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Komala

Le Komalay Shorshgeri Zahmatkeshani Kurdistani Iran, ou Komala (Anglais: Komala Party of Iranian Kurdistan; kurde: كۆمه‌ڔه‌ی ŰŽÛ†Ú•ŰŽÚŻÛŽÚ•ÛŒ ŰČÙ‡â€ŒŰ­Ù…Ù‡â€ŒŰȘÙƒÛŽŰŽŰ§Ù†ÛŒ ÙƒÙˆŰ±ŰŻŰłŰȘŰ§Ù†ÛŒ ŰŠÛŽŰ±Ű§Ù†, romanized: KomeƂey ƞorriƟgĂȘrrĂź ZehmetkĂȘƟanĂź KurdistanĂź Êran,) est un parti social-dĂ©mocrate[3] - [4] du Kurdistan iranien. Komala se bat pour un gouvernement fĂ©dĂ©ral[5] - [6] - [7] iranien avec un gouvernement laĂŻc qui suit la dĂ©mocratie.

Komala
Image illustrative de l’article Komala
Logotype officiel.
Présentation
Leader Abdullah Mohtadi[1]
Fondation Refondé en 2000
Scission de Komalah (en) (2000)
Fusionné dans Parti communiste d'Iran (1984)
SiĂšge Souleimaniye, Kurdistan irakien
Positionnement ExtrĂȘme gauche
Idéologie Social-démocratie
DĂ©fense des intĂ©rĂȘts de la minoritĂ© kurde (en)
Historiquement :
Communisme
Marxisme-léninisme
MaoĂŻsme (1969-1979)
Affiliation nationale CongrĂšs des nationalitĂ©s pour un Iran fĂ©dĂ©ral (en)
Affiliation internationale Internationale socialiste (observateur)
Alliance progressiste
Organisation des nations et des peuples non représentés
AdhĂ©rents < 1 000 (estimation, 2017)[2]
Couleurs Rouge
Site web Komala

Création

Drapeau du Komala.

Komala est un mot kurde qui signifie « sociĂ©tĂ© », au sens large comme au sens restreint d’association, de comitĂ© ; c’est aussi, depuis 1969, le sigle de l’« Organisation rĂ©volutionnaire du peuple ouvrier du Kurdistan ». Le choix de ce nom n’est Ă©videmment pas neutre, car il Ă©voque le Komala y Jiyanenewe-y Kurd, l’« Association pour la Renaissance Kurde ». Cette organisation fondĂ©e en 1942, avait favorisĂ© crĂ©ation de l’éphĂ©mĂšre RĂ©publique de Mahabad en 1946-47, Ă  la faveur de l’occupation du nord de l’Iran par les troupes soviĂ©tiques. C’est aussi, symboliquement, reprendre l’hĂ©ritage du « Parti dĂ©mocratique du Kurdistan Iranien » (PDKI), lui-mĂȘme issu de ce premier Komala, et par ce geste, symboliquement proclamer sa mort en tant qu’organisation rĂ©volutionnaire, en reprendre le flambeau. Au « nationalisme bourgeois » du PDKI, le Komala oppose une vision axĂ©e sur la lutte sociale[8].

À l’origine, il s’agit d’un groupe Ă©tudiant d’inspiration maoĂŻste crĂ©Ă© Ă  TĂ©hĂ©ran par des Ă©tudiants kurdes. Il ne compte, Ă  sa crĂ©ation, guĂšre plus de cinq personnes. L’organisation se caractĂ©rise par le refus de la guĂ©rilla, le rejet du rĂ©visionnisme soviĂ©tique et celui du nationalisme kurde. AprĂšs quelques annĂ©es de gestation intellectuelle, Komala va s’engager dans le travail de masse en direction de la classe ouvriĂšre. Elle mĂšne une activitĂ© de propagande clandestine, qui lui vaut l’emprisonnement de nombreux militants en 1975. La rĂ©volution de 1978 va lui permettre de se dĂ©velopper au grand jour, jusqu’à l’intervention militaire des troupes iraniennes dans la province occidentale. Les militants de Komala vont alors saisir l’occasion historique, en appelant Ă  la rĂ©sistance armĂ©e face au rĂ©gime islamiste. À la faveur de l’insurrection contre le chah, les Komalistes s’équipent en armes saisies dans les casernes et mettent sur pied un embryon d’organisation militaire.

