Marcel Loubens
Marcel Jean Firmin Loubens, né le à MazÚres-sur-Salat et mort le dans le gouffre de la Pierre-Saint-Martin, est un spéléologue français. Il est décédé dans un accident au cours d'une exploration.
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(Ă 29 ans) Gouffre de la Pierre Saint-Martin |
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Biographie
Marcel Loubens fut trÚs tÎt passionné de spéléologie et dÚs l'ùge de 13 ans, il voulut rencontrer Norbert Casteret. Ce souhait se réalisera en 1940, et Casteret l'encourage alors à prospecter le massif d'Arbas. Il pratique l'activité au sein d'un clan routier des Eclaireurs de France.
Il y dĂ©couvre la mĂȘme annĂ©e un gouffre de premiĂšre importance, la Henne Morte, qui sera un temps le plus profond de France. En 1943, au cours d'une exploration de la Henne Morte avec Casteret et Joseph Delteil, il est gravement blessĂ© par la chute d'un bloc rocheux alors qu'il portait secours Ă un membre de l'Ă©quipe victime d'une chute. Il fallut 13 heures pour le remonter avec Ă©paule et cĂŽtes fracturĂ©es[1].
Ces temps d'occupation nazie étaient peu propices à l'exploration scientifique, mais sa connaissance du massif servira la Résistance: il devient passeur de frontiÚres entre la France et l'Espagne et s'engage dans le maquis des Pétroles de Saint-Marcet, puis aprÚs son démantÚlement, dans le maquis « Bidon V ». Lorsqu'il servait d'agent de liaison, il se cachait chez Casteret ou chez la mÚre de Casteret à Saint-Gaudens[2]. à la libération, il est nommé sous-lieutenant et fait partie des témoins en faveur de Casteret accusé de collaboration à la suite d'une dénonciation calomnieuse.
En 1946-1947, il guide l'imposante Ă©quipe mobilisĂ©e pour l'exploration de la Henne Morte et qui en atteindra le siphon terminal Ă la profondeur record de â446 m.
Par la suite, il rejoint l'Ă©quipe du physicien Max Cosyns qui explore le plateau calcaire du massif de la Pierre-Saint-Martin. Il prospecte alors les Gorges de Kakouetta, rĂ©surgence du systĂšme hydrologique local, le gouffre Fertel, celui de l'Escuret... En 1951, en compagnie d'Haroun Tazieff, il dĂ©passe les â500 m dans le gouffre de la Pierre-Saint-Martin que Georges LĂ©pineux et Jacques Labeyrie avaient dĂ©couvert l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente.
Lors de l'expĂ©dition de 1952 dans le gouffre de la Pierre-Saint-Martin, par la faute d'un dĂ©faut de conception du treuil, il fait une chute aux pieds de Tazieff et dĂ©cĂšde sans avoir pu ĂȘtre ramenĂ© Ă la surface.
Il avait une femme et un fils et dirigeait une petite fabrique de papier et matiĂšres plastiques.
L'accident de la Pierre-Saint-Martin
En 1952, Cosyns met sur pied une grande expédition pour s'attaquer à nouveau au gouffre[3] - [4]. Marcel Loubens y retrouve José Bidegain, Norbert Casteret, Delteil, le cinéaste Jacques Ertaud, Jacques Labeyrie, Georges Lépineux, Haroun Tazieff, Jacques Moreau, le docteur Mairey, Giuseppe Occhialini, et Jacques Theodor.
Elle part du proche village de Sainte-EngrĂące pour rejoindre l'entrĂ©e Ă 1 750 m d'altitude oĂč ils sont accueillis par les carabiniers espagnols Ă cause d'un litige territorial concernant le gouffre[5].
La descente prĂ©vue pour durer 10 jours doit reprendre l'exploration Ă partir de la riviĂšre dĂ©couverte par Loubens dans la salle qu'il avait atteinte Ă â505 m. Afin que l'Ă©quipe de fond soit plus nombreuse et dispose de plus de matĂ©riel, ils ne rapportent pas l'Ă©puisant treuil artisanal mĂ» par pĂ©dalier utilisĂ© l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente, mais un treuil Ă©lectrique conçu par Cosyns et fabriquĂ© par une usine belge. Il permet de descendre directement les 320 m du puits d'entrĂ©e Ă l'aide d'un filin d'acier avec une Ăąme tĂ©lĂ©phonique. Son fonctionnement sera en permanence laborieux et Ă©maillĂ© de petites pannes.
