Margarita Simonian
Margarita Simonovna Simonian ou Simonyan (en russe : Маргари́та Симо́новна Симонья́н), née en 1980, est une journaliste russe, rédactrice en chef des publications en langue anglaise, de la télévision, et du réseau d'actualités RT (anciennement Russia Today), et de l'agence gouvernementale d'informations Rossia Segodnia.
Rédactrice en chef Sputnik | |
---|---|
depuis le | |
Rédactrice en chef Rossia Segodnia | |
depuis le | |
Rédactrice en chef RT | |
depuis |
Naissance | |
---|---|
Nom dans la langue maternelle |
Маргарита Симоновна Симоньян |
Nationalité | |
Formation | |
Activités | |
Période d'activité |
depuis |
Conjoint |
Tigran Kéossaïan (en) (depuis ) |
A travaillé pour |
Rossia Segodnia (depuis le ) RT (depuis ) |
---|---|
Parti politique | |
Membre de | |
Distinctions | Liste détaillée Médaille « pour renforcer la fraternité militaire » () Ordre de l'Amitié () Ordre de l'Amitié (d) () Certificat de gratitude du président de la fédération de Russie () Médaille Khorenatsi (en) () Ordre du Mérite pour la Patrie, 4e classe () Ordre d'Alexandre Nevski () |
Plus particulièrement depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, elle est une des figures de la désinformation et de la propagande officielle du régime russe.
Biographie
Elle est née le [1] dans la ville russe de Krasnodar, au sein d'une famille d'origine arménienne[2]. Ses parents, propriétaires d'un restaurant dans la banlieue de Sotchi[3], sont des descendants de réfugiés arméniens de l'Empire ottoman. La famille de son père, originaire de Trébizonde, s'est installée en Crimée pendant le génocide arménien de 1915. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette famille a été déportée en Oural avec des milliers d'autres Arméniens de Hemşin. Son père est né à Iekaterinbourg. Sa mère est née à Sotchi dans une famille également d'origine arménienne qui a fui les massacres d'Arméniens à la fin du XIXe siècle[4]. Simonian décide très tôt de devenir journaliste. Elle travaille d'abord pour le journal local, et ensuite pour une station de télévision locale, avec des études de journalisme à l'université d'État du Kouban[5].
En 1996, elle séjourne un an à Bristol, dans le New Hampshire, bénéficiant d'un programme d'échange étudiant[6]. Elle dit avoir constaté dans cette période que les Russes et les Américains « sont tellement semblables en termes de culture, de valeurs familiales, de modes de vie, de réactions, de sens de l'humour »[7].
Elle couvre comme journaliste la seconde guerre de Tchétchénie et de graves inondations en Russie du sud pour sa station de télévision locale, recevant un prix pour son « courage professionnel ». En 2002, elle devient correspondant régional pour la chaîne de télévision nationale Rossiya et suit en 2004 la prise d'otages dans l'école de Beslan[8]. Elle est l'un des premiers journalistes témoin de la mort de ces 334 civils, dont 186 enfants. Elle déménage ensuite à Moscou et rejoint le pool de reporters russe du Kremlin. Elle devient vice-présidente de la fédération de l'association nationale de broadcaters de la télévision et de la radio russe et membre de la Chambre civique de la fédération de Russie.
Elle a 25 ans lorsqu'elle est nommée rédactrice en chef de RT en 2005[9] - [10]. Certaines sources américaines la décrivent comme une proche de Vladimir Poutine[11] - [12] - [13]. Elle explique avoir bénéficié d'un renouvellement générationnel souhaité par les nouveaux médias parmi les journalistes.
RT a commencé à diffuser le avec un effectif de 300 journalistes, dont environ 70 à l'extérieur de la Russie[14]. Lors de son lancement, elle déclare que le projet de RT est d'être un format «professionnel» comme la BBC, CNN et Euronews qui serait « le reflet de l'opinion de la Russie sur la situation internationale » et de présenter une « image plus équilibrée » de la Russie[15]. Elle a également dit à un journaliste que le gouvernement n'en dicterait pas le contenu et que la « censure par le gouvernement dans ce pays est interdite par la constitution »[16]. Elle a aussi indiqué au Moscow Times que la controverse est essentielle pour le développement de la station[17]. La station est critiquée cependant à plusieurs reprises pour sa partialité. Elle est citée comme affirmant : « Il n'y a pas d'objectivité — que des approximations de la vérité par des voix diverses[18]. »
Le , elle est nommée rédactrice en chef de l'agence gouvernementale Rossiya Segodnya et intervient en tant que rédactrice-en-chef des deux organisations en même temps.
