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Mobilité sociale

La mobilité sociale concerne les changements de statut social des individus ou des groupes sociaux au cours du temps, ainsi que les différences entre le statut social des parents et celui de leurs enfants.

En sociologie, c'est un concept pour l'analyse de la structure sociale. La mobilitĂ© sociale est souvent entendue comme synonyme d'ascension sociale ou de la possibilitĂ© d'ascension sociale, par opposition Ă  la reproduction sociale, et rĂ©pondant aux questions d'inĂ©galitĂ©s, de redistribution des revenus et du patrimoine. Elle comprend nĂ©anmoins aussi le dĂ©classement qui s'oppose Ă  proprement parler Ă  l'ascension sociale. En politique, le concept de mobilitĂ© sociale est un des fondements du clivage entre droite et gauche et des diffĂ©rentes formes d'individualisme ; il est Ă  la base du rĂȘve amĂ©ricain. Il sous-tend les expressions telles que l'« exclusion sociale », la « fracture sociale », l’« ascenseur social », la « sociĂ©tĂ© bloquĂ©e », la « trajectoire professionnelle », le « plafond de verre » ou mĂȘme la qualification de « nouveau riche », de « transfuge de classe » et de « parvenu » ou le proverbe « tel pĂšre, tel fils ».

DĂ©finition

La mobilité sociale :

Mobilité sociale des individus, des ménages et au sein de groupes

Au niveau individuel, la mobilité sociale concerne soit le changement ou l'ensemble des changements de statut social des individus (personnes) au cours du temps, soit la différence entre le statut social des individus et celui de leurs parents ou enfants. C'est aussi le degré auquel ces changements ont lieu.

Appliqué au niveau du ménage, le concept de mobilité sociale est utilisé le plus souvent pour l'étude des changements dans le revenu des ménages individuels au cours du temps.

Au niveau du groupe social, la mobilité sociale est l'ensemble des changements de statut social des membres d'un, plusieurs ou de l'ensemble des groupes sociaux au cours du temps ou le degré auquel ces changements ont lieu. Examinant l'ensemble des changements affectant chacun les membres des groupes sociaux, l'étude de la mobilité sociale se distingue des autres études de l'évolution des groupes sociaux. Par exemple, l'étude de la mobilité des salaires étudiera et synthétisera les changements dans le salaire de chaque salarié et non la simple variation du salaire moyen ou les changements dans la distribution des salaires.

Segmentation ou stratification sociale sous-jacente

La mobilitĂ© sociale prĂ©suppose l'existence d'une segmentation sociale qui peut ĂȘtre une stratification sociale (Ă©ventuellement sans hiĂ©rarchie claire) ou mĂȘme une classification sociale.

Quand on parle de mobilitĂ© sociale, il faut donc clarifier la segmentation sociale sous-jacente. La mobilitĂ© sociale peut ainsi largement diffĂ©rer selon qu'on considĂšre des catĂ©gories socio-professionnelles, des statuts dans l'emploi, des quantiles de revenus, des quantiles de richesse, ou de simples dichotomies « pauvres – non-pauvres », des groupes dĂ©finis par leur niveau d'Ă©ducation formelle, des classes sociales au sens marxiste ou toute autre segmentation ou classification sociale.

Le degré de mobilité sociale dépend de la construction et du détail de la segmentation sociale utilisée. Un individu qui passerait progressivement de salarié au salaire minimum à président-directeur général salarié ne connaßtra aucune mobilité sociale si la segmentation sociale utilisée n'inclut qu'une catégorie « Salariés ». Plus la segmentation ou classification utilisée est détaillée, plus la mobilité apparaßtra importante.

Mobilité intragénérationnelle et mobilité intergénérationnelle

On distingue deux types de mobilités sociales selon qu'elles concernent une seule génération ou des générations successives.

