Kubyauk-gyi
Le Kubyauk-gyi (monument no 1323)[1] est un temple localisĂ© au nord du village de Myinkaba qui se trouve au sud de la vieille ville de Bagan en Birmanie. Il appartient Ă cette phase dâintensif mĂ©cĂ©nat royal qui caractĂ©rise le rĂšgne de Kyanzittha, les autres monuments du rĂšgne (1084-1112) Ă©tant distribuĂ©s Ă lâEst (Ananda) ou au Sud de la vieille ville de Bagan (Abeyadana, Nagayon).
Kubyauk-gyi | ||
Le temple Kubyauk-gyi | ||
Présentation | ||
---|---|---|
Culte | Bouddhisme | |
Type | Temple | |
DĂ©but de la construction | vers 1100 | |
GĂ©ographie | ||
Pays | Birmanie | |
CoordonnĂ©es | 21° 09âČ 26âł nord, 94° 51âČ 39âł est | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Birmanie
| ||
Il sâagit dâun temple ou gu construit par le prince RÄjakumÄr ((en)) au nom de son pĂšre Kyanzittha, comme le rapporte lâinscription de Myazedi en quatre langues qui fait rĂ©fĂ©rence au rĂšgne de ce dernier. Cette Ă©pigraphe est gravĂ©e sur les quatre faces de deux piliers de plan carrĂ© dĂ©couverts au pied du stĆ«pa Mya-zedi Ă©rigĂ© juste Ă lâest du temple et qui appartient au mĂȘme ensemble architectural (monument no 1320)[2]. Lâinscription rapporte aussi que RÄjakumÄr (en) fit rĂ©aliser en lâhonneur de son pĂšre malade une image en or du Bouddha pour laquelle le Kubyauk-gyi, ayant un pinacle en or, fut construit, probablement terminĂ© en lâan 1113 de notre Ăšre[3]. Bien Ă©videmment, lâimage se trouvant dans le sanctuaire nâest pas cette Ćuvre, ayant Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e selon la tradition gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă Pagan de lâimage construite en briques pour ĂȘtre ensuite stuquĂ©e et peinte. Le monument est Ă juste titre cĂ©lĂ©brĂ© pour la qualitĂ© de ses peintures murales qui furent rĂ©novĂ©es par lâUNESCO[4].
Architecture
Construit sur une plateforme, le monument sâouvre Ă lâest ; son plan prĂ©sente un porche prĂ©cĂ©dant un large vestibule rĂ©uni au corps principal du monument par un Ă©troit passage qui sâouvre sur un couloir tournant autour du sanctuaire et permettant la circumambulation. Le sanctuaire comporte une image du Bouddha assis les jambes croisĂ©es dans la position dite du lotus et prĂ©sentant le geste dâeffleurement de la terre effectuĂ© au moment oĂč Gautama devint « buddha »â ou « Ă©veillĂ© ». Lâimage construite en briques, et ensuite stuquĂ©e et peinte, est Ă©rigĂ©e sur un haut piĂ©destal. Des niches sont creusĂ©es dans les murs, abritant des images sculptĂ©es en pierre et rapportĂ©es du Bouddha. Le mur intĂ©rieur du dĂ©ambulatoire comporte aussi une sĂ©rie de vingt-huit niches dans lesquelles Ă©taient insĂ©rĂ©es les images des vingt-huit Bouddha du passĂ© : toutes ces images Ă©taient identiques et les montraient Ă lâinstant de leur Ăveil. Neuf fenĂȘtres sont distribuĂ©es dans les murs extĂ©rieurs du couloir.
La hauteur du monument croĂźt progressivement depuis le porche jusquâau Ćikhara, la tour qui surmonte le sanctuaire. De mĂȘme, le monument sâĂ©largit progressivement du porche vers le corps de bĂątiment abritant le sanctuaire. Des sanctuaires miniaturisĂ©s ayant forme de tourelles sont construits au niveau de la toiture aux angles du sanctuaire et aux angles du vestibule Ă toit plat. Un sanctuaire lĂ©gĂšrement plus grand est Ă©galement construit au-dessus de la partie arriĂšre du vestibule. Une sĂ©rie de retraits Ă©crasĂ©s assume la transition entre le mur extĂ©rieur du sanctuaire et la base de la tour.
