Menhir de Saint-Uzec
Le menhir de Saint-Uzec (en breton : Kalvar Sant-Uzeg) est un menhir situé sur la commune de Pleumeur-Bodou (Bretagne), près de la chapelle Saint-Uzec en direction de l'Ile-Grande.
Menhir de Saint-Uzec | ||
Le menhir avec un bénitier à son pied | ||
Présentation | ||
---|---|---|
Chronologie | 5 000 - 2000 ans av. J.-C. | |
Type | Menhir | |
PĂ©riode | NĂ©olithique | |
Faciès culturel | Mégalithisme | |
Protection | Classé MH (1889) | |
Visite | espace public | |
Caractéristiques | ||
Dimensions | 7,40 m x 2,6 m | |
Décor | christinanisé (scènes de la passion du christ) | |
GĂ©ographie | ||
Coordonnées | 48° 47′ 20″ nord, 3° 32′ 40″ ouest | |
Pays | France | |
RĂ©gion | Bretagne | |
DĂ©partement | CĂ´tes-d'Armor | |
Commune | Pleumeur-Bodou | |
GĂ©olocalisation sur la carte : CĂ´tes-d'Armor
| ||
Description
Le menhir situé dans un placître est un bloc de granite, sans doute importé du littoral, qui pèse 80 tonnes, mesure 7,40 m de hauteur (hors-sol, environ un tiers dans le sol) et 2,6 m de largeur[1].
La croix est fixée dans une cavité de 10 cm de profondeur à l'avant, par deux cales visibles rouillées à cœur, et sans doute par d'autres, invisibles. De section rectangulaire, elle mesure 97 cm de haut et 70 cm de large. Le Christ, sculpté dans la masse en demi-relief, reprend l'iconographie du « Christus patiens » : la tête penche un peu du côté droit, le sternum est creusé, les yeux sont fermés. Un périzonium entoure le haut des cuisses. Deux calices recueillent son sang qui coule sous chaque main[1].
Sous la croix et la mettant en relief, un fronton orné d'un double bourrelet partant en accolade des pieds du Christ, se termine par deux volutes en épaulement enroulées en sens inverse des arcs de cercles. Ce fronton encadre un groupe de vingt-sept sculptures en bas-relief (dans un rectangle de 1,90 m de large sur 1,80 m de heut, originellement peint) rappelant le déroulement de la Passion du Christ mais disposées dans un ordre qui n'apparaît pas parfaitement rigoureux[2] : le registre supérieur est composé de gauche à droite du calice de Gethsémani[3], d'un croissant de lune enserrant une figure de profil qui regarde vers une figure féminine, d'une femme à genoux[4] avec les mains jointes[5] et d'un soleil portant en son centre une figure humaine toute ronde. Le soleil et la lune sont des symboles païens, interprétés par les Chrétiens comme les symboles des ténèbres du Vendredi-Saint et de la Résurrection. La femme peut être assimilée à une sculpture païenne, peut-être une déesse-mère celtique mais elle peut aussi représenter la Vierge Marie (sa sculpture semble en effet porter une auréole) en l’associant au second groupe au-dessous qui représente les instruments de la Passion du Christ.
Le second registre est encadré à gauche par une épée légèrement courbe[6] et une lance à pointe quasi triangulaire qui évoquent l’arrestation au Jardin des Oliviers, et à droite, par la lance de Longin et la tige d'Hysope portant l’éponge. Il est composé de gauche à droite de l’aiguière et d'une main gauche ouverte[7], du voile de Véronique[8], du coq du Reniement de saint Pierre qui est juché sur la colonne de la flagellation. Une échelle évoque la descente de croix[9].
Le troisième registre, encadré par deux fouets formés de plusieurs lanières courtes, comporte de gauche à droite, le sabre de saint Pierre qui trancha l’oreille de Malchus, la lanterne de l’arrestation, puis des tenailles et un marteau sous lesquels se trouve les deniers de Judas[10].
Le registre inférieur comporte la tunique sans couture, les trois dés des soldats romains lors du tirage au sort des vêtements du Christ, les trois clous, le crâne d’Adam[11], deux os croisés pouvant symboliser la descente aux enfers et un pot d'onguent.
À mi-hauteur était peint un Christ polychrome sur une croix rouge et sur un fond d'écusson noir. Il est maintenant totalement effacé[12].
Sur la face nord opposée, un peu bombée, on observe deux figures d'érosion[13] :
- neuf cannelures, rigoles postmégalithiques qui partent du haut du menhir et qui ont été creusées par l'écoulement de l'eau de pluie depuis que le menhir est dressé. Appelées localement « cheveux du menhir », l'une d'elles, profonde d'environ 150 mm, laisse présumer une vitesse de creusement d'une trentaine de mm/millénaire au minimum.