  • La mobilitĂ© intragĂ©nĂ©rationnelle (aussi appelĂ©e, mais plus rarement mobilitĂ© sociale biographique ou mobilitĂ© biographique[1]) concerne les changements de statut social d'un individu au cours du temps (ensemble de sa vie, pĂ©riode particuliĂšre) ou d'un ensemble d'individus pour une mĂȘme gĂ©nĂ©ration. Par exemple, si la segmentation sociale considĂ©rĂ©e ne concerne que l'emploi, on parlera de trajectoires professionnelles ou de carriĂšres.
  • La mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle concerne le degrĂ© de diffĂ©rence entre le statut social des parents et celui de leurs enfants.
Elle peut ĂȘtre vue dans une optique de « destinĂ©e » : que sont devenus les enfants d'agriculteurs ? Combien sont eux-mĂȘmes agriculteurs (ou agricultrices) ? Combien sont cadres supĂ©rieurs ? La fille d'ouvrier est-elle « condamnĂ©e » Ă  rester ouvriĂšre ? L'Ă©ducation, la richesse, se transmettent-elles de parents Ă  enfants ? etc.
La mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle peut aussi ĂȘtre vue dans l'optique « origine » : que faisaient les parents des agriculteurs et agricultrices d’aujourd’hui ? Combien de cadres sont fils ou filles de cadres ? Combien sont fils ou filles d’ouvriers ?
Les deux optiques sont Ă  la fois diffĂ©rentes et complĂ©mentaires. Par exemple, en France en 2003, 22 % des fils d’agriculteurs Ă©taient agriculteurs (optique « destinĂ©e ») ; beaucoup plus (37,3 %) Ă©taient ouvriers ; peu (9,2 %) Ă©taient cadres ou de profession intellectuelle supĂ©rieure, moins encore (6,3 %) artisans, commerçants ou chefs d’entreprise. Par contre la majoritĂ© des parents d’agriculteurs (88,4 %) Ă©taient eux-mĂȘmes agriculteurs ; presque aucun (0,7 %) cadres ou de profession intellectuelle supĂ©rieure, ou (0,7 %) artisans, commerçants ou chefs d’entreprise. Pour les agriculteurs français, on peut ainsi dire « tel fils, tel pĂšre », mais non « tel pĂšre tel fils ».
De mĂȘme, en 2003, plus de la moitiĂ© (52,5 % ) des fils de cadres Ă©taient cadres ; trĂšs peu (8,8 %) Ă©taient ouvriers et presque aucun (0,3 %) agriculteurs. Par contre, moins d’un quart des cadres (23,5 %) Ă©taient fils de cadre et presque autant (23,1 %) Ă©taient fils d’ouvriers, 11,6 % Ă©tant fils d’agriculteurs. Si les cadres tendent Ă  transmettre leur statut Ă  leurs fils, ĂȘtre cadre ne signifie pas ĂȘtre « fils-Ă -papa ».
La mobilitĂ© sociale intergĂ©nĂ©rationnelle peut ĂȘtre vue en termes d’hĂ©ritage ou mĂȘme d’hĂ©rĂ©ditĂ©[2]. Si la distinction entre hĂ©rĂ©ditĂ© gĂ©nĂ©tique et hĂ©rĂ©ditĂ© sociale reste valide dans les domaines de la biologie et de la santĂ© (maladies gĂ©nĂ©tiques), elle a Ă©tĂ© fortement discrĂ©ditĂ©e dans les autres domaines sociaux (si on peut ĂȘtre docteur de pĂšre en fils, on n’est pas gĂ©nĂ©tiquement docteur de pĂšre en fils) et reste trĂšs contestĂ©e dans certains domaines (quotient intellectuel). En raison de ses connotations idĂ©ologiques, le terme « hĂ©rĂ©ditĂ© sociale »[3] est de moins en moins utilisĂ©.
En dehors des Ă©tudes sur la mobilitĂ© du niveau d'Ă©ducation, la plupart des Ă©tudes de mobilitĂ© sociale intergĂ©nĂ©rationnelle dans les sociĂ©tĂ©s modernes contemporaines concernent les relations entre le statut social des hommes et celui de leurs fils (ou des hommes et de leurs pĂšres). La justification usuelle en est que (1) l’influence indĂ©pendante du statut social de la mĂšre sur ses fils (indĂ©pendamment de celui du pĂšre) y est en gĂ©nĂ©ral beaucoup moins dĂ©terminante[4] et (2) que les relations entre le statut social des parents et celui de leurs filles est beaucoup plus complexe. En effet, plus encore que celui des hommes, le statut social des femmes — notamment professionnel — reste encore plus dĂ©pendant de leur statut matrimonial, du statut de leur compagnon ou mari, et de la naissance d’enfants. Par contre, le statut Ă©ducationnel de la mĂšre sur celui de ses enfants peut ĂȘtre plus important que celui du pĂšre, notamment dans les pays en dĂ©veloppement.
On peut Ă©tendre le concept de mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle Ă  la transmission du statut social des beaux-parents. Il n’est pas rare, par exemple, que le beau-fils d’un entrepreneur reprenne l’affaire de son beau-pĂšre. Plus gĂ©nĂ©ralement, en France, les deux tiers des indĂ©pendants en activitĂ© ont un pĂšre ou un beau-pĂšre indĂ©pendant[5]. Avoir une belle-mĂšre indĂ©pendante accroĂźt Ă©galement la probabilitĂ© d’avoir le statut d’indĂ©pendant[6].