Le , aprĂšs 96 heures de sĂ©jour, Loubens qui Ă©tait descendu le premier[6], est Ă©puisĂ© et prĂ©fĂšre remonter pour laisser sa place Ă un membre de l'Ă©quipe de surface. Ă 9 h, accompagnĂ© de Haroun Tazieff et Jacques Labeyrie pour filmer sa remontĂ©e, il s'accroche au cĂąble du treuil et se laisse haler avec son chargement jusqu'au sommet de l'Ă©boulis Ă la base du puits. Avant qu'il n'entame l'ascension, la poulie du treuil se dĂ©saxe et Loubens doit se dĂ©crocher pour permettre la rĂ©paration. Ă 10 h, Loubens peut se pendre Ă nouveau au cĂąble et est treuillĂ© Ă 10 m de hauteur d'oĂč il commande par tĂ©lĂ©phone une pause pour les prises de vues. Il tente d'allumer les torches au magnĂ©sium que lui a confiĂ© Tazieff mais doit renoncer Ă cause de la pluie permanente qui rĂšgne Ă cet endroit. Il salue ses compagnons puis demande l'activation du treuil.
C'est alors que le serre-cùble qui boucle l'extrémité du filin se rompt et le harnais de parachutiste de Loubens se décroche[7]. Il tombe aux pieds des deux spéléologues effarés et dévale les blocs de l'éboulis sur 30 m. Quand Tazieff et Labeyrie le rejoignent, il a sombré dans un coma dont il ne sortira jamais. Avec l'aide d'Ochialini (dernier membre de l'équipe de fond) et d'une toile de tente transformé en hamac, ils le déplacent sur une plate-forme horizontale entre le puits et le bivouac puis le couvrent de sacs de couchage.
L'alerte est donnĂ©e, les Espagnols organisent une caravane de secours et les gendarmes de MaulĂ©on montent un central de communication avec la vallĂ©e. L'Ă©quipe de surface s'affaire de longues heures Ă rĂ©parer le cĂąble. MalgrĂ© une tempĂȘte qui venait de se lever, des dizaines de volontaires accourent des villages voisins pour assister les secours et aident Ă la rĂ©cupĂ©ration de matĂ©riel parachutĂ© par l'armĂ©e. Des scouts lyonnais qui Ă©taient affectĂ©s Ă l'exploration des gouffres voisins[8], descendent Ă l'Ă©chelle par les parois du puits pour assister la remontĂ©e de la civiĂšre[9]. Entre-temps, ils sont dĂ©passĂ©s par le docteur Mairey (treuillĂ© au bout du filin cette fois Ă©quipĂ© de trois serre-cĂąbles) qui rejoint environ 24 heures aprĂšs l'accident le fond du gouffre avec la civiĂšre. Il constate l'Ă©tat dĂ©sespĂ©rĂ© du polyfracturĂ©, son verdict tombe : « fichu ». Il rĂ©duira tout de mĂȘme sa fracture ouverte du coude pour tenter de le remonter. Vers 22 h, alors qu'il est prĂ©parĂ© pour son retour Ă la surface, immobilisĂ© sur la civiĂšre et perfusĂ© de plasma, Marcel Loubens Ă©met un gĂ©missement, puis rend son dernier souffle et dĂ©cĂšde.
Considérant que la remontée improvisée de ce qui n'était maintenant plus qu'un cadavre aurait fait courir trop de risques aux participants, il est décidé de l'inhumer sur place[10].
AprĂšs le dĂ©part d'Ochialini et Labeyrie, Mayrey et Tazieff qui ne devaient remonter que le lendemain, dĂ©cident de poursuivre tous deux l'exploration chĂšre Ă Loubens. Au-delĂ du passage oĂč ils avaient rebroussĂ© chemin la veille de l'accident, ils dĂ©couvrirent une grande salle et suivirent une large galerie oĂč coulait la riviĂšre tant espĂ©rĂ©e. Ils baptisĂšrent la salle du nom du dĂ©funt.
