Marino Faliero
Marino Faliero (également appelé Marin Falier : son nom en vénitien), né en 1274 à Venise et mort décapité le dans la même ville, est le 55e doge de Venise, élu le .
Marino Faliero | |
Marino Faliero par Francisco Pradilla Ortiz (1883) Musée du Prado | |
Fonctions | |
---|---|
55e doge de Venise | |
– (7 mois et 6 jours) |
|
Prédécesseur | Andrea Dandolo |
Successeur | Giovanni Gradenigo |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Venise (RĂ©publique de Venise) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Venise (République de Venise) |
Nature du décès | Décapitation |
Nationalité | Vénitien |
Père | Iacopo Falier |
Mère | Beriola Loredan |
Conjoint | Tommasina Contarini (?) puis Aluycia Gradenigo |
Enfants | Lucie et Pinola (première épouse) |
|
|
Biographie
Jeunes années
Marino Faliero est né en 1274[1] - [2]. On sait peu de choses sur sa jeunesse, si ce n’est qu’à l’âge de trente ans il devient membre du Conseil des Dix qui venait d’être constitué après la conjuration de Bajamonte Tiepolo.
De noblesse ancienne, issu d’une famille probablement originaire de Fano qui avait déjà donné deux doges à la République de Venise[3], fort riche et propriétaire de vastes terres, Faliero était un homme d’action, courageux, orgueilleux, hautain, ambitieux et d’un caractère dur, facilement colérique, comme lorsqu'il gifla un évêque qui s’était présenté en retard à une procession qu’il présidait[4].
Dogat
Après la mort d’Andrea Dandolo, Faliero fut élu doge de la république de Venise le , au premier tour de scrutin. Il se trouvait alors en Avignon, comme ambassadeur de Venise auprès du pape Innocent VI.
Il arrive à Venise le 5 octobre suivant, et embarque sur le Bucentaure pour y entrer en cérémonie, selon la tradition. Son arrivée est marquée par un incident qui fut qualifié de mauvais augure : en raison d’un épais brouillard, le navire accosta non pas devant la porte du palais des Doges mais devant les deux colonnes de Saint Marc et de Saint Théodore, entre lesquelles avaient traditionnellement lieu les exécutions capitales.
À l’époque de son dogat, la concurrence avec la république de Gênes était très rude, et la guerre contre celle-ci depuis 1350 avait fortement perturbé l’économie : les échanges commerciaux stagnaient, la circulation monétaire était devenue rare et comme de coutume, le petit peuple pâtissait de cette récession économique ; le nombre de pauvres avait fortement augmenté et les taux d'intérêt étaient montés à 40 %. La défaite navale de Sapienza le contre les Génois avait tout amplifié[5].
Dans une Europe qui peinait à se remettre des conséquences désastreuses de l’épidémie de peste qui sévit de 1347 à 1351, Venise connut une situation économique particulièrement difficile de 1350 à 1355 : dans ces circonstances, Faliero, qui considérait le contrôle des assemblées vénitiennes sur le Doge comme un obstacle à ses projets, tenta de négocier en secret un accord économique avec le gouvernement de Gênes, politique à laquelle les élites vénitiennes étaient fermement opposées[5].
Conspiration
Faliero eut alors l’idée d’une conjuration (en) permettant d’asseoir la domination de sa famille contre l’aristocratie qui dominait la cité. Il parvint à rallier à son projet quelques grands bourgeois de Venise, comme Bertuccio Isarello, propriétaire et armateur de navires, Filippo Calendario (en), riche propriétaire de chalands de transport de pierres de construction[Note 1] ou Bertrando Bergamoso, un riche tanneur[6].
La date de l’insurrection fut fixée au ; les insurgés, armés, devaient envahir le palais ducal, assassiner les membres des divers Conseils ainsi que les membres de la noblesse présents, supprimer le Grand Conseil et proclamer le doge Signore di Venezzia soit « Seigneur de Venise » avec pleins-pouvoirs.
La conjuration échoua à cause des confidences de Bergamoso à l’un de ses amis, le patricien Niccolo Lion. Les conjurés furent rapidement arrêtés et soumis à la torture, livrant le nom de leur chef, le doge en personne. La ville fut alors mise en état d’alarme. Le , Bertucio Isarello et Filippo Calendario furent jugés en compagnie de neuf autres conjurés[7]. Ils furent bâillonnés et pendus le soir même aux fenêtres supérieures du palais ducal. Le fils de Calendario faisait également partie des conjurés, il sera lui aussi plus tard, pendu au bâtiment[8].
Exécution
Le , ce fut le tour de Marino Faliero d’être jugé pour haute trahison. Outre la tentative de coup d’État contre les institutions vénitiennes, il lui fut reproché d’avoir tenté de négocier l’accord secret avec Gênes, alors l’ennemi de Venise.
Il fut condamné à être décapité. L’exécution eut lieu sur un palier du grand escalier de la cour du palais des Doges, au pied du perron où, avant de recevoir la coiffe dogale, Faliero avait prêté serment d’observer la promissione (en) ». Le chef des Dix s'avança au balcon et, présentant à la foule l'épée ensanglantée, hurla : « Regardez bien, justice a été faite du traître ! »[9].
Le cadavre du doge resta exposé pendant une journée, la tête tranchée. Au soir du , sa dépouille fut déposée dans une nacelle et inhumée sans aucune cérémonie, dans un sarcophage en pierre placé dans une chapelle de la basilique de San Zanipolo, nécropole des doges de Venise.
