « judaïsants » ou non, par allusion à Nazareth, le lieu de naissance de Jésus[11]. Ce mot est resté dans les textes juifs l'appellation des chrétiens[11].

Tertullien, au début du IIIe siècle, indique que « nazaréen » est la plus ancienne dénomination pour les disciples de Jésus parmi les juifs : « Nazareth. Ce nom à partir duquel notre Sauveur a été appelé Nazaréen. Et, comme par dérision, nous avons été dénommés nazaréens par les anciens, nous que l'on appelle aujourd'hui chrétiens »[12] - [13] - [14].

Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, note que le nom n'est plus utilisé à son époque[15], mais des Syriens, Arabes, Perses et Arméniens ont continué à employer ce terme pour désigner tous les chrétiens en général[16]. Selon Épiphane (fin du IVe siècle), le terme a aussi été utilisé par les chrétiens orthodoxes pour distinguer d'autres chrétiens plus étroitement attachés à la loi juive. Mais Épiphane affirmait aussi que « pareillement, tous les Chrétiens furent autrefois appelés Nazaréens. »[17] - [18].

La version originale de la « bénédiction » synagogale des hérétiques, Birkat haMinim est considérée comme ayant inclus une imprécation contre les nazaréens, le nom juif pour les chrétiens[19] - [20]. Le terme est utilisé encore aujourd'hui en Israël – en hébreu et en arabe, mais pas dans la presse anglophone, comme le Jerusalem Post[21]. Les chrétiens de langue hébraïque en Israël utilisent aussi souvent le terme hébreu Meshiykhiyyim (hébreu : משיחיים) : littéralement les « messianiques » – tiré du Nouveau Testament en hébreu[22].

Terme pour les chrétiens en araméen et en arabe

Des variantes du terme « nazaréen » sont les termes génériques désignant les chrétiens en araméen et en arabe[23]. Toutefois, dans l'araméen chrétien, c'est-à-dire en syriaque, le terme « chrétien » est utilisé dans les textes chrétiens. L'exemple suivant est tiré de la Peshitta[24]:

1 Pierre 4:16 : « ܐܢ ܕܝܢ ܚܐܫ ܐܝܟ ܟܪܣܛܝܢܐ ܠܐ ܢܒܗܬ ܐܠܐ ܢܫܒܚ ܠܐܠܗܐ ܒܗ ܒܗܢܐ ܫܡܐ »
Translitération : « ᵓn dyn ḥᵓš ᵓyk krsṭynᵓ lᵓ nbht ᵓlᵓ nšbḥ lᵓlhᵓ bh bhnᵓ šmᵓ »
Traduction : « Mais si quelqu'un souffre comme chrétien, qu'il n'en ait point honte, et que plutôt il glorifie Dieu à cause de ce nom. » (Louis Segond)

Le terme reste d'usage courant dans les pays arabophones[25] et aussi pour les langues influencées par l'arabe comme le persan, le malayalam et le javanais[26] - [27] - [28]. L'exonyme nasrani n'est pas souvent utilisé à l'intérieur de la communauté chrétienne arabophone. L'endonyme masihiya est utilisé officiellement par certaines organisations comme la al-Jam'iya al-Islamiya al-Masihiya (Association islamo-chrétienne de la Palestine, 1918)[29].

En juin 2014, lors de la prise de Mossoul par les jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), les maisons des chrétiens furent marquées du « N » de l'alphabet arabe ن pour « nazaréens »[30].

Groupes homonymes

En dehors des nazôréens, judéo-chrétiens du IVe siècle mentionnés en premier lieu par Épiphane de Salamine vers 378[31] - [32], il existe l'Église du Nazaréen (Church of the Nazarene) en Amérique[33].

Le Mouvement nazaréen, quant à lui, est une école picturale.