Le Komala milite pour une réforme agraire, la défense des droits des travailleurs, et la réduction du rÎle et de l'influence des chefs tribaux. Le parti bénéficie d'une grande popularité parmi les Kurdes d'Iran à la fin des années 1970[9].

L'insurrection du 1er février 1979

Komala s’était fait connaĂźtre par des accrochages violents avec les forces de l’ordre dans la rĂ©gion de Bokan, oĂč l’organisation est bien implantĂ©e, et par des manifestations ouvriĂšres habilement maquillĂ©es en fĂȘtes religieuses, Ă  l’occasion de l’AĂŻd, la fin du jeune de ramadan. Cette agitation lui vaut immĂ©diatement les foudres du PDKI, qui voit dans la nouvelle rĂ©publique un espoir pour l’autonomie du Kurdistan. Le soulĂšvement qui Ă©clate le au Kurdistan, le jour mĂȘme du retour de l’Ayatollah Khomeiny de son exil français, va servir de dĂ©clencheur[10].

C’est un chef religieux kurde, Cheick Ezzedine Hosseiny, qui va s’imposer comme le porte-parole des revendications Ă  l’autonomie. Il est ouvertement progressiste, dĂ©mocrate et laĂŻque, ce qui lui vaut rĂ©guliĂšrement les foudres de l’ayatollah Khomeiny. Au dĂ©part, c’est un alliĂ© du PDKI, qui va utiliser son autoritĂ© comme caisse de rĂ©sonance de son orientation politique. Il devient rapidement trĂšs populaire, mais s’émancipe progressivement du PDKI pour se rapprocher de Komala, dont le discours radical cadre mieux avec son opposition Ă  Khomeiny. Son entourage, sa garde rapprochĂ©e et son staff politique deviennent un repaire de Komalistes, malgrĂ© l’indĂ©pendance qu’il persiste Ă  afficher[11].

Le , une dĂ©lĂ©gation formĂ©e de Cheick Ezzedine et de reprĂ©sentants du PDKI, de Komala et des Fedayin, est reçue Ă  Mahabad par le ministre du travail et des affaires sociales[10]. Les dĂ©lĂ©guĂ©s prĂ©sentent une dĂ©claration en six points, qui pose les bases de la revendication « d’autonomie du Kurdistan dans un Iran dĂ©mocratique. Le lendemain, un membre du ComitĂ© central de Komala est tuĂ© dans l’assaut de la sous-prĂ©fecture de Sanandaj, lors de l’insurrection. Ce restera considĂ©rĂ© comme « le jour de Komala »[11].

Au mĂȘme moment, les insurgĂ©s distribuent aux civils les armes saisies dans les casernes lors de la chute du Chah. Les affrontements avec les pasdaran, les « Gardiens de la rĂ©volution islamique », se multiplient. Lorsque TĂ©hĂ©ran annonce la nomination de dignitaires religieux aux postes de responsabilitĂ© Ă  Sanandaj, c’est l’émeute. Il y aura plusieurs morts. À la fin du mois de mars, 90 % des habitants du Kurdistan boycottent le rĂ©fĂ©rendum. Comment choisir, lorsque la question posĂ©e est « Êtes-vous pour la monarchie ou pour la rĂ©publique islamique ? ».

