LĂ©opardins
Les Léopardins, appelés aussi « Assemblée de Saint-Marc » ou « Faction des 85 »[1], sont les élus membres de l’Assemblée autoproclamée qui tentèrent de résister aux réformes de la Révolution française, en se prétendant au-dessus du Gouverneur général, puis débarquèrent en France via un voyage à bord du navire militaire "Le Léopard" pour tenter d'y imposer la Sécession de Saint-Domingue. Les « Léopardins » avaient été précédés par le Club de l'hôtel de Massiac, comme eux inquiets des projets de donner plus de libertés aux mulâtres ou aux noirs.
Histoire
Les et , les députés élus des trois provinces du Nord, de l'Ouest et du Sud, furent convoqués à Saint-Marc, sous la présidence de Thomas Millet, pour créer une nouvelle « Assemblée Générale de la Partie française de Saint-Domingue »[2]. C'est surtout l'assemblée de l'ouest qui répond à l'appel, celle du nord se maintenant pour rester « légaliste »[3], comme le souhaitaient les vieilles et grandes familles y siégeant. La nouvelle « Assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue », dite « de Saint-Marc », a très vite pour mission principale, dans l'esprit de ses électeurs, d'empêcher l'application du décret du , qui était alors préparé en France par la Constituante, pour accorder aux gens de couleur (mulâtres) l'égalité des droits politiques avec les Blancs. Thomas Millet, successivement président puis vice-président, proposa une motion permettant de contraindre tous les blancs qui épouseraient une femme de couleur, à prendre un nom africain[4].
Après avoir publié le ses propres lois constitutionnelles sur la colonie, « l'Assemblée de Saint-Marc » décida d'ouvrir les ports de la colonie aux étrangers, ce qui va à l'encontre des lois de l'exclusif commercial toujours en vigueur dans le Royaume. Elle fit savoir que Saint-Domingue devait être indépendante. Plusieurs affrontements sanglants ont alors lieu entre partisans de cette assemblée, appelés « Pompons rouges », et les représentants du roi, menés par le gouverneur Antoine de Thomassin de Peynier et le colonel Mauduit et nommés "Pompons blancs"[2], en raison des épinglettes blanches qu'ils attachaient sur les poches de leurs chemises.
Le , les troupes loyalistes attaquèrent l'Assemblée de l'Ouest[3]. Quelques sympathisants des « pompons rouges » tentant de partir en France pour faire valoir leur point de vue auprès des révolutionnaires sont interceptés, à peine arrivés dans port de Saint-Marc, puis jetés en prison. Dans la nuit du 29 au , le gouverneur Antoine de Thomassin de Peynier fait disperser les députés de l'"Assemblée de Saint-Marc".
Un groupe de 85 élus de cette assemblée "s’emparèrent du bâtiment d’état Le Léopard, le , après en avoir séduit l’équipage qui s’était mutiné"[5]. Ils naviguèrent à destination de la métropole et de Paris pour y faire valoir les intérêts des colons de Saint-Domingue lors de la Révolution française[6]. Lorsque le navire réquisitionnés par les "Léopardins" arrive en rade de Brest après avoir traversé l'Océan, le conseil municipal de la ville, impressionné par le fait que quasiment tous les élus de l'assemblée étaient à bord du navire, leur envoya une délégation[7]. Dans la foulée, ils obtiennent un soutien financier de la part d'un négociant de Dunkerque, sous la forme d'une somme de 400 000 francs[7].
L'assemblée nationale accepta de les auditionner, mais décida cependant le de dissoudre l'assemblée de Saint-Marc[7].
Parmi les "Léopardins", Thomas Millet, planteur de café, René-Ambroise Deaubonneau, député de Petit-Goâve à l'Assemblée coloniale, qui fut l’un des fondateurs de l’Assemblée dite "de Saint Marc "et le président de cette assemblée, Paul de Cadush ou encore le colonel Jean-Jacques Bacon de La Chevalerie qui fut également président de cette assemblée, et avait joué auparavant, par ailleurs, un rôle dans le développement de la franc-maçonnerie.