Références

  1. Denise Masson, Monothéisme coranique et monothéisme biblique, 1976 : « Jésus vécut à Nazareth, les Évangiles emploient l'expression Jésus de Nazareth ou Jésus le Nazaréen (adjectif tiré de l'araméen naçraya devenu noçri. »
  2. Patrick Faure dans Françoise Mies, Jean Noël Aletti, Bible et sciences des religions : Judaïsme, christianisme, islam, 2005, p. 46 : « Ces différentes sources et d'autres qu'on peut y joindre permettent de penser qu'à l'origine, "nazaréen" ou "nazaréen" a désigné les premiers disciples de Jésus par référence géographique à la ville de Nazareth d'où Jésus est originaire (Pan. 29,5,6). En ce sens, dans le Nouveau Testament, le terme "nazaréen" s'applique toujours, à une exception près, à Jésus, jusque sur l'écriteau de sa croix (Jn 19,9). »
  3. Jean Miler, Les Citations d'accomplissement dans l'Évangile de Matthieu, 1999, p. 75 : « Dans le reste de l'évangile, Jésus n'est pas qualifié comme nazir ou saint, sinon par le fait qu'il est associé à l'Esprit saint par sa conception et son baptême. Il est présenté comme le prophète de Nazareth en Galilée (21,11)… »
  4. Bruce Chilton, The Use of Sacred Books in the Ancient World, Leonard Victor Rutgers, 1998, p. 46 : « There is no doubt but that a geographical reference is involved (see John 1:45-46). But more is going on here. Actually, Yeshua is rarely called "of Nazareth" or "from Nazareth", although he was probably known to come from there. The Septuagint shows us that there were many different transliterations of "Nazirite" that reflects uncertainty as to how to convey the term in Greek. Some of the variants are in fact very close to what we find used to describe. »
  5. Jean-Marie Guillaume, Jésus Christ en son temps, 1997, p. 17 : « Il est appelé en grec nazarênos (nazaréen = de Nazareth), mot exclusivement utilisé en Marc (quatre fois) et en Luc (deux fois), ce qui occasionnera un jeu de mots significatif avec nazôraios (nazaréen), titre plus fréquent. »
  6. André Paul, « Nazaréens, religion », Encyclopædia Universalis.
  7. Alfred Loisy, Les Évangiles synoptiques, 1907, vol. 1, p. 376 : « désigné par un mot qui a le même radical que les noms de Nazareth et de Nazaréen, en sorte qu'une assonance aurait servi de base à l'application prophétique. Si précaire que soit le rapport, il suffirait à expliquer la prophétie. »
  8. Andreas J. Köstenberger, Leonard Scott Kellum, Charles L. Quarles, The Cradle, the Cross, and the Crown : An Introduction to the New Testament, 2009, p. 220 : « The best explanation of this is that Matthew saw a connection between the name Nazarene and the "branch" prophecies of the OT. »
  9. François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, § « La dénomination de « Nazaréen », p. 134.
  10. Origène utilise également le nom de Nazara, en référence aux évangiles selon Matthieu et selon Luc.
  11. Samuel Krauss, « Nazarenes », Jewish Encyclopedia, 1906.
  12. F. Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 135
  13. Françoise Mies, Jean Noël Aletti, Bible et sciences des religions : Judaïsme, christianisme, islam, 2005, p. 46 : « sommes présentement dénommés chrétiens nous avons reçu dans le passé le nom de nazaréens »
  14. Au début du IIIe siècle, on peut lire de même : Tertullien, Contre Marcion, livre IV, 8.1, C. Moreschini éd., R. Braun trad., Paris, Cerf.
  15. Petri Luomanen, Recovering Jewish-Christian Sects and Gospels, 2011, p. 52 : « Furthermore, Eusebius' Onomasticon has the following description : "Nazareth. From this name Christ was called Nazarene and we being now called Christians received in the past the name Nazarenes." »
  16. Petri Luomanen, Companion to Second Century Christian Heretics, p. 283 ; Recovering Jewish-Christian Sects and Gospels, 2011, p. 52 : « and we being now called Christians received in the past the name Nazarenes (Onom. p. 138, 24–25). Eusebius' information that the term Nazarenes was used of Christians in the past is correct only concerning Greek and Latin literature since Syrians, Arabs, Persians and Armenians used the cognates of the term Nazarenes to designate term Nazarenes to designate Christians in general even after Eusebius' time. »