Types de mobilité sociale (principaux domaines sociaux concernés)

Introduction

A priori, la mobilitĂ© sociale peut s’appliquer Ă  n’importe quel domaine social qui permet une stratification des individus en groupes de statuts sociaux diffĂ©rents.

Les domaines les plus souvent concernés sont :

  • Les caractĂ©ristiques de l’emploi : inclusion ou exclusion dans la population active, statut dans l’emploi (par ex., salariĂ© ou indĂ©pendant), secteur d’activitĂ© (agriculture, Ă©levage, pĂȘche, industrie, commerce, etc.), profession et/ou type de mĂ©tier, position dans la hiĂ©rarchie de l’entreprise, qualifications associĂ©es, ou combinaisons diverses des caractĂ©ristiques liĂ©es Ă  l’emploi comme, en France, les Professions et catĂ©gories socioprofessionnelles (PCS) – anciennement catĂ©gories socioprofessionnelles (CSP).
  • Le revenu individuel (salaire brut ou net pour les salariĂ©s) ou le revenu du mĂ©nage.
  • Le patrimoine ou la richesse des individus au cours du temps ou la situation comparĂ©e des parents et des enfants.
  • Pour la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle, le niveau d’éducation formelle (le passage des individus d’un niveau scolaire Ă  l’autre est rarement considĂ©rĂ© comme une mobilitĂ© sociale intragĂ©nĂ©rationnelle).
  • Le prestige, beaucoup plus difficile Ă  traduire en termes opĂ©rationnels.

On peut trouver, mais beaucoup plus rarement, le terme « mobilitĂ© sociale » appliquĂ© Ă  d’autres domaines sociaux. Par exemple :

  • la transmission des valeurs, attitudes, opinions politiques, croyances et religions des parents aux enfants, ou l'Ă©volution de ces valeurs, opinions et croyances au cours de la vie des individus - mais on s'Ă©loigne lĂ  du concept de changement de statut social : si la transmission de l’intĂ©rĂȘt (ou du dĂ©sintĂ©rĂȘt) pour les Ă©tudes et des attitudes des parents Ă  leurs enfants peut ĂȘtre un facteur explicatif de la transmission du niveau d’éducation, il parait abusif de la qualifier de mobilitĂ© sociale.
  • l’étude de la probabilitĂ© pour quelqu’un d’ĂȘtre emprisonnĂ© selon que l’un de ses parents (ou les deux) l’a Ă©tĂ©, ou de divorcer quand ses parents ont ou non divorcĂ©, etc.

