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Marie-Catherine Desjardins, dite de Villedieu

Marie-Catherine Desjardins, dite Madame de Villedieu, née vers 1640 à Alençon, ou plus vraisemblablement à La Rochelle, ainsi que l'ont montré de récents travaux [1], et morte au manoir de Clinchemore à Saint-Rémy-du-Val, le , est une poétesse, dramaturge et romancière française.

Marie-Catherine de Villedieu
Description de cette image, également commentée ci-après
Madame de Villedieu,
gravure de Charles Devrits
Auteur
Langue d’écriture Français
Genres

Biographie

Marie-Catherine Desjardins est issue de la petite noblesse terrienne. Fille d’un couple au service d’une famille illustre, les Rohan-Montbazon, elle ne gardera de son père aventureux, Guillaume Desjardins, qu’un souvenir de violentes chicanes[2]. Ses parents se séparent alors qu’elle est encore très jeune, ce qui lui donne une indépendance et une liberté assez rares pour l’époque : installée dans le Paris de l’après-Fronde, Tallemant des Réaux dit d’elle qu’elle y « vit sous sa bonne foy[3] ». Là, elle compense rapidement son manque de naissance et de richesse, mais aussi sa laideur, par l’exercice de son esprit, lequel, de son propre aveu[4], est brillant ; elle le prouve notamment à travers les premières poésies qu’elle compose, mais aussi ses portraits. On l’admire dans les salons parisiens, où elle s’acquiert de solides protections (Anne-Marie-Louise d'Orléans, Marie de Nemours, le duc de Saint-Aignan, Hugues de Lionne…).

L’année de ses dix-huit ans, Marie-Catherine fait la rencontre décisive de son existence en la personne d’Antoine de Boësset, sieur de Villedieu, fils d’un célèbre musicien du roi Louis XIII. Commence une liaison tumultueuse célébrée par l’écrivaine dans un sonnet intitulé Jouissance et jugé scandaleusement libertin[5] : « Je meurs entre les bras de mon fidèle amant, / Et c'est dans cette mort que je trouve la vie. »

Après une promesse solennelle de mariage signée en Provence, devant prêtre et notaire, le , survient la rupture définitive en 1667. Au cours du « tragique été[6] » de la même année, Marie-Catherine Desjardins voit son amant mourir au siège de Lille et sa correspondance amoureuse publiée prétendument sans son consentement par le libraire-éditeur Claude Barbin[7]. C’est forte de cette seule promesse que Marie-Catherine put se faire appeler « de Villedieu » et se faire officiellement considérer, avec l’approbation de sa belle-famille, comme sa veuve.

Marie-Catherine Desjardins donna trois pièces à la scène: la tragi-comédie Manlius, jouée avec succès par les comédiens de l’hôtel de Bourgogne en 1662 et qui suscita une querelle entre Donneau de Visé et l’abbé d’Aubignac concernant l’authenticité historique de la pièce ; la tragédie Nitétis, jouée le ; et la tragi-comédie Le Favori, créée le par la Troupe de Monsieur sur la scène du Palais-Royal, puis donnée à Versailles le soir du suivant devant la famille royale et ses invités. Cette dernière s'intitulait au départ La Coquette, ou le Favory. Lors de sa représentation à Versailles, Molière écrivit un prologue aujourd'hui perdu, mettant en scène parmi le public une marquise et un marquis ridicule. Les intermèdes musicaux furent signés par Lully et les décors par Vigarani. Malgré le bon accueil de cette pièce, qu'elle dédia au ministre Hugues de Lionne, Marie-Catherine Desjardins délaissa ensuite son activité de dramaturge pour se tourner résolument vers l’écriture romanesque.

Les succès s’enchaînent au prix d’un intense labeur : de 1669 à 1675, pressée par de sérieuses difficultés financières, la romancière ne cesse d’écrire et de publier. Avec ses Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, parues en 1671, elle invente le genre littéraire du roman-mémoires. Les célèbres Désordres de l’amour (1675) marquent son retrait officiel de la scène littéraire. Un an plus tard, Louis XIV devait enfin lui accorder la pension royale tant sollicitée ; encore sera-t-elle bien mince : 600 livres.

