Louis Legrand (photographe)
Louis Legrand, aussi appelé Denis Louis Legrand (Saint-Rémy-lès-Chevreuse, 1820 - Chevreuse, 1876), est un photographe français de la seconde moitié du XIXe siècle, basé à Shanghai. Il est l'un des premiers photographes occidentaux à avoir exercé en Chine.
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Denis Louis Legrand |
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Louis Le Grand, L.G., Li Gelang ou Li Gelong (en caractères chinois 李閣郎) |
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Biographie
Denis Louis Legrand est né le à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, de Louis Charles François Legrand, marchand meunier, et Marie Julie Victoire Hamot[1]. Il a de nombreux frères et sœurs[Note 1], dont certains travailleront plus tard avec lui.
D'après une anecdote racontée par le journaliste et écrivain Alfred Busquet, Louis Legrand, établi à Paris au début des années 1850, est l'ami de Gérard de Nerval lorsque ce dernier meurt, en 1855. Busquet relate : « Il se nommait Louis Legrand et demeurait passage Véro-Dodat, où il exerçait la profession de commissionnaire pour l'exportation. Il avait des frères au Japon, qu'il est allé rejoindre et, s'il vit encore, il est négociant à Changhai. »[2]
Dans le Shanghai Almanac for the Year 1857, Legrand apparaît comme employé de Rémi, Schmidt & Cie[3], la plus importante des maisons de commerce françaises installées dans la concession française de Shanghai[4]. Le , il fait paraître dans le North China Herald une publicité pour un commerce de fabrication de montres et horloges à son nom, qui abrite également un studio photographique[5], sans doute l'un des premiers de la ville. Legrand travaille pour le compte de la société familiale d'import-export Legrand frères & Cie[6] - [7], domiciliée au 33, passage Véro-Dodat[8] - [9] - [Note 2], où est établie à la même époque une société de recouvrement au nom de son frère Adrien (nommé Legrand ou Le Grand[10]).
Sous la même raison sociale Legrand frères & Cie, Legrand propose à partir de septembre 1858 des portraits stéréoscopiques, puis l'année suivante des vues également stéréoscopiques de Shanghai[5] - [11]. Au dos, les clichés portent les tampons « Legrand Fres & Cie », « L.G. Fres » ou « 李閣郎 » en caractères chinois (transcrit Li Gelang, Li Gelong ou Li Galong[12]). Une série conservée à la BnF porte par ailleurs le tampon d'Henry Voland, distributeur et dépositaire en France[13] - [14] - [15].
La diffusion de ces vues stéréoscopiques entraîne la parution de plusieurs articles de presse en France. Dans un article du Figaro du , le photographe – appelé Louis le Grand – est décrit comme « le premier qui ait pénétré en Chine un appareil photographique sur le dos, et qui, en compagnie de vrais Chinois, ait pu photographier la Chine. ». Son adresse à Shanghai est ainsi transcrite : « monsieur Louis le Grand, négociant, à Shang Haï, province de Se-Li-Chou, arrondissement de Chien-te-Sang, rue Kon-Fut-Sée [Confucius], n° 17, Chine »[16]. La même source indique que ses collections photographiques sont disponibles à Paris, 6 rue Tronchet, chez un marchand de curiosités chinois nommé Laurent Chin-Yung, aussi connu sous le nom de Laurent (Ouang) Tching-Yong[17]. Les et , dans la revue de photographie La Lumière, le rédacteur en chef Ernest Lacan signe un texte en deux parties intitulé « La Chine au stéréoscope », à l'occasion de la publication d'une double collection de vues stéréoscopiques par les éditions Gaudin frères[18] - [19]. Bien que le nom de Legrand ne soit pas cité, c'est très probablement son travail qui fait l'objet d'une recension dans la seconde partie de l'article – la première étant consacrée à la série produite par un photographe anglais. Si Lacan juge la série française « inférieure à la collection anglaise », il en souligne toutefois l'intérêt.