Controverses
Elle a été mise en cause dans un rapport du renseignement américain, et citée à plusieurs reprises à propos de prétendues interactions russes pour peser sur l’élection présidentielle en 2016 aux États-Unis[19].
Le 10 mars 2020, la Fondation anti-corruption russe proche de l'opposant Alexeï Navalny a diffusé une vidéo accusant Simonian et son mari d'être directement impliqués dans le détournement de fonds publics (750 millions de roubles au total), le blanchiment d'argent et la corruption en association avec la production de l'émission de télévision Mejdounarodnaïa Pilorama[20]. Le 2 avril 2020, la fondation anti-corruption explique comment Simonian a tenté de simuler un semblant de popularité pour les vidéos de RT avec des commentaires achetés en masse[21].
Services de renseignements, médias occidentaux et journalistes russes, ONGs et chercheurs considèrent Simonian comme une propagandiste active dans la diffusion de désinformation[19] - [22] - [23] - [24] - [25] - [26] - [27].
Prises de position
Selon Reporters sans frontières, elle a fait « l'apologie de la répression en Biélorussie » en félicitant publiquement Alexandre Loukachenko après le détournement d’un avion et l’arrestation du journaliste Roman Protassevitch[22].
Lors de la Crise frontalière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan de 2021-2022, Simonian accuse les autorités arméniennes de provoquer la Russie, en arrêtant l'ancien président Robert Kotcharian et en refusant de reconnaître l'annexion de la Crimée. Ces paroles sont largement critiquées dans une partie de la société arménienne[28] - [29].
Guerre russo-ukrainienne
Lors du forum « Donbass russe » (en russe : форум «Русский Донбасс») dans l'est de l'Ukraine occupée par la Russie durant la guerre du Donbass, Simonian a professé son désir que la Russie annexe la région du Donbass, appelant le 28 janvier 2021 : « Mère Russie, ramenez le Donbass à la maison ! »[30] - [31] - [32].
Lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, Simonian défend la nécessité de la censure des médias et fait de nombreuses déclarations non vérifiées qui participent à la désinformation et à la propagande de guerre. Elle affirme que la résistance des Ukrainiens face à l'invasion est une folie collective et déclare que « ce n'est pas un accident si on les appelle des nazis »[33] - [34].
L'Union européenne ajoute Simonian à la liste des personnalités russes sanctionnées dès fin février 2022, lorsque la Russie a reconnu l'indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, puis lorsqu'elle a envahi l'Ukraine. Le Canada, l'Australie et le Royaume-Uni font de même[35] - [36] - [37] - [38] - [39]. D'autres journalistes russes sont frappés des mêmes sanctions au même moment, comme Vladimir Soloviev et Piotr Olegovitch Tolstoï, ainsi que la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
Vie privée
Elle est mariée au journaliste et réalisateur Andreï Blagodyrenko. Elle a donné naissance à leur fille, Mariana, en [40]. Elle est ensuite liée avec le réalisateur de film Tigran Keosayan, également d'origine russe arménienne, avec lequel elle a deux enfants, un fils, Bagrat, en , et une fille, Maro, en 2019[41].
Elle parle russe (sa langue maternelle) et anglais, mais pas arménien : elle a expliqué que cette langue n'était pas parlée durant son enfance au domicile familial.
Distinctions
- Ordre de l'Amitié (2007)[42]
- Médaille Movses Khorenatsi (2010)
- Ordre du Mérite pour la Patrie de 4e classe (2014)[43]
Références
- (en) « Margarita Simonyan biography », sur NewsExchange.org (consulté en ).
