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Mermecolion

Le mermecolion, Ă©galement appelĂ© fourmi myrmidon, formicoleon ou myrmĂ©colĂ©o[1] est une crĂ©ature chimĂ©rique possĂ©dant la tĂȘte d’un lion et le corps d’une fourmi. ÉvoquĂ© d'aprĂšs une interprĂ©tation de la Septante, traduction grecque de la Bible, il a donnĂ© naissance Ă  une sĂ©rie de descriptions dans les bestiaires mĂ©diĂ©vaux. Ces ouvrages expliquent que la partie lion de son corps mange de la viande que la fourmi ne peut digĂ©rer, et condamne cet Ă©trange hybride Ă  mourir de faim.

Un mermecolion. Illustration du XIVe siĂšcle.

Description

Le mot « mermecolion » et ses diffĂ©rentes variations viendraient d'une mauvaise traduction de la Septante : le mot lajisch signifiant lion en hĂ©breu aurait Ă©tĂ© retranscrit en un autre mot suggĂ©rant une fourmi-lion[2] - [1]. Ce mot inhabituel et anormal forgea le mot « myrmĂ©colĂ©o », sans doute en s'appuyant sur les Ă©crits d'Élien et Strabon, qui Ă©voquent un lion arabique sous le nom de myrmex, signifiant « fourmi » en grec ancien[1] - [Note 1].

« Le fourmi-lion meurt par manque de proies »

— Septante, Livre de Job IV, II[1]

D'autres traductions postérieures de la Bible traduisent ce passage par « Le vieux lion meurt par manque de proies[3] »

DiffĂ©rentes versions de l'animal existent, en effet, l'interprĂ©tation du mot fourmi-lion peut laisser suggĂ©rer que le mermecolion est un hybride de lion et de fourmi ou un prĂ©dateur des fourmis[Note 2]. Le mermecolion est dĂ©crit dans les premiĂšres versions du Physiologus comme un ĂȘtre hybride possĂ©dant la tĂȘte d’un lion et le corps d’une fourmi, et serait issu d’un croisement entre ces deux animaux[4].

Gervais de Tilbury ajoute que le mermecolion naĂźt sur une Ăźle de la mer Rouge. Ces fourmis myrmidons sont de la taille d’un petit chien, elles ont le corps et les dents noires, six pattes avec le milieu du corps comme celui d’une langouste. Chercheuses d’or, elles dĂ©vorent quiconque s’approche Ă  leur portĂ©e et « sont si rapides qu’elles semblent voler »[5]. Dans un livre du XXe siĂšcle, Bestiario de Javier Tomeo, le narrateur converse avec une fourmi rousse et fait allusion au mermĂ©colion dĂ©crit par Gervais de Tilbury[6] :

« — Est-il possible, demandĂ©-je Ă  la minuscule fourmi, que tu descendes de ces chercheuses d'or, grosses comme des chiens, qui vivaient en Éthiopie ?

— Je ne sais pas de quelles fourmis tu parles, et je m'en moque, me rĂ©pond-elle, mais je peux t'assurer que je n'ai pas de temps Ă  perdre avec les gĂ©nĂ©alogies. »

Présence dans la littérature

Le Mahābhārata, texte écrit en sanskrit, est le premier texte faisant référence au mermecolion.

HĂ©rodote, puis Pline l’ancien reprennent la description de cette crĂ©ature.

Enfin, un manuscrit du Xe siĂšcle, le rĂ©cit des voyages de Gervais de Tilbury puis le Bestiaire divin de Guillaume le Clerc de Normandie viennent s’ajouter aux rares Ă©crits dĂ©crivant le mermecolion[5].