Le plus souvent, les notions de « statut social » et de « mouvement dans une hiĂ©rarchie sociale » deviennent alors tĂ©nues ou disparaissent, et l’utilisation du concept de mobilitĂ© sociale semble inappropriĂ©.

Enfin, en raison de la nature des donnĂ©es disponibles, il est Ă©galement possible d’étudier les relations entre un statut social parental et un statut social diffĂ©rent pour les enfants. Par exemple, Blanden et Machin ont montrĂ© – sans surprise - que plus le groupe de revenu des parents Ă©tait Ă©levĂ©, plus grand Ă©tait l’accĂšs des enfants aux diplĂŽmes d’études supĂ©rieures au Royaume-Uni[7]. LĂ  aussi, on peut se demander si l’utilisation du terme « mobilitĂ© sociale » est appropriĂ©.

MobilitĂ© de l’emploi (mobilitĂ© professionnelle)

La mobilitĂ© professionnelle Ă©tudie les changements de situation dans l'emploi entre deux dates ou deux pĂ©riodes pour les mĂȘmes individus ou les diffĂ©rences et similaritĂ©s de situation dans l'emploi entre les individus et leurs parents ou enfants.

DiffĂ©rentes populations peuvent ĂȘtre concernĂ©es ; celles-ci peuvent :
  • inclure la totalitĂ© de la population en Ăąge de travailler (par exemple de 15 Ă  64 ans) dans au moins une des deux pĂ©riodes, ou
  • se limiter Ă  la population active dans une ou aux deux pĂ©riodes, ou
  • ne concerner que la population active occupĂ©e (excluant les chĂŽmeurs) dans une ou dans les deux pĂ©riodes, etc.
La mobilité professionnelle peut ainsi différer notablement selon le choix de population étudiée.
La mobilité professionnelle peut recouvrir différents types de changements de catégorie professionnelle :
  • (1) sans que l'individu ne change d'Ă©tablissement
  • (2) avec changement d'Ă©tablissement au sein de la mĂȘme entreprise
  • (3) avec passage d'une entreprise Ă  l'autre (mobilitĂ© d'entreprise)
Elle peut aussi recouvrir, sans qu'il y ait changement de statut professionnel :
  • (4) les changements d'Ă©tablissement au sein d'une mĂȘme entreprise et
  • (5) les passages d'une entreprise Ă  l'autre.
Elle peut aussi recouvrir les passages de l'emploi au chÎmage et du chÎmage à l'emploi et, plus généralement, les trajectoires des personnes employées et des chÎmeurs.

Mobilité économique (mobilité des revenus)

La mobilitĂ© Ă©conomique concerne le changement de statut Ă©conomique. Si ce statut ne prend en compte que le niveau de revenu, le degrĂ© de mobilitĂ© Ă©conomique intragĂ©nĂ©rationnelle pourra ĂȘtre mesurĂ© par les mouvements des individus ou des mĂ©nages entre quantiles (dĂ©ciles, quartiles, etc.) de revenu. Dans ce cas, les analystes prĂ©fĂšrent souvent utiliser le revenu disponible brut Ă  prix constants pour les individus, et le revenu disponible brut Ă  prix constants par adulte-Ă©quivalent pour les mĂ©nages, qui reflĂštent mieux le niveau de vie.

Dans certaines sociĂ©tĂ©s, on peut trouver Ă  la fois une forte mobilitĂ© Ă©conomique et une faible mobilitĂ© sociale, cette derniĂšre Ă©tant dĂ©finie en termes de caste ou de classe. Dans le Japon fĂ©odal ou dans la Chine ancienne, les marchands riches occupaient une des places les plus basses de la sociĂ©tĂ© - au moins en thĂ©orie. De mĂȘme, un noble ruinĂ© sous l'Ancien RĂ©gime avait un rang social plus Ă©levĂ© (noblesse) que celui d'un marchand (Tiers-État).

