Lac de Caussade
Le lac de Caussade est un lac artificiel contestĂ©, constituĂ© illĂ©galement Ă l'aide du barrage de Caussade, sur le lit du ruisseau de Caussade, affluent du Tolzac, dans le bassin versant de la Garonne, situĂ© prĂšs du hameau de Saint-Pierre-de-Caubel, sur la commune de Pinel-Hauterive (Lot-et-Garonne). Projet initiĂ© dans les annĂ©es 1990 par le syndicat dĂ©partement des collectivitĂ©s irrigantes de Lot-et-Garonne, il est d'abord autorisĂ© par arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral le , qui est annulĂ© le suivant. MalgrĂ© cela, le lac est construit sans autorisation durant l'hiver 2018-2019 par la chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne et la Coordination rurale, syndicat agricole majoritaire en Lot-et-Garonne.
Pays | |
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RĂ©gion | |
DĂ©partement | |
Commune | |
Coordonnées |
44° 28âČ 12âł N, 0° 33âČ 25âł E |
Cours d'eau |
Caussade |
Vocation | |
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Propriétaire |
Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne |
Date du début des travaux |
Octobre 2018 |
Date de la fin des travaux |
FĂ©vrier 2019 |
Coût |
3 millions d'euros (prévus) 1,2 million d'euros (dépensé) |
Le projet consiste en la création d'un barrage et le creusement d'un lac artificiel d'une superficie de 20 hectares et d'une profondeur maximale de 12,5 mÚtres, permettant la constitution d'une réserve d'eau de 920 000 m3 utilisable pour l'irrigation des terres agricoles environnantes. Malgré un volume inférieur de 40 %, celui-ci fait écho au projet de barrage de Sivens, avorté en 2014 à la suite de manifestations opposant écologistes et agriculteurs et ayant conduit à la mort de Rémi Fraisse, militant écologiste. à la suite de cela, les projets de retenues artificielles doivent faire l'objet de « projets de territoires », qui ont été contournés pour le lac de Caussade.
Depuis 2018, le projet fait l'objet de nombreux recours, fruits de l'opposition entre défenseurs de la cause environnementale et agriculteurs souhaitant contrÎler l'irrigation de la zone afin d'irriguer les terres et d'alimenter continuellement le Tolzac. L'association France Nature Environnement et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili jugent que la réalisation du lac est « l'exemple emblématique de ce qu'il ne faut plus faire ».
GĂ©ographie
Le ruisseau de Caussade est un petit cours d'eau de 4,52 km de long, affluent direct de la riviĂšre de Tolzac, elle-mĂȘme affluent direct de la Garonne. Il prend sa source sur la commune de Saint-Pastour, traverse la commune de Pinel-Hauterive pour se jeter dans le Tolzac Ă la frontiĂšre administrative avec la commune de Monclar[1].
Le lac de Caussade se situe Ă une centaine de mĂštres du lieu-dit Saint-Pierre-de-Caubel, petit hameau de la commune administrative de Pinel-Hauterive, dans le Lot-et-Garonne. Il est le lieu de jonction de plusieurs autres cours d'eau intermittents. Le barrage se situe Ă 500 mĂštres en amont du confluent avec le Tolzac[R 1]. Avant la rĂ©alisation du lac, le site Ă©tait constituĂ© de terres agricoles et de forĂȘts.
