Mohamed El Baroudi
Mohamed El Baroudi est né au Maroc en 1935[1] et décédé le 21 juin 2007 en Belgique[1]. À 28 ans, il est envoyé par son parti l'Union nationale des forces populaires en France pour s'occuper des immigrés marocains[2]. Il se rend ensuite en Algérie, puis en Belgique en 1966[1][1]. Il y devient professeur de langue et culture arabe dans un lycée. Il aide par ailleurs les immigrés marocains à s'intégrer en Belgique, notamment en fondant des associations pour l’apprentissage de la langue. Il s'investit également dans la défense des droits des travailleurs marocains. C'est un militant humaniste, démocrate engagé de gauche, qui prône la laïcité, et une relecture critique des textes fondateurs religieux de l'Islam, mettant en question la Charia et la légitimité de l’État islamique. Il œuvre également pour une démocratisation du Maroc et se préoccupe de l'égalité homme-femme[2].
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Biographie
Famille, enfance et adolescence
Mohamed El Baroudi est né en 1935, dans une petite ville rurale de la région de Casablanca, à Oulad Taleb[1]. Il est issu d’une famille nombreuse de dix enfants[1]. À quatre ans, il quitte sa campagne pour se rendre à Casablanca, dans une école coranique et ensuite dans une école primaire qui avait pour but de former les futurs cadres politiques du Maroc (écoles nationales)[1]. En 1952, il se rend à Damas pour ses études secondaires en mathématiques, même s'il est en réalité un vrai passionné de littérature et de langue arabe[1]. À son retour au Maroc en 1956, il s’investit de plus en plus dans le monde syndical ouvrier et contribue à la création de l’Union Marocaine du Travail et celle de l’Union Nationale des Étudiants du Maroc, qui composeront avec d’autres partis de gauche le Mouvement National[1]. Trois ans plus tard, Mohamed El Baroudi intègre l’Union Nationale des Forces Populaires, un parti qui veut que le Maroc soit un pays libre, indépendant et démocratique[2]. Il mènera toujours un combat politique pour la liberté et l’indépendance du Maroc sur les plans politiques, économiques et culturels[3].
Exil
Une tension s’installe très vite entre le roi Hassan II et le Mouvement National. Hassan II monte au trône en 1961 et mène plutôt une politique autoritaire qui est contraire aux idéologies démocratiques du Mouvement National[1]. En 1963, une rafle est organisée et des milliers de militants de l’Union Nationale des Forces Populaires sont arrêtés[2]. Cet évènement pousse Mohamed à s’exiler, il s’installera d'abord en France, où il sera chargé de s'occuper des ouvriers immigrés dans les grandes entreprises françaises[4]. Il se rendra ensuite en Algérie et finalement en Belgique en 1966 et y restera pour toujours[1] - [5].
Arrivée en Belgique
Une fois arrivé en Belgique, il commence par apprendre la langue et la culture tout en travaillant comme nettoyeur dans des bureaux, là où il fera la connaissance d'un professeur d'université à la demande duquel il va préparer un cours sur un historien arabe[4]. À partir de ce moment, il s'adonne à l'enseignement et commence à travailler en tant que professeur de langue et de culture arabe dans un lycée de la commune de Saint-Josse-Ten-Noode[4]. Il a ensuite l'idée de créer des cours d'alphabétisation. En effet, Mohamed El Baroudi se préoccupait beaucoup de ses compatriotes ouvriers marocains en Belgique qui n'avaient aucune ressource et connaissance de la langue française, il s'engage donc à les accompagner dans toutes les démarches et dans l'apprentissage de la langue française[4]. À partir des années '70, avec la collaboration d'Alain Leduc, Mohamed El Baroudi va créer le Collectif d'alphabétisation et cela va mener à la fondation du mouvement Lire et Écrire[6] - [7]. Parallèlement à cela, avec des organisations syndicales, il s'engage également à défendre les droits des travailleurs immigrés marocains en Belgique et dans leurs pays d'origine[8]. Il est également le fondateur du Regroupement Démocratique Marocain et des Ecoles de l’Avenir dans plusieurs communes de Bruxelles, ainsi que plusieurs autres associations, toujours dans le but d'aide et de soutien à l'intégration des immigrés marocains[9]. Pendant plusieurs années, il a continué à participer activement à la vie citoyenne associative, notamment en participant à des actions, en publiant et traduisant des œuvres et en témoignant sur la mémoire militante[1]. Il est décédé en Belgique le 21 juin 2007.
