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Le Symbolisme de la Croix

Le Symbolisme de la Croix est un livre de RenĂ© GuĂ©non paru en 1931. Le Symbolisme de la Croix reprend les notions doctrinales de L'Homme et son devenir selon le VĂȘdĂąnta en l'associant Ă  une thĂ©orie du symbole, centrĂ©e ici sur le symbolisme de la croix. D'aprĂšs GuĂ©non, la croix est, en effet, le symbole de l'ĂȘtre dĂ©livrĂ© dont il Ă©tait question Ă  la fin de L'homme et son devenir selon le VĂȘdĂąnta (jĂźvan-mukta) qui est dĂ©signĂ© sous le nom de « l'homme universel » dans le soufisme. C'est en raison de cette signification symbolique que le Christ est mort sur la croix. GuĂ©non dĂ©veloppe de nombreux aspects de ce symbolisme en faisant appel Ă  plusieurs traditions spirituelles.

Le Symbolisme de la Croix
Auteur René Guénon
Pays Drapeau de la France France
Éditeur VĂ©ga
Collection L'Anneau d'or
Lieu de parution Paris
Date de parution
ISBN 978-2858294855
Chronologie

Contenu

gravure de Gustave Doré
Dante et Béatrice contemplant la croix du Christ. D'aprÚs Guénon, Dante fut un initié et les différentes étapes de la Divine comédie représentent les étapes du chemin initiatique.

Le Symbolisme de la Croix est, avec L'Homme et son devenir selon le VĂȘdĂąnta et Les États multiples de l'ĂȘtre, l'un des trois livres les plus importants de RenĂ© GuĂ©non[VD 1] - [MFJ 1] - [JR 1]. L'ouvrage reprend les notions doctrinales de L'Homme et son devenir selon le VĂȘdĂąnta uni au langage symbolique, centrĂ© ici sur le symbolisme de la croix.

AprĂšs avoir longuement expliquĂ© la diffĂ©rence entre synthĂšse et syncrĂ©tisme[JR 2] - [PS 1], GuĂ©non explique que la mĂ©taphysique se rĂ©fĂšre Ă  l’inexprimable et s'exprime avant tout en mode symbolique. Alors que le langage ordinaire est essentiellement analytique, discursif et fait appel Ă  la raison, le symbolisme est essentiellement synthĂ©tique et permet d'aborder ce qui est « supra-rationnel » et fait appel Ă  l'intuition intellectuelle[PS 2] - [JR 2]. Cette derniĂšre n'est pas une « intuition infĂ©rieure » mais ouvre, au contraire, sur des modes de connaissance vĂ©ritablement illimitĂ©s[VD 2].

Pour GuĂ©non, le symbolisme a son fondement dans la nature des choses et une origine non humaine. La « science sacrĂ©e » des symboles se retrouve, d'aprĂšs GuĂ©non, dans toutes les traditions spirituelles, certains symboles, de par leur nature mĂȘme, ont des significations similaires dans des traditions trĂšs diffĂ©rentes. C'est le cas du signe de la croix qui symbolise la rĂ©alisation de l'ĂȘtre dĂ©livrĂ© dont il Ă©tait question Ă  la fin de L'homme et son devenir selon le VĂȘdĂąnta (jĂźvan-mukta). Cet ĂȘtre est dĂ©signĂ© sous le nom de « l'Homme universel » dans le soufisme[PS 3] - [VD 3]. Plus prĂ©cisĂ©ment, la croix symbolise la rĂ©alisation de cet ĂȘtre dĂ©livrĂ© en communion avec la totalitĂ© des Ă©tats de l’ĂȘtre harmonieusement hiĂ©rarchisĂ©s dans le sens de « l'ampleur »(axe horizontal de la croix) et dans le sens de « l'exaltation » (axe vertical de la croix)[JFH 1]. C'est en raison de cette signification symbolique que le Christ est mort sur la croix sans que cela ne diminue en rien sa signification historique[PS 3]. Pour GuĂ©non, tous les Ă©vĂšnements de la vie du Christ ont une signification historique et sont, en mĂȘme temps, des symboles renvoyant Ă  une signification mĂ©taphysique[LE 1].