Contexte autour du projet
RĂ©chauffement climatique
DiffĂ©rentes Ă©tudes sur le rĂ©chauffement climatique, comme celles du Giec, mais surtout le rapport dâĂ©tude « Garonne 2050 » rĂ©alisĂ© par lâAgence de lâeau Adour-Garonne en 2012, prĂ©disent une diminution importante de la ressource en eau sur le bassin Adour-Garonne dans les prochaines annĂ©es (jusquâĂ 40 %)[2], ainsi qu'une modification du mode des prĂ©cipitations par des pluies plus marquĂ©es en pĂ©riode hivernale et des sĂ©cheresses plus marquĂ©es en pĂ©riode estivale. Selon ce rapport, une augmentation de la tempĂ©rature moyenne annuelle comprise entre 0,5 °C et 3,5 °C entraĂźnerait Ă lâĂ©chĂ©ance 2050 de fortes modifications sur lâhydrologie, en particulier des baisses annuelles de dĂ©bits de toutes les grandes riviĂšres du sud-ouest, comprises entre 20 et 40 %. Sans modification des usages, les Ă©tiages seront plus prĂ©coces, plus sĂ©vĂšres et plus longs[2]. Face Ă lâampleur des problĂšmes futurs, la rĂ©duction de la demande ne suffira pas Ă rĂ©pondre Ă lâenjeu. Parmi les solutions retenues figure la crĂ©ation dâouvrages de stockage hivernal, en complĂ©ment dâautres leviers, dans tous les scĂ©narios mais avec une ampleur trĂšs variable (de 75 Ă 360 millions de mĂštres cubes)[3] - [4]. Dans le scĂ©nario a minima, il conviendrait de crĂ©er 75 millions de mĂštres cubes de rĂ©serves pour un coĂ»t de 375 millions dâeuros. Pour compenser la baisse des dĂ©bits dâĂ©tiage, il faudrait augmenter le stockage de 360 millions de mĂštres cubes et diminuer les surfaces irriguĂ©es de 15 %, ce qui est dĂ©jĂ un peu le cas puisque la culture du maĂŻs a reculĂ© de 20 % de 1990 Ă 2010, et les surfaces irriguĂ©es ont diminuĂ© de 18 % de 2000 Ă 2010 dans le bassin.
Hydrographie du bassin versant du Tolzac
Le bassin versant du Tolzac, situé intégralement dans le Lot-et-Garonne, couvre une superficie de 315 km2, soit 1 % de celle du bassin versant de la Garonne.
Sur le seul bassin versant du Tolzac, on décompte plus de 400 retenues d'eau de plus de 1 000 m2[P 1], et plus de 530 points de prélÚvement[R 2].
Afin d'assurer une eau de bonne qualitĂ© et un bon fonctionnement biologique du cours dâeau en toute pĂ©riode et particuliĂšrement en saison sĂšche, il est souhaitable d'assurer un dĂ©bit minimum aux cours d'eau, dit dĂ©bit de salubritĂ©. Le plan de gestion des Ă©tiages (PGE) du bassin versant du Tolzac vise un dĂ©bit objectif de 100 l sâ1 Ă la station de VarĂšs, non loin du confluent avec la Garonne, et un dĂ©bit minimal de 30 l sâ1 sur la branche monclaraise du Tolzac, oĂč se situe le lac de Caussade. Le protocole rĂ©digĂ© en 2011 indique ainsi un dĂ©ficit de 1 Ă 2,5 millions de km3 avant soutien d'Ă©tiage, que ne peut subvenir Ă elle seule la retenue du Lourbet, sur la branche du Tolzac de Verteuil, et ce sans compter les nombreuses pĂ©riodes d'assec de la branche du Tolzac de Monclar[R 2].
Conséquences du projet avorté du barrage de Sivens
Ă la suite du conflit autour du projet de barrage de Sivens, ayant pour point d'orgue les manifestations de 2014 ayant entraĂźnĂ© la mort du jeune militant RĂ©mi Fraisse, la politique nationale autour des projets de lac d'irrigation a Ă©tĂ© revue, notamment de maniĂšre Ă introduire une concertation poussĂ©e avec les habitants. Depuis une instruction gouvernementale de 2015[5], les projets de rĂ©serves d'eau, pour pouvoir ĂȘtre financĂ©s par les agences de l'eau, doivent ĂȘtre Ă©laborĂ©s dans le cadre d'une dĂ©marche de « projet de territoire pour la gestion de l'eau » (PTGE), Ces projets de territoire imposent la rĂ©alisation de diagnostics, et de mesures d'accompagnement vers l'agroĂ©cologie, visant Ă rĂ©duire la consommation en eau des territoires. Ils imposent Ă©galement de rĂ©flĂ©chir Ă d'autres solutions que des barrages d'eau massifs, tels que des petites rĂ©serves collinaires, ou une adaptation des cultures selon les ressources disponibles â vers des plantes moins gourmandes en eau (comme le sorgho), mais moins rentables. Dans une politique nationale de maĂźtrise de la consommation d'eau, la construction de barrages reste ainsi autorisĂ©e, sous rĂ©serve d'un consensus des habitants, Ă©lus et associations environnementales[P 2].
