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La FĂ©e aux choux

La Fée aux choux est un film français réalisé par Alice Guy, sorti en 1896. D'une durée de 51 secondes, le film montre une fée qui sort plusieurs nouveau-nés de choux immenses. Selon la petite-fille d'Alice Guy[1], le thème aurait été inspiré par l'invention des couveuses en Belgique et leur présentation à l'Exposition universelle de Paris de 1889.

La FĂ©e aux choux

RĂ©alisation Alice Guy
Sociétés de production Gaumont
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Conte fantastique
Durée 51 secondes
Sortie 1896

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

La Fée aux choux est historique car il s'agit du premier film réalisé par une femme[2]. Elle-même se désigne comme « directrice de prises de vues »[3].

D'autre part, La Fée aux choux est parfois considéré comme la première fiction de l'histoire du cinéma[4] - [5] - [6], mais cette primauté est également attribuée à Louis Lumière pour L'Arroseur arrosé, tourné au printemps 1895[7] - [8], ou à Émile Reynaud et ses premières pantomimes lumineuses, prémices du cinéma d'animation, présentées au public dès octobre 1892[9] - [10] - [11].

Synopsis

Dans un jardin, une fée salue le public (regard caméra) et se penche sur des choux immenses. Elle en sort comme par magie un, puis deux nouveau-nés, puis un troisième figuré par une poupée. Les bébés sont successivement déposés à terre au premier plan et continuent à gigoter, tandis que la fée se déplace en bougeant amplement les bras. Le film illustre la légende du folklore français selon laquelle les petits garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses.

Fiche technique

  • Titre : La FĂ©e aux choux, ou La Naissance des enfants
  • RĂ©alisation : Alice Guy
  • SociĂ©tĂ© de production : SociĂ©tĂ© L. Gaumont et compagnie
  • Pays d'origine : Drapeau de la France France
  • Genre : fantastique
  • DurĂ©e : 51 secondes (mĂ©trage : 23 m)
  • Format : noir et blanc - 58 mm sans perforations, puis 35 mm format Edison - muet
  • Dates de sortie : 1896 (format 58 mm) et 1902 (format 35 mm)
  • Licence : domaine public

Distribution

D'après les déclarations d'Alice Guy, ce furent des comédiennes et comédiens amateurs qui tournèrent dans les deux versions de son film.

Confusion sur deux ou trois versions du film

Alice Guy indique en 1914 dans The New Jersey Star[12] que son premier film date de 1896 et qu'ayant été détruit (desintegrated), il a été refait au moins deux fois, comme ce fut le cas de tous les grands succès des débuts du cinéma. En effet, les copies des films demandés par les "tourneurs" forains et aussi par les particuliers aisés, étaient à cette époque tirés directement d’après le négatif original, et lorsqu'un film plaisait particulièrement au public, son négatif en venait à être rayé, voire cassé lors de centaines de passages répétés dans la machine de tirage. Si la demande persistait, il ne restait plus à l'heureux producteur qu'à faire un autre tournage (les films primitifs étaient composés d'un seul plan, donc faciles à retourner) afin de satisfaire sa clientèle. Le plus souvent, le négatif d'origine était détruit (récupération des sels d'argent).

Ce fut le cas de La Sortie de l'usine Lumière à Lyon (3 versions) et de L'Arroseur arrosé de Louis Lumière (3 versions) (mais les deux frères ont gardé tous leurs négatifs, même détériorés) et de bien d'autres dont les auteurs reprenaient le même titre ou en profitaient pour adopter un titre plus accrocheur.

Ainsi, il y aurait eu deux films connus sous le titre de La FĂ©e aux choux. D'abord, en 1896, celui qui a Ă©tĂ© tournĂ© avec le "Biographe", une camĂ©ra rachetĂ©e par LĂ©on Gaumont Ă  Georges DemenĂż, utilisant de la pellicule non perforĂ©e de 58 mm de large, entraĂ®nĂ©e par une came battante[13]. Ce film mettait en scène une femme (la fĂ©e) et deux bĂ©bĂ©s.