Chronologie
- 1778, les mariages inter-raciaux interdits en métropole
- , ordonnance royale pour l'amélioration du sort des esclaves
- , la Société des amis des Noirs fondée à Paris
- , première assemblée des « colons résidant à Paris » réunie par Louis Marthe de Gouy d'Arsy
- , le Club de l'hôtel de Massiac fondé à Paris.
- , arrivée d'un nouveau gouverneur Philippe François Rouxel de Blanchelande.
- , formation d'une assemblée coloniale au Nord[8].
- , adresse de la Société des amis des Noirs contre la Traite négrière.
- , Jean-Jacques Bacon de La Chevalerie nommé capitaine-général des troupes nationales à Saint-Domingue.
- , trois assemblées coloniales de Saint-Domingue exclusivement composées de blancs, ont été élues, pour le sud, le nord et l'ouest.
- , adresse du négoce du Havre contre l'abolition de l'esclavage[8].
- , décret à Paris ouvrant la représentation sans discrimination de couleur (aux propriétaires): l’assemblée coloniale s’oppose à sa diffusion, malgré un amendement de Médéric Louis Élie Moreau de Saint-Méry lui laissant un pouvoir de décision[3], et revendique l’autonomie.
- , une "Assemblée de Saint-Marc" (futurs "Léopardins") se réunit[8].
- , l'"Assemblée de Saint-Marc" veut remplacer l’assemblée coloniale, jugée trop molle, en invoquant des ordres du roi.
- , premiers émissaires envoyés par cette "assemblée de Saint-Marc" à la Jamaïque[9].
- , décret de la Constituante parisienne accordant aux mulâtres l'égalité des droits politiques avec les Blancs.
- , l'"Assemblée de Saint-Marc" vote "les bases constitutionnelles de Saint-Domingue[8].
- , l'"Assemblée de Saint-Marc" ouvre les ports au commerce étranger[8].
- nuit du 29 au , le gouverneur fait disperser "l'Assemblée de Saint-Marc".
- , révolte des "Léopardins", appelés aussi "Faction des 85"[1], soit la totalité de l’Assemblée "de Saint Marc". Ils réquisitionnent le navire militaire Le Léopard pour se rendre en métropole.
- , article de Léger-Félicité Sonthonax pour l'abolition.
- 12 octobre, l'assemblée nationale dissout "l'assemblée de Saint-Marc"[10].
- , Jacques-Vincent Ogé débarque au Cap d’un navire américain, avec des munitions de guerre, il équipe 250 à 300 hommes pour exiger l’application du décret. Son arrivée de Paris a été dénoncée par le «club de l'hôtel de Massiac».
- , Ogé et Jean-Baptiste Chavannes battent d’abord M. de Vincens avec 500 hommes, puis sont battus par le colonel Cambefort avec 1 500 hommes, réfugiés dans la partie espagnole, ils sont livrés au gouverneur Philippe François Rouxel de Blanchelande.
- l'assemblée coloniale du nord accusée de jeter de l'huile sur le feu en votant un texte de défiance envers les progressistes noirs[1].
- , Pierre Venant de Charmilly Ă©crit Ă William Pitt pour lui demander de venir au secours de la colonie[11].
- janvier 1791: Philippe François Rouxel de Blanchelande, cède son poste de gouverneur à Philippe François Rouxel de Blanchelande.
- , Ogé et Chavannes suppliciés jusqu’à ce que mort s’ensuive. L'affaire fait grand bruit et amène la Constituante à réexaminer la situation en mai.
- , Bois-Caïman, les esclaves décident la révolte, menés par Boukman, Jean-François et Biassou.
- , l'assemblée coloniale, menée par Paul de Cadush, dépêche un émissaire à la Jamaïque, et bloque les bateaux à destination de la France[11], ayant fait le choix de demander en priorité de l'aide à l'Angleterre, jugée moins incertaine que la Métropole.