  17. Dan Jaffé, Studies in Rabbinic Judaism and Early Christianity : Text and Context, 2010, p. 23 : « Sur la base de ce nom le Christ fut appelé le Nazaréen et nous qui sommes présentement dénommés Chrétiens avons reçu dans le passé le nom de Nazaréen, tandis que son contemporain Epiphane, né lui aussi en Palestine, ne craint pas d'affirmer péremptoirement : "Pareillement, tous les Chrétiens furent autrefois appelés Nazaréens." »
  18. Edwin K. Broadhead, Jewish Ways of Following Jesus : Redrawing the Religious Map of …, 2010, p. 184 : « Ephiphanius is the first patristic writer to mention the name of the Nazarenes … ».
  19. W. William David Davies, Louis Finkelstein, Steven T. Katz, The Cambridge History of Judaism, vol. 4, 2006, p. 282 : « Other recent scholars who also contend that the original version included the term Notzrim include R. Wilde … »
  20. Philip F. Esler, The Early Christian World, vol. 1, 2002, p. 157 : « The determination to exclude the Nazarenes from the religious community of Israel after 70 ce is probably evident in the benediction against all minim (heretics ; see p. 151) and certainly in the introduction of the éterm notzrim (Nazarenes) into this benediction. »
  21. Robert Ullian, Frommer's Israel, 2010, p. 363 : « Today, the city houses Israel's largest Arab community outside Jerusalem – more than 80,000 – approximately 35% to 40% Christian … Nazareth's very name is used by Arabs and Israelis to designate Christians, just as Jesus was also known as the Nazarene. In Arabic, Christians are called Nasara, and in Hebrew Notzrim. »
  22. Site web de l'église chrétienne Meshiykhiyyim de Jaffa יהודים משיחיים - יהודים או נוצרים?
  23. Antti Marjanen, Petri Luomanen, Companion to Second Century Christian Heretics, 2008, p. 283 « In Syriac, a Christian is natsraya ܢܨܪܬ. »
  24. Bible en syriaque
  25. Jean-Michel Lou, Le Japon d'Amélie Nothomb, 2011, p. 58 « Ce mot unique, sans équivoque, est resté partout ailleurs : c'est le gaijin japonais, le waiguórén chinois, le gringo en Amérique du Sud, le toubab en Afrique occidentale, le nasrani (nazaréen) en zone arabophone. »
  26. S. N. Sadasivan, A Social History Of India, 2000, p. 407 « There are about 24 denominations of Christians in Kerala of whom the Syrian Christians who have their own sects and segmentations claim to be the earliest. They are called Syrian Christians (in Malayalam Nazrani (Nasrani) Mappila) not »
  27. Andrew Wheatcroft, Infidels : The Conflict between Christendom and Islam, 638, 2002-2003, p. 102 « But the next most common term, Nasrani ('follower of the Nazarene', Jesus of Nazareth), was neutral by comparison. Rumi, which technically meant a Byzantine but was haphazardly applied to Spanish Christians, fell somewhere between the … »
  28. International journal of Dravidian linguistics, University of Kerala. Dept. of Linguistics, 1977, vol. 6, p. 88 « Malayalam … The term Nasrani, which was once a respectable one, is now used in a contemptuous sense for referring to or addressing Christians. »
  29. Popular Movements and Democratization in The Islamic World, p. 148 « In 1918, an organization called the "Muslim-Christian Association" (al-Jam'iya al-Islamiya al-Masihiya) was established in Palestine, and it was the flag of "the Crescent and the Cross" that this organization adopted as its symbol. »"
  30. Laurence Desjoyaux, « Le rideau tombe sur Mossoul », lavie.fr, 18 juillet 2014.
  31. Antti Marjanen, Petri Luomanen Companion to Second Century Christian Heretics 2008 Page 293 "One argument presented in favor of this view is that, although the Nazarenes were not mentioned by Epiphanius' predecessors... "
  32. Revue d'histoire ecclésiastique 2006, université catholique de Louvain (1835-1969) -- Volume 101, numéros 3 à 4 - Page 1108 "P. Luomanen traite des nazaréens, qui représenteraient, selon les auteurs classiques, une autre forme de judéo-christianisme que les ébionites. La première mention de ce mouvement se trouve chez Épiphane qui les situe au Ier siècle."
  33. Anne-Marie Lassallette-Carassou, Sorciers, sorcières et néopaïens dans l'Amérique d'aujourd'hui, 2009, p. 30 « unitariens et enfin 598 000 membres de l'Église (méthodiste) de Jésus le Nazaréen (Church of the Nazarene) ».
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