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KV34

Situé dans la vallée des Rois, dans la nécropole thébaine sur la rive ouest du Nil face à Louxor en Égypte, KV[1] 34 est le tombeau de Thoutmôsis III.

KV 34
Tombeau de ThoutmĂ´sis III
Tombeaux de l'Égypte antique
Image illustrative de l’article KV34
DĂ©coration de la tombe KV34
Emplacement Vallée des Rois
CoordonnĂ©es 25° 26′ nord, 32° 22′ est
Situation sur carte Égypte
KV 34
DĂ©couverte 1898
Fouillé par Victor Loret
Dimensions
Hauteur maximale 4,86 m
Largeur minimale 1,08 m
Largeur maximale 8,52 m
Longueur totale 76,11 m
Superficie totale 310,92 m2
Volume total 792,71 m3
Classement
Vallée des Rois - KV34 +

Les décorations murales sont d'un style très particulier que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans la vallée. La plus ancienne version connue de l'Amdouat s'y trouve, ainsi que la litanie de Rê.

Historique

DĂ©couverte

La tombe de Thoutmôsis III fut découverte par l’inspecteur de Gourna, Hassan effendi Hosni, en , sous la direction du directeur du Services des Antiquités de l’Égypte, Victor Loret. Celui-ci était persuadé de la présence de tombes non encore découvertes dans l’extrémité méridionale de la vallée des Rois. C’est à partir d’une ouverture à huit-dix mètres du sol que Loret commence le dégagement de la tombe, dont l’entrée avait été obstruée par des déblais charriés par les pluies torrentielles.

Pillages

La tombe a été retrouvée largement pillée, sans mobilier funéraire, si ce n’est le sarcophage en quartzite rouge repoussé dans un coin de la pièce, vide de sa momie et abimé, et quelques objets mutilés ou fragmentaires (divers petits objets, momie anonyme, statue en bois, …). Quant à la momie, elle a été déplacée postérieurement dans la cachette de Deir el-Bahari, où elle a été retrouvée dans son linceul de lin en 1881. Il est possible que le pillage ainsi que le déplacement de la momie aient eu lieu durant la Troisième Période intermédiaire.

Plan de la tombe

Description

La tombe est creusĂ©e dans la façade de la falaise, Ă  la base d’une fente creusĂ©e par l’eau, dans la partie la plus mĂ©ridionale du ouadi. L’hypogĂ©e prĂ©sente un plan coudĂ©, d’abord avec un axe globalement Nord/Sud puis un axe globalement Est/Ouest, et se dĂ©roule sur une longueur totale de 76,11 m. Son aspect gĂ©nĂ©ral est marquĂ© par une certaine irrĂ©gularitĂ© dans la forme de ses pièces.

On pénètre dans la tombe par un premier escalier qui s’enfonce de manière assez raide dans la montagne.

Celui-ci, après une porte, dĂ©bouche sur un couloir très raide, d’abord long de 8,35 m puis de 4,38 m, interrompu par un second escalier.

Ce second escalier, très abrupt et dont les marches sont grossièrement taillées, présente deux niches, de forme irrégulière, de part et d’autre.

Le couloir, mal dégrossi, aboutit sur un puits globalement rectangulaire.

Ce puits précède une antichambre, dons les parois stuquées, qui ne sont pas parallèles, forment une sorte de trapèze au centre duquel se trouvent de piliers massifs. Cette pièce marque le changement d’axe dans le plan, avec une nouvelle orientation.

Un escalier dans le coin nord de la pièce donne dans la salle du sarcophage.

Celle-ci adopte la forme d’un ovale très rĂ©gulier de 14,64 sur 8,53 m dont les parois sont lisses et stuquĂ©es. Deux piliers massifs se dressent au centre, lĂ©gèrement dĂ©calĂ©s vers le Nord-Ouest. Quatre annexes sont placĂ©es de manière asymĂ©trique autour de la chambre, deux au nord et deux au sud.

Analyse

Les tombes royales de la vallée des Rois se répartissent en plusieurs étapes majeures dans l’évolution de leur plan. Les premières tombes, jusqu’à Amenhotep II, possèdent un axe courbe. À partir d’Aÿ et pour la XXe dynastie, la tombe possède des axes parallèles intermédiaires. Ensuite, à partir de Mérenptah, les tombes se distinguent par un axe droit, de plan général beaucoup plus vaste.

Au dĂ©but de la XVIIIe dynastie, les tombes sont construites autour d’une sĂ©rie de quatre passages alternant avec des marches ou des rampes. Chaque section de la descente est connue comme l’un des passages du Soleil suggĂ©rant le voyage nocturne sous terre. L’entrĂ©e correspond au « Passage du chemin de Shou », le premier couloir au « Passage de RĂŞ », le second escalier Ă  la « salle oĂą [les dieux de la Litanie de RĂŞ] rĂ©sident », le puits Ă  la « salle des Obstacles », l’antichambre Ă  la « salle du Char », et la chambre Ă  la « salle oĂą l’on repose », « la maison de l’or » ou Ă  « la Chambre cachĂ©e ». C’est ce qu’inaugure justement dans le plan de la tombe de ThoutmĂ´sis III.

