Le Vrai DĂ©bat
Le Vrai Débat est un débat citoyen organisé du au [1], au sein du mouvement des Gilets jaunes, afin de délibérer, au niveau national, des suites politiques à donner au mouvement. Il en ressort notamment que le référendum d'initiative citoyenne (RIC), est la première des revendications des Gilets jaunes[2]. 44 000 utilisateurs y ont contribué, 1 millions de votes y ont été effectués autour de 25 000 propositions[3], comportent quatre thèmes principaux : la « transformation profonde du système politique », le « renforcement du service public », la « justice fiscale » et une « écologie solidaire, accessible »[4].
Type | |
---|---|
Créateur |
Localisation |
---|
Ce débat est qualifié par ses auteurs, de « vrai », par opposition au « grand débat national », créé par le Président de la République française, Emmanuel Macron, pour répondre à la crise du mouvement des Gilets jaunes[5], et dont la légitimité est remise en cause par ces derniers[6].
Contexte
Le , un collectif du mouvement des gilets jaunes du 84 lance « le Vrai Débat », dont l'objectif est de proposer une alternative au Grand débat national, que les organisateurs estiment être « verrouillé et ne garantissant pas la participation de tous d'une façon égalitaire ». Cette critique est partagée par des chercheurs qui estiment que le site web de ce débat n'a volontairement pas profité des outils numériques à sa disposition, notamment en ne proposant qu'un questionnaire fermé et une autre partie permettant de partager les propositions, se limitant à quatre thèmes centraux prédéfinis[5], ou encore par Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public[7]. Un troisième débat, « Entendre la France », orienté vers les populations plus jeunes a également été lancé simultanément. Les deux principaux points communs se dégageant de ces trois débats citoyens parmi les sujets abordés, sont l'écologie et la fiscalité[8].
Organisation
Plateforme Ă©lectronique
Porté par des groupes de Gilets jaunes dans tout le pays, Le Vrai Débat prend la forme d’une plateforme virtuelle, permettant de collecter des propositions, de les soutenir et de les commenter sans aucune restriction de public et de thèmes[9]. Pour cela des militants Gilets jaunes de plusieurs régions se sont associés pour créer une plate-forme nationale, s'inspirant d'expériences locales, à la Réunion puis en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Midi-Pyrénées[10]. L'outil utilisé se base sur la même technologie, issue du mouvement de la technologie civique, que celle du gouvernement pour le grand débat national, un outil développé par la société Cap Collectif. Il a été mis à disposition du mouvement à condition que certaines règles soient respectées, comme une gouvernance ouverte ou l'existence d’une modération des contributions. Le logiciel a ainsi été mis à disposition gratuitement pour le mouvement des Gilets jaunes, mais pas pour le gouvernement, cela ayant permit le financement du développement de l'outil, et la société étant désireuse de rendre accessible celui-ci. La géolocalisation des contributeurs ne sera pas recueillie, ceux-ci indiqueront eux-mêmes leur code postal. Par ailleurs le code informatique de l’application est ouvert, ce qui permet de vérifier que le logiciel « n’espionne pas ses utilisateurs[10].
Bien qu'utilisant le même logiciel, le Grand débat ne comporte que des questionnaires fermés ou bien ouverts mais cadrant et clôturant l'expression. Au contraire, sur la plateforme le Vrai Débat, il est possible de poster une contribution, d’en amender d’autres, de proposer des arguments pour et contre ainsi que des sources, et de voter sur chacun de ses points[11].
Issue
À l'issue de ce débat, sont ressorties 59 propositions. Quatre figures du mouvement des Gilets jaunes, Priscillia Ludosky, Jérôme Rodrigues, Fabrice Grimal et Faouzi Lellouche, auraient souhaité remettre celles-ci à Emmanuel Macron le , date anniversaire de leur mouvement, estimant que leur revendications n'avaient pas été prises en compte. Ces propositions comportent quatre thèmes principaux : la « transformation profonde du système politique », le « renforcement du service public », la « justice fiscale » et une « écologie solidaire, accessible »[4].
D'une analyse lexicographique du faite conjointement par des chercheurs du centre d'études et de recherches appliquées en sciences sociales l'Université de Toulouse et du Laboratoire Triangle du CNRS de Lyon, il ressort que le référendum d'initiative citoyenne (RIC) est la première des revendications du mouvement[2]. Ressortent également le désir d'une transformation profonde du système politique, le renforcement du service public, une forte demande de justice sociale et fiscale et une vision très nette de l'urgence des questions écologiques et climatiques[12]. D'autres thèmes progressistes sont également abordés de façon conséquentes, telles que l'importance du système d’éducation, la volonté de faire progresser l’égalité hommes-femmes, la lutte contre les violences sexuelles, la lutte contre la répression ou le droit à mourir dans la dignité[13]. Il s'en dégage également la volonté d'avoir des élus irréprochables et sans privilèges, la prise en compte des votes blanc et nul et de remettre les citoyens au cœur du système politique. Une suspicion très forte de corruption et d’avantages indus qui devraient être supprimés. La question du contrôle des lobbies s’y inscrit également dans la même logique[14].
Ce débat a engendré un corpus de contributions composé de 25 410 pages de texte comportant un total de 2,16 millions de mots[15].
En tout le Vrai Débat a été constitué de plus d’un million de votes, de 25 000 propositions et de 93 000 arguments, il a permis à plus de 44 000 utilisateurs de s’exprimer librement[3].