Les projets de territoire sont cependant accusés de ralentir considérablement les dossiers de réalisation de barrages d'eau. Six ans aprÚs la fin annoncée du projet de barrage de Sivens, la concertation autour d'un nouveau barrage plus petit, dans le cadre légal du projet de territoire, n'a toujours pas porté ses fruits[P 3]. Entre 2015 et 2019, moins de 5 projets de territoire ont été validés[P 2].
En ne sollicitant pas de financement par les agences de l'eau, les promoteurs du lac de Caussade s'Ă©vitent de participer Ă ces procĂ©dures laborieuses de projet de territoire. Au mĂ©dia Pleinchamp, Serge Bousquet-Cassagne s'entend, jugeant qu'« un projet de territoire, câest lâenterrement en grandes pompes et officiel de tout projet »[P 4].
Descriptif du projet
Caractéristiques techniques
Le projet consiste Ă la rĂ©alisation d'une rĂ©serve d'eau sur des terres arables et parcelles forestiĂšres, et la construction d'une barrage de 378 m de long. La superficie du lac est de 20 ha, sur plus d'1 km de long, pour une capacitĂ© maximale de 920 000 m3, desquelles 233 000 m3 seraient rĂ©servĂ©s Ă l'alimentation du Tolzac durant les pĂ©riodes de sĂšcheresse[R 3]. Durant l'Ă©tĂ©, la retenue permettrait de soutenir l'Ă©tiage du Tolzac de Monclar, Ă hauteur de 30 l sâ1. Dans le dĂ©tail, la vocation du barrage serait la suivante[R 4] - [P 5] :
- irrigation : 433 200 m3 (dont 80 000 m3 substituant ce qui était déjà prélevé auparavant) ;
- soutien d'Ă©tiage : 233 280 m3 ;
- gestion interannuelle : 233 520 m3 ;
- réserve minimale technique : 20 000 m3.
Le barrage est un barrage en remblai homogĂšne, d'une longueur de 378 m, d'une hauteur de 12,5 m, et d'une Ă©paisseur en crĂȘte de 88,5 m. Le remblai est constituĂ© de terres argileuses prĂ©levĂ©es parmi les dĂ©blais du lac[R 5].
Montage du projet
Le projet est porté par le syndicat départemental des collectivités irrigantes du Lot-et-Garonne (SDCI 47), pour le compte de l'association syndicale autorisée des coteaux du Tolzac. Les associations syndicales autorisées sont des associations d'agriculteurs permettant de mettre en commun des ressources afin de réaliser des installations communes pour plusieurs agriculteurs. Le SDCI 47 est une structure, fondée en 1977, regroupant les collectivités locales et les associations syndicales autorisées d'agriculteurs du Lot-et-Garonne autour des questions de l'irrigation[6]. Le lac de Caussade est soutenu financiÚrement et politiquement par la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne, contrÎlée depuis 2013 par le syndicat agricole Coordination rurale et présidée par Serge Bousquet-Cassagne. Son vice-président Patrick Franken est également de l'ASA des coteaux du Tolzac et président du syndicat Coordination rurale 47 jusqu'en 2019.
Les acquisitions fonciĂšres, les travaux et la maĂźtrise d'ouvrage portent le coĂ»t du projet Ă prĂšs de 3 millions d'euros. Durant toute cette pĂ©riode, le projet n'est jamais appelĂ© barrage de Caussade mais lac â bien qu'il s'agisse de la rĂ©alisation d'un barrage permettant la retenue d'eau â, afin d'Ă©viter des parallĂšles mĂ©diatiques avec le barrage de Sivens[P 6].
Lors de l'enquĂȘte publique, le plan de financement prĂ©visionnel prĂ©voit une prise en charge publique (financement europĂ©en et rĂ©gional) de prĂšs de 50 %, un apport du conseil dĂ©partemental de Lot-et-Garonne pour 15 %, et un autofinancement de plus d'un million d'euros[R 6].
Ă la suite des dĂ©bouchĂ©s administratifs et judiciaires contre le projet, la Chambre d'agriculture rĂ©cupĂšre durant l'hiver 2018-2019 la maĂźtrise d'ouvrage de fait et finance et rĂ©alise elle-mĂȘme les travaux nĂ©cessaires, pour plus d'un million d'euros[P 7] - [P 8].