La rĂ©action Ă  TĂ©hĂ©ran est extrĂȘmement brutale, puisque dĂšs le mois, l’ayatollah Khomeiny envoie l’armĂ©e occuper les villes du Kurdistan, reprenant Sanandaj. Le , il annonce la guerre sainte contre « les groupuscules athĂ©es du Kurdistan ». MalgrĂ© cela, Abdul Rahman Ghassemlou, le cĂ©lĂšbre leader du PDKI, tente de maintenir le dialogue. Il reste persuadĂ© qu’il est possible de nĂ©gocier avec Khomeiny, mĂȘme s’il est entourĂ© de jeunes loups plus dangereux que lui. À sa maniĂšre, le vieux social-dĂ©mocrate kurde considĂšre le religieux comme reprĂ©sentant de la « bourgeoisie nationale progressiste ». En , il fait acclamer Khomeiny par la foule Ă  Mahabad. Son entĂȘtement Ă  dialoguer avec l’adversaire se terminera de maniĂšre tragique, lorsqu’en 1989 il sera assassinĂ© par les services secrets iraniens au cours de nĂ©gociations discrĂštes Ă  Vienne (Autriche). Au contraire, la ligne radicale de Komala va s’illustrer dans le refus des nĂ©gociations, le combat pour la dissolution de l’assemblĂ©e des experts (assemblĂ©e constitutionnelle) et pour une nouvelle constitution.

L'insurrection du 19 avril 1980

L’insurrection reprend le Ă  Sanandaj, dans laquelle conseils et comitĂ©s s’organisent en une vĂ©ritable Commune, qui puise ouvertement son inspiration dans celle de Paris. Bani Sadr, prĂ©sident de la rĂ©publique et commandant des forces armĂ©es, renforce la pression militaire sur le Kurdistan. L’ethnologue GĂ©rard HeuzĂ©, qui a traversĂ© l’Iran durant cette annĂ©e 1980, a brossĂ© un portrait de la situation et des militants de Komala[12]. Dans les villages les plus reculĂ©s, ils s’occupent d’alphabĂ©tisation et de rĂ©forme agraire, parvenant Ă  vaincre la mĂ©fiance envers la scolarisation des filles. La rĂ©forme agraire n’est pas un vain mot : ils expulsent les propriĂ©taires terriens dans les villages qu’ils contrĂŽlent. Mais malgrĂ© leur athĂ©isme militant, ils conservent les Mollahs, qui bĂ©nĂ©ficient toujours de la confiance des paysans. Cette attitude leur vaut un certain soutien populaire, y compris dans les familles musulmanes traditionnelles : les Komalistes s’inscrivent sans trop de problĂšme dans la tradition des bandes armĂ©es kurdes hostiles au pouvoir central – le marxisme-lĂ©ninisme en plus[12].

À Marivan, petite citĂ© situĂ©e Ă  proximitĂ© de la frontiĂšre irakienne, les locaux de Komala sont installĂ©s dans l’ancien palais de justice, tandis que les Feyadin — une autre organisation d'extrĂȘme-gauche - sont installĂ©s dans la gendarmerie. Les peshmergas des deux groupes agiront volontiers ensemble durant toute la guerre, malgrĂ© des dĂ©saccords idĂ©ologiques
 sur l’apprĂ©ciation de la nature de l’URSS. De fait, les organisations rĂ©volutionnaires gĂšrent la ville selon leurs propres normes. On discute beaucoup durant ces journĂ©es rĂ©volutionnaires, de la nature de l’URSS, de l’Albanie socialiste, ce petit pays rural et montagneux qui n’est pas sans ressemblances avec le Kurdistan, et de la place de l’insurrection kurde dans la rĂ©volution mondiale, alors mĂȘme que la majeure partie de l’extrĂȘme-gauche mondiale continue de regarder avec sympathie la rĂ©publique islamique naissante[12].

La ville kurde de Sanandaj et les collines alentour, zone d'implantation de Komala.

Les militants de Komala sont Ă©galement bien implantĂ©s Ă  Sanandaj, bĂ©nĂ©ficiant de la mĂ©fiance de la jeunesse Ă  l’égard des manƓuvres de Ghassemlou en direction du rĂ©gime de TĂ©hĂ©ran. Ils s’implantent en milieu ouvrier, notamment dans les carriĂšres de pierre oĂč une grĂšve de 43 jours va Ă©clater. Lorsqu’au mois de mai, l’armĂ©e iranienne assiĂšge Sanandaj, ils lancent le slogan « Faire de Sanandaj un nouveau Stalingrad », entendant par lĂ  mettre un coup d’arrĂȘt Ă  la rĂ©action, quelque en soit le prix. Cette rĂ©sistance dĂ©sespĂ©rĂ©e va contraindre le PDKI, partisan de quitter la ville, Ă  rester contre son grĂ© jusqu’à l’évacuation finale. Bien organisĂ©s, sĂ©rieux dans leur travail militant, solidement armĂ©s et surtout animĂ©s d’une volontĂ© claire, les Komalistes jouent un rĂŽle clef dans l’insurrection. Se moquant de leur sĂ©rieux, Ghassemlou prĂ©tend rĂ©ussir Ă  distinguer ses peshmergas de ceux de Komala par leur expression : « celui qui ne sourit jamais est membre de Komala »[11].

