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Michel Paul Guy de Chabanon

Michel Paul Guy de Chabanon, né à Limonade, Saint-Domingue en 1730 et mort à Paris le , est un théoricien de la musique et un homme de lettres français.

Biographie

Chabanon fit son éducation en France, où il avait une partie de sa famille. Il fut détourné pendant quelques années de la carrière des lettres auxquelles de bonnes études chez les Jésuites semblaient le destiner, par un talent précoce pour la musique, auquel il dut ses premiers succès dans le monde et l’amitié de chevalier de Saint-George[1], le célèbre violoniste, dont il devint l’émule après avoir été l’élève.

Nature inquiète et ardente, Chabanon passa dès sa jeunesse d’un mysticisme exaltĂ© Ă  l’incrĂ©dulitĂ© philosophique de son temps et, quelques annĂ©es plus tard, un goĂ»t très vif pour l’érudition remplaça sa passion pour les arts. Oubliant alors ses premiers dĂ©buts et les attraits d’un monde oĂą il Ă©tait recherchĂ©, il s’enferma dans une retraite absolue et devint, en 1760 bon hellĂ©niste et membre de l’AcadĂ©mie des inscriptions, Ă  trente ans. Pour l’amour du grec, la docte compagnie avait reçu Ă  bras ouverts le jeune Ă©rudit qui se prĂ©sentait Ă  elle avec le bagage assez lĂ©ger d’un discours sur Homère et d’une traduction de Pindare, ce qui fit dire Ă  un plaisant que le chemin de l’AcadĂ©mie Ă©tait pavĂ© de bonnes intentions. Ses traductions sont jugĂ©es au XIXe siècle comme « peu fidèles, mais ne manquant pas d’élĂ©gance et de facilitĂ©[2] Â».

Diderot et D’Alembert, devenus ses amis, le menèrent chez Marie-Thérèse Geoffrin, dont le salon réunissait les savants, les artistes et les lettrés. Un petit roman d’amour, dont il traça plus tard le récit1, et où se reconnaît le sensualisme sentimental et raisonneur de la Nouvelle Héloïse, offre encore un de ces contrastes fréquents dans la vie de Chabanon, et qui relèvent la figure un peu effacée de l’académicien.

Après tous ces essais, une tentative lui restait Ă  faire : Chabanon voulut ĂŞtre poète. L’insuccès de ses tragĂ©dies d’Éponine (1762) et d’Eudoxie (1768) fut oubliĂ© en faveur d’un zèle sincère pour les lettres et d’une bonne grâce naturelle qui lui valut encore plus d’amis que ses vers ne rencontraient de critiques[3]. L’Éloge de Rameau, une Épitre sur la poĂ©sie et la philosophie eurent plus de succès. Il fit Ă  cette occasion le pèlerinage de Ferney, oĂą commencèrent des rapports d’amitiĂ© dont la correspondance de Voltaire conserve le souvenir. Le matin on discutait des plans de tragĂ©die, le soir on jouait celles du maĂ®tre de la maison, et Chabanon se distinguait comme acteur, notamment dans la pièce des Scythes ; mais, comme auteur, il lui manquait le diable au corps. Aussi, quand il lisait les tirades un peu froides d’Eudoxie, Voltaire, s’agitant dans son fauteuil, lui criait : « Chauffez ! chauffez ! Â»

La variété des travaux de Chabanon nuisit sans doute à leur perfection ; en même temps qu’il publiait ses traductions de Pindare et de Théocrite et plusieurs mémoires sur la musique des anciens, il écrivait pour Gossec, qu’il avait rencontré vers 1770[4], l’opéra de Sabinus (1773) et un grand nombre de poésies, où manquent surtout, défaut assez singulier chez un musicien, le nombre et l’harmonie. Fidèle à ses premiers goûts, il fut un des fondateurs de ces Concerts des amateurs[5], alors célèbres, qui réunissaient la société la plus brillante à l’hôtel de Soubise.

Auteur d’un opéra, Sémélé, tragédie lyrique, et de plusieurs ouvrages sur la théorie de la musique dont les plus estimés sont des commentaires sur la musique dans l’œuvre d’Aristote[6], sa double identité de littérateur et de musicien lui a donné une optique unique pour examiner les liens entre la musique et le langage et développer une philosophie dont son œuvre est l’expression. Il a contribué à définir l’opéra comme genre musical[7]. Il rédigea plusieurs articles pour les volumes Musique de l'Encyclopédie méthodique.