Impact du projet
Irrigation des terres agricoles
Les 433 200 m3 autorisées pour l'irrigation des terres permettent de soutenir 24 à 28 exploitations agricoles environnantes, possédant des cultures à forte valeur ajoutée et gourmandes en eau : prune, noisette, betteraves, ail, maïs[P 9] - [P 10].
Impact environnemental
- Tulipe des bois, Tulipa sylvestris
- Lotier grĂȘle, Lotus angustissimus
- Groseillier rouge, Ribes rubrum
- GlaĂŻeul des moissons, Gladiolus italicus
Malgré ces mesures compensatoires, plusieurs avis défavorables sont rendus par les autorités et associations environnementales. L'autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine émet des réserves, demandant des mesures compensatoires plus approfondies, notamment vis-à -vis de la tulipe des bois[R 7]. Le conseil national de la protection de la nature, dont l'avis est nécessaire lors de la destruction de foyers d'espÚces protégées, n'accorde pas de dérogation, soulignant notamment un inventaire incomplet, l'absence de mesures d'évitement, et des mesures compensatoires imprécises[R 8], ce que constate également l'agence française pour la biodiversité, émettant deux avis défavorables[P 11].
Histoire
Années 1980 à 2000 : ébauche d'une retenue d'eau à Saint-Pierre-de-Caubel
DĂšs 1980, une association syndicale autorisĂ©e voit le jour afin d'envisager la rĂ©alisation d'une retenue d'eau sur le bassin versant du Tolzac, Ă des fins d'irrigation. En 1991, un avant-projet dĂ©taillĂ© apparaĂźt, mais des contraintes sur le foncier empĂȘchent l'avancement du projet, qui est mis en sommeil pendant une dizaine d'annĂ©es[R 9].
En 2001, le projet est réactivé afin d'alimenter la branche monclaraise du Tolzac lors des périodes d'étiage. Des études approfondies sont menées, desquelles ressortent trois sites favorables à l'élaboration d'une retenue d'eau, de par leur volume utile et leur localisation. Le site sur le ruisseau de Caussade est choisi en raison des emprises fonciÚres favorables[R 3].
Années 2010 : réveil du projet
Face au manque d'eau rĂ©current du Tolzac en Ă©tĂ©, un plan de gestion d'Ă©tiage est signĂ© en 2011 entre les diffĂ©rents acteurs locaux. Celui-ci prĂ©voit la possibilitĂ© de rĂ©aliser une retenue de rĂ©alimentation du Tolzac d'un volume utile jusqu'Ă 700 000 m3. Le projet dĂ©bute en 2012, avec l'obtention de la maĂźtrise d'Ćuvre dĂ©lĂ©guĂ©e au Syndicat dĂ©partemental des collectivitĂ©s irrigantes du Lot-et-Garonne (SDCI 47), pour le compte de l'Association syndicale autorisĂ©e (ASA) des Coteaux du Tolzac. Le SDCI s'associe au Conseil DĂ©partemental et Ă la Chambre d'Agriculture pour la rĂ©alisation de la retenue d'eau[R 10].
Ă l'issue de nouvelles Ă©tudes, un premier dossier d'exploitation est prĂ©sentĂ© en 2017 aux services de l'Ătat et financeurs. Le dossier est dĂ©posĂ© le devant la direction dĂ©partementale des territoires de la prĂ©fecture de Lot-et-Garonne[R 11].
Face Ă une potentielle contestation Ă la suite des Ă©vĂ©nements liĂ©s au barrage de Sivens, Serge Bousquet Cassagne, prĂ©sident de la Chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne et membre de la Coordination rurale 47, dĂ©clare dĂšs 2016 souhaiter rĂ©aliser le lac coĂ»te-que-coĂ»te, mĂȘme si les autoritĂ©s ne le permettent pas[P 12].
2018 : autorisation puis retrait
Le , la PrĂ©fĂšte de Lot-et-Garonne signe l'arrĂȘtĂ© autorisant la crĂ©ation de la rĂ©serve de Caussade.