Interactions entre mobilitĂ© de l’emploi et mobilitĂ© Ă©conomique

La mobilitĂ© intragĂ©nĂ©rationnelle de l’emploi interagit de plusieurs façons avec le niveau de revenu. Par exemple, face Ă  une stagnation ou une baisse de ses revenus, le dĂ©veloppeur de photo transformera son Ă©choppe en boutique de tĂ©lĂ©phonie, et le salariĂ© (par exemple, le vendeur rĂ©munĂ©rĂ© par des primes) cherchera un meilleur employeur. Si les revenus de l’indĂ©pendant ou du salariĂ© augmentent plus vite que la moyenne, il/elle tendra Ă  garder son emploi. Inversement, l’indĂ©pendant et le salariĂ© tendront Ă  saisir l’opportunitĂ© d’un revenu ou d’un salaire plus Ă©levĂ© en changeant d’activitĂ© ou d’employeur. Enfin, une promotion au sein d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises aura souvent pour rĂ©sultat Ă  la fois une hausse de salaire et le transfert Ă  un autre Ă©tablissement de l’entreprise ou Ă  une autre entreprise du groupe[8]. Il s’agit lĂ  de mobilitĂ© volontaire dans l’emploi. Inversement, une mobilitĂ© involontaire sera souvent associĂ©e Ă  une baisse ou une moindre progression des revenus.

MobilitĂ© de l’emploi et mobilitĂ© Ă©conomique dans certaines pĂ©riodes de la vie

Deux pĂ©riodes prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt particulier pour la mobilitĂ© sociale intragĂ©nĂ©rationnelle : l'insertion des jeunes dans le marchĂ© du travail et le passage de la vie active Ă  la retraite.

L'insertion des jeunes ou la transition des Ă©tudes Ă  la vie active

De nombreuses Ă©tudes ont examinĂ© le gain en salaire associĂ© Ă  un changement d’emploi, spĂ©cialement parmi les jeunes. Aux États-Unis, un changement d’emploi « direct » - et probablement volontaire - parmi les hommes jeunes Ă©tait accompagnĂ©, en moyenne, d’une « prime » variant de 8-11 %[9], 10 %[10] Ă  20 %[11]. Au Danemark, la « prime » a Ă©tĂ© estimĂ©e entre 2,5 et 8 %[12]. Par contre, un changement d’emploi « indirect »– probablement involontaire - via une pĂ©riode de chĂŽmage entraĂźnait une « pĂ©nalitĂ© » de salaire de 6 % pour les salariĂ©s britanniques[13].

MobilitĂ© du niveau d’éducation

Le terme « mobilisation sociale » n’est pas utilisĂ© pour dĂ©crire la progression des Ă©lĂšves et Ă©tudiants dans les Ă©tablissements d’enseignement, celle des apprentis ou les bĂ©nĂ©ficiaires de la formation continue. Il ne concerne presque exclusivement que la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle.

Il est relativement simple de mesurer le niveau d’éducation des parents quand l’enfant a toujours vĂ©cu dans une famille monoparentale. Dans les cas de deux parents, ou de divers types de familles recomposĂ©es, plusieurs possibilitĂ©s sont ouvertes – par exemple de prendre le niveau d’étude le plus Ă©levĂ© des parents ou d’examiner toutes les relations entre le niveau d’éducation de l’enfant et les niveaux de chaque parent.

Mobilité du patrimoine

On trouve beaucoup moins d’études quantitatives sur la mobilitĂ© du patrimoine ou de la richesse en raison des problĂšmes d’obtention des donnĂ©es, surtout pour l’étude la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle, souvent restreinte Ă  l’étude de la transmission des hĂ©ritages.

