Modeste Testas
Al Pouessi, baptisée Marthe Adélaïde Modeste Testas et connue sous le nom de Modeste Testas (1765-1870) est une Africaine née vers 1765, soumise en esclavage, achetée par des négociants bordelais, déportée dans une plantation de Saint-Domingue, puis affranchie à la mort de son propriétaire à Philadelphie en 1795. Elle meurt en 1870 à l'âge supposé de 105 ans sur les terres d'Haïti que son ancien maître lui a léguées. Parmi sa large descendance figure un ancien président d’Haïti.
Naissance | Afrique orientale (Éthiopie) |
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Décès | |
Nom de naissance |
Al Pouessi |
Activité |
Esclave, puis affranchie |
Mère |
Thetchémoni (ou Thetcemogni ou Tetshemouni) |
Conjoint |
François Testas Joseph Lespérance |
Parentèle |
François Denys Légitime, petit-fils |
Statut |
Esclave (jusqu'en ) |
Biographie
La jeune Al Pouessi, originaire d’Afrique orientale, est capturée lors d'une razzia à l'âge de 14 ans[1] à la suite d'un différend avec une autre tribu. Dans le cadre de la traite intra-africaine, elle est conduite en Afrique occidentale d'où elle est déportée[2]. Elle est achetée entre 1778 et 1781 par Pierre et François Testas, négociants bordelais, propriétaires d'une habitation sucrière à Jérémie sur l’île de Saint-Domingue[Note 1].
Il semble, selon la tradition familiale, qu'elle aurait peut-être séjourné à Bordeaux à une date indéterminée[2].
François Testas dirige la propriété tandis que son frère[Note 2] en distribue les produits en métropole, fait baptiser l'adolescente en 1781, lui donnant les prénoms de Marthe Adelaïde Modeste et le nom, Testas, de l'habitation à laquelle elle est attachée, nom qu'elle conservera sa vie durant. Concubine[2] ou esclave sexuelle[3], elle a deux enfants avec son maître[1].
En 1795, du fait de l'occupation anglaise de Grand’Anse, François Testas quitte l'ile, emmenant avec lui à New York ses esclaves, parmi lesquels Modeste Testas et Joseph Lespérance, son homme de confiance.
Après avoir séjourné à Baltimore, François Testas meurt de maladie à Philadelphie, non sans avoir auparavant affranchi ses esclaves par testament.
C'est ainsi que le , Modeste Testas devient libre, revient en Haïti où elle reçoit 51 carreaux de terre[Note 3] en héritage de François Testas qui a souhaité dans son testament qu’elle prenne pour conjoint Joseph Lespérance. De cette nouvelle union naissent sept[1] ou neuf[2] enfants.
Modeste Testas décède en 1870 à l’âge présumé de 105 ans sur les terres reçues en héritage, dans l'habitation Testas, située à une demi-lieue de Jérémie.
Un de ses petits-fils, François Denys Légitime, fils de Tinette Lespérance[4], est président de la République d’Haïti de 1888 à 1889.
Hommages
La mairie de Bordeaux, reprenant en les conclusions d'une commission réunie à son initiative pour un travail mémoriel sur l'esclavage[2], décide de faire réaliser une statue de Modeste Testas par le sculpteur haïtien Woodly Caymitte Filipo[5] - [6]. Elle retient comme un symbole fort la figure de cette femme, esclave, déportée à Saint-Domingue puis affranchie, au parcours complexe et attachant, à l'exceptionnelle longévité à cheval sur deux siècles, faisant le lien entre Bordeaux, l’esclavage et Haïti.
La statue en bronze de 1,70 m, réalisée à la Fonderie des Cyclopes[7], disposée au bord de la Garonne, quai Louis XVIII à Bordeaux, a été inaugurée le [8]. Une plaque explicative au sol évoque l'histoire de Modeste Testas[Note 4].
En 2021, la municipalité donne le nom de Modeste Testas à un nouveau groupe scolaire du quartier bordelais des Bassins à flot[9].
Notes et références
Notes
- Les frères Testas sont cités dans le livre de Médéric Louis Élie Moreau de Saint-Méry, La partie Française de l’Isle de Saint-Domingue, Tome 3. p. 1552 : « Testas (Pierre et François) Hab. propr. à Jérémie (sucrerie et maisons) v.1789 »
- domicilié rue Huguerie à Bordeaux (in La Mémoire de l'esclavage et de la traite négrière à Bordeaux, 2018, p. 61)
- Près de 66 hectares puisqu'en Haïti, un carreau de terre vaut 1,293 ha.
- La plaque explicative parle de plantation, alors que le terme employé aux Antilles et en Guyane est plutôt celui d'habitation. Au XIIe siècle, mentionné par la plaque explicative, la construction navale est inexistante à Bordeaux. Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle que le commerce triangulaire se développe en Angleterre et en France.
Références
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) « La France va honorer la grand-mère d'un ancien président haïtien », sur www.loophaiti.com (consulté le )
- Yohann Lopez, Myriam Cottias, Marik Fetouh, François Hubert, Carole Lemée et René Otayek (Présentation de Marthe Adélaïde Modeste Testas : Marthe Adélaïde Modeste Testas née Al Pouessi (Afrique orientale 1765 – St Domingue 1870), esclave africaine déportée à Saint-Domingue achetée par des bordelais, à partir des données transmises par Lorraine Steed, descendante de Modeste Testas résidant en Haïti (née six générations après sa mort)), La mémoire de l’esclavage et de la traite négrière à Bordeaux : visibilité, pédagogie, cohésion : Rapport final, Bordeaux, (lire en ligne), p. 60-63, annexe 10.
- « Journée de commémoration de la traite négrière : la statue d'une ancienne esclave installée à Bordeaux, interview de Carole Lemee, anthropologue à l'université de Bordeaux », sur France Bleu, (consulté le )
- « Haiti-Reference : Notables et personnalités d'Haïti », sur www.haiti-reference.com (consulté le )
- « Bordeaux : et l’esclave Modeste Testas sortit de l’oubli », sur SudOuest.fr (consulté le )
- (en) Flipsnack, « WOODLY CAYMITTE, Sculpteur & Artiste Peintre », sur Flipsnack (consulté le )
- « La Fonderie des Cyclopes, la success story d'artisans à l'ancienne », sur www.20minutes.fr (consulté le )
- « Commémoration de l'abolition de l'esclavage : une statue de Modeste Testas érigée sur les quais de Bordeaux » (consulté le )
- Jordan Dutrueux, « A Bordeaux, trois nouvelles écoles et une cour buissonnière pour la rentrée scolaire », sur Rue89Bordeaux, (consulté le )
Articles connexes
Liens externes
- France Culture : Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties, « Un port négrier (I) », sur www.franceculture.fr,
- France Culture : Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties, « Une affranchie pour mémoire (II) », sur www.franceculture.fr,