Le , deux associations environnementales, SEPANSO et SEPANLOG, attaquent l'arrĂȘtĂ© d'autorisation au tribunal administratif de Bordeaux[P 11]. Selon elles, l'enquĂȘte publique n'a pas Ă©coutĂ© les avis dĂ©favorables de l'Agence française pour la biodiversitĂ© et du Conseil national pour la protection de la nature[P 13]. Surtout, l'arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral ne respecterait pas la directive-cadre europĂ©enne sur l'eau et la lĂ©gislation sur les espĂšces protĂ©gĂ©es[P 7]. Le lendemain, la fĂ©dĂ©ration France Nature Environnement (FNE) demande en rĂ©fĂ©rĂ© la suspension des travaux, dĂ©butĂ©s quelques jours plus tĂŽt par le dĂ©frichage des terres[P 14]. Dans une lettre envoyĂ©e le mĂȘme jour, le Ministre de la Transition Ă©cologique et solidaire François de Rugy et le Ministre de l'Agriculture StĂ©phane Travert demandent Ă la PrĂ©fĂšte de retirer son autorisation, justifiant de risques sur la compatibilitĂ© du projet avec le schĂ©ma directeur d'amĂ©nagement et de gestion des eaux[P 15]. L'autorisation est retirĂ©e le par la PrĂ©fĂšte, quelques jours avant le jugement au tribunal.
Tout au long des mois de septembre et octobre, Serge Bousquet-Cassagne réaffirme sa volonté de réaliser le lac, avec ou sans autorisation :
« Une fois les dĂ©lais de recours dĂ©passĂ©s, c'est-Ă -dire dĂ©but novembre, nous rĂ©aliserons le lac nous-mĂȘmes. Nous appellerons les paysans, il nous faudra leur matĂ©riel, leur temps, leurs bras mais nous lancerons le projet. »
â Serge Bousquet-Cassagne, Le Petit Bleu d'Agen, 20 septembre 2018.
Le 13 novembre, le tribunal administratif de Bordeaux rejette une demande en rĂ©fĂ©rĂ© de la Coordination rurale 47 visant Ă annuler le retrait d'autorisation de la PrĂ©fĂšte. Le lac est donc illĂ©gal, en attendant une nouvelle procĂ©dure d'enquĂȘte environnementale et de mise en conformitĂ© avec le schĂ©ma directeur[P 16] - [P 17].
Hiver 2018-2019 : construction illégale du lac
Comme annoncĂ©, les travaux dĂ©butent discrĂštement le , officieusement par des « travaux de voirie »[P 18]. MalgrĂ© des visites d'huissiers et des mises en demeure des PrĂ©fets de dĂ©partement et de rĂ©gion, les travaux prennent de l'ampleur. Saisie en rĂ©fĂ©rĂ© par France Nature Environnement, la justice ordonne le la fin des travaux et la remise en Ă©tat du site, sans effet : la maĂźtrise d'ouvrage est passĂ©e du syndicat dĂ©partemental des collectivitĂ©s irrigantes Ă la Chambre d'agriculture, qui finance et rĂ©alise entiĂšrement les travaux par elle-mĂȘme[P 7].
Fin novembre, l'Ătat attaque les promoteurs du projet en justice pour obtenir l'arrĂȘt immĂ©diat des travaux[P 19]. Les travaux sont arrĂȘtĂ©s une premiĂšre fois le pour des raisons climatiques, pour reprendre dĂ©but janvier 2019[P 20]. Afin de faire respecter plusieurs dĂ©cisions de justice, des gendarmes viennent le poser des scellĂ©s sur les tracteurs et outils de travail. Ils sont accueillis par plus de 300 agriculteurs et Ă©lus du Lot-et-Garonne, les empĂȘchant d'accĂ©der au site[P 21] - [P 22]. Ce sera la seule opĂ©ration sur place des forces de l'ordre, l'Ătat ne souhaitant pas revivre un Ă©pisode similaire au barrage de Sivens[P 23].
AprÚs deux semaines d'interruption à cause de mauvaises conditions météorologiques, puis deux semaines de travaux, le lac est considéré comme terminé le par la Chambre d'agriculture. Quarante bénévoles se sont relayés pour construire la digue et creuser le lac[P 8].
Depuis 2019 : un lac utilisé, malgré des risques pour la sécurité ?