Pendant ce temps, un prĂȘtre espagnol, prĂ©sident d'un club spĂ©lĂ©o, Ă©tait venu faire une priĂšre d'absoute[11]. AprĂšs la sortie des deux derniers spĂ©lĂ©ologues, le , les curĂ©s de Sainte-EngrĂące et d'Arette se rendent sur place pour cĂ©lĂ©brer un office religieux.
L'évÚnement a été largement médiatisé, il fut notamment couvert par le reporter Georges de Caunes[12]. Cette publicité apporta un nouvel éclairage sur la spéléologie alors peu connue.
Le retour de la dépouille
En , Robert J. Lévi dirige une nouvelle expédition à l'assaut du gouffre. Cette fois-ci, ils sont équipés d'un nouveau treuil conçu par Corentin Queffélec, ingénieur en fabrication d'engins de levage et passionné de spéléologie. Casteret, intime de Loubens et unanimement reconnu comme le plus expérimenté, descend en premier suivi par Mairey. Malgré l'imposante mobilisation de moyens, ils constatÚrent qu'il n'était pas possible de remonter la dépouille de Loubens en toute sécurité[13]. L'expédition se concentra alors sur l'exploration qui les amena à la gigantesque salle de la Verna et à la profondeur record de 737 m.
LĂ©pineux prĂ©pare pour l'expĂ©dition qui devra remonter la dĂ©pouille de Loubens, Ă laquelle participeront les protagonistes du drame. Jacques Theodor refusa de s'y joindre en respect pour la volontĂ© exprimĂ©e par Loubens de son vivant, de ne pas ĂȘtre ramenĂ© s'il devait pĂ©rir sous terre[14]. L'expĂ©dition est Ă nouveau accueillie par les carabiniers censĂ©s veiller Ă ce qu'en dehors du retour du corps, aucune exploration ne soit entreprise dans le gouffre juridiquement attribuĂ© au territoire espagnol (en fait, loin de leurs regards, les spĂ©lĂ©ologues dĂ©couvriront la branche amont du rĂ©seau souterrain)[15]. Dans le mĂȘme registre, les autoritĂ©s spirituelles espagnoles lancĂšrent un interdit sur l'opĂ©ration[15].
Le 8, Norbert Casteret descend cette fois encore en premier. L'équipe reçoit le container en aluminium fabriqué par le lycée professionnel de BagnÚres-de-Bigorre. Le 10, le corps de Loubens est installé dans le container au pied du puits. Les spéléologues incinérÚrent sur place les restes de la sépulture.
Le 12, ils sont rejoints sous terre par l'abbé Attout qui célÚbre alors une messe qui restera la plus profonde de l'histoire. Le 14 à 17 heures 30, le treuil finit par arracher les 150 kg de charge et le cercueil entama une ascension émaillée de nombreuses difficultés et qui durera une dizaine d'heures. Casteret interrompra cette opération à la date anniversaire du décÚs de Loubens pour une minute de silence.
L'importante couverture médiatique de ce retour contribua encore un peu plus à la vulgarisation de la spéléologie et associa définitivement à Loubens l'image du martyr de cette discipline.
Marcel Loubens est cité à l'ordre de la nation en ces termes[16] :
« Animé par une passion toute désintéressée pour la spéléologie, n'a cessé depuis sa jeunesse d'y consacrer ses plus belles qualités d'esprit de découverte et de courage. AprÚs de nombreuses explorations de cavernes et de périlleuses descentes, a entrepris, avec de valeureux compagnons, en août 1952, l'exploration particuliÚrement dangereuse du gouffre de la Pierre Saint-Martin, et y a trouvé une mort glorieuse au service de la science. »
Dans le gouffre, Ă l'endroit du bivouac, fut Ă©crite l'Ă©pitaphe[17] :
« Ici Marcel Loubens a vécu les derniers jours de sa vie courageuse »
Marcel Loubens repose au cimetiĂšre de MazĂšres-sur-Salat.
Son nom a été donné à de nombreuses rues et voies, ainsi qu'à plusieurs bùtiments publics et bien sûr à d'innombrables salles de grottes. Un gouffre porte son nom en Italie[18].
Il a également donné son nom à l'aphaenops loubensi, coléoptÚre endémique de la grotte de La Verna.
Références
- collectif, Marcel Loubens, ses souvenirs, nos témoignages, Gallimard, , 222 p.
