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Loi forte des grands nombres

Une loi forte des grands nombres est une loi mathĂ©matique selon laquelle la moyenne des n premiers termes d'une suite de variables alĂ©atoires converge presque sĂ»rement vers une constante (non alĂ©atoire), lorsque n tend vers l'infini. Lorsque ces variables ont mĂȘme espĂ©rance, par exemple lorsqu'elles ont toutes la mĂȘme loi, cette limite constante est l'espĂ©rance commune Ă  toutes les variables alĂ©atoires de cette suite. La loi forte est vĂ©rifiĂ©e sous diverses conditions de dĂ©pendance et d'intĂ©grabilitĂ© portant sur les variables alĂ©atoires de la suite.

Les exemples les plus cĂ©lĂšbres concernent la proportion de rĂ©sultats pile ou face lors des n premiers lancers d'une sĂ©rie potentiellement infinie de lancers (cette proportion converge presque sĂ»rement vers 0,5), ou la proportion de chiffres 0, 1, 2, ..., 8 ou 9 dans le dĂ©veloppement dĂ©cimal d'un nombre rĂ©el tirĂ© au hasard. La premiĂšre version de la loi forte des grands nombres est due Ă  Émile Borel, qui dĂ©montre ainsi, en 1909[1], le thĂ©orĂšme des nombres normaux.

ÉnoncĂ© gĂ©nĂ©ral

Le principe de la loi forte des grands nombres est que sous certaines conditions (sur la dĂ©pendance, sur l'homogĂ©nĂ©itĂ© et sur les moments) la moyenne d'une suite de variables alĂ©atoires converge presque sĂ»rement vers la mĂȘme limite (constante) que l'espĂ©rance de la moyenne. En particulier, l'adjectif « fort » fait rĂ©fĂ©rence Ă  la nature de la convergence Ă©tablie par ce thĂ©orĂšme : il est rĂ©servĂ©e Ă  un rĂ©sultat de convergence presque sĂ»re. Par opposition, la loi faible des grands nombres, Ă©tablie par Bernoulli, est un rĂ©sultat de convergence en probabilitĂ©, seulement. Soit :

Principe gĂ©nĂ©ral —

Il existe différents théorÚmes selon le type d'hypothÚses faites sur la suite [2] :

  • observations indĂ©pendantes et identiquement distribuĂ©es,
  • observations indĂ©pendantes et non identiquement distribuĂ©es,
  • observations dĂ©pendantes et identiquement distribuĂ©es.

Observations indépendantes et identiquement distribuées

Loi forte des grands nombres (Kolmogorov, 1929) — Si est une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes identiquement distribuĂ©es, on a Ă©quivalence entre :

(i)
(ii) la suite converge presque sûrement.
De plus, si l'une de ces deux conditions équivalentes est remplie, alors la suite converge presque sûrement vers la constante

C'est la premiĂšre loi forte Ă  avoir Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e avec des hypothĂšses optimales. Pour la dĂ©montrer, il fallait dĂ©finir rigoureusement le concept de convergence presque sĂ»re, ce qui a amenĂ© Kolmogorov Ă  considĂ©rer les probabilitĂ©s comme une branche de la thĂ©orie de la mesure, un saut conceptuel dont Kolmogorov prouvait ainsi l'efficacitĂ©. La thĂ©orie moderne des probabilitĂ©s s'est construite Ă  partir du travail fondateur de Kolmogorov sur la loi forte des grands nombres. La loi forte des grands nombres est aussi un ingrĂ©dient important dans la dĂ©monstration d'autres lois fortes des grands nombres, comme le thĂ©orĂšme de Glivenko-Cantelli, la LFGN pour les processus de renouvellement, ou la LFGN pour les chaĂźnes de Markov. C'est bien du thĂ©orĂšme dĂ» Ă  Kolmogorov que l'on parle lorsqu'on dit « la loi forte des grands nombres », les autres thĂ©orĂšmes n'Ă©tant que des lois fortes des grands nombres. Ce thĂ©orĂšme est aussi intĂ©ressant parce qu'il aboutit Ă  une conclusion plus forte : il Ă©tablit l'Ă©quivalence entre l'intĂ©grabilitĂ© de la suite et sa convergence, alors que les autres thĂ©orĂšmes fournissent seulement des implications, sans leurs rĂ©ciproques. Dans le cas oĂč les termes de la somme sont des variables de Bernoulli, la loi forte des grands nombres a Ă©tĂ© Ă©tablie par Émile Borel en 1909. D'autres versions de la loi forte des grands nombres ont succĂ©dĂ© Ă  la version due Ă  Borel, jusqu'Ă  la version dĂ©finitive de Kolmogorov.

