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Mettius Fufetius

Mettius Fufetius est le dernier dictateur d'Albe, successeur du roi Gaius Cluilius. Il dut se soumettre au roi de Rome Tullus Hostilius, aprÚs le combat des Horaces et des Curiaces et la défaite des héros albains. Par la suite, il trahit les Romains et fut mis à mort d'une maniÚre cruelle sur l'ordre de Tullus Hostilius. Les traditions romaines concernant Mettius Fufetius ont été principalement transmises par Tite-Live[1] et, avec plus de détails, par Denys d'Halicarnasse[2], mais se trouvent aussi chez Virgile.

Mettius Fufetius
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom de naissance
Mettius Fufetius
Activité
Gens
Mettii (en)
Autres informations
Condamné pour

Arrivée au pouvoir de Mettius Fufetius

À l'avĂšnement de Tullus Hostilius, roi belliqueux, les relations entre Albe et Rome s'enveniment rapidement. La guerre est dĂ©clarĂ©e ; le roi Gaius Cluilius prend l'offensive ; il vient Ă©tablir son camp Ă  cinq milles de Rome et fait creuser autour un fossĂ© qui gardera longtemps le nom de fossa Cluilia. Mais il meurt avant la bataille. Les Albains dĂ©signent alors un dictateur[3] (et non un roi), Mettius Fufetius, dont la mission est seulement de prendre la tĂȘte des opĂ©rations[4].

Mettius Fufetius et le combat des Horaces et des Curiaces

Avant que les deux armĂ©es ne livrent bataille, c'est Mettius Fufetius qui propose Ă  Tullus Hostilius de remettre la dĂ©cision du conflit au combat de trois champions romains – les frĂšres Horaces – et de trois champions albains – les frĂšres Curiaces –, afin d'Ă©pargner Ă  leurs peuples liĂ©s par une origine commune et des liens familiaux une guerre fratricide[5].

ConformĂ©ment Ă  la convention passĂ©e avec Tullus Hostilius, Mettius Fufetius, aprĂšs la dĂ©faite de ses champions, se soumet au roi romain. Ce dernier le confirme Ă  la tĂȘte d'Albe et dĂ©clare qu'il fera appel Ă  lui dans la guerre contre les Étrusques de VĂ©ies.

La trahison et la fin de Mettius Fufetius

Mettius Fufetius fait alors preuve de duplicité. Sous les apparences d'un allié (socius), il prépare sa trahison[6]. Il pousse secrÚtement Véies et FidÚnes à prendre les armes contre Rome.

Lorsque la guerre Ă©clate, il rejoint les Romains sur le champ de bataille ; il est placĂ© Ă  l'aile droite, en face des FidĂ©nates. Mais, au lieu de combattre, il se retire avec les siens sur une colline, dans l'attente de la tournure prise par la bataille, avec l'idĂ©e de se rallier aux vainqueurs. Les Romains, mis dans une position difficile par cette dĂ©fection, rĂ©tablissent la situation grĂące Ă  la prĂ©sence d'esprit de leur roi et avec l'aide des dieux auxquels celui-ci a fait des promesses. Quand la victoire romaine est certaine, Mettius Fufetius, qui espĂšre – Ă  tort – que sa manƓuvre n'a pas Ă©tĂ© dĂ©celĂ©e par Tullus Hostilius, redescend dans la plaine et se met Ă  pourchasser les FidĂ©nates. Quand il rejoint Tullus, celui-ci l'accueille avec bienveillance.

Le lendemain, les deux armĂ©es sont rĂ©unies pour la cĂ©rĂ©monie de purification. Les Albains, sans armes, se mettent aux premiers rangs ; les Romains, qui ont gardĂ© leurs armes, les entourent. Tullus prend la parole et accuse Mettius de trahison et le fait saisir par les centurions. Tullus dĂ©clare alors Ă  Mettius : « De mĂȘme que, ces temps derniers, tu as partagĂ© ton Ăąme entre les intĂ©rĂȘts des FidĂ©nates et ceux des Romains, de mĂȘme aujourd'hui c'est ton corps qui va ĂȘtre coupĂ© en deux et dispersĂ© en lambeaux. Â» Il fait attacher les membres de Mettius Ă  deux quadriges dirigĂ©s en sens opposĂ©s ; on fouette les chevaux et le corps de Mettius est disloquĂ©[7].

Le supplice de Mettius est dĂ©jĂ  relatĂ© par Ennius (Annales, 138 et suiv.). Virgile (ÉnĂ©ide, VIII, 642-645) en fait une des reprĂ©sentations dĂ©corant le bouclier d'ÉnĂ©e. Tite-Live condamne la cruautĂ© de la vengeance de Tullus, qu'il juge non conforme aux lois de l'humanitĂ©[8].