« Le physiologue traite du fourmi-lion; le pÚre a la forme de lion, la mÚre de fourmi; le pÚre se nourrit de viande, et la mÚre d'herbes; Et ceux-ci engendrent le fourmi-lion, qui est mélange des deux et qui ressemble aux deux, car la partie antérieure est de lion, la postérieure de fourmi. Ainsi constitué, il ne peut pas manger de viande, comme le pÚre, ni d'herbe, comme la mÚre; par conséquent, il meurt[1]. »

Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle, relate ses observations[5] :

« En traversant une zone clairsemĂ©e de bois et de prairies, nous rencontrĂąmes le mermecolion, crĂ©ature hybride merveilleuse, mi-lion, mi-fourmi. Cette espĂšce naquit de la semence du lion tombĂ©e Ă  terre et ayant imprĂ©gnĂ© les Ɠufs de fourmis. »

Le Physiologus, parmi d'autres ouvrages, se sert de cet animal comme allégorie des indécis et des hypocrites[7] :

« Ainsi en est-il de tout homme à l'ùme divisée, instable dans toutes ses voies. Il n'est pas beau de dire "non et oui" ou "oui et non" mais que le oui soit oui et le non non, comme l'a dit notre Seigneur Jésus Christ. »

Gustave Flaubert Ă©voque cet animal dans septiĂšme partie de son poĂšme La Tentation de saint Antoine[8] :

« le Myrmecoleo, lion par devant, fourmi par derriÚre, et dont les génitoires sont à rebours »

Notes et références

Notes

  1. Cela dit, le nom grec de myrmex n'a pas toujours désigné un animal de petite taille. Hérodote l'utilise par exemple pour parler des fourmis chercheuses d'or, dans le livre III de ses Histoires, chapitre CII. Cet animal indéterminé, dont la taille se situe entre celle d'un renard et d'un chien, n'est ni tout à fait fourmi, ni tout à fait un autre. Un peu comme le mermecolion. Arnaud Zucker, Physiologos. Le bestiaire des bestiaires : Texte traduit du grec, introduit et commenté par Arnaud Zucker, JérÎme Millon, coll. « Atopia », , 325 p. (ISBN 978-2-84137-171-6, présentation en ligne)
  2. La fourmi-lion est par ailleurs un animal réel qui chasse les fourmis.

Références

  1. Jorge-Luis Borges, Le livre des ĂȘtres imaginaires, Éditions Gallimard, , 233 p. (ISBN 978-2-07-071102-4), p. 156-157
  2. (en) « Mermecolion », sur http://www.eaudrey.com/myth/index.html
  3. Bible, Livre de Job IV, II
  4. (en) « Mermecolion », sur http://www.americanmonsters.com/
  5. (fr) Josy Marty-Dufaut, Les animaux du Moyen ùge : réels & mythiques, Gémenos, Autres temps, , 195 p. (ISBN 2-84521-165-1)
  6. Histoires naturelles de Javier Tomeo (Bestiario 1988; Traduction Denise Laroutis, Collection Ibériques, José Corti, 1993
  7. Anonyme, Physiologos. Le bestiaire des bestiaires : Texte traduit du grec, introduit et commenté par Arnaud Zucker, JérÎme Millon, coll. « Atopia », , 325 p. (ISBN 978-2-84137-171-6), p. 146 à 149
  8. La Tentation de saint Antoine – Éd. L. Conard (1910)/La Tentation de saint Antoine/VII

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Josy Marty-Dufaut, Les animaux du Moyen Ăąge : rĂ©els & mythiques, GĂ©menos, Autres temps, , 195 p. (ISBN 2-84521-165-1)
  • Jorge-Luis Borges, Le livre des ĂȘtres imaginaires, Éditions Gallimard, , 233 p. (ISBN 978-2-07-071102-4), p. 156-157
  • (en) George C. Druce, « An Account of the ΜυρΌηÎșÎżÎ»Î­Ï‰Îœ or Ant-lion », Antiquaries Journal, vol. III, no 4,‎ , p. 347-364 (lire en ligne)
  • (en) Lyon Forrest Hill, The life & death of the mermecolion, 8 p. (lire en ligne)

Liens externes

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