Par exemple, JĂ©rĂŽme Bourdieu et al.[14] ont examinĂ© la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle du patrimoine en France au XIXe et au dĂ©but du XXe siĂšcle, en se restreignant Ă  la population qui laisse une succession d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre. Ils ont montrĂ© que cette mobilitĂ© est proche de la mobilitĂ© en termes de revenus, estimĂ©e dans les annĂ©es rĂ©centes. Cependant, la mobilitĂ© a diminuĂ© pendant la Belle Époque (1895-1913) avant d’augmenter aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale. En outre, les mĂ©canismes de reproduction sociale se sont renforcĂ©s au sein des petites fortunes, sans doute liĂ©s Ă  la transmission du capital Ă©ducatif, alors que dans le haut de la distribution, les richesses se sont Ă©rodĂ©es aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, sous l’action conjointe de la guerre, de l’inflation et de la fiscalitĂ©.

Mobilité géographique ou mobilité spatiale

La mobilitĂ© gĂ©ographique (ou mobilitĂ© spatiale) peut concerner le changement d'un lieu de rĂ©sidence Ă  un autre (mobilitĂ© rĂ©sidentielle) ou d'un lieu de travail Ă  un autre (mobilitĂ© dans l'emploi). La mobilitĂ© gĂ©ographique, qu'elle soit rĂ©sidentielle ou de travail, n'est pas en soi un type de mobilitĂ© sociale, mais elle y est souvent associĂ©e. La migration d'un pays Ă  l'autre (migration externe), d'une rĂ©gion Ă  l'autre, de la campagne Ă  la ville et inversement (migration interne) est en effet souvent accompagnĂ©e d'un changement de statut social (profession, revenu, etc.). De mĂȘme, une mobilitĂ© rĂ©sidentielle non migratoire (dans une mĂȘme ville ou commune) peut ĂȘtre associĂ©e - mais moins souvent - Ă  une mobilitĂ© sociale. Certains analystes expliquent, au moins en partie, le niveau de mobilitĂ© sociale par le degrĂ© de mobilitĂ© spatiale.

Certains types de mobilitĂ©s gĂ©ographiques peuvent cependant ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des mobilitĂ©s sociales comme dans le cas du jeune qui reste chez ses parents aprĂšs son mariage (son : l'immobilitĂ© spatiale le fait passer du statut de cĂ©libataire Ă  « mariĂ© vivant chez ses parents », le conjoint devenant « mariĂ© vivant chez ses beaux-parents ») ou de la personne ĂągĂ©e qui entre dans une maison de retraite ou un Ă©tablissement de soins.

Les relations entre mobilité sociale et mobilité spatiale dépendent du découpage géographique utilisé (ou de la distance entre lieu d'origine et lieu d'arrivée)

Outils d'analyse de la mobilité sociale

  • En analysant la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle, on peut parler de mobilitĂ© ascendante (d'« ascenseur social ») quand une progression dans l'espace social dĂ©signĂ©e par la segmentation est assurĂ©e pour la gĂ©nĂ©ration suivante (par exemple, un fils d'ouvrier devient cadre). En revanche, on parle de mobilitĂ© descendante quand une rĂ©gression dans l'idĂ©e de hiĂ©rarchie sociale s'effectue d'une gĂ©nĂ©ration Ă  la suivante (par exemple, un fils de cadre devient employĂ©). La mobilitĂ© descendante a Ă©tĂ© Ă©galement appelĂ©e dĂ©motion sociale et plus couramment dĂ©classement ;
  • La mobilitĂ© horizontale : Elle correspond au fait de pouvoir changer de secteur professionnel sans changer de place dans la hiĂ©rarchie sociale.
  • La contre mobilitĂ© (aussi appelĂ©e viscositĂ© sociale) : Cette contre mobilitĂ© est l'effet de rapprochement vers le mode de vie de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente.
  • Par convention : La mobilitĂ© sociale totale (brute) se compose de la mobilitĂ© nette et de la mobilitĂ© structurelle (liĂ©e Ă  l'Ă©volution de la structure sociale).

