Loi de Bragg
En physique, la loi de Bragg est une loi qui interprète le processus de la diffraction des radiations sur un cristal. Elle fut découverte par W.H. et W.L. Bragg vers 1912. Lorsque l'on bombarde un cristal avec un rayonnement dont la longueur d'onde est du même ordre de grandeur que la distance inter-atomique, il se produit un phénomène de diffraction. Les conditions de diffraction donnent les directions dans lesquelles on observe de l'intensité diffractée par le cristal. Les rayonnements peuvent être électromagnétiques : pour cet ordre de grandeur de longueur d'onde, ce sont des rayons X, d'énergie de quelques dizaines de keV ou bien des particules ayant une énergie cinétique adaptée, de l'ordre de 100 keV pour des électrons, ou bien des dizaines de meV pour des neutrons.
Diffraction sur un cristal
On considère un monocristal bombardé de rayons X. Ceux-ci frappent chaque atome avec une phase différente (ils parcourent un chemin optique plus ou moins long). Les rayons X, comme toutes les ondes électromagnétiques, provoquent un déplacement du nuage électronique par rapport au noyau dans les atomes ; ces oscillations induites provoquent une réémission d'ondes électromagnétiques de même fréquence : ce phénomène est appelé « diffusion Rayleigh ».
Les ondes n'ont pas toutes la même phase lorsqu'elles frappent les atomes. En un point de l'espace, les ondes électromagnétiques proviennent de tous ces atomes et subissent encore un déphasage dû à la différence de chemin optique. Du fait de l'organisation régulière du cristal, dans certains endroits de l'espace, les ondes s'annulent (interférences destructives), et dans d'autres, les ondes s'additionnent et l'on a une intensité positive. Ces lieux d'intensité positive sont alignés par rapport au « point d'impact » du faisceau incident, on parle donc de « directions de diffraction ». On peut retrouver ces directions de diffraction grâce à différentes lois équivalentes.
Description
Énoncé
Pour cette loi, on considère des plans imaginaires contenant des atomes et perpendiculaires au vecteur de diffraction (c'est-à-dire à la bissectrice entre le faisceau incident et la direction à laquelle on s'intéresse). Mais il existe aussi d'autres lois décrivant la diffraction. Si est la longueur d'onde de la radiation et d est la distance inter-réticulaire du plan cristallin diffractant, alors les directions de l'espace dans lesquelles on aura des pics d'intensité (le pour étant la direction du faisceau incident) vérifient :
avec d la distance interréticulaire, c'est-à-dire la distance entre deux plans cristallographiques ; l'angle de Bragg, soit le demi-angle de déviation (moitié de l'angle entre le faisceau incident et la direction du détecteur) ; l'ordre de diffraction (nombre entier) et la longueur d'onde des rayons . Maurice et Louis de Broglie dans l’Introduction à la physique des rayons et des rayons (Gauthier-Villars, 1928) déterminent l'expression de la loi de Bragg rigoureuse :
. Dans cette expression, dépend de la nature du cristal et de et s’exprime par l’expression où est le coefficient de réflexion sur les plans réticulaires ; où est la différence de phase introduite par le mécanisme de diffusion. Elle dépend de la nature des atomes, de la longueur d'onde et de l’angle d’incidence ; est l’ordre de la réflexion. Exprimons l’écart à l’incidence de Bragg, soit :
. Ce qui montre que la relation de Bragg simplifiée habituellement utilisée est d’autant plus rigoureuse que l’ordre de la réflexion est élevé. Lorsque le rayonnement n'est pas électromagnétique mais particulaire, la diffusion Rayleigh n'est pas due au déplacement du nuage atomique mais résulte du principe d'incertitude d'Heisenberg : comme la particule est bien localisée (elle interagit avec l'atome), l'incertitude sur son impulsion, donc notamment sa direction, est grande, il y a donc une diffusion isotrope. Pour bien comprendre ceci, il faut également bien comprendre la notion de dualité onde-particule.
Justification géométrique
On peut retrouver la loi de Bragg de manière simple. Considérons deux rayons parallèles frappant deux atomes situés sur une même droite perpendiculaire à la surface. Le chemin supplémentaire parcouru par le rayon « profond » est , puisque ce trajet supplémentaire suit les côtés opposés à un angle de triangles rectangles d'hypoténuse . Les interférences sont constructives si la différence de chemin introduit un déphasage multiple de , c'est-à-dire si le chemin supplémentaire est un multiple de .
Analogie
On image souvent cette loi en considérant que les plans cristallographiques sont des miroirs semi-transparents ; en effet, la formule est strictement identique aux interférences par une lame d'air que l'on obtient avec un interféromètre de Michelson. Cependant, il faut bien comprendre que les plans cristallographiques ne sont qu'une vue de l'esprit, et que dans les faits, les ondes sont diffusées individuellement par les atomes.
Condition de Laue
Le rayonnement incident a un vecteur d'onde . Si l'on s'intéresse à l'intensité diffusée dans une direction de l'espace , cela revient à s'intéresser aux ondes dont le vecteur d'onde est :
En effet, puisque la diffusion est élastique, la longueur d'onde reste la même, donc les vecteurs d'onde ont la même norme. La maille élémentaire du cristal est définie par trois vecteurs , et qui forment par ailleurs une base de l'espace. On appelle le vecteur de diffusion, soit :
La condition de diffraction de Laue s'exprime ainsi : il y a diffraction dans la direction si les produits scalaires de avec les vecteurs sont entiers, c'est-à-dire si , et sont des nombres entiers. On note en général[1] :
Les indices () sont caractéristiques de la tache (ou du pic) de diffraction. Ce sont aussi les indices de Miller d'un plan cristallographique, ce qui permet de retrouver la loi de Bragg.
Théorème de Bloch
On peut définir une autre base, appelée base réciproque, par[2] :
où est le volume de la maille, calculable à partir du produit mixte des vecteurs de la base. Comme , et dépendent de la maille élémentaire, les vecteurs de la base réciproque dépendent eux aussi de la maille élémentaire ; ils sont une caractéristique du cristal. La condition de diffraction peut alors s'énoncer de la manière suivante[3] : il y a diffraction dans la direction si a des coordonnées entières dans la base réciproque, soit :
. Les indices () sont les mêmes que pour la condition de Laue, et mènent donc également à la loi de Bragg. Les points ayant des coordonnées entières dans le repère forment un réseau appelé « réseau réciproque ». La condition de diffraction est donc : il y a diffraction dans la direction si l'extrémité de est sur un nœud du réseau réciproque. C'est le théorème de Bloch.
Applications
Lorsque la longueur d'onde de la radiation est de l'ordre de grandeur de la distance inter-atomique dans le cristal, les directions de diffraction sont suffisamment éloignées pour être distinguables, et suffisamment rapprochées pour figurer sur le même cliché. La loi de Bragg est utilisée entre autres pour :
Notes et références
- Il existe deux manières de définir le vecteur d'onde : soit sa norme est , on a alors les formules indiquées, soit sa norme est et on a alors :
- Si l'on choisit de prendre pour la norme du vecteur d'onde, alors on définit la base réciproque par : où (m, n, p) est une permutation circulaire de (1, 2, 3).
- Cette condition est la même quelle que soit la définition de la norme du vecteur d'onde.