Vie privée
Mohamed El Baroudi était marié à Fatima Touzani et avait trois enfants, Zakaria, Radouane et Ziad[10].
Engagements
Enseignement
Mohamed El Baroudi deviendra enseignant de langue et de culture arabe au Lycée de Saint-Josse. Il ressent le besoin d'aider les immigrés marocains analphabètes et qui ne connaissent encore rien à la Belgique, cibles des personnes qui cherchent à vendre des renseignements[4]. Il va décider d'entrer à la Fédération générale du travail de Belgique (FTBG) - engagée de gauche - pour accueillir les immigrés et leur donner ainsi des adresses pour qu'ils puissent trouver des personnes disponibles pour leur lire ou leur écrire une lettre. Mohamed El Baroudi a donc participé activement à l'alphabétisation, notamment dans l'école des devoirs située à Saint-Gilles qui prendra la dénomination de "Collectif Alpha" dans les années '80[11].
Mohamed El Baroudi fonde les «Ecoles de l’Avenir», en collaboration avec des étudiants de l'UNEM, qui a pour objectif d'impliquer un maximum les parents dans le parcours scolaire de leurs enfants[12]. Parallèlement à cela, il rédigera un rapport qu'il a nommé "Contribution à l'interculturel" au Ministre de l'Éducation[12].
Regroupement DĂ©mocratique Marocain (1974-1992)
Mohamed El Baroudi est le fondateur du Regroupement Démocratique Marocain, association démocratique et laïque, qui voit le jour dès le 31 octobre 1974[1]. Les réunions se déroulaient dans la commune de Saint-Josse-Ten-Noode[1]. L'objectif du RDM était, jusqu'en 1992, de travailler à l'alphabétisation des ouvriers marocains et de créer une conscience politique sur la situation au Maroc en passant, entre autres, par la dénonciation du régime marocain et la lutte contre la présence des amicales marocaines dans l’espace politique belge[1] - [11]. Mohamed El Baroudi s'est engagé dans la défense des droits des étrangers[11].
Islam et laïcité
Pour Mohamed El Baroudi, aborder l'Islam en se référant aux textes fondateurs n'était pas suffisant pour parler de cette religion aujourd'hui. Il préconisait la relecture de ces textes à la lumière de l’histoire, « relecture qui permettait notamment de mettre en évidence de quelle manière la question du pouvoir, de sa nature et de sa définition, avait traversé le monde musulman, depuis la mort du Prophète jusqu’à aujourd’hui »[13].
Il défendait l’idée selon laquelle trois conditions devraient être réunies afin de créer un changement dans la manière dont l'Islam serait abordée de nos jours : l'idée, les acteurs et les rapports de forces[14]. De plus, Mohamed El Baroudi n'a cessé de rappeler, qu'au XXe siècle, le mouvement de libération de la femme dans le monde musulman et des intellectuels formés aux quatre coins du globe avaient relu de manière critique les textes fondateurs, remettant dès lors en question la Charia et la légitimité de l’État islamique[15].
Section bruxelloise du Comité contre la Répression au Maroc (1977-1994)
Le CLCRM ou CCRM de Belgique s’inscrivait dans une triple histoire, à savoir celle du Maroc, celle de la Belgique et celle des Mouvements de Solidarité Internationaux car CCRM est « un mouvement citoyen né d’un mariage des mondes politiques, syndicaux et associatifs belges et marocains »[16].
Mohamed El Baroudi a pris connaissance du paysage syndical belge au fil de ses expériences. Attentif aux idées des autres syndicats, des autres mouvements de libération et des autres mouvements politiques, il va mettre en place une méthode de travail qui influencera le Comité contre la Répression au Maroc (CCRM) de Bruxelles qui consistera à conscientiser à la partie belge du Comité, l'actualité du Maroc sous quatre grands aspects politiques, économiques, sociales et culturelles[1].
Comité de soutien au Plan d'Action
Mohamed El Baroudi fait partie du "Comité de soutien au Plan d'Action" est un comité crée en Belgique par un groupe de personnes afin d'apporter son soutien aux milieux progressistes associatifs et politiques au Maroc[17]. Il s’y investit énormément car, selon lui, il faut mettre en place des choses concrètes pour que tous les citoyens marocains, hommes ou femmes, aient accès à une réelle démocratie[18].