En guerre contre la rĂ©publique islamique d’Iran

Au plus fort de son activitĂ©, Komala dispose d’une force armĂ©e de deux Ă  trois mille combattants peshmergas (combattants) dans le nord de l’Iran, en pays kurde. Pour comparaison, Ă  la mĂȘme Ă©poque, PDKI de Ghassemlou, son principal concurrent, dispose de 10 000 combattants, et les Mujaheddin-e-Khalq (« Organisation des moudjahiddines du peuple iranien »), environ un millier[13]. Dans ses rangs, fait unique dans les organisations kurdes de l’époque, les femmes ont accĂšs Ă  toutes les fonctions militaires.

Komala dispose d’une vĂ©ritable zone libĂ©rĂ©e dans laquelle elle organise la vie des villages, et contrĂŽle de fait les villes de la rĂ©gion. De septembre 1980 au printemps 1984, ce n’est pas moins de 60 000 km2 qui Ă©chappent Ă  l’autoritĂ© de TĂ©hĂ©ran, contrĂŽlĂ©s entre les diffĂ©rentes organisations de la guĂ©rilla. Mahabad, l’ancienne capitale de la RĂ©publique du Kurdistan proclamĂ©e en 1945, avec le soutien de l’armĂ©e rouge, Sadacht et Bokan, sont complĂštement contrĂŽlĂ©es par les organisations Kurdes.

Dans cette zone, Komala dispose de nombreuses Ă©coles ; hĂŽpital, avec le soutien de MĂ©decins sans frontiĂšres – Bernard Kouchner viendra lui-mĂȘme rendre visite aux Komalistes, malgrĂ© sa prĂ©fĂ©rence marquĂ©e pour le PDKI de Ghassemlou ; d’une Ă©cole de formation des cadres, oĂč l’on enseigne le marxisme-lĂ©ninisme, le programme de Komala et celui des autres organisations ; d’une station de radio « La voix de la rĂ©volution d’Iran », qui Ă©met en persan et en kurde. Cette derniĂšre est vitale pour la propagande mais aussi la transmission des consignes politiques et militaires. Son journal, Pishro (« l’avant-garde ») parait de maniĂšre trĂšs rĂ©guliĂšre, et est diffusĂ© clandestinement jusque TĂ©hĂ©ran et en Europe. Villes et villages sont organisĂ©s en shuras, en conseils qui gĂšrent selon les principes de dĂ©mocratie directe. Avec quelques mois de retard, le PDKI organisera lui-mĂȘme sa zone libĂ©rĂ©e en conseils de village sur le modĂšle de Komala[11].

EncouragĂ©s par ces succĂšs, un petit groupe de militants proposent d’exporter la guĂ©rilla en installant un foyer au Luristan. La direction hĂ©site, car la situation n’y est pas du tout la mĂȘme : Komala a pu s’appuyer sur l’insurrection populaire, mais ne l’a pas crĂ©Ă©e artificiellement. MalgrĂ© cela, une dizaine de peshmergas tentent l’aventure : ils sont rapidement dĂ©couverts et massacrĂ©s par les militaires. Cela tĂ©moigne tout de mĂȘme du refus des Komalistes de rester isolĂ©s au Kurdistan, alors qu’ils se voient comme partie intĂ©grante du mouvement rĂ©volutionnaire iranien.