C’est également la première fois qu’apparait dans la vallée des Rois un puits de protection, précédant l’antichambre de la tombe. Ce puits, qu’on retrouvera dans les tombes de ses successeurs, peut avoir une fonction pratique, celle de recueillir les eaux de pluie, et une fonction symbolique, représentant les profondeurs de l’océan primordial Noun et possédant ainsi un rôle symbolique dans la régénération du défunt. Sa présence n’est donc pas un hasard.

De mĂŞme, le plan coudĂ©, dont c’est la première apparition ici, caractĂ©risera l’ensemble des tombes de la vallĂ©e des Rois du dĂ©but de la XVIIIe dynastie. Il serait peut-ĂŞtre influencĂ© par SĂ©sostris II. En effet, jusque-lĂ  le corridor de la pyramide est en ligne droite, puis le système de couloirs se complexifie en rĂ©fĂ©rence aux territoires incurvĂ©s du monde infĂ©rieur. C’est donc peut-ĂŞtre ce qu’on retrouve ici.

Quant à la chambre en forme d’ovale, on la trouve dans la tombe de Thoutmôsis Ier, la KV38, ainsi que la tombe de Mérytrê-Hatchepsout, la KV42, deux tombes contemporaines du règne de Thoutmôsis III. Il est possible que cette forme soit liée à la forme du cartouche ou bien à la forme de la caverne de Sokar, ce qui en fait un lieu de régénération.

DĂ©cor de la tombe

Antichambre

Le décor de la tombe ne commence qu’à partir du puits, avec une frise de khékérous au sommet du mur et un plafond bleu parsemé d’étoiles jaunes. On retrouvera ces deux motifs aux mêmes emplacements dans l’antichambre et dans la chambre.

L’antichambre prĂ©sente une liste des 741 divinitĂ©s du Livre de l'Amdouat, qui se dĂ©roule Ă  partir de la droite de l’entrĂ©e sur les parois de la pièce en deux tableaux.

Le premier est composé de trois rangées superposées de rectangles dressés verticalement contenant une étoile et une cassolette d’encens.

Les divinités composent le second tableau. Elles y sont nommées et associées à une cassolette d’encens, y sont réparties en trois rangées superposées de rectangles dressés verticalement.

Seuls les piliers ne sont pas peints et présentent un quadrillage rouge préparatoire au dessin.

Chambre

Dans la chambre, le Livre de l’Amdouat déroule, en version complète, sur les parois ocre des hiéroglyphes en écriture cursive et des figures extrêmement stylisées, seulement en noir et rouge pour les notions importantes, qui donnent l’impression d’un gigantesque papyrus. Ce « papyrus » est divisé en trois registres superposés relatant les douze heures de l’Amdouat, qui figurent également en version abrégée sur les piliers.

Chaque heure de la version complète est organisée de telle manière que sur la suscription notant les événements de l’heure se trouve en haut de celle-ci, qu’une introduction (mentionnant les noms de l’heure, de la porte et de la région de l’Au-delà) figure dans une colonne gauche (qui fait également office de découpage des sections), et que l’heure elle-même soit organisée en quatre registres (les phénomènes généraux, la barque solaire et les motifs spécifiques de l’heure).

Elle est répartie selon une disposition très particulière où les heures se répondent, soient les heures une à quatre sur le mur ouest, les heures cinq et six sur le mur sud, les heures sept et huit sur le mur nord et les heures neuf à douze sur le mur est.

Le Livre de l’Amdouat décrit le voyage du Soleil au cours des douze heures de la nuit, entre son coucher et son lever :

  • La première heure marque l’entrĂ©e dans l’Autre-Monde du Soleil par la Porte qui avale tout, avec une description de ses habitants.
  • La deuxième et la troisième heures dĂ©crivent les terres fertiles de l’Autre-Monde, alors que les entitĂ©s nĂ©gatives sont maitrisĂ©es par des personnages armĂ©s de couteaux.
  • La quatrième et la cinquième heures se tiennent dans le Pays, dĂ©sertique et obscur, de Sokar (le Ro-Setaou) oĂą la barque solaire est halĂ©e par des personnages assoiffĂ©s.
  • Ă€ la sixième heure (minuit), RĂŞ et Osiris se rejoignent et le roi ramène ses ancĂŞtres dĂ©funts Ă  la vie.
  • Ă€ la septième heure, le serpent Apophis est vaincu par Isis, Seth et Serket, alors qu’il tente d’éliminer le Soleil.
  • Aux huitième et neuvième heures, RĂŞ ouvre les portes de cinq cavernes et fournit des vĂŞtements au roi dĂ©funt.
  • Ă€ la dixième heure, Horus transporte dans l’Autre Monde les corps de noyĂ©s.
  • Ă€ la onzième heure ont lieu les prĂ©paratifs pour le lever du Soleil, sous la forme d’un scarabĂ©e, Ă  la douzième heure. C’est Ă  cette heure que la barque du dĂ©funt est remorquĂ©e Ă  la lumière.