MalgrĂ© de nouvelles dĂ©cisions judiciaires, confirmant l'arrĂȘtĂ© d'annulation d'autorisation, le lac persiste. Le , le tribunal administratif de Bordeaux suit les conclusions du rapporteur public et dĂ©boutent les promoteurs du lac, et mettent en cause la pertinence du premier arrĂȘtĂ© d'autorisation. Le , la PrĂ©fĂšte de Lot-et-Garonne ordonne l'arrĂȘt des travaux, l'ouvrage d'une brĂšche dans la digue, la destruction de cette derniĂšre dans les trois mois, et la consignation d'un million d'euros Ă la Chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne, pour une remise en Ă©tat du site dans les dix-huit mois[P 12]. Cette derniĂšre rĂ©agit : « S'ils veulent un Sivens Ă l'envers, ils l'auront »[P 24]
Le lac est mis en eau au fil des pluies durant l'année 2019. Durant le printemps, des vigiles se chargent de surveiller de potentielles venues des forces de l'ordre autour du lac[P 25]. Rien ne se passe : aucun force de l'ordre n'est aperçu durant les semaines qui suivent, et la consignation n'est pas prélevée. Au contraire, une désescalade des tensions s'amorce. En juin, la préfÚte de région Fabienne Buccio et la PréfÚte de Lot-et-Garonne Béatrice Lagarde invitent les promoteurs du lac à justifier la situation du lac, et vérifier que ce dernier a été érigé dans les rÚgles de l'art. Sont requis une vérification de la sécurité ainsi que des études hydrographiques pour évaluer l'impact du lac[P 26]. Un nouveau dossier d'autorisation est déposé auprÚs de la préfecture du Lot-et-Garonne durant l'été. Un comité de pilotage est également installé afin de participer à la résolution du conflit.
Cependant, l'association France Nature Environnement continue les actions judiciaires contre ce lac, en attaquant les promoteurs et l'Ătat auprĂšs de la Commission europĂ©enne, pour non-respect des directives europĂ©ennes sur l'eau et sur la faune. Elle ordonne Ă©galement Ă la PrĂ©fĂšte du Lot-et-Garonne de faire respecter l'arrĂȘtĂ© signĂ© en mai, ordonnant la destruction du lac. Celle-ci se justifie en voulant « trouver un chemin », suspendant l'arrĂȘtĂ© dans l'attente des rĂ©sultats de la concertation[P 27].
Durant l'hiver 2019-2020, le lac se remplit jusqu'Ă ĂȘtre plein en dĂ©cembre 2019[P 28], ce qui permet de vĂ©rifier la soliditĂ© de l'ouvrage. Une enquĂȘte d'un cabinet indĂ©pendant conclut Ă des risques de rupture de l'ouvrage dus Ă des dĂ©fauts dans la rĂ©alisation du drainage vertical, ainsi qu'au choix de coefficients de sĂ©curitĂ© insuffisants par rapport aux normes. En cas de rupture de l'ouvrage, prĂšs de 70 habitations seraient touchĂ©es dans la zone[P 29]. Face Ă ce risque, la PrĂ©fĂšte de dĂ©partement BĂ©atrice Lagarde annonce la vidange prochaine par l'Ătat du lac ; la Chambre d'agriculture riposte en annonçant qu'elle empĂȘchera cette vidange, et dit craindre « des drames totalement injustifiĂ©s »[P 30]. Le , 300 agriculteurs se rĂ©unissent de nouveau pour empĂȘcher une opĂ©ration des services de l'Ătat[P 31]. La demande de vidange est finalement annulĂ©e Ă la suite d'une rencontre avec la secrĂ©taire d'Ătat auprĂšs de la ministre de la Transition Ă©cologique, Emmanuelle Wargon : dans le cadre d'un accord, l'Ătat demande une contractualisation sur les besoins en eau afin de demander un nouveau dossier d'organisation, tout en baissant le niveau d'eau Ă une mesure acceptable vis-Ă -vis des risques potentiels de rupture, en attendant une vidange pour vĂ©rification complĂšte Ă l'automne[P 32]. Fin mai, des premiers experts ministĂ©riels viennent surveiller et inspecter l'ouvrage, pour contribuer au dialogue entre les promoteurs du lac et l'Ătat. Ceux-ci rapportent que le dispositif d'Ă©vacuation des crises est Ă reprendre presque intĂ©gralement, mais que le risque de rupture est minime et n'affecterait que 6 habitations â et non 70. Politiquement, les experts constatent l'Ă©chec des « injonctions successives » de l'Ătat. Une baisse du niveau d'eau doit avoir lieu, mais celle-ci ne pourrait s'obtenir que par un recours Ă la force publique, risquĂ© aprĂšs le drame des manifestations liĂ©es au barrage de Sivens :
« Il est alors évident que seul le recours à la force publique permettrait d'obtenir l'abaissement du plan d'eau. Cependant, outre l'évaluation, trÚs incertaine, de la probabilité de réussite d'une telle opération et l'importance des risques humains qu'elle emporterait, son risque médiatique et politique apparaßt considérable. »
Ceux-ci recommandent donc de surveiller constamment l'ouvrage et d'obtenir des garanties de réparation de l'ouvrage à moyen terme, avec à court terme le développement de systÚmes d'alertes hydrométéorologiques et de potentielles fuites prévenant les pouvoirs publics, afin d'évacuer les populations en cas de nécessité[P 33].