En 1677, « Madame de Villedieu » épouse Claude-Nicolas de Chaste, chevalier, sieur de Chalon. Union éphémère, puisque l’officier mourra deux ans plus tard, non sans avoir permis à Marie-Catherine de devenir mère pour la première fois, à l’âge de trente-huit ans. Retirée dans la demeure familiale, à Clinchemore, auprès de sa mère et de ses frère et sœur (François et Aimée), Mme de Chaste y meurt en 1683. C’est là que Claude Barbin s’empare des dernières productions de l’écrivaine (Le Portrait des faiblesses humaines, posth. 1685 ; Les Annales galantes de Grèce, posth. 1687).

Le succès littéraire de Marie-Catherine de Villedieu explique les nombreuses fausses attributions dont elle fit l’objet dès le XVIIe siècle[8], ainsi que la rumeur selon laquelle elle aurait été admise à l’Académie des Ricovrati de Padoue.

Jugements

  • Tallemant des RĂ©aux : « C’est une personne qui, toute petite, a eu beaucoup de feu ; elle parlait sans cesse. Voiture, qui logeait en mĂŞme logis que la mère, prĂ©dit que cette petite fille aurait beaucoup d’esprit, mais qu’elle serait folle. [...] Elle a une facilitĂ© Ă©trange Ă  produire ; les choses ne lui coĂ»tent rien, et quelquefois elle rencontre heureusement. Tous les gens emportĂ©s y ont donnĂ© tĂŞte baissĂ©e, et d’abord ils l’ont mise au-dessus de Mlle de ScudĂ©ry et de tout le reste de femelles[9]. »
  • Voltaire : « Elle a fait perdre le goĂ»t des longs romans. »

Ĺ’uvres & Ĺ“uvres en ligne

Représentations

  • Le Favori, mise en scène par Aurore Évain, compagnie La Subversive, pièce recrĂ©Ă©e, 350 ans après que Molière l’a crĂ©Ă©e au théâtre du Palais-Royal ; Ă  Guyancourt, la Ferme du Bel Ébat les et (reprise le 12 oct. 2018), Ă  Paris le , au Théâtre Confluences, le Ă  l'UniversitĂ© de New York Ă  Paris, et les 27 et au Théâtre Eurydice de Plaisir ; le , au Festival Jean de La Fontaine Ă  Château-Thierry ; le , au Festival La Tour Passagère, Ă  Lyon ; le au Festival International de Théâtre Classique d'Almagro, en Espagne ; du 20 au , au Théâtre Municipal Berthelot de Montreuil ; en au Théâtre des ĂŽlets-CDN de Montluçon / Théâtre Gabrielle Robinne ; du 9 au , Ă  la Cartoucherie, Théâtre de l'EpĂ©e de bois (Paris). Les intermèdes de Jean-Baptiste Lully ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par des musiques d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, de Barbara Strozzi, d'Antonia Bembo et de Mlle Bataille, interprĂ©tĂ©es par un ensemble de musique ancienne, Les Mouvements de l'âme, dont la chanteuse soprano Amal Allaoui. Cette tragi-comĂ©die a Ă©tĂ© Ă©crite en 1665, soit Ă  l’apogĂ©e du français classique qu’on situe entre 1660 et 1680. C’est pourquoi les spectateurs de la pièce ont l'impression d'entrer d’emblĂ©e sans jamais l’avoir entendue en terrain connu, pour la puretĂ© du style. Mais si Racine ou Molière n'osent pas en gĂ©nĂ©ral convoquer un personnage de roi qui leur soit contemporain, l’originalitĂ© voire la hardiesse de Mme de Villedieu est d’offrir ici le monarque sur scène : Isabelle Gomez, comĂ©dienne travestie, incarne le roi de Barcelone.

Bibliographie

Notes

  1. Voir Christian Foreau, "L'esprit aventureux du père de Marie-Catherine Desjardins", en ligne sur le site "Madame de Villedieu
  2. Il dépose, le 22 février 1655, une requête contre sa fille et son neveu, François Desjardins de Saint-Val, qu’il accuse de s’être liés secrètement par une promesse de mariage.
  3. Historiettes
  4. Portrait de Mademoiselle Desjardins par elle-mĂŞme
  5. Jouissance, 1658
  6. Micheline Cuénin
  7. Lettres et billets galants, 1667
  8. Dom Carlos ; Le Prince de Condé ; Mademoiselle d’Alençon ; Mademoiselle de Tournon ; Astérie, ou Tamerlan…
  9. Historiettes.
  10. https://madamedevilledieu.univ-lyon2.fr/le-journal-amoureux-1669-1671--532633.kjsp

Liens externes

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