GuĂ©non fait alors appel Ă  des traditions spirituelles trĂšs diverses (islam, hindouisme, taoĂŻsme, Kabbale, christianisme, etc.) pour dĂ©velopper de nombreux aspects du symbolisme de la croix[MFJ 2]. Par exemple, le centre de la croix (et plus gĂ©nĂ©ralement la croix elle-mĂȘme) symbolise l'Ă©tat oĂč se rĂ©solvent toutes les oppositions et les contradictions[VD 4]. La croix renvoie aux dimensions de l’espace et aux possibilitĂ©s de dĂ©veloppement de l’individu humain. Les six directions de l’espace se synthĂ©tisent dans la septiĂšme direction invisible contenue dans le centre qui est le principe du temps et de l’espace d’oĂč est profĂ©rĂ©e la parole Divine[DB 1].

Une miniature persane du XVIe siĂšcle cĂ©lĂ©brant l'ascension de Mahomet aux cieux. Le « Voyage Nocturne » (Isra) du prophĂšte Mahomet de La Mecque Ă  JĂ©rusalem symbolise l'intĂ©gration de l'Ă©tat humain symbolisĂ© par l'axe horizontal et l'accĂšs au centre de l'ĂȘtre (centre de la croix). L'ascension aux cieux du prophĂšte depuis JĂ©rusalem (Miraj) symbolise la montĂ©e sur l'axe vertical de la croix et l'acquisition des Ă©tats supĂ©rieurs de l'ĂȘtre.

Du point de vue humain (microcosmique), la ligne horizontale de la croix symbolise l'Ă©tat humain (oĂč l'Ă©tat d'un ĂȘtre si on considĂšre un autre ĂȘtre que l'homme), le centre, son cƓur oĂč il peut rentrer en contact avec le Transcendant, la partie supĂ©rieure de l'axe verticale, les Ă©tats supĂ©rieurs Ă  l'ĂȘtre humain[PS 4], la partie infĂ©rieure[LE 2], les Ă©tats infĂ©rieurs Ă  l'ĂȘtre humain (Ă©tats infernaux par exemple)[JR 3]. Le centre reprĂ©sente ce qui est dĂ©signĂ© par l'« Ă©tat Ă©dĂ©nique » dans l'Ancien Testament ou la « station divine » oĂč l'on obtient la « grande paix » dans l'islam[PS 5] - [JR 4]. Le chemin spirituel correspond, dans un premier temps, au voyage sur l'axe horizontal vers le centre et par intĂ©gration de l'ensemble de l'Ă©tat humain. Cette intĂ©gration correspond Ă  l'« ampleur » dans le dĂ©veloppement de l'Homme universel et est liĂ©e Ă  l'extension intĂ©grale de l'individualitĂ©[JR 3]. Cette Ă©tape est symbolisĂ©e par le « voyage nocturne » (Isra) du prophĂšte Mahomet de La Mecque Ă  JĂ©rusalem dans l'islam. La seconde Ă©tape correspond Ă  l’ascension sur l’axe vertical de La croix et Ă  l'« exaltation » dans le dĂ©veloppement de l'homme universel qui est liĂ©e Ă  l'acquisition des Ă©tats supĂ©rieurs de l'ĂȘtre. Cette seconde Ă©tape est symbolisĂ©e par l'ascension vers le ciel du prophĂšte depuis JĂ©rusalem (Miraj)[JR 5].

Du point de vue cosmologique (macrocosmique), l'axe horizontal reprĂ©sente le principe passif, substantiel, fĂ©minin: prakriti dans le Sāáčƒkhya, symbolisĂ© par « les eaux primordiales » en particulier au dĂ©but de la GenĂšse[JR 6] - [PS 6]. L'axe vertical reprĂ©sente, au contraire, le principe actif, masculin, « l'activitĂ© non-agissante » de la « volontĂ© du ciel », Purusha dans le Sāáčƒkhya[JR 6] - [PS 6]: c'est « l'esprit divin portĂ© sur la surface des eaux » au dĂ©but de la GenĂšse[LE 2]. L'axe vertical est l'« axe du monde » reliant le ciel et la terre, assurant la continuitĂ©, l'unitĂ© et la possibilitĂ© de passage entre tous les mondes et Ă©tats d'ĂȘtres[VD 5]. L'axe vertical est liĂ© au rayon cĂ©leste provenant du soleil divin qui relie tous les ĂȘtres et tous les mondes entre eux, c'est le principe dĂ©signĂ© par Buddhi dans l'hindouisme et qui guide l'homme Ă  travers son Ă©volution spirituelle[PS 7]. La croix, dans son ensemble, symbolise l'ensemble de tous les contraires et en particulier l'union de ces principes cosmiques fĂ©minins et masculins symbolisĂ©e par le yin et le yang dans le taoĂŻsme et par l'androgyne primordial dans toutes les traditions, d'aprĂšs GuĂ©non, reprĂ©sentĂ©s sous une forme sphĂ©rique car c'est la forme la moins diffĂ©renciĂ©e de toute[PS 6].