Ensuite, en 1900, un remake qui fut tourné cette fois avec la pellicule perforée mise au point par Thomas Edison, le format 35 mm qui devint le standard des pellicules de cinéma. Ce film mettait en scène deux hommes (un jeune marié, un paysan), et une femme (la jeune mariée). En 1902, une version longue de min, plus connue sous le nom de Sage-femme de première classe (ou La naissance des enfants), qui met en scène, d'après ses propres descriptions, trois personnages (la fée, la jeune mariée, le jeune marié, ainsi que six bébés, dont un bébé noir, repoussé avec dégoût par le jeune couple — réflexe raciste courant à l'époque —) et qui emprunte également le motif légendaire des bébés sortis des choux.

Néanmoins, Alice Guy, dans ses témoignages donnés en 1953 et 1963, appelle le film de 1902 La Fée aux choux, ainsi que dans une lettre à Louis Gaumont (l'un des fils de Léon Gaumont) datée de 1954, pourtant explicite sur son contenu : « Dans la photo de La Fée aux choux figurent mes amies Germaine Serand et Yvonne Serand. »[14], soit qu'elle le considère tout simplement comme un remake du précédent, soit qu'à son âge elle ait seulement oublié, voire ignoré, le titre différent, Sage-femme de première classe, donné dans le catalogue Gaumont de 1902, alors qu'à l'occasion de son interview sur ce dernier film, celui-ci lui est d'ailleurs présenté sous un autre titre, qu'elle ne reconnaît pas : Les Aventures d'une sage-femme, ce d'autant qu'il avait porté précédemment celui de La Naissance des enfants.

En effet, Alice Guy décrit au moins deux scénarios différents sous le même titre :

  • D'une part, dans une confĂ©rence de Victor Bachy de 1944 reprenant ses propos : « Ă€ Belleville, se trouvait un petit jardin, prĂ©cĂ©dĂ© d'une terrasse au sol bitumĂ©e, close par un grand mur. C'est lĂ  que je mis en scène mon premier film La FĂ©e aux choux. Un rideau de fond brossĂ© par un peintre Ă©ventailliste du voisinage, des rangĂ©es de choux dĂ©coupĂ©s dans du carton et peints d'un vert cru, des bĂ©bĂ©s de carton, sauf celui qui devait ĂŞtre dĂ©couvert pour leur plus grande joie par un couple d'amoureux. [...] Je ne vous dirais pas que ce fut une merveille. [...] Cependant, si extraordinaire que cela puisse paraĂ®tre aujourd'hui ce fut un succès. » (Ă  moins qu'elle ait omis l'apparition prĂ©alable d'une fĂ©e, c'est donc Ă  la jeune fille, qu'en 1944, elle donne ce nom), de mĂŞme dans une lettre Ă  Louis Gaumont de 1953 : « Deux jeunes mariĂ©s se promenaient dans les champs pendant leur lune de miel. Ils arrivaient auprès d'un champ de choux oĂą un paysan travaillait. Le jeune homme se penchait Ă  l'oreille de sa jeune femme et lui demandait si elle aimerait avoir un poupon. Elle acceptait en baissant les yeux (c'Ă©tait la mode en 1900) et le jeune homme interrogeait le paysan. Celui-ci dĂ©rangĂ© dans son travail leur donnait avec humeur la permission de chercher dans son champ. Le jeune mari dĂ©couvrait tout d'abord un bĂ©bĂ© de carton qui les dĂ©cevait intimement mais la jeune femme entendait soudain un gazouillis derrière un chou plus Ă©loignĂ©, elle y courait et dĂ©couvrait un beau poupon bien vivant qu'elle rapportait en triomphe Ă  son mari. Après avoir dĂ©dommagĂ© le paysan ils partaient tous les deux ravis pendant que le paysan retournait Ă  son champ en haussant les Ă©paules. » (ce scĂ©nario d'un film inconnu correspondrait Ă  une version dĂ©truite de 1900), et dans ses mĂ©moires, au sujet de sa première version tournĂ©e Ă  Belleville : « Comme artistes : mes camarades, un bĂ©bĂ© braillard, une mère inquiète bondissant Ă  chaque instant dans le champ de l'objectif » (on notera le pluriel du mot camarades, car il y a plusieurs personnages adultes dans le film de 1900)[14] ;
  • D'autre part, dans son interview de 1963, au vu cette fois des photos du film de 1902 : « On m'a donnĂ© deux assistants [...] Louis Feuillade [...] et une secrĂ©taire, Yvonne Serand qui joua dans La fĂ©e aux choux et deviendra la femme du metteur en scène Arnaud », ce qui correspond bien au film de 1902, intitulĂ© dans le catalogue Gaumont Sage-femme de première classe, alors qu'y figure la mention La FĂ©e aux choux sur l'enseigne de la marchande de nouveau-nĂ©s. Elle rĂ©itère cette affirmation dans une lettre Ă  Louis Gaumont de 1954 : « Dans la photo de La FĂ©e aux choux figurent mes amies Germaine Serand et Yvonne Serand[14]. »

