Mary Toft
Mary Toft (née Denyer vers 1701 et morte en 1763), également appelée Mary Tofts, était une paysanne anglaise de Godalming, dans le Surrey, qui en 1726 suscita une controverse en faisant croire à des médecins qu'elle avait donné naissance à des lapins.
Naissance |
Vers 1701 Godalming |
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DĂ©cĂšs | |
Nom de naissance |
Mary Denyer |
Nationalité | |
Activité |
Toft tomba enceinte en 1726, mais fit une fausse couche, Ă la suite de quoi elle prĂ©tendit avoir donnĂ© naissance Ă des parties d'animaux. Le chirurgien local John Howard ayant Ă©tĂ© appelĂ© pour enquĂȘter, aprĂšs avoir extrait plusieurs morceaux de chair animale, signala l'affaire Ă d'Ă©minents mĂ©decins. Cette bizarrerie arriva aux oreilles de Nathaniel Saint-AndrĂ©, chirurgien de la cour du roi George Ier ; aprĂšs examen, il conclut que le cas de Toft Ă©tait authentique. Le roi dĂ©pĂȘcha Ă©galement le chirurgien Cyriacus Ahlers, qui resta quant Ă lui sceptique. Rapidement devenue une cĂ©lĂ©britĂ©, Toft fut emmenĂ©e Ă Londres et Ă©tudiĂ©e en dĂ©tail. AprĂšs des examens approfondis, alors qu'elle ne produisait plus de lapins, elle finit par avouer la supercherie et fut emprisonnĂ©e pour escroquerie.
Le scandale et les moqueries publiques qui s'ensuivirent créÚrent la panique au sein de la profession médicale. Plusieurs chirurgiens virent leurs carriÚres ruinées et l'affaire fut l'objet de nombreuses satires, notamment de la main du graveur William Hogarth, connu pour sa critique de la crédulité de la profession médicale. Toft fut finalement libérée sans inculpation et put rentrer chez elle.
Histoire
Premiers témoignages
L'histoire commença à attirer l'attention du public fin octobre 1726, lorsque la rumeur parvint à Londres[1]. Un compte-rendu en fut publié dans le Mist's Weekly Journal, le 19 novembre 1726 :
« De Guildford nous parvient un Ă©trange rĂ©cit pourtant bien avĂ©rĂ©. Une pauvre femme qui vit Ă Godalmin [sic], prĂšs de cette ville, a Ă©tĂ© accouchĂ©e il y a environ un mois par M. John Howard, Ă©minent chirurgien et accoucheur, d'une crĂ©ature ressemblant Ă un lapin, mais dont le cĆur et les poumons ont grandi dans son ventre, environ 14 jours aprĂšs qu'elle a Ă©tĂ© accouchĂ©e par la mĂȘme personne, d'un lapin parfait : et quelques jours plus tard de 4 autres ; et le vendredi, le samedi, le dimanche, les 4, 5 et 6, d'un autre chaque jour : parmi les neuf, tous sont morts en venant au monde. La femme a fait le serment qu'il y a deux mois, alors qu'elle travaillait dans un champ avec d'autres, elles ont levĂ© un lapin qui a fui, qu'elles l'ont poursuivi, mais sans but : cela a crĂ©Ă© en elle un tel dĂ©sir, qu'elle est tombĂ©e malade (Ă©tant enceinte) et a fait une fausse couche, et depuis ce temps elle n'a pas pu s'empĂȘcher de penser aux lapins. AprĂšs tout, les gens ont des opinions trĂšs diffĂ©rentes sur ces affaires, certains les considĂ©rant comme de grandes curiositĂ©s, dignes d'ĂȘtre prĂ©sentĂ©es Ă la SociĂ©tĂ© Royale, etc. d'autres Ă©tant furieux de leur rĂ©cit, disant que si c'est un fait, un voile doit ĂȘtre posĂ© sur cette imperfection de la nature humaine. »[trad 1] - [2]
â Mist's Weekly Journal, 19 novembre 1726
La « pauvre femme », Mary Toft, avait vingt-quatre ou vingt-cinq ans. BaptisĂ©e Mary Denyer le 21 fĂ©vrier 1703, elle Ă©tait la fille de John et Jane Denyer. En 1720, elle avait Ă©pousĂ© Joshua Toft, un compagnon drapier et le couple avait eu trois enfants, Mary, Anne et James[3] - [4]. Paysanne anglaise en ce XVIIIe siĂšcle, elle continuait Ă travailler aux champs lorsqu'elle retomba enceinte, en 1726[5]. Elle se plaignit de complications douloureuses au dĂ©but de la grossesse, et en aoĂ»t elle Ă©jecta plusieurs morceaux de chair dont un « aussi gros que [s]on bras »[6]. C'Ă©tait peut-ĂȘtre le rĂ©sultat d'une anomalie de dĂ©veloppement du placenta, qui aurait stoppĂ© le dĂ©veloppement de l'embryon et provoquĂ© l'Ă©jection de caillots sanguins et de chair[7] - [6] - [8]. Toft entra en travail le 27 septembre. Une voisine assista Ă la production de plusieurs parties d'animaux, qu'elle montra ensuite Ă sa mĂšre et Ă sa belle-mĂšre, Ann Toft, qui se trouvait ĂȘtre sage-femme. C'est cette derniĂšre qui fit parvenir les Ă©chantillons Ă John Howard, un accoucheur expĂ©rimentĂ© de Guildford[9].