Cette même année, Louis Legrand est – avec le photographe et correspondant du Moniteur universel Antoine Fauchery, et le lieutenant-colonel Charles-Louis Du Pin – probablement commissionné pour accompagner l'armée française et immortaliser sa participation dans l'expédition militaire anglo-française pendant la seconde guerre de l'opium (1856-1860). Aucune preuve évidente que Legrand ait réellement rejoint l'expédition ou ait pris des photos pour elle n'a cependant jamais été trouvée[20]. En janvier 1861, Ernest Lacan rapporte dans un journal allemand de photographie que Legrand aurait fait un temps partie de la mission, qu'il aurait envoyé une collection de vues à l'un de ses frères à Paris, mais se serait ensuite « engagé dans le commerce des liqueurs avec l'armée et [aurait été] complètement absorbé par la vente du "petit verre" »[21].
En novembre 1861, Louis Legrand inspire au journaliste Albert Kaempfen (dit Henri Este) le personnage d'une fiction[22], publiée en feuilleton dans L'Illustration[23]. L'homme s'y décrit ainsi : « (...) permettez-moi de me présenter moi-même : je m'appelle Legrand. — Comme tous les Européens qui habitent Shang-haï, je suis négociant ; dans mes moments perdus je joue du violon, je modèle des statuettes, je collectionne des curiosités, et je fais de la photographie. » Plus loin, il ajoute : « La Chine est un pays charmant et amusant au possible. Je veux doter le monde d'une Chine stéréoscopique qui tiendra tout entière dans une poche de dimension ordinaire. » Le récit paraît sous forme de roman, intitulé La Tasse à thé, en 1865[24]. Cette même année, Louis Legrand figure toujours dans la liste des étrangers résidents en Chine, publiée dans The Chronicle and Directory for China, Japan and the Philippines[25]. Toutefois, une notice publiée dans l'édition précédente indique que, d'après le journal The Friend of China du , une société de Shanghai, baptisée Legrand frères, a été liquidée durant le semestre précédent[26].
Il meurt le , célibataire, « en sa demeure » à Chevreuse[27].
Bibliographie
- Régine Thiriez, Barbarian Lens: Western Photographers of the Qianlong Emperor's European Palaces, Amsterdam, Gordon and Breach, 1998, p. 6-7 (ISBN 9057005190)
- Régine Thiriez, « Ligelang : a French photographer in 1850s Shanghai », Orientations, novembre 2001, vol. 32, no 9, p. 49-54
- Terry Bennett, Lindsey Stewart, History of Photography in China, 1842-1860, London, Quaritch, 2009 (ISBN 978-0-9563012-0-8)
Notes et références
Notes
- Nés à Saint-Rémy-lès-Chevreuse : Louis Charles en 1814, Ange Charles en 1816, Théodore Adrien en 1817, Marie Julie en 1818, Joséphine Augustine en 1822 ; nés à Chevreuse : Jean Baptiste en 1823, Jules Victor en 1826, Clémence Julie en 1829. Source Archives départementales des Yvelines
- Selon un jugement rendu le 24 mars 1860 par le Tribunal de commerce de Marseille, Legrand frères et Cie avaient « maison à Marseille et à Shang-Haï ».