Par ailleurs, entre les deux s'intercale le film de 1900, dont la page de titre mentionne : « Gaumont – The Cabbage Patch Fairy (La Fée aux choux) – Alice Guy – 1900 », qui est retrouvé en 1996 seulement au Svenska Filminstitutet[15] et correspond à celui décrit, là encore sous un autre titre, dans le catalogue Gaumont de 1901 comme : « Une fée dépose des bébés vivants qu'elle retire des choux », ce qui démontre que les titres des films peuvent être modifiés dans les catalogues Gaumont et dément au surplus les propos de Maurice Gianati selon lesquels elle n'aurait pas tourné avant 1902[14]. Enfin, si le négatif de 1896 fut détérioré par les tirages de copies, comme l'affirme Alice Guy, cela peut expliquer qu'il ne figure pas dans les catalogues Gaumont de 1901 et 1902.

Dès 1914[12] et jusque dans ses mémoires posthumes, Alice Guy déclare avoir fait le film en 1896. Léon Gaumont confirme cette date[16]. Or, si elle a bien débuté en 1896, on ne voit aucune raison de lui refuser la qualité d'auteure du premier film Gaumont : La Fée aux choux (1896).

Notes et références

  1. « Trois questions à la petite fille d’Alice Guy Blaché : Régine Blaché-Bolton », sur Encre & Lumière (consulté le )
  2. L'Univers d'Alice Guy, présentation de l'exposition 2011 au musée d'Orsay sur l'œuvre d'Alice Guy
  3. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 38
  4. Sophie Gindensperger, « Alice Guy, la pionnière du cinéma méconnue, mise en lumière sur Louie Media », sur telerama.fr, 15 janvier 2020.
  5. Léa Viriet, « Qui est Alice Guy, pionnière du cinéma de fiction injustement oubliée ? », Ouest-France,‎ (lire en ligne).
  6. Albert Algoud, « Alice Guy, la pionnière du cinéma parlant », sur franceinter.fr (chronique Il était une femme), .
  7. Roland Cosandey, « Manières de voir, façons de faire (1) : Promio, Guy, 235 villes françaises, Stollwerck », 1895, revue d'histoire du cinéma, no 30,‎ , p. 150 (lire en ligne, consulté le )
  8. Briselance et Morin 2010, p. 35.
  9. « Emile Reynaud », sur afca.asso.fr (consulté le ).
  10. Bernard Lonjon, Emile Reynaud, le véritable inventeur du cinéma, éditions du Roure, (ISBN 978-2-9062-7865-3)
  11. Briselance et Morin 2010, p. 23.
  12. Interview d'Alice Guy dans The New Jersey Star du 8 août 1914, cité par Alison McMahan, Alice Guy Blaché : lost visionary of the cinema, éd. Continuum International Publishing Group, 2002, p. 23, et note 25, p. 252.
  13. Laurent Mannoni, La Machine cinéma, Paris, Lienart & La Cinémathèque française, , 307 p. (ISBN 9782359061765), p. 47
  14. PW1949, « Alice Guy: la fée aux choux », sur plateauhassard.blogspot.fr,
  15. Alison McMahan, Alice Guy Blaché: lost visionary of the cinema, éd. Continuum International Publishing Group, 2002, p. 19
  16. Dans une note manuscrite sur « Les premiers clients », on lit : « Ce furent des forains, les Grenier qui avaient une grande loterie. Alice Guy qui réalisa les premiers films Gaumont, à partir de 1896, raconte qu'elle fut invitée... », cf. BiFi LG364-B50.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) La FĂ©e Aux Choux, Alice Guy's Garden of Dreams, Paradis Perdu Press, (ISBN 979-8-9861753-0-0, lire en ligne)

Article connexe

Liens externes

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