En juillet 2020, l'association France Nature Environnement publie des rapports d'un cabinet indĂ©pendant, de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), et de la Direction gĂ©nĂ©rale de la prĂ©vention des risques (DGPR), alertant, Ă dĂ©faut de risque de rupture imminent, de dĂ©fauts avĂ©rĂ©s de sĂ©curitĂ© nĂ©cessitant des mesures correctives[P 34] - [P 35]. MalgrĂ© cela, le , les vannes du lac sont ouvertes pour le premier Ă©tĂ©, permettant l'irrigation du Tolzac de Monclar[P 36]. Le lac n'est cependant pas vidangĂ© Ă l'automne, comme ordonnĂ© quelques mois plus tĂŽt ; l'Ătat temporisant et souhaitant un retour Ă la concertation[P 37].
La cour administrative d'appel de Bordeaux confirme une nouvelle fois le l'illĂ©galitĂ© du lac, en refusant d'annuler l'arrĂȘtĂ© de retrait d'autorisation des travaux d'octobre 2018, « eu Ă©gard aux effets nĂ©fastes du projet sur la gestion des eaux et Ă l'absence d'amĂ©lioration, voire la dĂ©gradation de la qualitĂ© de l'eau »[7]. La ministre de la Transition Ă©cologique Barbara Pompili appelle à « une issue rĂ©aliste », tout en rappelant l'illĂ©galitĂ© du barrage[P 38].
Acteurs et réactions politiques
Localement, le projet a peu d'opposants.
Galerie
- Vue du lac depuis l'affluent de la riviĂšre Caussade
- Ăvacuateur de crue, en bĂ©ton
- Talus du barrage
- Panorama sur le lac
Conséquences judiciaires
Ă la suite d'une plainte de France Nature Environnement, SEPANSO et SEPANLOG envers les promoteurs du lac de Caussade pour la rĂ©alisation illĂ©gale de travaux, le tribunal judiciaire d'Agen condamne le Serge Bousquet-Cassagne, prĂ©sident de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, Ă neuf mois de prison ferme â auxquels s'ajoutent quatre mois de sursis rĂ©voquĂ©s â, ainsi que Patrick Franken, vice-prĂ©sident de la Chambre d'agriculture, prĂ©sident du syndicat agricole Coordination rurale 47 et prĂ©sident de l'ASA du Tolzac, Ă l'origine du projet, Ă huit mois de prison ferme â auxquels s'ajoutent quatorze mois de sursis rĂ©voquĂ©s. Les deux protagonistes sont Ă©galement condamnĂ©s Ă verser prĂšs de 65 000 ⏠de dommages et intĂ©rĂȘts aux associations environnementales et Ă Enedis. La Chambre d'agriculture est condamnĂ©e Ă 40 000 ⏠d'amende, dont 20 000 ⏠avec sursis. Il leur est reprochĂ© d'avoir polluĂ© et exĂ©cutĂ© des travaux nuisibles Ă l'eau et aux milieux aquatiques[P 39].