La croix est aussi symbolisĂ©e par l'arbre du Monde : la ligne verticale de la croix constitue le tronc et la ligne horizontale en forme les branches[PS 8]. L'arbre reprĂ©sente aussi l'axe du monde, c'est « l'arbre de la Vie » au milieu du paradis terrestre[JR 7]. Il symbolise le sens de l'unitĂ© et de l'Ă©ternitĂ©, au contraire de « l'arbre de la science du bien et du mal » source de la chute car symbole de la connaissance dualiste, fractionnĂ©e[JR 8]. L'arbre sĂ©phirotique combine les deux arbres car la dualitĂ© n'existe pas ultimement, indĂ©pendante de l'unitĂ©. La chute, liĂ©e au fait de manger le fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, symbolise la perte de la connaissance supra-rationnelle qui permet de voir l'unitĂ© par delĂ  la dualitĂ© et la perte du sens de l'Ă©ternitĂ© qui fait chuter l'homme dans la temporalitĂ©. C'est la perte de l'Ă©tat Ă©dĂ©nique et l'Ă©loignement du centre sur l'axe horizontal de la croix, symbolisĂ©e par le dĂ©part d'Adam du paradis. Cette connaissance supra-rationnelle est aussi symbolisĂ©e par le troisiĂšme Ɠil de Shiva, qui est aussi l'Ă©meraude sur le front de Lucifer, qu'il a justement perdue lors de sa chute et qui a servi Ă  fabriquer le Graal qui a contenu le sang du Christ (ce sang comme le cƓur du Christ symbolise par excellence la connaissance du Divin dans le Christianisme) et qu'il faut regagner pour retrouver la connaissance transcendante[PS 9].

GuĂ©non explique la signification de nombreux symboles associĂ©s Ă  la croix: les directions de l'espace, la guerre et la paix, le swastika, le buisson ardent, le centre et la circonfĂ©rence, etc. Il dĂ©veloppe aussi toute une reprĂ©sentation gĂ©omĂ©trique de la continuitĂ© entre tous le Ă©tats de l'ĂȘtre et de tous les mondes[LS 1] - [JR 4] - [VD 6].

Le soufisme semble jouer un rÎle particuliÚrement important dans l'origine du livre et son contenu. Le livre commence par la dédicace suivante[MVI 1]:

« À la mĂ©moire vĂ©nĂ©rĂ©e de Esh-Sheikh Abder-RahmĂąn ElĂźsh El-Kebir, El-Alim, El-Malki, El-Maghribi Ă  qui est due la premiĂšre idĂ©e de ce livre. Meçr El-QĂąhirah 1329-1349 H. »

Le Sheikh Abder-Rahman Elish El-Kebir fut le maĂźtre de la lignĂ©e soufie shĂądhilite, une branche de l’organisation initiatique (tarĂźqa) fondĂ©e au XIIIe siĂšcle (VIIe siĂšcle de l'HĂ©gire) par le sheikh AbĂ»-l-Hasan ash-ShĂądhilĂź, lignĂ©e Ă  laquelle appartenait GuĂ©non[CH 1].

RĂ©ception

La dédicace fit réaliser aux collaborateurs de Guénon qu'il était rattaché à l'islam depuis longtemps, ce qu'ils ne savaient pas[LE 1].

NoĂ«lle Maurice-Denis, la fille du peintre Maurice Denis, bien qu'admirative, a reprochĂ© au livre « d'ĂȘtre un livre musulman [LS 2] - [MFJ 2] ».

En raison du sujet, la parution du livre fit l'objet de nombreuses critiques d'auteurs catholiques l'accusant de panthéisme et de nier la différence du christianisme d'avec les autres traditions et de nier le mystÚre du Christ[MFJ 3]. Guénon déclara que ces critiques étaient « parfaitement nulles[MFJ 1] » et que « la Vérité est trop haute pour eux [MFJ 4] ».

L'auteur traditionaliste Jean Vaquié a écrit une critique du livre, bien aprÚs la mort de Guénon, accusant ce dernier d'avoir remplacé le Christ par un démon androgyne au centre de la croix et de se faire l'apÎtre d'une tradition babélienne satanique s'opposant à la « vraie révélation » judéo-chrétienne[1].