Selon l'universitaire Guillaume Gourgues, le Grand Débat National qui s'est tenu de janvier à mars 2019 et la Convention citoyenne sur le climat (CCC, d'octobre 2019 à juin 2020), s'ils « n’ont rien à voir dans leur modalité d’organisation et d’indépendance, [...] ont été marqués par une même posture présidentielle. Les paroles recueillies lors du Grand Débat n’ont, à ce jour, fait l’objet d’aucune exploitation sérieuse et à la hauteur de l’enjeu »[9].
Références
- Ludosky, Priscillia. Souque, Maxime, Prost, David, Gontard Rolland 2019.
- Zoé Boiron, « Le «vrai débat» des «gilets jaunes»: le RIC supplante toutes les revendications », sur Le Figaros, .
- Zancarini et Gourgues 2019, p. 2.
- AFP, « « Gilets jaunes » : Des figures du mouvement réclament une rencontre avec Emmanuel Macron », sur 20 Minutes, .
- Grégory Rosières, « Le site du grand débat n'a (volontairement) pas profité des outils numériques à sa disposition », sur Huffington Post,
- Mabi 2019.
- Grégory Rosières, « Le "vrai débat" des gilets jaunes montre à quoi aurait dû ressembler le grand débat », sur Huffington Post,
- Ploux, Genay et Ploux-Chillès 2020, p. 1,2.
- Gourgues 2022.
- Damien Leloup et Claire Legros, « Face au grand débat, des « gilets jaunes » lancent leur propre plate-forme. », Le Monde,
- Courant 2019.
- Denis Garnier, « Le « vrai débat » des gilets jaunes analysé par une équipe de chercheur du CNRS », sur Médiapart, .
- Zancarini et Gourgues 2019, p. 3.
- Zancarini et Gourgues 2019, p. 4.
- Ploux, Genay et Ploux-Chillès 2020, p. 4.
Voir aussi
Article connexe
Bibliographie
- Rolland Gontard, David Prost et Maxime Souque, Le Vrai Débat, BoD, (ISBN 9782322404513, présentation en ligne) Livre sorti du débat.
- Ludosky, Priscillia. Souque, Maxime, Prost, David, Gontard ,Rolland, #Gilets Jaunes "Revendications 100% citoyennes passées sous silence par le gouvernement", Books on Demand, (ISBN 2-322-04114-9 et 978-2-322-04114-5, OCLC 1107844201, lire en ligne), p. 14
Publications universitaires
- Pascal Marchand, Brigitte Sebbah, Julie Renard, Guillaume Cabanac, Laurent Thiong-Kay, Natacha Souillard et Lucie Loubère, Vrai débat : Sortir du débat pour négocier, Observatoire des pratiques socio-numériques, Université de Toulouse, (lire en ligne)
- Martine Legris, « À quoi sert un débat en temps de crise ? » », Études, S.E.R., no 3 (Mars),‎ , p. 31-42 (DOI 10.3917/etu.4258.0031, lire en ligne)
- Martine Legris, « « Grand débat » ou « vrai débat » ? — Un essai de bilan comparé », Études, S.E.R., no 11 (novembre),‎ , p. 45-46 (DOI 10.3917/etu.4265.0045, lire en ligne)
- Jean Baptiste Devaux, Marion Lang, Antoine Lévêque, Christophe Parnet et Valentin Thomas, « La banlieue jaune : Enquête sur les recompositions d’un mouvement », La Vie des idées, Collège de France,‎
- Sandra Hoibian et Thibault Briera, Patricia Croutte, Romain Gauthier, Pauline Jauneau-Cottet, Jorg Muller, « Le mouvement des Gilets jaunes ou les limites d’un modèle de société », Cahier de Recherche, CRÉDOC, Pôle Evaluation et société, no 349,‎ (lire en ligne)
- Clément Mabi, « Grand débat : ce que la technique dit du politique », Revue Projet, no 371,‎ , p. 20-24 (DOI 10.3917/pro.371.0020, lire en ligne)
- Sabine Ploux, Michael Genay et Leu Ploux-Chillès, Les mots du Grand débat national : quelques résultats et réflexions préliminaires, CAMS - Centre d'Analyse et de Mathématique sociales, (lire en ligne)
- Mathieu Brugidou, Philippe Suignard, Caroline Escoffier et Lou Charaudeau, Un discours et un public « Gilets Jaunes » au cœur du Grand Débat National ? Combinaison des approches IA et textométriques pour l'analyse de discours des plateformes « Grand Débat National » et « Vrai débat », EDF R&D, Pacte, Laboratoire de sciences sociales, EDF R&D GRETS - Groupe de Recherche Energie, Technologie et Société, (lire en ligne)
- Guillaume Gourgues, « L’Etat Participatif contre le Ric. La participation citoyenne comme objet de lutte politique », Silomag, Silo,‎ (lire en ligne)
- L'Observatoire de Triangle, responsables : Jean-Claude Zancarini, Guillaume Gourgues, Gilets jaunes – groupe de travail, Triangle UMR 5206 (CNRS), (présentation en ligne, lire en ligne)
- Dimitri Courant, « Petit bilan du Grand Débat National », Analyse Opinon Critique (AOC),‎ (lire en ligne)
- (en) Tamara Ehs et Monika Mokre, « Deliberation against Participation? Yellow Vests and Grand Débat: A Perspective from Deliberative Theory. », Political Studies Review,‎ , p. 1–7 (DOI 10.1177/1478929920940947)