Observations indépendantes et non-identiquement distribuées

ThĂ©orĂšme de Markov — Soit une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes d'espĂ©rance finie . S'il existe tel que

alors

Pour pouvoir relùcher l'hypothÚse d'équidistribution, on est amené à faire une hypothÚse plus forte sur l'intégrabilité.

Observations dépendantes et identiquement distribuées

ThĂ©orĂšme ergodique — Soit une suite de variables alĂ©atoires stationnaire ergodique avec et d'espĂ©rance identique finie . Alors

Loi forte des grands nombres de Kolmogorov

La moyenne empirique d’une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes, identiquement distribuĂ©es, et intĂ©grables, converge presque sĂ»rement vers leur moyenne mathĂ©matique (ou espĂ©rance).

Autres formulations

On note souvent :

Ainsi l'énoncé devient

ThĂ©orĂšme — Pour une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes et identiquement distribuĂ©es, le fait que soit une suite convergente presque-sĂ»rement est Ă©quivalent au fait que . De plus, si l'une de ces deux conditions Ă©quivalentes est remplie, on a :

ÉnoncĂ© usuel de la loi forte

L'énoncé ci-dessous est la forme habituelle de la loi forte des grands nombres, et est une conséquence directe (une forme affaiblie) du théorÚme donné plus haut :

ThĂ©orĂšme — Soit une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes et de mĂȘme loi, intĂ©grables. Alors

Remarques

  • En statistiques, ou bien est appelĂ©e moyenne empirique des , et est souvent notĂ©e .
  • On peut formuler l'hypothĂšse sous diffĂ©rentes formes :
    • ,
    • ,
  • ou bien encore, puisque les ont toutes mĂȘme loi,
    • ,
    • ,
    • .

DĂ©monstration de la loi forte de Kolmogorov

1re étape de la démonstration : troncature

On suppose tout d'abord que les variables sont centrées. On n'abandonnera cette hypothÚse qu'à la toute derniÚre étape de la démonstration. On pose

et

Dans cette section on démontre que

Proposition 1. — Soit une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes et de mĂȘme loi, intĂ©grables. Alors (la loi forte des grands nombres)

est Ă©quivalente Ă 

Dans les sections suivantes on va donc démontrer que

L'idée est que plus les variables concernées sont intégrables, i.e. plus la queue de distribution décroßt rapidement, plus il est facile de démontrer la loi forte des grands nombres à l'aide du lemme de Borel-Cantelli. Ainsi il est facile de démontrer une forme affaiblie de la loi forte des grands nombres, par exemple sous l'hypothÚse que les variables sont indépendantes, identiquement distribuées et bornées, auquel cas est nulle pour assez grand, ou bien sous l'hypothÚse, moins brutale, que les variables sont indépendantes et identiquement distribuées et possÚdent un moment d'ordre 4, auquel cas

.

Ici, en tronquant les , Kolmogorov s'est ramenĂ© Ă  des variables bornĂ©es et indĂ©pendantes, mais qui n'ont pas mĂȘme loi.

