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Les Gisants

Les Gisants est une Ĺ“uvre d'art urbain rĂ©alisĂ©e par l'artiste plasticien français Ernest Pignon-Ernest Ă  Paris en , commĂ©morant le centenaire de la Commune de Paris. Elle consiste en un collage de 2 000 bandes de papier sĂ©rigraphiĂ©es, sur lesquelles le cadavre d'un communard est rĂ©pĂ©tĂ©, et collĂ©es Ă  mĂŞme le sol.

Les Gisants
Ernest Pignon-Ernest et Dacos travaillant aux Gisants.

Origine

Ernest Pignon-Ernest artiste plasticien engagé auprès du Parti communiste français, réalise en une œuvre d'art urbain, Les Gisants, composée de longues bandes de papiers sérigraphiées à l'image répétée à l'infini d'un Fédéré fusillé[1]. Son installation sur les marches menant à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre est marquée du sceau de la provocation, car l'installation Les Gisants — les gisants sont traditionnellement une représentation funéraire de personnalités nobles ou ecclésiastiques, dans l'art chrétien — devient une façon de donner « une sépulture éclatante à des individus qui avaient été jusqu'alors condamnés à l'anonymat des charniers et des fosses communes ». Pignon-Ernest indique que son inspiration première pour ce travail est la photographie des douze cercueils attribuée à Disdéri[2], mais qu'il en dévie ensuite pour se concentrer sur Le Christ mort soutenu par deux anges d'Andrea Mantegna[2].

Invité à peindre un tableau sur la Commune[3], il se refuse à la peinture d'histoire, genre qu'il considère comme trop froid. De nuit et de façon sauvage, il colle sur les lieux de batailles de la Commune — la Butte-aux-Cailles, le cimetière du Père-Lachaise —[1], des massacres du (dizaines d'Algériens indépendantistes) et du (dizaine de communistes anti-OAS) — les quais de Seine, la station de métro Charonne —[3] ainsi que sur les marches de la basilique du Sacré-Cœur[4].

Analyse

Sérigraphiée, l'image du cadavre « connaît une résurrection » qui passe par la représentation ou révélation de « ce qui était dépourvu d'existence »[5]. Le procédé employé — l'utilisation de papier mince et fragile laisse apparaître le support mural, et donne l'impression que l'image sourd ou suinte du sol — vise à la provocation et au détournement[5]. En rappelant l'usage du suaire, « il implique aussi que ces sérigraphies deviennent des icônes devant lesquelles les Parisiens de 1971 sont contraints de défiler », et il inverse la notion du martyrologe au profit des victimes de la Semaine sanglante[6] - [7].

La figure du gisant est anonyme, dĂ©nuĂ©e de toute rĂ©fĂ©rence politique. L'Ĺ“uvre reprĂ©sente Ă  la fois la violence physique, du mort, et la violence symbolique. CollĂ©e Ă  mĂŞme le sol, les passants la piĂ©tinent comme la rĂ©pression versaillaise a Ă©crasĂ© les communards, et comme la mĂ©moire de la Commune est piĂ©tinĂ©e[8]. Ernest Pignon-Ernest cherche Ă©galement Ă  renverser l'imagerie versaillaise de la Commune, faite d'anĂ©antissement et de ruines, en montrant l'insurrection comme une source de crĂ©ation et d'images. Il s'agit lĂ  d'une première provocation, qu'il renforce en rĂ©sumant la Commune par sa rĂ©pression. La Commune n'est plus monument de destruction mais monument dĂ©truit[3]. Un total de 2 000 bandes sont collĂ©es avant d'ĂŞtre arrachĂ©es par la police dans la matinĂ©e ; Ernest Pignon-Ernest subit deux arrestations pendant leur pose[9].

Références

  1. Éric Fournier, « La Commune de 1871 : un sphinx face à ses images », Sociétés & Représentations, no 46,‎ , p. 245-257 (lire en ligne).
  2. Tillier 2004, p. 304-307.
  3. Tillier 2004.
  4. Jean Vigreux, Croissance et contestation : 1958-1981, Média-Diffusion, (1re éd. 2014), 480 p. (ISBN 978-2-0214-0387-9, lire en ligne), « « Le fond de l'air est rouge » (Chris Marker) ».
  5. Tillier 2004, p. 304-305.
  6. Tillier 2004, p. 307.
  7. Michèle Riot-Sarcey, « Un passé toujours vivant », L'Histoire,‎ , p. 91.
  8. Olivetti 2013.
  9. « Les Gisants d'Ernest Pignon-Ernest », Le Monde,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

  • « Les Gisants d'Ernest Pignon-Ernest », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Bertrand Tillier, « Les corps piĂ©tinĂ©s de la Commune : Figures de la provocation chez Ernest Pignon-Ernest (1971) », dans Éric Darragon (dir.) et Marianne Jakobi (collab.), La provocation : Une dimension de l'art contemporain aux XIXe et XXe siècles (actes du colloque organisĂ© par le CIRHAC, -, salle Doucet de l'Institut d'art et d'archĂ©ologie), Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de l'art » (no 15), , 349 p. (ISBN 2-85944-470-X), p. 301–313 [lire en ligne].
  • Bertrand Tillier, La Commune de Paris, rĂ©volution sans images ? : Politique et reprĂ©sentations dans la France rĂ©publicaine (1871-1914), Éditions Champ Vallon, coll. « Époques », , 526 p. (ISBN 2-87673-390-0), p. 488–491 [lire en ligne].
  • Audrey Olivetti, « La Commune « marouflĂ©e » dans Paris : D'Ernest Pignon-Ernest Ă  Raspouteam (1971, 2011) », Théâtre(s) politique(s), no 1,‎ (lire en ligne).
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