Il souligne l'importance de travailler avec les femmes qui ont subi des atrocités pendant le règne de Hassan II au Maroc, du suivi psychologique[19]. Mohamed El Baroudi a toujours été conscient de l'injustice faite aux femmes et souhaitait les voir "le livre commun de l’Histoire"[19]. Il était dès lors préoccupé par tout ce qui pouvait contribuer à la pleine égalité entre l'homme et la femme[19].
Publications
- EL Baroudi M., Rapport à l’interculturel, Rapport adressé au Ministre de l’enfance de la Communauté Française, 2002
- Interview pour DADDY A., La cohésion sociale: un projet interactif, volontariste et fédérateur, in Reflets magazine n°12, 2005
- EL Baroudi M., L’Immigration marocaine en Belgique, Collection les cahiers du Fil Rouge, n°1, Editions du Collectif Formation, Société, 2005-2006
- EL Baroudi M., retranscription de la conférence du 19 novembre 2004 «Laicité et convergences» dans le cadre du Festival des Libertés- Bruxelles Laique asbl.
- EL Baroudi M., retranscription de la conférence du 29 septembre 2004 de Mohamed El Baroudi «Un Islam à vocation libératrice- présentation du livre de Mahmoud Taha», organisée par Bruxelles-Laique.
Distinctions
- Un numéro des Cahiers du Fil Rouge a été publié en hommage à Mohamed El Baroudi à la suite de son décès en 2007[20], accompagné d'un DVD, "Mohamed El Baroudi, Parole de militant"[21].
- Un hommage lui est rendu lors de l'exposition "Mohamed El Baroudi : hommage Ă un humaniste de combat ", Ă l'Espace Magh[22].
- Mohamed El Baroudi donne son nom à une bibliothèque dans la commune de Bruxelles[23].
Références
- El Baroudi 2017.
- El Baroudi 2007.
- El Baroudi 2007, p. 15.
- El Baroudi 2007, p. 40.
- El Baroudi 2007, p. 14.
- El Baroudi 2007, p. 10.
- « Lire et écrire r: Notre Histoire » (consulté le )
- El Baroudi 2007, p. 11.
- El Baroudi 2007, p. 16.
- El Baroudi 2007, p. 72.
- El Baroudi 2007, p. 58.
- El Baroudi 2007, p. 12.
- El Baroudi 2007, p. 62.
- El Baroudi 2007, p. 63.
- El Baroudi 2007, p. 64.
- El Baroudi 2017, p. 45.
- El Baroudi 2007, p. 66.
- El Baroudi 2007, p. 68-69.
- El Baroudi 2007, p. 69.
- cf. Les Cahiers du Fil Rouge, Mohamed El Baroudi, un « Fil Rouge » de 40 ans d’immigration marocaine à Bruxelles, Bruxelles, Lire et écrire, 2007
- cf.« Mohamed El Baroudi, Parole de militant », produit par Banlieues asbl en collaboration avec la RTBF, Bruxelles, 2007
- cf. Le site internet de l'exposition, (consulté le 8 décembre 2020)
- cf. Le site internet de la bibliothèque, (consulté le 8 décembre 2020)
Voir aussi
Bibliographie
- Mohamed El Baroudi, « un « Fil Rouge » de 40 ans d’immigration marocaine à Bruxelles », Les Cahiers du Fil Rouge, nos 7-8,‎ .
- « L’immigration marocaine 50 ans d’histoire associative à Bruxelles », Les Cahiers du Fil Rouge, no 20,‎ .
- Ziad El Baroudi et al., Biographie de Mohamed El Baroudi (1935-2007) présentée dans le cadre de l'Hommage rendu pour les 10 ans de sa disparition, Bruxelles, Espace Magh, .
- EL BAROUDI Ziad, Histoire du Comité de Lutte contre la Répression au Maroc : Analyse d’une association centrée en Belgique : 1972-1995, mémoire, sous la direction de Morelli Anne, Bruxelles, ULB, 2014-2015
Sources audio
- BERNARD M., ISAAC G., LEDUC A. (producteurs et réalisateurs), Mohamed El Baroudi, Parole de militant, réalisé par l’asbl banlieues en partenariat avec Lire et Ecrire et en collaboration avec la RTBF, 2008
- Focale79, Si Mohamed El Baroudi,https://www.youtube.com/watch?v=a7j4WKECTGo
- Mehmet Koksal, Les 2 Maroc de Mohamed Baroudi, https://www.dailymotion.com/video/x2cmnd