Outils d'analyse statistiques

  • Une mĂ©thode simple de mesurer le degrĂ© de mobilitĂ© sociale est de calculer des matrices de transition entre pĂ©riodes successives ou entre statut des parents et statut des enfants. Les tables de destinĂ©es comparent la rĂ©partition des individus suivant les diffĂ©rents modes de vie. L'effet de lignĂ©e est le caractĂšre relevĂ© par la diagonale de la table.

La mobilitĂ© sociale peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e de façon prospective (« quelle situation en 2009 pour les enfants de ceux qui Ă©taient ouvriers en 1969 ? » ou « que sont devenus en 2009 ceux qui Ă©taient ouvriers en 1999 ? ») ou rĂ©trospective (« que faisaient en 1969 les parents des ouvriers de 2009 ? » ou « que faisaient les ouvriers de 2009 en 1999 ? »). Les deux optiques peuvent donner des images trĂšs diffĂ©rentes et le choix entre les deux peut rĂ©sulter de l'idĂ©ologie de l'analyste.

Les Ă©tudes de mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle de l’emploi et/ou des revenus essaient de comparer la situation sociale des individus avec la situation « globale » ou « moyenne » de leurs parents. Il serait en effet erronĂ© de considĂ©rer la situation des parents « en fin de carriĂšre ». Dans une sociĂ©tĂ© qui connaĂźt une certaine mobilitĂ© intragĂ©nĂ©rationnelle verticale, cette situation est souvent la meilleure qu’aient connue les parents. En comparaison, les enfants, surtout s’ils sont jeunes, apparaĂźtraient ainsi dĂ©favorisĂ©s par rapport Ă  leurs parents. En comparant les enfants avec celui des deux parents ayant le statut social le plus Ă©levĂ© donnerait une image encore plus nĂ©gative. L’analyste sĂ©rieux corrigera cette illusion d’optique statistique, par exemple en comparant le statut social des enfants Ă  celui de leurs parents au mĂȘme Ăąge, ou en comparant les femmes et leurs mĂšres et les hommes Ă  leur pĂšre au mĂȘme Ăąge ou en crĂ©ant un indicateur global de statut social des parents.

Pour mesurer le degrĂ© de mobilitĂ© des revenus, on peut aussi calculer le coefficient de corrĂ©lation entre le revenu des enfants et celui de leurs parents, si possible au mĂȘme Ăąge ou sous forme de revenu permanent[15] Un coefficient nul indiquerait l’absence de toute relation entre revenus des parents et revenus des enfants, donc une mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle parfaite. Un coefficient Ă©gal Ă  1 indiquerait une complĂšte immobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle : le revenu des enfants serait exactement proportionnel Ă  celui des parents. La mĂ©thode pose cependant divers problĂšmes Ă©conomĂ©triques[16].

On obtient des résultats différents selon les variables comparées :

Pour les enfants :
revenus du travail
revenu total du ménage,
revenu du mĂ©nage par tĂȘte, par unitĂ© de consommation
Pour les parents :
Revenus du travail du chef de ménage
Revenus du travail des parents
Revenu total du ménage des parents
Revenu par tĂȘte ou par unitĂ© de consommation du mĂ©nage des parents

Par exemple, dans les pays de l’OCDE, le degrĂ© de persistance des revenus des mĂ©nages entre gĂ©nĂ©rations est plus fort que celui mesurĂ© en termes de revenus individuels[17].

En dĂ©pit des problĂšmes de comparabilitĂ©, il apparaĂźt que la mobilitĂ© entre gĂ©nĂ©rations en termes de revenus varie de maniĂšre significative d’un pays Ă  l’autre. Parmi les pays de l’OCDE pour lesquels des donnĂ©es sont disponibles, elle est relativement faible aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie, suivis par la France. Elle est plus importante dans les pays nordiques (Danemark, NorvĂšge, Finlande), en Australie et au Canada, l’Espagne, l’Allemagne et la SuĂšde occupant une position moyenne[17]. Dans beaucoup de pays, la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle des revenus est plus faible dans les strates Ă  bas revenus et Ă  hauts revenus que pour les « classes moyennes »[17].