2e étape de la démonstration : recentrage

Les ont beau ĂȘtre centrĂ©es, cela n'entraĂźne pas que les soient centrĂ©es, sauf si on suppose, par exemple, que les sont symĂ©triques, c'est-Ă -dire sauf si a mĂȘme loi que . Par exemple, si , alors, dĂšs que n'est pas centrĂ©e. Il est commode, pour la suite, de centrer les : on pose

et

Alors

Proposition 2. — Soit une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes et de mĂȘme loi, intĂ©grables. Alors

est Ă©quivalent Ă 

3e étape : Inégalité de Kolmogorov

C'est l'Ă©tape oĂč Kolmogorov utilise l'hypothĂšse d'indĂ©pendance (et, sans le dire, la notion de temps d'arrĂȘt). Par contre, l'InĂ©galitĂ© de Kolmogorov ne requiert pas des variables de mĂȘme loi.

InĂ©galitĂ© de Kolmogorov. — Soit une suite de v.a.r. indĂ©pendantes et centrĂ©es. Posons

Alors, pour tout ,

4e étape : Convergence de séries de variables aléatoires

L'inégalité de Kolmogorov est, avec le lemme de Borel-Cantelli, l'ingrédient essentiel de la preuve de la proposition suivante :

Proposition 3. — Soit une suite de variables alĂ©atoires indĂ©pendantes et centrĂ©es. Si

alors la suite est presque sûrement convergente, ou bien, de maniÚre équivalente, la série est presque sûrement convergente.

5e Ă©tape : Lemme de Kronecker

Lemme de Kronecker. — Soit une suite de nombres strictement positifs, dĂ©croissante vers 0. Si est une sĂ©rie convergente, alors

Pour conclure sa démonstration, Kolmogorov utilise le lemme de Kronecker avec , voir section suivante.

6e étape : Conclusion dans le cas de variables centrées

Lemme 1. — Avec les notations de l'Ă©tape « recentrage », on a

Du lemme 1 et de la Proposition 3, on déduit que, presque sûrement,

puis, grùce au lemme de Kronecker, on déduit que, presque sûrement,

ce qui est équivalent à la loi forte des grands nombres (pour des variables centrées), comme on l'a vu aux étapes « troncature » et « recentrage ».

7e étape : décentrage

Si on ne suppose plus les centrées, mais seulement indépendantes, identiquement distribuées et intégrables, on pose

et, les étant centrées, indépendantes, identiquement distribuées et intégrables, la conclusion des étapes précédentes est que

Mais

Donc

C.Q.F.D.

RĂ©ciproque

Supposons que l'ensemble Ωc défini par

est de probabilitĂ© 1. Notons la limite de la suite ci-dessus, lorsqu'elle est dĂ©finie, i.e. lorsqu'ω appartient Ă  Ωc. L'ensemble Ωc est inclus dans l'ensemble suivant

puisque, lorsque ω appartient Ă  Ωc, on a

Ainsi, l'ensemble Ω0 lui aussi est de probabilité 1. Posons

.

La limite supérieure des An est disjointe de l'ensemble Ω0 , donc elle est de probabilité nulle. En vertu de la loi du zéro-un de Borel, on en déduit, puisque les événements An sont indépendants, que

Par ailleurs, en toute généralité, comme on l'a vu lors de la premiÚre étape,

Notes et références

  1. Émile Borel, « Les probabilitĂ©s dĂ©nombrables et leurs applications arithmĂ©tiques », Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, vol. 27, no 1,‎ , p. 247-271 (ISSN 0009-725X et 1973-4409, DOI 10.1007/BF03019651, lire en ligne).
  2. Classification et notation reprise de White (1984).

Voir aussi

Articles connexes

Références

  • (en) Halbert White, Asymptotic Theory for Econometricians, Orlando, Academic Press, , 228 p. (ISBN 978-0-12-746650-7, LCCN 83010010), p. 228
  • Sidney I. Resnick, A Probability Path [dĂ©tail des Ă©ditions]

Liens externes

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