EnquĂȘte de John Howard
Howard commença par rejeter l'idĂ©e que Toft ait pu donner naissance Ă des parties d'animaux, mais malgrĂ© ses rĂ©serves, il alla la voir par lui-mĂȘme. Ann Toft lui montra alors d'autres morceaux issus des efforts de la nuit prĂ©cĂ©dente, mais en examinant Mary il ne trouva rien de probant. Lorsqu'elle rĂ©cidiva et sembla donner naissance Ă d'autres parties d'animaux, Howard revint continuer son enquĂȘte. Selon un rĂ©cit datĂ© du 9 novembre, dans les jours suivants, il accoucha « trois pattes de chat tigrĂ© et une patte de lapin : les tripes Ă©taient celles d'un chat, et en elles se trouvaient trois morceaux de l'Ă©pine dorsale d'une anguille... Les supposĂ©es pattes de chat avaient Ă©tĂ© formĂ©es, d'aprĂšs elle, Ă partir d'un chat qu'elle aimait et qui dormait sur son lit la nuit. » Toft sembla Ă nouveau malade et accoucha d'autres morceaux de lapin au cours des jours suivants[7] - [8].
Alors que l'histoire se rĂ©pandait, le 4 novembre, Henry Davenant, membre de la cour du roi George Ier, alla voir ce qu'il en Ă©tait, examina les Ă©chantillons qu'Howard avait recueillis et rentra Ă Londres convaincu. Howard emmena Toft Ă Guildford, oĂč celle-ci proposa de produire des lapins en prĂ©sence de quiconque douterait de son histoire[10] - [11]. Certaines lettres d'Howard Ă Davenant pour l'informer des progrĂšs de l'affaire furent portĂ©es Ă l'attention de Nathaniel Saint-AndrĂ©, chirurgien suisse officiant Ă la cour du Roi depuis 1723[12]. Saint-AndrĂ© publia par la suite le contenu d'une de ces lettres dans une brochure, A short narrative of an extraordinary delivery of rabbets (1727).
« Monsieur,
Depuis la derniÚre fois que je vous ai écrit, j'ai accouché la pauvre femme de trois lapins supplémentaires, tous à moitié formés, dont un lapin dunn ; le dernier s'est agité vingt-trois heures durant dans l'utérus avant de mourir. DÚs que le onziÚme lapin a été sorti, le douziÚme a commencé à s'agiter et continue encore. Si vous connaissez quelqu'un qui serait curieux de venir ici, il pourrait voir une autre agitation dans son utérus, et en retirer le fruit s'il le souhaitait ; cela serait une grande satisfaction pour le curieux : si elle portait un enfant, elle en aurait encore pour dix jours de plus, et je ne sais pas combien de lapins pourraient suivre ; j'ai fait venir la femme à Guildford pour plus de facilité.