- Jacques Labeyrie, Les Découvreurs Du Gouffre de la Pierre Saint-Martin, Pau, Cairn, coll. « Lieux De Mémoire Pyrénéens », , 287 p. (ISBN 2-35068-014-2, lire en ligne)
- Haroun Tazieff, « Le gouffre de la Pierre Saint-Martin », sur arsip.fr, Arthaud, (ISBN 2-7003-0175-7), p. 190.
- Jacques Sautereau de Chaffe, « Loubens Marcel (1923-1952) », Spelunca, no 31,â , p. 62-64 (lire en ligne)
- Archive d'articles de presse de Jura Spéléo, notamment sur les expéditions de 1951, 1952, 1953 et 1954
- Gilberte Casteret, « Casteret (p18) »
- Gilberte Casteret, « Casteret (p11) »
- « Le physicien belge Max Cosyns va diriger en pays basque une nouvelle expĂ©dition spĂ©lĂ©ologique », L'Ăcho LibertĂ©,â (lire en ligne)
- « L'expĂ©dition Cosyns », L'Ăcho LibertĂ©,â (lire en ligne)
- « L'expĂ©dition Cosyns », L'Ăcho LibertĂ©,â (lire en ligne)
- « Marcel Loubens attend son Ă©quipe Ă 378 mĂštres sous terre », L'Ăcho LibertĂ©,â (lire en ligne)
- Clan des Tritons (Jean Philippe Grancolas), « Le clan de la Verna à la Pierre Saint-Martin en 1952,1953 & 1954 - Collection Archives et Documents Spéléo n°2 / 2020 », p. 19.
- « Les cinq spĂ©lĂ©ologues lyonnais cherchent en vain un accĂšs Ă la salle Elisabeth Casteret », Le ProgrĂšs,â (lire en ligne)
- Louis Ballandraux, « L'intervention des routiers lyonnais dans le drame de la Pierre-Saint-Martin », Le Routier, no 242,â (lire en ligne)
- « Le corps de Marcel Loubens a Ă©tĂ© enseveli au fond du gouffre », L'Ăcho LibertĂ©,â (lire en ligne)
- « Le drame de la Pierre-Saint-Martin », Le ProgrĂšs,â (lire en ligne)
- « Georges de Caunes a jetĂ© lâancre », Sud Ouest,â (lire en ligne)
- Gilberte Casteret, « Casteret (p13) »
- « Ă cent lieues sous les terres », La Libre Belgique,â (lire en ligne)
- Robert Mauer, « Pierre St Martin 1954 - notes et souvenir » [PDF], Jura Spéléo,
- Norbert Casteret, « In memoriam Marcel Loubens », Bulletin du ComitĂ© National de SpĂ©lĂ©ologie, no 3,â , p. 26-27 (lire en ligne)
- « Traversée dans le gouffre de la Pierre-Saint-Martin », Agamemnon
- « Abisso Marcel Loubens », openspeleo.org
Liens externes
- « Au fond du gouffre tragique », Paris Match, no 180,â (lire en ligne)
- Haroun Tazieff, « SĂ©rie d'articles », Le Figaro,â du 27 aoĂ»t au 8 septembre 1952 (lire en ligne)
- Archives de la cinémathÚque Gaumont :
- « Les spĂ©lĂ©ologues s'attaquent pour la seconde fois au gouffre de la Pierre Saint Martin. », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 5233EJ 44045,â (lire en ligne)
- « Le spĂ©lĂ©ologue Marcel Loubens trouve la mort au cours de lâexploration du gouffre « LĂ©pineux » », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 5234EJ 44079,â (lire en ligne)
- « Le Drame de la Pierre Saint-Martin », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 1952 34 14,â (lire en ligne)
- « sans titre », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 5333EJ 45159,â (lire en ligne)
- « Le dernier acte de la Pierre Saint-Martin », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 5434GJ 00005,â (lire en ligne)
- « sans titre », CinĂ©mathĂšque Gaumont, no 1954 33 2,â (lire en ligne)
- (fr) « Marcel LOUBENS (1923 MazÚres sur le Salat Hte Garonne-AriÚge / 1952 La Pierre St Martin) », sur le site du Club loisirs et plein air (C.L.P.A.), section spéléo, de Montpellier (consulté le )