- , les nouveaux commissaires civils arrivent, menés par Ignace-Frédéric de Mirbeck.
- , décret à Paris, donnant à l'Assemblée coloniale le droit de statuer sur le régime intérieur de la colonie[12]. La constituante révoque le décret du qui accordait aux mulâtres l'égalité.
- , les commissaires civils dissolvent l'Assemblée coloniale[8].
- , Ignace-Frédéric de Mirbeck officiellement commissaire civil à Saint-Domingue
- , Ignace-Frédéric de Mirbeck annonce une amnistie générale. Les chefs noirs proposent la paix contre des affranchissements[8].
- 1er avril 1792, Ignace-Frédéric de Mirbeck revient en France réclamer des renforts
- , Paris accorde la pleine citoyenneté à tous les libres de couleur.
- , Léger-Félicité Sonthonax désigné comme l’un des trois commissaires civils
- , prise des Tuileries
- , Pierre-Victor Malouët et Pierre Venant de Charmilly partent en Angleterre[13]
- septembre 1792, Paul de Cadush, les généraux Lussan et de Montesquiou-Fezençac, destitués par les commissaires civils Sonthonax et Polvérel, arrivent à Kingston, parfois avec leurs esclaves.
- , Adam Williamson, gouverneur de la Jamaïque, soumet à autorisation les débarquements en Jamaïque[14].
- février 1793, guerre à l’Angleterre et l’Espagne à la suite de l’exécution de Louis XVI
- , Léger-Félicité Sonthonax proclame la liberté à tous les esclaves qui se battraient pour la République.
- , Pierre Venant de Charmilly signe avec Adam Williamson la «capitulation de la grande Anse»
- , Traité de Whitehall entre les Anglais et les colons de Saint-Domingue
Notes et références
- "Compte sommaire de l'état actuel de la colonie de Saint-Domingue", par Ignace-Frédéric de Mirbeck, page 33
- "La Ville de St-Marc HISTOIRE, ÉCONOMIE, POLITIQUE ET SOCIÉTÉ DES ORIGINES À 1971", par Lemarec Destin, ÉDITIONS DAMI MONTREAL, 20111
- Saint-Domingue espagnol et la révolution nègre d'Haïti (1790-1822) : commémoration du bicentenaire de la naissance de l'état d'Haïti (1804-2004), par Alain Yacou, page 125, KARTHALA Éditions, 2007
- Étude sur l’histoire d’Haïti
- Victor Schœlcher in "Vie de Toussaint-Louverture"
- "L'intervention britannique à Saint-Domingue en 1793 " pat Charles Frostin, dans la Revue française d'histoire d'outre-mer de 1962, volume 49, page 299
- " Histoire de la révolution de Saint-Domingue, suivie d'un mémoire sur le rétablissment de cette colonie", par Antoine Dalmas page 83
- "La colonie française de Saint-Domingue: de l'esclavage à l'indépendance", par François Blancpain, page 225
- Le soulèvement de 1791 et ses conséquences dans la Méditerannée des Caraïbe, contribution de Bruno D Lara, page 201
- " Histoire de la révolution de Saint-Domingue, suivie d'un mémoire sur le rétablissement de cette colonie", par Antoine Dalmas page 83
- Le soulèvement de 1791 et ses conséquences dans la Méditerranée des Caraïbe, contribution de Bruno D Lara, page 201
- "Vie de Toussaint Louverture", par Victor Schœlcher, page 60
- "L'intervention britannique à Saint-Domingue en 1793", par Charles Frostin", dans la Revue française d'histoire d'outre-mer 1962, Volume 49
- "La diaspora des colons de Saint-Domingue et le monde créole : le cas de la Jamaïque", par Jacques de Cauna, dans la Revue française d'histoire d'outre-mer 1994, Volume 81, numéro 304