Je suis, Monsieur, votre humble serviteur,
John Howard. »[trad 2] - [13]
Investigations Ă Guildford
Ă la mi-novembre, la famille royale britannique Ă©tait tellement intĂ©ressĂ©e par l'histoire que Nathaniel Saint-AndrĂ© et Samuel Molyneux, secrĂ©taire du prince de Galles, furent dĂ©pĂȘchĂ©s pour approfondir l'enquĂȘte. Ils ne furent pas déçus : arrivĂ©s le 15 novembre, Howard les emmena voir Toft, qui produisit quelques heures plus tard le torse d'un lapin[1]. Le rĂ©cit de Saint-AndrĂ© dĂ©taille son examen de l'animal : pour vĂ©rifier s'il avait respirĂ© de l'air, il plaça un morceau de poumon dans l'eau et constata qu'il flottait. Saint-AndrĂ© examina ensuite Toft et conclut que les lapins avaient grandi dans ses trompes de Fallope.
En l'absence des mĂ©decins, Toft aurait livrĂ© plus tard dans la journĂ©e le torse d'un autre lapin, qu'ils examinĂšrent Ă©galement[11] - [14]. Ils revinrent ce soir-lĂ pour trouver Toft encore en proie Ă de violentes contractions. Un autre examen mĂ©dical s'ensuivit, et Saint-AndrĂ© accoucha une peau de lapin, suivie quelques minutes plus tard par une tĂȘte. Les deux hommes inspectĂšrent les morceaux de chair et notĂšrent que certains semblaient appartenir au corps d'un chat[15].
FascinĂ© par l'affaire, le roi envoya un autre chirurgien, Cyriacus Ahlers, Ă Guildford. ArrivĂ© le 20 novembre, celui-ci ne trouva chez Toft aucun signe de grossesse. Peut-ĂȘtre soupçonnait-il dĂ©jĂ un canular ; il observa que Toft semblait presser ses cuisses l'une contre l'autre, comme pour empĂȘcher quelque chose de tomber. Le comportement d'Howard, qui ne voulut pas le laisser l'aider Ă accoucher les lapins, lui parut tout aussi suspect, mĂȘme si Ahlers, qui n'Ă©tait pas accoucheur, avait apparemment infligĂ© Ă Toft des douleurs considĂ©rables lors d'une tentative antĂ©rieure[16]. Convaincu qu'il s'agissait d'un canular, il fit semblant de croire Ă l'histoire de Toft, avant de s'excuser et de retourner Ă Londres en emportant avec lui plusieurs spĂ©cimens. AprĂšs une Ă©tude plus approfondie, il aurait trouvĂ© des preuves que ceux-ci avaient Ă©tĂ© dĂ©coupĂ©s Ă l'aide d'outils et observĂ© des fragments de paille et de cĂ©rĂ©ales dans leurs excrĂ©ments[1] - [17].
Le 21 novembre, Ahlers rapporta ses dĂ©couvertes au roi, puis à « plusieurs personnes remarquables et distinguĂ©es »[18]. Howard lui Ă©crivit le lendemain pour rĂ©clamer le retour de ses Ă©chantillons[17]. Les soupçons d'Ahlers commencĂšrent Ă inquiĂ©ter Ă la fois Howard et Saint-AndrĂ©, ainsi apparemment que le roi, puisque deux jours plus tard, Saint-AndrĂ© et un collĂšgue furent renvoyĂ©s Ă Guildford[16] - [19]. Ils y retrouvĂšrent Howard, qui dĂ©clara Ă Saint-AndrĂ© que Toft avait donnĂ© naissance Ă deux autres lapins. Elle produisit aussi plusieurs morceaux de ce qui semblait ĂȘtre un placenta, mais elle Ă©tait alors assez malade et souffrait d'une douleur aiguĂ« au cĂŽtĂ© droit de l'abdomen[20].
Saint-AndrĂ© recueillit des dĂ©clarations sous serment de plusieurs tĂ©moins et tenta de mettre en doute l'honnĂȘtetĂ© d'Ahlers ; le 26 novembre, il fit une dĂ©monstration anatomique devant le roi pour soutenir l'histoire de Toft[19] - [21]. D'aprĂšs sa brochure, ni lui-mĂȘme ni Molyneux ne soupçonnaient la moindre fraude[22].
Sur ordre du roi, Saint-AndrĂ© retourna Ă Guildford et ramena Toft Ă Londres pour de plus amples investigations. Il Ă©tait accompagnĂ© de Richard Manningham, un obstĂ©tricien bien connu anobli en 1721, fils de l'Ă©vĂȘque de Chichester[16]. Examinant Toft, il trouva le cĂŽtĂ© droit de son abdomen lĂ©gĂšrement enflĂ©. Manningham accoucha ce qu'il identifia comme une vessie de porc ; Saint-AndrĂ© et Howard commencĂšrent par le contester, mais l'odeur d'urine leur inspira des doutes. Les trois hommes se mirent nĂ©anmoins d'accord pour taire leurs soupçons et, Ă leur retour Ă Londres le 29 novembre, ils logĂšrent Toft en pension dans le quartier de Leicester Fields[19] - [23] - [24].