L’armĂ©e iranienne se lance lentement dans la reconquĂȘte, en raison de la sympathie que nombre de soldats Ă©prouvent pour les insurgĂ©s. Certains pilotes d’hĂ©licoptĂšres prĂ©fĂšrent Ă©puiser leurs munitions dans le vide, puis passer sur les villages rebelles en saluant les peshmergas, que de participer Ă  la rĂ©pression. Mais Ă  partir de septembre 1982, leur mise au pas ouvre la place aux militaires islamistes, qui ne font pas de quartier et font bombarder systĂ©matiquement les villages liĂ©s Ă  la guĂ©rilla. Cependant, peu prĂ©parĂ©e Ă  affronter une insurrection en zone de montagne, dĂ©nuĂ©e de vĂ©ritables spĂ©cialistes de la contre-guĂ©rilla, l’armĂ©e encaisse les dĂ©faites en se contentant de submerger ses adversaires par un nombre croissant des soldats et un quadrillage systĂ©matique de la rĂ©gion : au cƓur de la guerre Iran-Irak, TĂ©hĂ©ran ne consacre pas moins de 150 000 hommes pour boucler le Kurdistan et anĂ©antir la rĂ©bellion, ce qui immobilise une part non nĂ©gligeable de son armĂ©e en plein conflit contre l’Irak[13]. La nĂ©cessitĂ© de dĂ©fendre la zone libĂ©rĂ©e, les villes et les structures (radio, Ă©coles, hĂŽpital) va faire du conflit une guerre de position, trĂšs Ă©loignĂ©e de la conception classique de la guĂ©rilla. Lorsque la perte de ces positions va contraindre les insurgĂ©s Ă  reprendre la lutte sous une forme plus mobile, la dĂ©faite n’est plus trĂšs loin. Lors de son congrĂšs de fĂ©vrier 1984, Komala est obligĂ©e de constater qu’ils ont reculĂ© militairement, perdu les villes et subi plus de 200 morts de Norouz 1982 Ă  1983. La guĂ©rilla aurait infligĂ© 20 000 pertes humaines au rĂ©gime islamique, en subissant environ 1000 pertes humaines sur toute la durĂ©e de l’insurrection .

L’armĂ©e iranienne n’hĂ©site pas Ă  parachuter des jeunes filles fanatisĂ©es par la rĂ©volution islamique, qui mĂšnent des opĂ©rations de sabotage et d’empoisonnement des sources dans la zone libĂ©rĂ©e. Ces actions posent problĂšme au commandement militaire de Komala, qui hĂ©site sur la conduite Ă  tenir. La premiĂšre fois qu’ils capturent des prisonniers, ils les font traduire devant un « tribunal rĂ©volutionnaire » avant de les exĂ©cuter. Mais cette pratique leur paraĂźt incompatible avec leurs propres principes. Ils envoient une dĂ©lĂ©gation auprĂšs de l’état major iranien afin de nĂ©gocier les Ă©changes de prisonniers, une pratique qu’ils maintiendront durant toute la guerre. Ainsi, ayant capturĂ© un hĂ©licoptĂšre dont ils n’ont pas usage, faute de savoir le piloter, ils le rendent Ă  l’adversaire en l’échange de la libĂ©ration de prisonniers. Par contre, ils conservent pour leur usage les dix-neuf blindĂ©s qu’ils ont capturĂ©s.

L’essentiel de l’armement vient des saisies opĂ©rĂ©es sur l’adversaire. NĂ©anmoins, l’approvisionnement en munitions pose problĂšme, d’autant que les soutiens extĂ©rieurs sont maigres. Saddam Hussein, qui soutient systĂ©matiquement les opposants au rĂ©gime iranien avec lequel il est en guerre, leur en propose. Komala commence par refuser, puis, alors que la pression militaire s’accentue et que leur zone libĂ©rĂ©e commence Ă  se rĂ©duire, finit par nĂ©gocier ses conditions : ils acceptent armes, munitions et bases de repli au Kurdistan d’Irak, mais refuse toute pression politique et tout soutien au rĂ©gime baasiste. Bagdad accepte, naturellement, car son objectif est avant tout de renforcer l’épine dans le pied iranien que constitue la guĂ©rilla. C’est cette compromission, qui ne va pas sans dĂ©bat et qui fera ensuite l’objet d’une sĂ©vĂšre autocritique, qui permettra bientĂŽt aux idĂ©es de Komala de se diffuser en Irak.