Tullus Hostilius obligea la population d'Albe à s'installer à Rome sur le Caelius, mais en lui accordant le droit de cité et en admettant les grandes familles nobles au Sénat ; il fit raser Albe, sauf les temples.

Interprétation

Georges DumĂ©zil[9], dans sa recherche des origines indo-europĂ©ennes de la lĂ©gende des Horaces et des Curiaces, rencontre le personnage de Mettius Fufetius et y voit le correspondant dans la tradition romaine de Namuci dans la tradition indienne. Cette tradition, qui a Ă©tĂ© transmise par les Brāhmana mais qui n'Ă©tait pas ignorĂ©e du Rig-VĂ©da, raconte comment le dĂ©mon (asura) Namuci Ă©tait liĂ© Ă  Indra par un pacte de non-agression, que Namuci viola en s'attaquant Ă  Indra et en le privant de sa force et de sa santĂ© ; avec l'aide de dieux mĂ©decins, les Ashvins, et de SarasvatÄ«, Indra retrouve sa force et tire vengeance du traĂźtre Namuci en le tuant sans violer lui-mĂȘme le pacte[10].

L'histoire de Mettius Fufetius a pour fonction, dans le rĂ©cit des premiers temps de Rome reconstruit par l'annalistique, de prĂ©ciser la place du roi Tullus Hostilius par rapport Ă  ses prĂ©dĂ©cesseurs. Il est plus belliqueux et violent que Romulus, comme on le voit quand on compare l'admission des Sabins dans la citĂ© romaine et celle des Albains. Il s'oppose Ă  Numa par son impiĂ©tĂ© et ses abus de droit, il viole la fides Ă©tablie par Numa quand, Ă  plusieurs reprises, il use de stratagĂšmes contre les Albains ; il « outrepasse le droit en donnant Ă  sa justice un aspect passionnel de vengeance[11] Â».

Notes et références

  1. I, 23-28.
  2. Antiquités romaines, III, 2-30.
  3. Le titre de dictator était donné au premier magistrat dans plusieurs cités latines.
  4. Tite-Live, I, 23, 4 et 8.
  5. Tite-Live (I, 23, 1), invoquant l'origine troyenne des deux peuples, qualifie cette guerre de véritable guerre civile et presque de guerre entre pÚres et fils (prope inter parentes natosque). En outre, il y avait chez les Romains et les Albains des familles alliées par le mariage, comme justement les Horaces et les Curiaces.
  6. Tite-Live, I, 27 : per speciem societatis proditionem reseruat.
  7. Tite-Live, I, 28. Denys d'Halicarnasse, III, 27-30.
  8. Tite-Live, I, 28, 11.
  9. Voir notamment Heur et malheur du guerrier, Paris, Presses universitaires de France, 1969, pp. 33-42 : « Mettius Fuffetius et Namuci Â».
  10. Indra s'Ă©tait engagĂ© Ă  ne tuer Namuci « ni de jour ni de nuit, ni avec du sec ni avec de l'humide Â». Les Ashvins et SarasvatÄ« lui indiquent le moyen de s'en prendre Ă  Namuci sans trahir son engagement : il faut l'attaquer Ă  l'aube – ce n'est ni le jour ni la nuit – et avec de l'Ă©cume – ce n'est ni du sec ni de l'humide –. Ce que fit Indra.
  11. Paul M. Martin, L'IdĂ©e de royautĂ© Ă  Rome, tome I, De la Rome royale au consensus rĂ©publicain, Clermont-Ferrand, Adosa, 1982, pp. 250-251, qui ajoute : « Tullus s'oppose Ă  Numa non au sens oĂč l'absence ou le refus du droit s'opposerait Ă  son respect ou Ă  son existence, mais en ce que son action manifeste une sorte d’hybris juridique, sensible aussi dans le jugement d'Horace. Â» Sur la violation de la fides, voir aussi G. DumĂ©zil, op. cit., pp. 38 et suiv.

Voir aussi

Bibliographie

  • Marie Delcourt, « Romulus et Mettius Fufetius Â», Hommages Ă  Georges DumĂ©zil, Bruxelles, coll. Latomus XLV, 1960, pp. 77-82.
  • Jean GagĂ©, « Mettius Fufetius : un nom ou un double titre ? Remarques sur les structures de l'ancienne sociĂ©tĂ© albaine », Revue historique de droit français et Ă©tranger 53, 1975, pp. 201-224.

Articles connexes

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