Références
- Acte de naissance du 27 juin 1820, Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Archives départementales des Yvelines
- Alfred Busquet, « Gérard de Nerval et sa mort », sur Gallica, Le Temps, (consulté le ), non paginé (vue 3)
- (en) « Shanghai Almanac for ... 1857/58. », sur HathiTrust, Shanghai, (consulté le )
- Charles B. Maybon et Jean Fredet, Histoire de la concession française de Changhai / Ch. B.-Maybon et Jean Fredet ; publiée sous le haut patronage de S. Exc. M. le ministre des Affaires étrangères, du conseil d'administration municipale de la concession française et de la Chambre de commerce française, Paris, Plon, (lire en ligne), p. 246
- (en) John Hannavy (dir.), Encyclopedia of Nineteenth-Century Photography, Routledge, (ISBN 978-1-135-87326-4, lire en ligne), « China », p. 291
- « Denis Louis Legrand (photographe, 18..-18..) », sur data.bnf.fr (consulté le )
- « Legrand frères contre la C° péninsulaire orientale », sur Gallica, Journal de jurisprudence commerciale et maritime, (consulté le ), p. 67
- « Legrand frères et Cie », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 693
- « Shang-Hai. Négociants français », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 592
- « Le Grand Adrien », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 296
- « China - Shangai [Legrand (Louis)] A pair of early stereoviews, [c.1859] », sur www.bonhams.com, (consulté le )
- (en) Jeffrey W. Cody et Frances Terpak, Brush & Shutter: Early Photography in China, Getty Publications, (ISBN 978-1-60606-054-4, lire en ligne), p. 24 ; 27
- Denis Louis Legrand, [Recueil. Vues stéréoscopiques de Legrand Frères distribuées par Henry Voland : Vues de Chine] : [photographie (lire en ligne)
- « Vues de Chine [2494] », sur Gallica, Bibliographie de la France : ou Journal général de l'imprimerie et de la librairie, (consulté le ), p. 492
- (en) Bernard Marbot, After Daguerre: Masterworks of French Photography (1848–1900) from the Bibliothèque Nationale, Metropolitan Museum of Art, (lire en ligne)
- Georges Davidson, « Courrier de Paris », sur Gallica, Le Figaro, (consulté le ), p. 2
- Exposition universelle de 1867 à Paris : catalogue général (2e édition, revue et corrigée) / publié par la commission impériale, Paris, Dentu, (lire en ligne), non paginé (vue 478)
- « La Chine au stéréoscope », sur Gallica, La Lumière : journal non politique... : beaux-arts, héliographie, sciences, (consulté le ), (vue 41)
- « La Chine au stéréoscope (suite) », sur Gallica, La Lumière : journal non politique... : beaux-arts, héliographie, sciences, (consulté le ), (vue 45)
- (en) Régine Thiriez, Barbarian Lens: Western Photographers of the Qianlong Emperor's European Palaces, Psychology Press, (ISBN 978-90-5700-519-0, lire en ligne)
- (de) Ernest Lacan, Photographisches Archiv : monatliche Berichte über den Fortschritt der Photographie, Berlin, Grieben, (lire en ligne), p. 15 :
« Wir hatten auch im Lager von Tsche-fu einen französischen Photographen bei uns, Legrand, von Shang-Hai, der bereite eine Sammlung von Ansichten an seinen Bruder in Paris geschickt hat; er beschäftigt sieh aber jetzt mit dem Liqueurhandel bei der Armee und ist von dem Verkauf des "petit verre" ganz absorbirt. »
- Oliver Moore, « History of Photography in China, 1842-1860 », The Trans-Asia Photography Review, vol. 1, no 1, fall 2010 (ISSN 2158-2025, lire en ligne, consulté le )
- Henri Este, L'Illustration, (lire en ligne), p. 299-302 :
« Voyage de sir Edmund Broomley (À la recherche d'une tasse de thé, quinzième article) »
- Albert Kaempfen, La Tasse à thé / par A. Kaempfen (Henri Este) ; illustré par Worms ; [préface par F. de Gramont], Paris, Hetzel, (lire en ligne), p. 73
- (en) The Chronicle and Directory for China, Japan and the Philippines, Hongkong, Hongkong Daily Press Office, (lire en ligne), p. 78 ; 204
- The Chronicle and Directory for China, Japan & the Philippines for 1864, Hongkong, Daily Press Office, (lire en ligne)
- Acte de décès no 23 du 29 mai 1876, Chevreuse, Archives départementales des Yvelines