Examens médicaux
La presse Ă©crite Ă©tant encore balbutiante, l'histoire de Toft prit rapidement une ampleur nationale, mĂȘme si certaines publications Ă©taient sceptiques. La Norwich Gazette considĂ©ra par exemple qu'il ne s'agissait que de « potins fĂ©minins »[27]. Le ragoĂ»t de lapin et le civet de liĂšvre disparurent des menus, et aussi improbable que l'affaire puisse paraĂźtre, de nombreux mĂ©decins se sentirent obligĂ©s de voir Toft par eux-mĂȘmes. Plus tard, l'Ă©crivain politique John Hervey en parlerait en ces termes :
« Toutes les créatures de la ville, hommes et femmes, ont été la voir et la sentir : les passions, bruits et mouvements permanents dans son ventre sont quelque chose de prodigieux ; tous les éminents médecins, chirurgiens et accoucheurs de Londres sont là jour et nuit pour assister à sa prochaine production. »[trad 3] - [3] - [28]
â John Hervey
Sous la stricte supervision de Saint-AndrĂ©, Toft fut Ă©tudiĂ©e par un certain nombre de mĂ©decins et chirurgiens reconnus, dont John Maubray. Dans son traitĂ© The Female Physician, celui-ci avait soutenu que les femmes pouvaient donner naissance Ă une crĂ©ature qu'il nommait sooterkin. Il Ă©tait partisan d'une croyance alors largement rĂ©pandue, selon laquelle la grossesse et l'accouchement pouvaient ĂȘtre influencĂ©s par les visions ou les rĂȘves de la mĂšre, une trop grande promiscuitĂ© entre les femmes enceintes et les animaux domestiques risquant mĂȘme de conduire leurs enfants Ă ressembler Ă ces animaux[29]. Maubray suivit avec plaisir le cas Toft, qui semblait appuyer ses thĂ©ories[30].
Le médecin James Douglas, un des anatomistes les plus respectés du pays et accoucheur reconnu, pressentit quant à lui comme Manningham un canular et garda ses distances malgré les invitations répétées de Saint-André. Beaucoup considéraient que Saint-André ne devait sa place à la cour qu'à sa maßtrise de l'allemand, langue natale du roi[31]. C'est pourquoi il cherchait avec insistance le soutien de ces deux médecins affiliés aux Whigs, parti en bonne position aprÚs l'accession au trÎne de George I ; l'appui médical de Manningham et Douglas aurait été de nature à renforcer sa renommée de médecin et d'érudit[24]. Pour Douglas, l'idée d'une femme accouchant de lapins était aussi peu plausible que celle d'un lapin donnant naissance à un nourrisson, mais malgré ses doutes il finit par voir Toft. Quand Manningham lui parla de la supposée vessie de porc, et qu'il eut examiné la jeune femme, il refusa de soutenir les conclusions de Saint-André :
« Pour pouvoir conclure de façon satisfaisante et convaincre n'importe qui, d'autres arguments Ă©taient nĂ©cessaires, que l'anatomie ou quelque autre branche de la science physique pouvait fournir. De cela, le plus grand nombre n'Ă©tait pas juge. Il Ă©tait donc sans aucun doute trĂšs naturel pour moi de vouloir que l'on suspende tout jugement plus avancĂ© pendant un certain temps, jusqu'Ă ce que les preuves requises de l'imposture puissent ĂȘtre apportĂ©es. »[trad 4] - [32]
â James Douglas
Sous Ă©troite surveillance, Mary Toft entra Ă nouveau en travail plusieurs fois, mais en vain[33].