La guerre avec le PDKI

Quant aux relations avec le Parti dĂ©mocratique du Kurdistan Iranien (PDKI), elles vont s’envenimer jusqu’à la guerre civile. Les dĂ©saccords portaient sur l’apprĂ©ciation de Khomeiny, sur les nĂ©gociations avec le pouvoir central, mais aussi sur le rĂŽle de l’Islam. Quoique officiellement socialiste, le PDKI se prĂ©sente volontiers aux paysans comme un parti musulman et rĂ©serve aux religieux un crĂ©neau radiophonique. Mais c’est l’adhĂ©sion du PDKI au « Conseil national de la rĂ©sistance », un front mis au point par la secte islamo-gauchiste des Mujahidins e-Khalq, et l’acceptation du principe d’une « rĂ©publique dĂ©mocratique islamique », qui va envenimer les relations entre les deux organisations. DĂšs , trois responsables de Komala sont assassinĂ©s prĂšs de Mahabad, entraĂźnant des affrontements armĂ©s entre les peshmergas des deux organisations, qui font plusieurs morts. Une nĂ©gociation entre Ghassemlou et Jaffar Shaffri, reprĂ©sentant de Komala, permet de calmer le jeu. Les prisonniers sont Ă©changĂ©s, les armes restituĂ©es et, au nom de la dĂ©mocratie rĂ©volutionnaire, Komala est autorisĂ©e Ă  diffuser sa propagande dans les villages contrĂŽlĂ©s par le PDKI. Une unitĂ© tactique se met en place entre les deux partis adverses, dans la dĂ©fense du Kurdistan rĂ©volutionnaire contre l’armĂ©e iranienne.

Mais guerre qui n’allait pas tarder Ă  reprendre entre le PDKI et son rival communiste. Au printemps 1984, les nationalistes lancent une attaque armĂ©e contre les bases militaires de Komala. Ceux-ci rĂ©agissent d’abord par une tentative de nĂ©gociation de paix, qui Ă©choue. Les nationalistes mĂšnent alors une seconde offensive, qui entraĂźne cette fois une rĂ©action immĂ©diate : les peshmergas rouges prennent d’assaut le quartier gĂ©nĂ©ral de PDKI. La guerre va durer trois ans. Comme les peshmergas ne portent pas d’uniforme, les confusions sont frĂ©quentes entre les deux camps, que seul distingue l’usage du drapeau, rouge pour les uns, kurde pour les autres. C’est une pĂ©riode difficile pour Komala, car contrairement Ă  l’armĂ©e iranienne qui maĂźtrise mal le combat en montagne, les peshmergas nationalistes ont une excellente maĂźtrise du terrain et des techniques d’embuscade, et cette guerre civile va se rĂ©vĂ©ler aussi meurtriĂšre qu’éprouvante. En mĂȘme temps, la rupture de l’unitĂ© entre communistes et nationalistes facilite la reconquĂȘte de l’armĂ©e iranienne. Fin 1984, il ne reste rien du Kurdistan libĂ©rĂ©, mĂȘme si les guĂ©rillas sont toujours actives.

La crĂ©ation du Parti communiste d’Iran

D’inspiration maoĂŻste, puis pro-albanaise, Komala avait Ă  l’origine des conceptions nettement populistes. Leur emblĂšme est une carte de l’Iran, recouverte d’un fusil et d’une charrue. Le peuple des campagnes, la rĂ©forme agraire et le droit des minoritĂ©s nationales sont leurs principaux axes d’intervention. Mais face Ă  l’évolution de la situation, les militants acceptent de les remettre en cause. Or, les polĂ©miques de Mansoor Hekmat Ă  l’encontre des impasses du populisme convergeaient avec leurs propres doutes. Les premiers contacts ont sans doute eu lieu Ă  l’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran, oĂč se diffuse la presse de Komala. Rapidement aprĂšs les premiers contacts, l’Union des combattants communistes trouva refuge dans ce « sanctuaire », pour y tenir son premier congrĂšs. DĂšs 1982, la majeure partie de la direction de l’Union des combattants communistes est venue se rĂ©fugier au Kurdistan, y compris Mansoor Hekmat et sa compagne Azar Majedi. En septembre 1983, la fusion avec Komala et d’autres fractions qui s’étaient rapprochĂ©es du marxisme rĂ©volutionnaire de Mansoor Hekmat, alias Nader, permettait la crĂ©ation du Parti communiste d'Iran. MalgrĂ© un certain nombre de points de convergences, la fusion entre Komala et l’Union des combattants communistes n’était pas quelque chose qui allait de soi, comme allait le rĂ©vĂ©ler la suite des Ă©vĂ©nements.