Les études quantitatives de mobilité sociale doivent faire face à une série de difficultés souvent sous-estimées:

  • Le flou des catĂ©gories utilisĂ©es (qu'est-ce qu'un "cadre" ? qu'est-ce qu'un cadre supĂ©rieur ?, etc.).
  • L'Ă©volution de la signification sociologique des catĂ©gories utilisĂ©es au cours du temps[18]. Être « smicard » en 2009 est trĂšs diffĂ©rent d'ĂȘtre « smicard » en 1979 ?
  • La mĂ©thode de classement des individus, le degrĂ© auquel ce classement repose sur l'enquĂȘteur, le chercheur et/ou sur l'auto-classification des individus eux-mĂȘmes.

Facteurs de mobilité sociale

Dans les pays occidentaux, l'Ă©ducation est l'un des principaux moyens de s'Ă©lever socialement[19].

Enjeux de la mobilité sociale

Ce concept permet de mesurer l'effet de lignĂ©e, c'est-Ă -dire la reproduction sociale de mode de vie d'un groupe d'individu. Comme tout effet dĂ» Ă  une segmentation, il peut ĂȘtre la consĂ©quence de la sĂ©lection de la classe sociale analysĂ©e (certaines sont plus ou moins pertinentes), mais montre clairement l'influence de la famille sur l'individu ou le groupe. La segmentation ne prend pas en compte l'idĂ©e que se fait l'individu de sa progression ou de sa rĂ©gression (qui est une notion subjective), par consĂ©quent la notion de mobilitĂ© sociale doit ĂȘtre prise dans un sens purement technique sous peine de crĂ©er un concept non objectif.

La mobilité sociale en France

L'enquĂȘte FQP fournie par l'INSEE est souvent prise en rĂ©fĂ©rence pour calculer la mobilitĂ© sociale en France. Elle recueille des donnĂ©es issues de 1977, 1993 et 2003. Globalement, la mobilitĂ© sociale française est plutĂŽt faible d'aprĂšs l'interprĂ©tation de ces chiffres et les inĂ©galitĂ©s sociales perdurent.

Notes et références

  1. Voir, par exemple, Bertaux (1974).
  2. Voir l’analyse de la mobilitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle de l’éducation in Bourdieu & Passeron (1964).
  3. Voir Bertaux (1970).
  4. Les donnĂ©es du CĂ©req (10-2008) montrent cependant que cet effet est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable en France.
  5. LaferrĂšre (1998), p. 13.
  6. Colombier & Masclet (2008) ; Estrade & MissĂšgue (02-2001) ; Gollac (06-2009).
  7. Blanden & Machin (05-2004).
  8. Delarre & Duhautois (07-2004).
  9. Keith and McWilliams (1999).
  10. Topel & Ward (1992).
  11. Antel (1986).
  12. Bagger (10-2008).
  13. Arulampalam (2001).
  14. Bourdieu, Postel-Vinay & Suwa-Eisenmann (06-2009).
  15. On utilise le logarithme des revenus pour Ă©viter de donner un poids disproportionnĂ© aux hauts revenus et pour ne pas avoir Ă  utiliser d’indices de prix, ceux-ci Ă©tant en pratique peu diffĂ©rents pour les riches et les pauvres.
  16. Ceux-ci sont exposés, entre autres, par Solon (1989 et 1999) et Grawe (2000).
  17. d’Addio (04-2007).
  18. Ou mĂȘme les rĂ©alitĂ©s sociologiques de catĂ©gories aux noms identiques appliquĂ©es en des lieux diffĂ©rents (cas de la mobilitĂ© sociale des migrants).
  19. Xavier Molénat, « L'éducation, un ascenseur social ? », sur Sciences Humaines (consulté le )

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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