- deux vasques prémégalithiques qui indiquent clairement que la pierre avant d'être dressée était couchée et que cette face était sur le dessus.
Histoire
Le menhir de Saint-Uzec est dressé au Néolithique (5 000 - 2000 ans av. J.-C.) près de l'allée couverte de Keryvon.
Ce monument mégalithique est christianisé en 1674 lors d’une Mission de « l'apôtre de la Bretagne », le père jésuite Julien Maunoir qui le fait insérer dans un enclos ayant un accès par échalier, le fait peindre, sculpter et surmonter d'une croix. La christianisation des « pierres dressées » témoigne d'une volonté d'assimilation des signes religieux antérieurs (inculturation, acculturation ?)[14]. Elle montre la volonté de l'Église d'intégrer le culte païen des pierres dans un syncrétisme religieux[15].
L'appellation erronée de Saint-Duzec (en référence au moine Duzec qui fonde au VIe siècle un petit monastère sur un territoire très limité allant de la chapelle Saint-Uzec au menhir) provient de la liaison bretonne entre Zant, saint, et Uek, Uzek, prononcée zañnuek désignant en français Saint Josse[14].
Le menhir fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1889[16] sous le nom de Menhir de Saint-Duzec.
Le décor était polychrome, comme l'attestent des cartes postales du début de XXe siècle ainsi qu'une planche en couleur datant de 1897. Ces peintures sont aujourd'hui effacées[12].
En 2005, sous l'égide des Bâtiments de France, la commune de Pleumeur-Bodou lance une campagne de restauration qui conduit à l'éradication des lichens noirs qui masquent les figures sculptées[17].
Galerie de photos
- Vue générale
- Face sud envahie de lichens, en 2003
- Face nord avec ses rigoles qui, selon l'imaginaire local, servaient Ă faire couler le sang humain lors des sacrifices druidiques[18]
Notes et références
- Jean Le Bouffant, « Pleumeur-Bodou. "Kalvar zant Uek", le menhir de Saint-Uzec », Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, vol. 33-48,‎ , p. 42.
- Jean Le Bouffant, « Pleumeur-Bodou. "Kalvar zant Uek", le menhir de Saint-Uzec », Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, vol. 33-48,‎ , p. 43.
- Ce calice comporte trois zones sculptées : la coupe, le nœud et le pied.
- Position suggérée par les proportions du corps.
- La femme a le haut du front creusé. Peut-être un sillon dans la pierre a-t-il obligé le sculpteur à opérer ainsi.
- L'épée légèrement courbe comporte une poignée elliptique et une garde à deux crochets inégaux, l'un du côté de la concavité, l'autre, plus recourbé, du côté opposé.
- Cette main rappellerait le geste de Ponce Pilate ou l'Ă©pisode du soufflet mais il peut s'agir d'un gantelet de soudard Ă cause de la forme du poignet qui se termine par un Ă©largissement.
- Tissu rayé montrant les parties du visage stylisées. La bouche est marquée d'un seul trait de ciseau, la tête porte une couronne d'épines.
- Le barreau supérieur porte un anneau destiné à son accrochage ou plus probablement à recevoir une corde pour faciliter la descente du corps préalablement installé sur l'échelle.
- La dernière des sept pièces, à droite, porte une effigie.
- Selon la légende, il s'est trouvé au pied de la Croix, a reçu la première goutte de sang tombant du crucifié et est enterré sur le Golgotha.
- Bernard Willerval, Les plus beaux sites archéologiques de la France, Eclectis, , p. 102.
- Yannick Lageat, Dominique Sellier et Charles R. Twidale, « Mégalithes et météorisation des granites en Bretagne littorale, France du nord-ouest », Géographie physique et Quaternaire, vol. 48, no 1,‎ , p. 110-112 (lire en ligne).
- Bernard Merdrignac, Les vies de saints bretons durant le haut Moyen Ă‚ge, Editions Ouest-France, , p. 6.
- Myriam Philibert, Le grand secret des pierres sacrées, éditions du Rocher, , p. 239
- « Menhir de Saint-Uzec », notice no PA00089442, base Mérimée, ministère français de la Culture
- 5 juin 206, « Le conseil municipal en bref », sur letelegramme.fr, .
- Jacques Briard, Dolmens et menhirs de Bretagne, Editions Jean-Paul Gisserot, , p. 62.