Qu’est-ce qui a rendu possible la fusion ? La convergence des deux organisations repose en rĂ©alitĂ© sur des prĂ©occupations communes antĂ©rieures Ă  la rĂ©volution. D’abord, le lien avec la classe ouvriĂšre. DĂšs 1972, Komala avait mis l’accent sur la nĂ©cessitĂ© de s’implanter dans la classe ouvriĂšre, alors que les autres organisations de gauche s’en prĂ©occupent moins. Puis en 1975, les Komalistes commencĂšrent Ă  critiquer la conception selon laquelle l’Iran Ă©tait un pays « semi-colonial et semi-fĂ©odal », analyse importĂ©e de Chine et d’Albanie, pour mettre l’accent sur le rĂŽle de la bourgeoisie comprador, c’est-Ă -dire de la fraction de la bourgeoisie qui tient sa position de son rĂŽle d’intermĂ©diaire avec le marchĂ© capitaliste mondial.

Sensibles Ă  l’évolution rĂ©elle du capitalisme en Iran, ils sont donc amenĂ©s Ă  rompre avec la conception dominante au sein l’extrĂȘme-gauche. Mansoor Hekmat, en insistant sur la notion de dĂ©pendance de la bourgeoisie iranienne vis-Ă -vis de l’impĂ©rialisme, se situe donc dans la mĂȘme lignĂ©e thĂ©orique. Avait-il dĂ©jĂ  connaissance de l’analyse de Komala lorsqu’il rĂ©digea ses premiers textes sur la question ? Difficile de le savoir. Enfin, la rĂ©sistance armĂ©e de Komala dĂšs 1979, son irrĂ©ductible opposition aux islamistes et son refus de toute forme de soutien ou de reconnaissance Ă  l’ayatollah Khomeiny, allaient dans le mĂȘme sens que le refus de Mansoor Hekmat de voir dans ces mĂȘmes islamistes l’expression de la « bourgeoisie nationale progressiste ».

La convergence Ă©tait facilitĂ©e par des bases thĂ©oriques communes suffisamment larges. Lors de son deuxiĂšme congrĂšs en avril 1981, Komala procĂšde Ă  une vaste autocritique de ses conceptions, dont elle fit largement la publicitĂ©. Cela amorçait le rapprochement officiel avec l’Union des militants communistes. Le travail commun entre les deux organisations commence donc alors que la guerre fait rage au Kurdistan. Lors du IIIe congrĂšs de Komala, les deux organisations adoptent un mĂȘme programme communiste. Puis en avril 1983, est formĂ© un comitĂ© chargĂ© d’organiser le congrĂšs de fusion. Il comprend sept membres, quatre pour Komala et trois pour l'Union des combattants communistes. DerniĂšre Ă©tape enfin, en aoĂ»t 1983, le Parti communiste d'Iran est fondĂ©. Komala devient son Organisation du Kurdistan, et l’un de ses fondateurs, Abdulah Mohtadi, est Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Des courants et militants issus d‘autres organisations de gauche, de Pekyar ou des Feyadin, vont rejoindre la nouvelle organisation[11].

La rupture au sein du Parti communiste d'Iran

En 1984, lors de la guerre avec le PDKI, Mansoor Hekmat lui-mĂȘme est contraint de fuir en SuĂšde, puis en Grande-Bretagne[14]. De nombreux militants ont dĂ©jĂ  dĂ» quitter l’Iran, rejoignant les Ă©tudiants qui avaient animĂ© le soutien Ă  l’Union des militants communistes dĂšs le dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt.