Ornementation stuquée
Les murs de façade sont stuquĂ©s ; les fenĂȘtres ajourĂ©es (ou transennes) sont surmontĂ©es dâun tympan pris dans un arc polylobĂ© surmontĂ© de languettes et posĂ© Ă lâavant-plan dâun fronton figurant une toiture pyramidale. Ces murs comportent une ornementation hautement symbolique. Une frise de visages monstrueux crachant une guirlande perlĂ©e court sous la corniche : ces visages inspirĂ©s dâune face lĂ©onine ont une Ă©vidente fonction apotropaĂŻque. Lâornementation est complĂ©tĂ©e par une frise de motifs triangulaires ornant la partie infĂ©rieure du mur, deux frises de pĂ©tales de lotus, symboles de puretĂ©, marquant les limites supĂ©rieure et infĂ©rieure du mur et par des pilastres couvrant les angles du monument et dont la fonction toute symbolique est de soutenir la toiture du monument. Les encadrements de portes et fenĂȘtres dans le vestibule sont Ă©galement rehaussĂ©s dâune ornementation stuquĂ©e analogue Ă celle relevĂ©e sur les murs de façade. Deux Bodhisattvas rĂ©alisĂ©s en stuc, aujourdâhui fort abĂźmĂ©s, se tenaient debout dans des niches peu profondes de part et dâautre du passage du vestibule vers le dĂ©ambulatoire.
Ornementation picturale
Les parois latĂ©rales de la porte dâentrĂ©e sont ornĂ©es de deux grands Bodhisattvas Ă dix bras et prĂ©sentant des attributs variĂ©s dont la fonction Ă©vidente et symbolique est de protĂ©ger lâentrĂ©e du monument. Comme la plus grande partie de lâornementation peinte du vestibule et qui Ă©tait essentiellement concernĂ©e par lâillustration de dons faits envers les moines[5], ils ont aujourdâhui disparu, seules demeurent leurs silhouettes[6]. ParticuliĂšrement bien prĂ©servĂ©s, deux Bodhisattvas Ă forme humaine de fort grandes dimensions (ils mesurent prĂšs de trois mĂštres de haut) se font face dans le passage entre le vestibule et le dĂ©ambulatoire deux autres Bodhisattvas Ă quatorze bras peints sur une large aurĂ©ole rouge flanquent lâaccĂšs au sanctuaire.
Le programme pictural qui recouvre entiĂšrement les murs du dĂ©ambulatoire et du sanctuaire constitue un des ensembles les plus Ă©laborĂ©s de Bagan, illustrant des thĂšmes bouddhiques dĂ©veloppĂ©s dans plusieurs sources littĂ©raires[7]. Les scĂšnes ou histoires retenues sont reprĂ©sentĂ©es dans des panneaux quadrangulaires posĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte et sur plusieurs bandeaux horizontaux superposĂ©s. Toutes sont lĂ©gendĂ©es, ce qui permet une identification certaine. Selon le texte illustrĂ©, et selon donc aussi le nombre dâhistoires Ă illustrer, ces panneaux sont de tailles diffĂ©rentes :
- - La vie du Bouddha, inspirĂ©e de la NidÄnakathÄ (en), figurĂ©e dans le rang supĂ©rieur des murs extĂ©rieurs (rang 1 ; 43 panneaux)[8]. La plus grande partie du programme concerne la phase de son existence prĂ©cĂ©dant lâĂveil.
- - Illustration de suttas (sĆ«tras) du DÄ«gha NikÄya couvrant le second rang Ă partir du haut des murs extĂ©rieurs (rang 2 ; 39 panneaux)[9].
- - 547 vies antĂ©rieures du Bouddha (jÄtakas) sont ensuite illustrĂ©es sur sept rangs superposĂ©s (rangs 3-9 ; 547 panneaux)[10].
- - Le rang infĂ©rieur (rang 10 ; 26 panneaux) illustre des Ă©vĂ©nements rĂ©els ou mythiques extraits du MahÄvaáčsa et rattachĂ©s Ă lâhistoire du Sri Lanka et de lâInde ou Ă lâhistoire de la communautĂ© bouddhique[11]. Dâautres Ă©pisodes historiques sont dĂ©peints dans le court couloir dâaccĂšs au sanctuaire, concernant par exemple AĆoka et DevÄnaáčpiyatissa (en), souverain du Sri Lanka (31 panneaux)[12].
- - Les sermons du Bouddha concernés par les rÚgles de vie de la communauté des moines ou Vinaya sont illustrés dans le rang supérieur courant sur le mur intérieur du déambulatoire (14 panneaux)[13].
- - Le second rang du mur intĂ©rieur est consacrĂ© lâillustration de la vie du Bouddha aprĂšs quâil eut atteint lâĂveil Ă Bodhgaya (20 grands panneaux)[14].