Mais sa grande ambition était d’entrer à l’Académie française ; en 1779, il y remplaça, au fauteuil 14[8], Étienne de Foncemagne, comme lui membre de l’Académie des inscriptions, et comme lui recherché pour l’aménité de son esprit et le charme de son caractère. Ses succès d’homme du monde avaient préparé pour lui les honneurs académiques, et son concurrent, Antoine-Marin Lemierre, put dire assez plaisamment : « M. de Chabanon t’emportera sur moi : il joue du violon et je ne joue que de la lyre ». Le duc de Duras, répondant au nouvel élu, lui dit avec autant de politesse que de mesure : « Un goût sain, un esprit éclairé par les bons principes et par les grands modèles de « l’antiquité, un style élégant et correct, des mœurs douces, une conduite noble et sage, tels sont, monsieur, les titres qui vous ont mérité l’estime du public et les suffrages de l’Académie ; car elle ne doit pas séparer des talents ces qualités qui donnent à l’homme de lettres une considération personnelle qui réfléchit sur les lettres elles-mêmes. »

D’agréables relations et de solides amitiés; un accueil bienveillant à de jeunes talents littéraires, tels que le poète Saint-Ange, le traducteur estimé d’Ovide ; le culte toujours entretenu des lettres; la publication de deux comédies en vers, l’Esprit de parti et le Faux Noble, et d’un nouveau recueil de poésies (1788), occupèrent ses dernières années. Son frère ainé, Jean-Charles-Michel de Chabanon Dessalines, fut député de Saint-Domingue à l’Assemblée nationale.

Ĺ’uvres

Musicologie

  • Observations sur la musique, et principalement sur la mĂ©taphysique de l'art, Paris, 1779
  • Sur l’introduction des accords dans la musique des anciens, 1785
  • De la Musique considĂ©rĂ©e en elle-mĂŞme et dans ses rapports avec la parole, les langues, la poĂ©sie et le théâtre, 1785
  • Lettre de M. de Chabanon sur les propriĂ©tĂ©s musicales de la langue, s. d.

Théâtre et poésie

  • Éponine, 1762
  • Eudoxie, tragĂ©die en vers et en cinq actes, 1769
  • Sabinus, tragĂ©die lyrique en quatre actes de François-Joseph Gossec, reprĂ©sentĂ©e devant Sa MajestĂ© Ă  Versailles le , et pour la première fois par l'AcadĂ©mie royale de musique le mardi
  • Vers sur Voltaire, 1778
  • Ĺ’uvres de théâtre et autres poĂ©sies, 1788. Contiennent :
    • L'Esprit de parti, ou les querelles Ă  la mode, comĂ©die en cinq actes et en vers
    • Le Faux Noble, comĂ©die en cinq actes et en vers
    • La Toison d'or, tragĂ©die lyrique, en quatre actes et en vers
    • ÉpĂ®tre sur la manie des jardins anglais. Écrite l'an 1774
    • Seconde Ă©pĂ®tre. L'auteur, dans l'ÉpĂ®tre prĂ©cĂ©dente, ayant paru fronder le goĂ»t du siècle en littĂ©rature, et attaquer les auteurs vivants, se rĂ©tracte ici. Il rend justice aux Ă©crivains du siècle, et plaide leur cause contre les censeurs qui les attaquent injustement
    • Discours en vers, sur l'esprit de parti. 1775
    • ÉpĂ®tre sur les charmes de la solitude. ComposĂ©e près de Compiègne, en 1778
    • Le Rossignol et le musicien, histoire vĂ©ritable. 1774
    • RĂ©ponse d'un jeune poète qui veut abandonner les muses, Ă  un ami qui lui Ă©crit pour l'en dĂ©tourner
    • Entretien en vers, sur le traitement que l'on doit, dans la sociĂ©tĂ©, aux gens vicieux
    • Vers sur Voltaire, faits Ă  la campagne, au moment de sa mort. 1778
    • ApothĂ©ose de Voltaire
    • Boutade contre les frondeurs. 1778
    • ÉpĂ®tre sur l'adversitĂ©, Ă  M. Thomas. 1782
    • ÉpĂ®tre Ă  M. de Rulhières, de l'AcadĂ©mie françaises. 1782
    • L'HonnĂŞte-homme (de Charles-Antoine Chabanon de Maugris)
    • On pense et agit peu d'après soi, discours en vers. 1780
    • Lausus et Ligdamon, histoire en vers. 1780
    • Essai sur la tragĂ©die lyrique, poème divisĂ© en trois Ă©pĂ®tres (« Première Ă©pĂ®tre, Ă  M. Garat, professeur du lycĂ©e »; « Seconde Ă©pĂ®tre. Le dĂ©jeuner »; « Troisième Ă©pĂ®tre, adressĂ©e aux musiciens »)
  • Priam au camp d'Achille tragĂ©die en un acte, s. d.