Dans l’émigration, Mansoor Hekmat va dĂ©velopper ses thĂ©ories, jusqu’à remettre en cause certains des fondements de l’idĂ©ologie du Parti communiste d’Iran. Le premier Ă©pisode de cette lutte prend place en 1989, Ă  la faveur de la retraite militaire de Komala. Mansoor dĂ©cide de dĂ©missionner de toutes ses responsabilitĂ©s Ă  la direction et de retourner militer Ă  la base. Il crĂ©e une Fraction communiste ouvriĂšre au sein du parti, qui exprime les vues de la gauche anti-nationaliste. Celle-ci emporte un succĂšs massif lors du congrĂšs, oĂč il est rĂ©Ă©lu Ă  la direction. Mais Ă  l’occasion de la premiĂšre guerre du Golfe, le courant nationaliste kurde au sein du Parti communiste d'Iran, restĂ© relativement silencieux jusque-lĂ , se rĂ©veille et propose – dans une motion proposĂ©e par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Abdullah Mohtadi – de soutenir l’Union patriotique du Kurdistan, qui est au mĂȘme moment en train de nĂ©gocier son rapprochement avec l’armĂ©e amĂ©ricaine. Mansoor Hekmat est conscient que cette position n’exprime pas seulement l’avis de quelques nationalistes venus de Komala, mais les limites du parti lui-mĂȘme. Il dĂ©missionne de nouveau, non plus de la direction, mais du parti lui-mĂȘme. La majoritĂ© des militants dĂ©cide de la suivre : ce n’est donc pas rĂ©ellement une scission qui s’opĂšre, mais un retrait Ă  l’amiable, qui Ă©vite des affrontements.

Rapidement aprĂšs, Mansoor Hekmat crĂ©e le Parti communiste-ouvrier d'Iran[15]. Au sein de Komala, l’organisation au Kurdistan, la direction militaire se rallie pour l’essentiel au nouveau parti, mais la majoritĂ© des peshmergas reste avec Abdullah Mohtadi.

Komala aprĂšs la scission

De 2001 Ă  2005, Komala a menĂ© des opĂ©rations de « propagande armĂ©e », envoyant des commandos de peshmergas distribuer de la propagande sans faire usages de leurs armes. Ils ont mis fin Ă  cette pratique sur la demande du gouvernement rĂ©gional du Kurdistan d'Irak, oĂč sont stationnĂ©s leurs forces[16]. le parti se prĂ©sente dĂ©sormais comme fĂ©dĂ©raliste, social-dĂ©mocrate favorable au modĂšle scandinave, et aspire Ă  rejoindre l'Internationale socialiste. Abdullah Mohtadi n'est pas hostile Ă  l'idĂ©e de recevoir un soutien financier des États-Unis, mais dĂ©clarait en 2007 n'en avoir jamais reçu[16].

L'Iran[2] ainsi que le Japon[17] ont classé Komala comme une organisation terroriste.

Notes et références

  1. Rodi Hevian, « THE MAIN KURDISH POLITICAL PARTIES IN IRAN, IRAQ, SYRIA, AND TURKEY: A RESEARCH GUIDE », Rubin Center for Research in International Affairs, Herzliya, Israel, vol. 17, no 2,‎ (lire en ligne)
  2. Franc Milburn, Iranian Kurdish Militias: Terrorist-Insurgents, Ethno Freedom Fighters, or Knights on the Regional Chessboard?, vol. 10, Combating Terrorism Center, , 1–2 p. (lire en ligne), chap. 5
  3. Report on Joint Finnish-Swiss Fact-Finding Mission to Amman and the Kurdish Regional Government (KRG) Area
  4. Tower of the Sun: Stories from the Middle East and North Africa By Michael J. Totten
  5. nyidanmark
  6. UNHCR refworld page
  7. Federal, The Political Development of the Kurds in Iran: Pastoral NationalismBy F. Koohi-Kamali
  8. Claire Pilidjian, « Les principales organisations kurdes », sur Le Monde diplomatique,
  9. Airin Bahmani & Bruno JÀntti, « Les ombres de Sanandaj », sur Le Monde diplomatique,
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