Aveux de Mary Toft
Le canular fut Ă©lucidĂ© le 4 dĂ©cembre. Thomas Onslow, un aristocrate anglais, avait lancĂ© sa propre enquĂȘte et dĂ©couvert que depuis un mois, le mari de Toft achetait de jeunes lapins. Convaincu d'avoir rassemblĂ© suffisamment de preuves, il Ă©crivit au mĂ©decin Hans Sloane qu'il publierait bientĂŽt ses conclusions sur cette affaire qui avait « presque alarmĂ© l'Angleterre »[3] - [34]. Le mĂȘme jour, un porteur nommĂ© Thomas Howard avoua au juge de paix Thomas Clarges qu'il avait Ă©tĂ© soudoyĂ© par la belle-sĆur de Toft, Margaret, pour introduire un lapin dans sa chambre. ArrĂȘtĂ©e et interrogĂ©e, Mary nia l'accusation, et Margaret affirma auprĂšs de Douglas avoir effectivement reçu le lapin, mais seulement pour le manger[35].
Manningham, pensant aprĂšs avoir examinĂ© Toft que quelque chose subsistait dans sa cavitĂ© utĂ©rine, persuada le juge de lui permettre de demeurer lĂ oĂč elle Ă©tait logĂ©e[35]. Douglas interrogea la femme Ă trois ou quatre reprises, Ă chaque fois pendant plusieurs heures. Au bout de quelques jours, Manningham menaça de lui faire subir une opĂ©ration douloureuse et le 7 dĂ©cembre, en prĂ©sence de Manningham, Douglas, John Montagu et Frederick Calvert, Mary Toft finit par avouer[3] - [36]. Elle expliqua qu'aprĂšs sa fausse couche, alors que son col de l'utĂ©rus en permettait l'accĂšs, une complice avait introduit dans son ventre les pattes et le corps d'un chat, ainsi que la tĂȘte d'un lapin. Elles avaient ensuite inventĂ© l'histoire selon laquelle Toft, travaillant aux champs pendant sa grossesse, avait Ă©tĂ© surprise par un lapin et en avait conçu une obsession durable. Pour les faux accouchements ultĂ©rieurs, les morceaux d'animaux avaient Ă©tĂ© insĂ©rĂ©s dans son vagin[37] - [38].
Ă nouveau sous l'impulsion de Manningham et Douglas, elle rĂ©itĂ©ra ses aveux le 8 et le 9 dĂ©cembre, avant d'ĂȘtre emprisonnĂ©e Ă Tothill Fields Bridewell comme « vile tricheuse et imposteur »[33] - [36] - [39]. Dans des aveux antĂ©rieurs, non publiĂ©s, elle faisait porter toute la responsabilitĂ© de l'affaire aux autres parties prenantes, de sa belle-mĂšre jusqu'Ă John Howard. Elle affirmait aussi qu'une voyageuse lui avait expliquĂ© comment insĂ©rer les lapins, et qu'un tel stratagĂšme pourrait la rendre riche[6]. Le British Journal rapporta sa comparution le 7 janvier 1727 devant le tribunal local de Westminster, sous l'accusation de « tricherie et imposture abominable en prĂ©tendant avoir donnĂ© plusieurs naissances monstrueuses »[40]. Margaret Toft, quant Ă elle, continua de nier et refusa tout commentaire.
Conséquences
Controverse scientifique
Ă la suite de ce canular, la profession mĂ©dicale fut abondamment moquĂ©e pour sa crĂ©dulitĂ©. William Hogarth rĂ©alisa une gravure satirique, Cunicularii, or The Wise Men of Godliman in Consultation (1726), dĂ©peignant Toft dans les affres du travail, entourĂ©e des principaux protagonistes de l'histoire[25] - [41] - [42]. Selon Dennis Todd, la figure G de cette gravure reprĂ©sente la belle-sĆur, Margaret Toft. Dans sa confession du 7 dĂ©cembre, Toft insiste sur le fait que sa belle-sĆur n'a jouĂ© aucun rĂŽle dans le canular, mais Manningham, dans une publication de 1726, offre un tĂ©moignage oculaire de sa complicitĂ©[43]. La gravure de Hogarth ne fut pas la seule image satirique moquant l'affaire : George Vertue publia notamment The Doctors in Labour, or a New Wim-Wam in Guildford, grand format datĂ© de 1727 qui se moquait de Saint-AndrĂ© et connut une certaine popularitĂ© Ă l'Ă©poque[44].