En appel, le tribunal d'Agen ramĂšne les peines Ă dix mois de prison avec sursis probatoire de dix-huit mois, les deux agriculteurs Ă©chappant Ă la prison. Ils sont Ă©galement condamnĂ©s Ă 7 000 ⏠d'amende chacun, 1 000 ⏠pour chaque partie civile, et 32 900 ⏠pour les dommages matĂ©riels subis par Enedis. Comme en premiĂšre instance, la Chambre d'agriculture est condamnĂ©e Ă 40 000 ⏠d'amende, dont 20 000 ⏠avec sursis[P 40]. Le lac ne devrait pas ĂȘtre dĂ©truit ni le site remis en Ă©tat.
Notes et références
Rapports, avis et enquĂȘtes
- Dossier d'Autorisation Environnementale, p. 8
- Plan de gestion des Ă©tiages, p. 9-10.
- Concertation publique, p. 6
- Dossier de demande d'autorisation environnementale, p. 48
- Dossier de demande d'autorisation environnementale, p. 29-30
- Rapport d'enquĂȘte publique, p. 15
- Avis de l'autorité environnementale, p. 4
- Avis du conseil national de la protection de la nature
- Rapport d'enquĂȘte publique, p. 4
- Concertation publique, p. 5
- Rapport complémentaire au dossier d'autorisation environnementale, préambule
Articles de presse
- Frank Niedercorn, « Caussade : la retenue d'eau qui sĂšme la zizanie en Lot-et-Garonne », Les Ăchos,â (lire en ligne )
- Philippe Collet, « Retenues d'eau : le gouvernement veut relancer les projets de territoire », Actu Environnement,â (lire en ligne )
- StĂ©phane ThĂ©pot, « Dans le Sud-Ouest, des nĂ©gos entre deux eaux », LibĂ©ration,â , p. 14-15 (lire en ligne )
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Autres références
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- Garonne 2050 : une Ă©tude prospective sur les besoins et les ressources en eau - Adour-Garonne - 2012, p. 15
- Garonne 2050 : une Ă©tude prospective sur les besoins et les ressources en eau - Adour-Garonne - 2012 (rapport complet), p. 44
- France, MinistĂšre de l'Ă©cologie, du dĂ©veloppement durable et de l'Ă©nergie. « Instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de lâeau des retenues de substitution », DEVL1508139J [lire en ligne]
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Annexes et bibliographie
Sources bibliographiques
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Hydrographie du bassin versant du Tolzac
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- [Plan de Gestion des Ătiages] Syndicat intercommunal d'assainissement des vallĂ©es du Tolzac, Protocole plan de gestion des Ă©tiages du bassin versant du Tolzac, , 24 p. (lire en ligne [PDF])
Dossier de réalisation
- [Concertation publique] Syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne, Concertation du public : création d'une retenue de réalimentation - Site de Caussade, , 12 p. (lire en ligne)
- [Dossier d'Autorisation Environnementale] Syndicat départemental des collectivités irrigantes du Lot-et-Garonne, Projet de création d'une retenue d'eau collective et de soutien d'étiage sur le bassin versant du Tolzac : Dossier d'Autorisation Environnementale, , 308 p. (lire en ligne : p. 1-100, p. 101-200, p. 201-260, p. 261-308, rapport complémentaire)
- [Rapport d'enquĂȘte publique] Michel Chabrier, Dossier de Demande d'Autorisation Environnementale Unique pour le Projet de CrĂ©ation d'une Retenue Collective et d'Irrigation et de Soutien d'Etiage sur le Bassin Versant du TOLZAC : rapport & conclusions du Commissaire EnquĂȘteur, , 80 p. (lire en ligne)
- [Avis de l'autoritĂ© environnementale] Mission rĂ©gionale d'autoritĂ© environnementale, Projet de crĂ©ation dâune retenue collective dâirrigation et de soutien dâĂ©tiage sur le bassin versant du Tolzac : avis de lâAutoritĂ© environnementale (article L. 122-1 et suivants du Code de lâenvironnement), , 4 p. (lire en ligne)
- [Avis du conseil national de la protection de la nature] Conseil national de la protection de la nature, Avis du conseil national de la protection de la nature, commission EspÚces et communautés biologiques, , 3 p. (lire en ligne)
Articles connexes
- Barrage de Sivens
- mégabassine autre type de retenue d'eau contestée