Réparties entre les deux piliers se trouvent les Litanies de Rê, qui décrivent soixante-quatorze des soixante-quinze formes de Rê que le défunt doit connaitre. Se trouve également sur un des piliers une représentation inhabituelle représentant, en partie supérieure Thoutmôsis III naviguant sur une barque avec sa mère Isis, puis le roi allaité par déesse Isis en arbre et suivi par quatre femmes de sa famille.

Étude

Le décor de la tombe de Thoutmôsis III est également très particulier, puisqu’il marque l’apparition de nouveaux types de décor, mais aussi par sa typologie très particulière.

Tout d’abord, c’est la première attestation de la représentation des Litanies de Rê dans une tombe royale. Le roi doit absolument connaitre les soixante-quinze formes osiriennes et solaires du dieu Rê pour pouvoir s’assimiler au dieu et s’intégrer au cycle du Soleil. On en aurait peut-être la représentation précédemment sur les parois de la tombe du vizir Ouser sous la régence d’Hatchepsout. Ces textes seront utilisés à l’entrée de la plupart des tombes jusqu’au règne de Séthi Ier.

Ensuite, la tombe prĂ©sente un des quelques exemples complets du Livre de l'Amdouat dans une tombe royale. Ce livre, qui est l’un des premiers ouvrages dĂ©taillant le voyage souterrain du Soleil durant les douze heures de la nuit, est ici reprĂ©sentĂ© par des figures extrĂŞmement stylisĂ©e, seulement peintes de noir et de rouge. Les scènes sont dĂ©taillĂ©es d’inscriptions hiĂ©roglyphiques en Ă©criture cursive, oĂą les notions importantes sont notĂ©es en rouge. Le roi s’identifie au Soleil, puisque lors de son enterrement, il s’enfonce Ă©galement sous terre, pour espĂ©rer ressortir Ă  la lumière lors de sa renaissance dans l’Autre Monde. Le dĂ©cor du Livre de l'Amdouat est relativement semblable Ă  ce qu’on peut observer dans la tombe d’Amenhotep II, la KV35. Celle-ci permettrait de supposer que les piliers de l’antichambre devaient porter une reprĂ©sentation du roi face Ă  une divinitĂ©. Dans la chambre, le thème est tout Ă  fait original, puisqu’on ne connait pas d’exemples antĂ©rieurs ou postĂ©rieurs pour la reprĂ©sentation des 741 divinitĂ©s de l'Amdouat. La reprĂ©sentation du roi nourri par une divinitĂ©, sous la forme d’un arbre, nommĂ©e Isis, comme sa mère, est Ă©galement unique.

Problèmes et hypothèses

Outre ces innovations, la tombe de Thoutmôsis III peut interroger sur le choix de son emplacement et de son orientation. En effet, comme on peut le voir à l’intérieur, la tombe n’est pas orientée sur les points cardinaux. Des marques sur le décor permettent de retrouver l’orientation. De plus, Thoutmôsis III est l’un des premiers à occuper la vallée des Rois.

D’après Herbert Ricke, on observe au fond de l’Henket-ânkh, le temple des millions d'années dédié au culte du roi, les traces de l’axe premier du temple, axe qui, si on le poursuit jusqu’à la vallée des rois, rencontre exactement l’entrée de la tombe de Thoutmôsis II. Mais cet axe n’est pas visible dans la composition finale du temple. On peut se demander si cette orientation une simple coïncidence. Si ce n’est pas le cas, ceci suggère la programmation contemporaine, et donc sous la régence d'Hatchepsout, de la tombe et du sanctuaire.

Cette hypothèse rend d’autant plus surprenant l’aspect inachevé de la tombe. D’après Catharine H. Roehrig, cet aspect vise à donner un aspect plus naturel à la reproduction du parcours sinueux du monde souterrain. Mais il peut aussi être le reflet d’une urgence dans l’édification, que ce soit par précipitation (le décor aurait alors était réalisé après la mort du roi) ou par manque d’exigence. L’hypothèse de John Romer selon laquelle le décor aurait été réalisé par Amenhotep II, le fils de Thoutmôsis III, est appuyée par le fait que le décor a été réalisé après le scellement des quatre annexes de la chambre funéraire. Il reste surprenant qu’en trente-deux années de règne, le roi n’ait pas pu réaliser le décor de sa tombe creusée sous la régence, alors qu’il s’est occupé des tombes de son père et de son épouse.

Quoi qu’il en soit, cet aspect inachevé et les adaptations du décor ne gênent en rien l’efficacité du décor. L’essentiel est en place et son efficacité est assurée.

Bibliographie

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Notes et références

  1. KV pour King Valley

Liens externes

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