Bibliographie

  • David Bisson, RenĂ© GuĂ©non, une politique de l'esprit, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, , 528 p. (ISBN 978-2-36371-058-1)
  • Jean-François Houberdon, La doctrine islamique des Ă©tats multiples de l'ĂȘtre : dans les haltes spirituelles de l'Ă©mir 'Abd al-QĂądir, Paris, Editions Albouraq, , 291 p. (ISBN 979-10-225-0153-8)
  • Marie-France James, ÉsotĂ©risme et christianisme : autour de RenĂ© GuĂ©non, Paris, Nouvelles Éditions Latines, , 476 p. (ISBN 2-7233-0146-X)
  • Jean-Pierre Laurant, RenĂ© GuĂ©non, les enjeux d'une lecture, Paris, Dervy, , 400 p. (ISBN 2-84454-423-1)
  • Jean-Pierre Laurant, « Cahiers de l'Herne » : RenĂ© GuĂ©non : sous la direction de Jean-Pierre Laurant avec la collaboration de Paul Barba-Negra (ed.), Paris, Éditions de l'Herne, , 457 p. (ISBN 978-2-85197-055-8)
  • Jean-Pierre Laurant, Le sens cachĂ© dans l'Ɠuvre de RenĂ© GuĂ©non, Lausanne, Suisse, L'Ăąge d'Homme, , 282 p. (ISBN 2-8251-3102-4)
  • Jean-Pierre Laurant, RenĂ© GuĂ©non, les enjeux d'une lecture, Paris, Dervy, , 400 p. (ISBN 2-84454-423-1)
  • Jean Robin, RenĂ© GuĂ©non, tĂ©moin de la Tradition, Paris, Guy TrĂ©daniel Éditeur, , 348 p. (ISBN 2-85707-026-8)
  • Sedgwick, Mark J. : Contre le monde moderne, Paris, Ed. Dervy, 2008, 396 p.
  • Paul SĂ©rant, RenĂ© GuĂ©non, Paris, Le Courrier du livre, , 232 p. (ISBN 2-7029-0050-X)
  • Michel VĂąlsan, L'Islam et la fonction de RenĂ© GuĂ©non, Paris, PubliĂ© dans les Études traditionnelles en Janvier-FĂ©vrier 1953 et devenu depuis le chapitre II de L'Islam et la Fonction de RenĂ© GuĂ©non, 1984-ii
  • Michel VĂąlsan, RĂ©fĂ©rences islamiques du « symbolisme de la croix », Paris, PubliĂ© dans les Études traditionnelles en 1971 et devenu depuis le chapitre V de L'Islam et la Fonction de RenĂ© GuĂ©non, 1984-v
  • Jean Vivenza, Le Dictionnaire de RenĂ© GuĂ©non, Grenoble, Le Mercure Dauphinois, , 568 p. (ISBN 2-913826-17-2)
  • Jean Vivenza, La MĂ©taphysique de RenĂ© GuĂ©non, Grenoble, Le Mercure Dauphinois, , 176 p. (ISBN 2-913826-42-3)

Notes et références

  • David Bisson: RenĂ© GuĂ©non : une politique de l'esprit, 2013
  • Marie-France James, ÉsotĂ©risme et christianisme: Autour de RenĂ© GuĂ©non, 1981
  • « Cahiers de l'Herne » : RenĂ© GuĂ©non, 1985
  • Jean-François Houberdon, La doctrine islamique des Ă©tats multiples de l'ĂȘtre
  • Jean-Pierre Laurant, RenĂ© GuĂ©non, les enjeux d'une lecture, 2006
  • Jean-Pierre Laurant, Le sens cachĂ© dans l'Ɠuvre de RenĂ© GuĂ©non, 1975
  • Jean Robin, RenĂ© GuĂ©non, tĂ©moin de la tradition, 1978
  1. p. 166.
  • Jean-Marc Vivenza, Le Dictionnaire de RenĂ© GuĂ©non, 2002
  1. Jean VaquiĂ©, L'Imposture GuĂ©nonienne : le traditionalisme, la mĂ©taphysique, le symbolisme hĂ©tĂ©rodoxes de RenĂ© GuĂ©non, Mareille, Éditions ACRF, , 163 p. (ISBN 978-2-37752-013-8)
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