La confession de Toft tombait mal pour Saint-André, qui avait publié le 3 décembre sa brochure de quarante pages, A short narrative of an extraordinary delivery of rabbets[42]. Le chirurgien avait misé sa réputation sur cette publication, et bien qu'il offre un compte rendu du cas Toft plus factuel que d'autres, il fut tourné en dérision[45]. Ahlers, dont le scepticisme se trouvait justifié, publia quant à lui son propre récit des événements et ses soupçons sur la complicité de Saint-André et d'Howard[46].
Saint-AndrĂ© finit par se rĂ©tracter le 9 dĂ©cembre 1726. En 1729, Ă la suite de la mort par empoisonnement de Samuel Molyneux, il Ă©pousa sa veuve Elizabeth, ce qui ne fit guĂšre impression sur ses pairs[48]. Le cousin de Molyneux l'accusa de l'empoisonnement, ce dont Saint-AndrĂ© se dĂ©fendit en le poursuivant pour diffamation, mais sa carriĂšre avait Ă©tĂ© durablement entachĂ©e. Elizabeth y perdit les faveurs de la reine Caroline d'Ansbach, tandis que Saint-AndrĂ© Ă©tait publiquement humiliĂ© Ă la cour. Vivant sur la fortune considĂ©rable d'Elizabeth, le couple se retira Ă la campagne et Saint-AndrĂ© mourut en 1776, Ă 96 ans[49] - [50]. Manningham, cherchant Ă se disculper, publia le 12 dĂ©cembre un journal de ses observations sur Mary Toft, ainsi qu'un compte rendu de ses aveux. Il suggĂ©ra que Douglas avait Ă©tĂ© dupĂ© par Toft, ce Ă quoi l'intĂ©ressĂ© rĂ©pondit en publiant son propre rĂ©cit pour sauver les apparences[39]. Sous le pseudonyme de « Lover of Truth and Learning », Douglas publia Ă©galement The Sooterkin Dissected, en 1727. Les dommages causĂ©s Ă la profession mĂ©dicale Ă©taient tels, que plusieurs mĂ©decins n'ayant aucun lien avec l'affaire se sentirent obligĂ©s de dĂ©clarer publiquement qu'ils n'avaient pas cru l'histoire de Toft[42]. Le 7 janvier 1727, John Howard comparut en justice avec Toft, et fut condamnĂ© Ă une amende de 800 ÂŁ (l'Ă©quivalent de 120 aujourd'hui)[51]. AprĂšs cela, il retourna dans le Surrey oĂč il continua Ă exercer jusqu'Ă sa mort, en 1755[52].
Vie ultérieure de Mary Toft
Il est rapporté que la foule aurait assailli la prison de Tothill Fields Bridewell pendant des mois, dans l'espoir d'apercevoir Mary Toft, désormais tristement célÚbre. C'est pendant son incarcération que son portrait fut réalisé par John Laguerre. Elle fut finalement libérée le , faute d'une accusation claire contre elle[53]. Elle retourna vivre dans le Surrey, sans que la famille Toft ne tire aucun profit de l'affaire. En février 1728, elle donna naissance à une fille, Elizabeth, notée dans le registre paroissial de Godalming comme « son premier enfant aprÚs ses prétendues grossesses de lapins »[54]. On sait peu de choses sur sa vie ultérieure ; elle réapparut briÚvement en 1740, lorsqu'elle fut emprisonnée pour avoir recelé des biens volés. à sa mort en 1763, sa nécrologie parut dans les journaux de Londres aux cÎtés de celles de l'aristocratie[52] - [55]. Elle fut enterrée à Godalming le [4].
Politique et satire
L'affaire fut citĂ©e par les opposants de Robert Walpole comme symbole d'une Ă©poque de cupiditĂ©, de corruption et de tromperie. Un correspondant de la maĂźtresse du prince de Galles suggĂ©ra qu'il s'agissait d'un prĂ©sage politique annonçant la mort imminente du pĂšre du prince. Le , le Mist's Weekly Journal publia une satire qui faisait plusieurs parallĂšles avec les changements politiques Ă l'Ćuvre, et qui comparait l'affaire aux Ă©vĂ©nements de 1641[56]. Le scandale fournit aux Ă©crivains de Grub Street assez de matĂ©riel pour plusieurs mois de publications diverses[57]. Saint-AndrĂ©'s Miscarriage (1727) ou The anatomist dissected: or the man-midwife finely brought to bed (1727), par exemple, moquent la prĂ©tention d'objectivitĂ© des mĂ©decins accoucheurs, les satiristes remettant en question leur intĂ©gritĂ© professionnelle avec profusion de jeux de mots et d'allusions sexuelles[58]. Une telle affaire remettait en question le statut de l'Angleterre comme nation « Ă©clairĂ©e » ; Voltaire s'en empara dans son essai SingularitĂ©s de la nature, pour illustrer comment les Anglais, bien que protestants, restaient influencĂ©s par une Ăglise ignorante[59].