- (ru) « МАРГАРИТА СИМОНЬЯН », Echo de Moscou, (lire en ligne, consulté le )
- Max Seddon, « Déjeuner avec Margarita Simonyan, star des médias du Kremlin : Ce cliché que Russia Today serait une chaîne anti-Occident me fait sourire », Le Nouvel Économiste, (lire en ligne)
- (hy) « Armenians of the World-Margarita Simonyan », Shant TV,
- (en) Julia Ioffe, « What is Russia Today? », Columbia Journalism Review, (lire en ligne)
- (en) « 20 years of FLEX », Future Leaders Exchange, (consulté le )
- (en) Kara Rowland, « Russia Today: Youth served », The Washington Times, (lire en ligne)
- (en) Artem Zagorodnov, « Today's woman who needs to be heard », The Moscow Times, (lire en ligne)
- (en) Stephen Heyman, « A Voice of Mother Russia, in English », New York Times, (lire en ligne)
- (en) « RT editor Simonyan to head Kremlin-backed news agency », BBC News, (lire en ligne)
- (en) Julia Ioffe, « What is Russia Today? », Columbia Journalism Review, (lire en ligne)
- (en) Shaun Walker, « Why the Russian revolution is being televised at last », The Independent, (lire en ligne)
- (en) Andrew Osborn, « Russia's 'CNN' wants to tell it like it is », The Age, (lire en ligne)
- (en) Julian Evans, « Spinning Russia », Foreign Policy, (lire en ligne)
- (en) « RIA Novosti launches a TV channel, Russia Today] », Sputnik, (lire en ligne)
- (en) Beth Knobel, « Russian News, English Accent: New Kremlin Show Spins Russia Westward », CBS News, (lire en ligne)
- (en) « Russia Today courts viewers with controversy », Russia Beyond the Headlines, (lire en ligne)
- (en) « The Guardian view on Russian propaganda : the truth is out there », The Guardian, (lire en ligne)
- Isabelle Mandraud, « Margarita Simonian ou le visage d’une propagande russe décomplexée », Le Monde, (lire en ligne)
- https://www.youtube.com/watch?v=RfCZm_rdfZM
- Требуем уволить Симоньян, или как RT накручивает просмотры.
- « La dirigeante de RT et Sputnik, Margarita Simonian, tombe le masque en faisant l’apologie de la répression au Bélarus | Reporters sans frontières », sur RSF, (consulté le )
- « L'historienne Galia Ackerman décrypte la stratégie de propagande russe », sur www.20minutes.fr (consulté le )
- « Propaganda Comes at a Cost », EU vs Disinfo, (lire en ligne)
- « Portrait de Margarita Simonian, la tsarine à la tête de Russia Today », sur Les Inrocks (consulté le )
- « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contre-propagande ? », Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, (lire en ligne)
- « Sur TikTok, des influenceurs russes répètent la propagande de Poutine », sur L'ADN, (consulté le )
- (en-US) Raffi Elliott, « Armenian forces repel yet another Azerbaijani assault in Tavush », sur The Armenian Weekly, (consulté le )
- (en-US) « Russia Today, Sputnik head accuses Armenian gov’t of being anti-Russian - JAMnews », sur English Jamnews, (consulté le )
- Charles Haquet, « Vladimir Poutine va-t-il relancer la guerre en Ukraine ? », L'Express, (lire en ligne, consulté le )
- (en-US) Alvydas Medalinskas, « Kremlin TV chief: Russia must annex east Ukraine », Atlantic Council, (lire en ligne, consulté le )
- « Donbass: Générer de fausses informations sur le terrain », Atlantic Council, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « 'Military Brainwashing': Russian State TV Pulls Out The Stops To Sell Kremlin's Narrative On The War In Ukraine », sur RadioFreeEurope/RadioLiberty (consulté le )
- (en) « Ominous rhetoric gains grounds in Russia as its forces founder in Ukraine », Washington Post, (lire en ligne)
- (ru) ЕС лишил депутатов Госдумы шопинга в Милане и вечеринок в Сен-Тропе // РБК, 22 фев 2022
- (ru) Владимир Соловьёв, Маргарита Симоньян, Мария Захарова и Пётр Толстой попали под европейские санкции
- (ru) «Радио Свобода»: под санкции ЕС попали Маргарита Симоньян, Мария Захарова и Владимир Соловьёв, 23 февраля 2022
- (ru) « В обновлённый санкционный список Британии попали Мишустин, Собянин, Медведев, Песков, Турчак, Мазепины (версия 3) », sur SWI swissinfo.ch (consulté le )
- (ru) « Австралия ввела санкции против 22 российских журналистов и сотрудников СМИ », sur tass.ru (consulté le )
- (ru) Susanna Alperina, « Маргарита Симоньян родила дочь », Rossiyskaya Gazeta, (lire en ligne)
- (ru) Елена ЛАПТЕВА, « Тигран Кеосаян и Маргарита Симоньян назвали сына Багратом », Komsomolskaïa Pravda, (lire en ligne)
- (ru) « Указ Президента Российской Федерации от 27 июня 2007 года № 815 «О награждении государственными наградами Российской Федерации» »
- (ru) « СМИ: 300 журналистов получили от Путина награды за Крым »