- - Sur le mur occidental et sur toute la hauteur des deux rangs, lâarmĂ©e de MÄra est dĂ©peinte en deux grands panneaux symĂ©triques autour dâune niche centrale, un programme Ă©galement observĂ©s dans lâAbeyadana.
- - Le mur intĂ©rieur comporte par-dessus les vingt-huit niches rĂ©servĂ©es aux images de Bouddhas du passĂ© la reprĂ©sentation des arbres sous lesquels ces derniers atteignirent lâĂveil. Dâune certaine façon, ce thĂšme des Bouddha du passĂ©, ayant tous rencontrĂ© le futur Bouddha historique au cours de certaines de ses vies antĂ©rieures et lui ayant prĂ©dit son avenir, fait Ă©cho Ă la prĂ©sence des jÄtakas sur le mur extĂ©rieur.
La reprĂ©sentation dâĂ©pisodes extraits du MahÄvaáčsa atteste donc du lien alors existant entre les monastĂšres bouddhiques de Bagan et du Sri Lanka tandis que lâillustration dâĂ©vĂšnements prĂ©sentant AĆoka indique le choix dĂ©libĂ©rĂ© de sâinscrire dans la tradition du pouvoir royal bienfaiteur de la communautĂ© des moines. La reprĂ©sentation dans le vestibule dâhistoires mettant en scĂšne des offrandes ou dons faits Ă la communautĂ© par des fidĂšles alors que le programme du dĂ©ambulatoire et du sanctuaire est entiĂšrement vouĂ© Ă lâhistoire du Bouddha reflĂšte une claire division de lâespace sacrĂ© entre le monde des clercs et celui des laĂŻcs.
- Faces monstrueuses apotropaïques crachant des anses perlées
- Bodhisattva flanquant le passage vers le sanctuaire, mur intérieur du déambulatoire
- JÄtakas peints sur le mur extĂ©rieur du dĂ©ambulatoire
- Le dernier repas avant l'Ăveil, peinture sur le mur intĂ©rieur du dĂ©ambulatoire
Références
- Ătant donnĂ© le fort grand nombre de monuments bĂątis dans la plaine de Bagan et afin de faciliter leur catalogage, ils ont tous Ă©tĂ© numĂ©rotĂ©s, un grand nombre d'entre eux portant Ă©galement un nom. Dans son Inventaire des monuments de Pagan en huit volumes publiĂ©s entre 1992 et 2001, Pierre Pichard en recense 2834. Concernant le Kubyauk-gyi, voir : Luce 1969-1970, vol. I, p. 373-383 ; vol. III, planches 335-350 ; Stratchan 1989, p. 71-74 ; Pichard 1995, p. 242-251 ; Bautze-Picron 2003, p. 161-165 ; Stadtner 2005, p. 162-173.
- Luce 1969-1970, vol. I, p. 73-74.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 277.
- http://unesdoc.unesco.org/images/0005/000507/050716eb.pdf
- Luce/Ba Shin 1962, p. 387-389.
- Pichard 1995, p. 245, figs 1323q-r.
- Bautze-Picron 2003, p. 161-165.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 363-366.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 367-371.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 321-362; Luce 1956.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 372-376.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 391-403.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 377-379.
- Luce/Ba Shin 1962, p. 379-382.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Claudine Bautze-Picron, The Buddhist Murals of Pagan, Timeless Vistas of the Cosmos, with photography by Joachim K. Bautze, Bangkok: Orchid Press, 2003.
Luce, Gordon H., The 550 JÄtakas in Old Burma, Artibus Asiae, vol. XIX, 3/4, 1956, p. 291-307.
Luce, Gordon H. 1969/70, Old Burma ~ Early PagĂĄn, New York: J.J. Augustin Publisher/Artibus Asiae/The Institute of Fine Arts, New York University.
Luce, Gordon H. & Bohmu Ba Shin, Pagan Myinkaba Kubyauk-gyi of RÄjakumÄr (1113 A.D.) and the old Mon writings on its walls, Bulletin of the Burma Historical Commission, vol. II, 1962, p. 277-416.
Pierre Pichard, Inventory of Monuments at Pagan/Inventaire des monuments, Volume Five, Monuments 1137-1439, Paris/Kiscadale: EFEO/UNESCO/Paul Strachan, 1995.
Donald M. Stadtner, Ancient Pagan, Buddhist Plain of Merit, Photography Michael Freeman & Donald M. Stadtner, Bangkok: River Books, 2005.
Paul Strachan, Imperial Pagan, Art and Architecture of Burma, Honolulu: University of Hawaii Press, 1989.