Toft n'échappa pas à la satire, qui se concentra pour son cas sur les insinuations sexuelles. Certains profitÚrent de ce que le terme prick désignait alors couramment les traces laissées par des lapins, tandis que d'autres se contentÚrent du registre scatologique. L'une des satires les plus corrosives concernant Toft est une confession parodique de « Merry Tuft », qui se moque de son illettrisme et multiplie les suggestions obscÚnes quant à sa promiscuité[60] - [61]. Le document ridiculise également plusieurs des médecins impliqués, et reflÚte l'opinion générale des satiristes selon laquelle Toft n'était qu'une faible femme, la moindre des complices dans l'affaire, quelle que soit sa culpabilité effective. Par contraste avec ce qui ressortait avant la révélation du canular, on pourrait y voir une tendance à réduire plus largement Mary Toft à l'impuissance, tendance qui se retrouve dans l'une des satires les plus notables de l'affaire, la ballade anonyme d'Alexander Pope et William Pulteney intitulée The Discovery; or, The Squire Turn'd Ferret[62]. Publiée en 1726 et destinée à Samuel Molyneux, elle commence en effet par le couplet suivant[63] - [64] :
« Most true it is, I dare to say,
E'er since the Days of Eve,
The weakest Woman sometimes may
The wisest Man deceive. »
« Il est vrai que, j'ose le dire,
Depuis le temps d'Ăve,
La plus faible femme peut parfois
Tromper l'homme le plus sage. »
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Mary Toft » (voir la liste des auteurs).
Traductions
- (en) « From Guildford comes a strange but well-attested Piece of News. That a poor Woman who lives at Godalmin [sic], near that Town, was about a Month past delivered by Mr John Howard, an Eminent Surgeon and Man-Midwife, of a creature resembling a Rabbit but whose Heart and Lungs grew without [outside] its Belly, about 14 Days since she was delivered by the same Person, of a perfect Rabbit: and in a few Days after of 4 more; and on Friday, Saturday, Sunday, the 4th, 5th, and 6th instant, of one in each day: in all nine, they died all in bringing into the World. The woman hath made Oath, that two Months ago, being working in a Field with other Women, they put up a Rabbit, who running from them, they pursued it, but to no Purpose: This created in her such a Longing to it, that she (being with Child) was taken ill and miscarried, and from that Time she hath not been able to avoid thinking of Rabbits. People after all, differ much in their Opinion about this Matter, some looking upon them as great Curiosities, fit to be presented to the Royal Society, etc. others are angry at the Account, and say, that if it be a Fact, a Veil should be drawn over it, as an Imperfection in human Nature. »
- (en) « SIR,
Since I wrote to you, I have taken or deliver'd the poor Woman of three more Rabbets, all three half grown, one of them a dunn Rabbet; the last leap'd twenty three Hours in the Uterus before it dy'd. As soon as the eleventh Rabbet was taken away, up leap'd the twelfth Rabbet, which is now leaping. If you have any curious Person that is pleased to come Post, may see another leap in her Uterus, and shall take it from her if he pleases; which will be a great Satisfaction to the Curious: If she had been with Child, she has but ten Days more to go, so I do not know how many Rabbets may be behind; I have brought the Woman to Guildford for better Convenience.
I am, SIR, Your humble Servant,
JOHN HOWARD. » - (en) « Every creature in town, both men and women, have been to see and feel her: the perpetual emotions, noises and rumblings in her Belly are something prodigious; all the eminent physicians, surgeons and man-midwives in London are there Day and Night to watch her next production. »
- (en) « To be able to determine, to the Satisfaction and Conviction of all sorts of Persons, other Arguments were necessary, than Anatomy, or any other Branch of Physick [sic], could furnish. Of these the greatest Number are not Judges. It was therefore undoubtedly very natural for me to desire that People would suspend any farther Judgement for a little Time, till such Proofs could be brought of the Imposture as they requir'd. »
Références
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Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- (en) National Portrait Gallery