Traductions

  • Les Odes pythiques de Pindare, avec des remarques, 1772
  • Idylles de ThĂ©ocrite, traduites en prose, avec quelques imitations en vers de cet auteur, prĂ©cĂ©dĂ©es d'un essai sur les poĂ«tes bucoliques , 1777
  • MĂ©moire sur les "Problèmes" d'Aristote concernant la musique, traduits et commentĂ©s, s. d.

Autres publications

  • Éloge de M. Rameau, 1764
  • Sur le sort de la poĂ©sie en ce siècle philosophe, 1764
  • Vie du Dante, avec une notice dĂ©taillĂ©e de ses ouvrages, 1773
  • Éloge historique de Louis-Joseph-Stanislas LefĂ©ron, premier commandant de la garde nationale de Compiègne, 1791
  • Tableau de quelques circonstances de ma vie. PrĂ©cis de ma liaison avec mon frère Maugris, ouvrages posthumes de Chabanon, publiĂ©s par Saint-Ange, 1795

Bibliographie

  • Friedrich Melchior Grimm, Compte-rendu de lecture « De la musique considĂ©rĂ©e en elle-mĂŞme et dans ses rapports avec la parole, les langues, la poĂ©sie et le théâtre », Correspondance littĂ©raire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot, depuis 1753 jusqu’en 1790 : XIXe siècle, Paris, Furne,

Notes et références

  1. « Tel est Chabanon, qui fut de l’Académie française et de celle des inscriptions, qui jouait fort bien du violon, et qui fut longtemps chef des secondes au concert des amateurs, que Saint-George dirigeait. »
    François-Joseph Fétis, Revue musicale : XIXe siècle, Paris, Publié par F. J. Fétis, .
  2. Dictionnaire Bouillet.
  3. « M. de Chabanon est un jeune homme de trente-cinq ans qui, après avoir fait de bonnes études, s’est jeté dans le monde ; il y a réussi par « une figure agréable, par un esprit aisé, brillant et facile, et surtout par un talent supérieur sur le violon. Il a longtemps fait les délices des sociétés... », Mémoires de Bachaumont.
  4. Claude Role, François-Joseph Gossec (1734-1829): un musicien à Paris de l’Ancien Régime à Charles X : XVIIIe – XIXe siècle : 1734-1829, Paris, L'Harmattan, . (BNF 37204351)
  5. « Un spectacle de musique dont nous jouissons dans cette saison tous les mercredis, c’est celui qu’on nomme le Concert des Amateurs. Un certain nombre de personnes, qui aiment la musique et qui en font, s’associent pour les frais de ce concert, qui s’exécute dans une grande salle de l’hôtel de Soubise, qui peut contenir environ six cents personnes. Plusieurs particuliers y jouent pour leur plaisir ; on distingue parmi eux M. de Chabanon, qui joue du violon beaucoup mieux qu’il ne fait des vers… Il n’y a pas d’exécution plus soignée et plus parfaite que celle de ce concert. » (La Harpe, Correspondance littéraire, 1775.)
  6. « Chabanon a donnĂ©, dans le 46e volume des MĂ©moires de l’acadĂ©mie des inscriptions et belles-lettres de Paris une traduction française des problèmes d’Aristote relatifs Ă  la musique, avec un commentaire oĂą il a tâchĂ© d’en Ă©claircir le sens, en gĂ©nĂ©ral fort obscur. Les trois mĂ©moires de Chabanon s’étendent depuis la page 285 jusqu’à 355. (Voy. Chabanon) Â»
    * François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique : XIXe siècle, Paris, Publié par Leroux, . Notice Bnf n° FRBNF30432155
  7. Deux visionnaires au siècle des Lumières : « Michel-Paul-Guy de Chabanon »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (1730-1792) et Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
  8. Fiche biographique de l’Académie française.

Source partielle

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