Onze ans plus tard, par décret du Conseil des Dix, dans la galerie des Doges du palais dogal, son portrait fut recouvert de noir en 1366 où il fut inscrit Hic est locus Marini Falieri decapitati pro criminibus soit « Ici se trouve la place de Marino Faliero, décapité pour ses crimes », afin d’impressionner les ennemis de la République et à montrer qu’aucun, fût-il revêtu de la plus haute dignité, n’était à l’abri du châtiment. Par la suite, le sarcophage, vidé et retiré, a été utilisé en 1812 comme réservoir d’eau pour la pharmacie de l’hôpital civil et a finalement trouvé sa place, sans armoiries et inscriptions, dans la loggia extérieure du Fondaco dei Turchi, ancien siège du musée Correr à Venise[10] - [Note 2].
Postérité
En politique
Alors que l’aristocratie vénitienne ne jurait que par la guerre à outrance, Marino Faliero est le seul des 76 premiers doges à avoir tenté de négocier un accord avec Gênes, destiné à assouplir la concurrence et à favoriser la paix entre les deux thalassocraties rivales. Il fut aussi l’un des rares à se soucier de la pauvreté croissante du bas-peuple vénitien[5].
Dans la culture
- Selon une tradition, il est dit que, pour effacer complètement la mémoire du Doge Faliero, la République a rassemblé et refondu toutes les pièces frappées pendant son dogat. En réalité, la rareté réelle des pièces de monnaie (les sequins) frappées sous le mandat de ce doge peut surtout être attribuée à la crise monétaire de l’époque et à la courte durée de son dogat : à peine sept mois[10].
- Dans le contexte d’une époque propice aux superstitions, la décapitation du doge un vendredi 17 est probablement intentionnelle, car cette date était jugée peu propice depuis l’époque romaine : en effet, le chiffre romain XVII (dix-sept) est une anagramme de VIXI (j’ai vécu c’est-à -dire je suis mort). Le vendredi, de surcroit, jouissait de la même réputation inquiétante, en tant que le jour de la passion et de la mort du Christ[5].
Dans l'art et la littérature
Eugène Delacroix, 1825-1826
Wallace Collection, Londres
L’épisode de la conjuration de Marino Faliero a été représentée à plusieurs reprises :
- Ernst Theodor Amadeus Hoffmann : Doge et Dogaresse, Marino Falieri, nouvelle parue dans le recueil Les Frères de Saint-Sérapion, en 1819.
- Lord Byron : tragédie historique en cinq actes Marino Faliero, Doge de Venise, terminée le .
- Eugène Delacroix : tableau L'Exécution du doge Marino Faliero (1825-1826), Wallace Collection, Londres[11]
- Casimir Delavigne : tragédie en cinq actes et en vers Marino Faliero, représentée pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin à Paris le [12] - [13].
- Gaetano Donizetti (musique) et Emanuele Bidèra (livret italien) : tragédie lyrique en trois actes Marino Faliero, créée au Théâtre des Italiens de Paris le . Une version avec livret en français, de Louis Danglas, fut créée à Gand en 1852[14].
- Algernon Swinburne pièce Marino Faliero. A tragedy, publiée en 1885.
- Gilles Chaillet : bande dessinée Ténèbres sur Venise, publiée en 1987.
- Giorgio Ravegnani : Il traditore di Venezia : vita di Marino Falier doge, Laterza, Bari, 2017.
Notes et références
Notes
- Filippo Calendario Ă©tait tailleur de pierre, sculpteur et architecte en particulier du palais ducal oĂą il sera pendu
- Après l’incendie qui ravagea le palais des Doges en 1577, parmi les nouveaux portraits des doges, peints lors de la phase de restauration, l’inscription infamante était toujours présente.
Références
- (it) « Fiche sur l'encyclopédie Treccani » (consulté le )
- (en) « Fiche sur l'Encyclopédie Britannica » (consulté le )
- Vital Faliero de' Doni (1084-1095) et Ordelafo Faliero, son fils (1102-1118)
- (it) Giulia Gagliardi, « Il doge Marino Faliero: storia e leggenda del doge più famoso (e meno amato) di Venezia : Le doge Marino Faliero: histoire et légende du doge le plus célèbre (et le moins aimé) de Venise », sur venezia.italiani.it, (consulté le ).
- (it) Venipedia, « Marin Faliero fu il 55° doge della Serenissima (1354-1355) : Marin Faliero était le 55e doge de la Sérénissime (1354-1355) », sur venipedia.it (consulté le ).
- Cherche-Monde, « La conjuration de Faliero, une page dans l’histoire de Venise », sur cherchemonde.wordpress.com, (consulté le ).
- (en) Executed Today, « 1355: Filippo Calendario and Bertuccio Isarello, Doge stooges : 1355: Filippo Calendario et Bertuccio Isarello, comparses du Doge », sur executedtoday.com (consulté le ).
- (en) Lord Byron, « The Works of Lord Byron: Vol. IV, John Murray, London (1828), Appendix pp 157-164. », sur books.google.fr (consulté le ).
- (en) Frederic Chapin Lane, « Venice : A maritime republic » [PDF], sur books.google.fr (consulté le )
- (it) Sergio Rossi, « Marin Faliero e le sue monete : Marin Faliero et ses pièces » [PDF], sur maxcarrara.it (consulté le )
- Musée
- [lire en ligne]
- [lire en ligne]
- [lire en ligne]
Annexes
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :