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Jean Clunet

Pierre Édouard Jean Clunet (né le à Paris et mort le à Iași, Royaume de Roumanie) est un médecin français, le premier, en 1908, à démontrer l’effet cancérigène des rayons X. Médecin-major de 1re classe au cours de la Première Guerre mondiale, il fit partie du Corps expéditionnaire des Dardanelles et de la Mission militaire française en Roumanie. Chef d’un hôpital militaire à Bucarest, il rejoignit la Moldavie à la suite de l'occupation du sud de la Roumanie par les troupes de la Triple Alliance. Il y organisa, aux environs de Iași, un hôpital pour soigner les malades de typhus. Contaminé par la maladie, il y succomba et fut inhumé sur place.

Jean Clunet
Biographie
Naissance
Décès
(à 39 ans)
Iași
Sépulture
Nationalité
Formation
Activités
Père
Édouard Clunet (d)
Parentèle
Eugène Desouches (d) (grand-père maternel)

Biographie

Né en 1878 à Paris[1], Pierre Édouard Jean Clunet est le fils d’Édouard Clunet (1845-1922), avocat spécialisé dans le droit international, fondateur en 1874 du Journal du droit international (connu sous le nom de « le Clunet »)[2] et avocat de la défense de Mata Hari[3] - [4].

Jean Clunet suivit des études secondaires à l’école Bossuet et au Lycée Louis-le-Grand à Paris, puis celles de médecine à la Faculté de médecine de Paris durant lesquelles il fut externe dans le service de neurologie de Joseph Babinski à l’hôpital de la Pitié ainsi qu'interne et préparateur dans le laboratoire d’anatomie pathologique du professeur Pierre Marie[5] - [6]. Nommé ensuite professeur agrégé d'anatomie pathologique à la Faculté de médecine de Nancy[6], Jean Clunet fut un précurseur de la cancérologie expérimentale. Ses recherches ont été les premières à démontrer l’effet cancérigène des rayons X en montrant l’apparition des carcinomes et des sarcomes chez les souris irradiées[7] - [8] - [9] - [10].

Esprit aventureux, Jean Clunet visita le Maroc en 1912 et se retrouva impliqué involontairement dans les émeutes de Fès durant le mois d'avril 1912[3].

Engagement dans la Première Guerre mondiale

Durant la Première Guerre mondiale Jean Clunet fut chirurgien militaire dans le 332e régiment de ligne et participa à la bataille de Charleroi (), au repli sur l'Aisne et à la bataille de Berry-au-Bac[3].

Clunet fût ensuite enrôlé dans le Corps expéditionnaire français et participa à la Bataille des Dardanelles. Il participa à l'organisation du laboratoire de bactériologie des troupes françaises dans le village de Sedd-ul-Bahr. Dans ce laboratoire, dirigé par le médecin militaire Sarrailhé et où il eut comme camarade le docteur Richet, fils de Charles Richet, ils luttèrent contre les maladies contagieuses qui faisaient des ravages dans les troupes: fièvre typhoïde, fièvre paratyphoïde[11], dysenterie[3] - [12].

L’épidémie de typhus dans les rangs de l'armée serbe réfugiée à Corfou conduisit Jean Clunet en Grèce. Embarqué sur le Provence II, Clunet partit de Toulon pour Salonique le avec 1 700 hommes du 3e régiment colonial. Au large du cap Matapan, le , le bateau fut torpillé par le sous-marin allemand U-35 et sombra en emportant 1 100 hommes. Les rescapés, dont Jean Clunet, furent recueillis le lendemain par le SS Canada, paquebot de la compagnie Cyprien Fabre transformé en navire-hôpital[13] - [14].

Arrivé à Corfou, Clunet participa à l'organisation du laboratoire de bactériologie des troupes françaises; contaminé lui-même par la dysenterie, Clunet continua néanmoins à prodiguer des soins et ne retourna en France qu'après l'extinction des épidémies.

Mission militaire française en Roumanie

Hôpital Greierul

Une nouvelle épidémie de typhus, cette fois en Roumanie, le détermina à repartir comme membre de la Mission médicale française, rattaché à la Mission militaire en Roumanie, dirigée par le général Henri Berthelot. Accompagné cette fois par son épouse, Clunet contourna le blocus en passant par la Norvège et la Russie et arriva à Bucarest où il prit la direction de l'hôpital de maladies infectieuses[15]. Il organisa l'activité de l'hôpital et mena une campagne d'éducation sanitaire de la population[16].

À la suite des défaites sur le front de l'Est et à l'occupation du sud de la Roumanie par les armées de la Triple Alliance, le roi et gouvernement roumain se réfugièrent à Iași, en Moldavie. La Mission militaire suivit ce mouvement et Clunet organisa un hôpital pour les contagieux dans le village de Bucium (ro), aux environs de Iași, dans la villa Greierul (Le Grillon), seul bâtiment assez grand disponible, bien qu'en piteux état, dans une ville submergée par l'afflux de réfugiés[16] - [17]. Aidé par quatre infirmières de la Société Française de Secours aux Blessés Militaires (dont Marguerite, son épouse[14] - [18], Andrée Flippes et Geneviève Hennet de Goutel) et dix sœurs de la Congrégation Saint Vincent de Paul, Clunet prodigua des soins aux malades de typhus[19].

Après avoir soigné et enterré au cimetière Eternitatea ses infirmières, Andrée Flippes[20] - [21] - [22], Geneviève Hennet de Goutel[17] - [23] - [24] - [25]et d'Antoinette Roux (1848-1917), Jean Clunet succomba lui aussi au typhus le . Selon ses vœux[15], il fut inhumé dans le parc de la villa Greierul.

Ordres et décorations

Dans la citation pour la Légion d'honneur il est caractérisé ainsi[14] :

S'est distingué au Maroc, en donnant des soins aux victimes de l'insurrection de Fez. Dans la guerre contre l'Allemagne, d'abord en France puis aux Dardanelles, à Corfou, en Albanie, a donné partout l'exemple de l'abnégation et du courage. Échappe grâce à son énergie, au torpillage du transport " La Provence " a demandé dès son retour en France a repartir à l'étranger. En Roumanie a réclamé l'honneur de diriger un hôpital de contagieux auprès desquels il a contracté le typhus exanthématique.

L'Académie nationale de médecine décerna en 1927 à Jean Clunet et à son épouse le prix du dévouement médical[15]. Ce prix, intitulé « Prix Henri Huchard, de l'Académie de Médecine — Prix de dévouement médical, en souvenir de Marcel Huchard », avait été institué en 1911 par l'Académie de médecine à la suite du legs de 400 000 francs réalisé par Henri Huchard (1844-1910), neurologue et cardiologue, qui voulait aider les jeunes étudiants qui, comme son fils, seraient victimes de leur dévouement professionnel et leur permettre de continuer leurs études[26].

In memoriam

Sépulture d'Édouard Clunet et cénotaphe de Jean Clunet au cimetière du Père-Lachaise.
Le monument à la mémoire des quatre membres de la Mission Médicale Française morts de typhus à la Villa Greierul en 1917: dr. Jean Clunet (28 janvier 1878 - 3 avril 1917), infirmière Andrée Flippes (1885 - 26 mars 1917), infirmière-major Geneviève Hennet de Goutel (11 mars 1885 - 4 mars 1917) et sœur Antoinette (1848-1917).

La reine Marie de Roumanie, qui a connu le docteur Clunet pendant le refuge à Iași, a écrit un article à sa mémoire ainsi qu'à celle des autres membres de la Mission médicale française, article publié le dans le journal Le Figaro[27] et repris en version anglaise dans le numéro du du journal The New York Times[28].

Une plaque à la mémoire de Jean Clunet a été apposée sur la tombe familiale située au cimetière du Père-Lachaise.

Un monument en pierre en forme de croix, œuvre de Salvador Scutari (1880-1932), a été érigé par la suite dans le petit cimetière situé près de la villa Greierul. Sur le socle sont gravés, en français et en roumain, les mots À la mémoire de ceux qui sont morts au Grierul victimes de leur dévouement et, plus bas, les noms de ceux qui y sont inhumés.

En mémoire du travail et du dévouement du docteur Clunet, le service de Bucium de l'hôpital universitaire de pneumo-phtisiologie de Iași porte aujourd'hui son nom. De même, une rue de Bucarest, dans le quartier de Cotroceni, a été nommée en sa mémoire.

Publications

Bibliographie

  • N. Igna, La mission médicale française en Roumanie : 1916-1918, Impr. “Honterus” , Sibiu, 1945

Références

  1. MemorialGenWeb.org - Pierre Édouard Jean Clunet.
  2. Claudine Moutardier - Édouard Clunet (1845-1922), page sur le site de la Société française pour le droit international.
  3. Robert de Lezeau, "The Heroic Death of Dr Clunet", in The New York Times Current History : the European war, vol. XII, juillet-septembre 1917, traduction de l’article publié initialement dans Le Figaro.
  4. "Surgeon's adventures", General War News, New Zealand Herald, Rōrahi LIII, Putanga 16210, 22 Paengawhāwhā 1916, p. 3
  5. La page Paris 04 : Plaque commémorative 1914-1918, Hôtel-Dieu (internes) sur MémorialGenWeb (consultée le 17 juin 2018).
  6. (en) Jacques Philippon et Jacques Poirier, Joseph Babinski : a biography, New York, Oxford University Press, , 453 p. (ISBN 978-0-19-536975-5, OCLC 488510175, lire en ligne), p. 193.
  7. Jean Clunet, Le cancer expérimental, Ed. Pointat, 1911.
  8. Mustacchi, P., Shimkin, MB., "Radiation cancer and Jean Clunet". Cancer, 1956 Nov-Dec;9(6):1073-4, PMID 13383433
  9. Hector A. Colwell, Radium, X rays and the living cell with physical introduction, G. Bell ans Sons, Ltd., London, 1915.
  10. Jolanta Natalia Latosińska, Magdalena Latosińska, "Anticancer Drug Discovery — From Serendipity to Rational Design", Drug Discovery, Hany A. El-Shemy editor, (ISBN 978-953-51-0906-8), Published: January 23, 2013.
  11. Sarrailhé, A., Clunet, J., « "Camp jaundice" and the paratyphoid epidemic at the Dardanelles », Lancet, vol. 187, nr. 4830, 25 mars 1916, p. 664–668.
  12. Leonard S. Dudgeon, "Personal Experiences on the Gallipoli Peninsula and in the Eastern Mediterranean while a Member of the War Office Committee for Epidemic Diseases and Sanitation", Proceedings of the Royal Society of Medecine, vol 9, session 1915-16, p. 101-118.
  13. Page "Paquebot La Provence" sur le site French Lines.
  14. "Clunet, Jean", note biographique dans Guerre de 1914-1918. Tableau d'honneur. Morts pour la France. Publications La Fare, Paris, 1921, p. 229.
  15. Souques, MA., "Rapport général sur les prix décernés par l'Académie en 1927", Bulletin de l'Académie nationale de médecine, année 91, 3e série, tome XCVIII, p. 535-538.
  16. Cristina Ionescu, "The Activity of «French Medical Mission» in Moldavia during the First World War", Jurnal de Medicină Preventivă, 2001, 9(1):79-84.
  17. Alambert, Marthe, A life's oblation. The Biography of Geneviève Hennet de Goutel, Burns, Oates & Washbourne Ltd., London, 1921, p. 146-199.
  18. Marguerite Mireille Alexandrine Clunet, infirmière à la Société de Secours aux Blessés Militaires, a été décorée avec la Médaille d'honneur des épidémies - argent - et la Croix de la Reine Marie (Roumanie).
  19. La page "Accueil » Dossiers Thématiques » La Grande Guerre - lieu de mémoire franco-roumain » Les cimetières et carrés militaires français en Roumanie" sur le site de l'Ambassade de France en Roumanie.
  20. "Le livre d'or des infirmières", Bulletin trimestriel de l'Association mutuelle des infirmières de la Société Française de Secours aux Blessés Militaires, année V, no. 16, décembre 1917, p. 87-104.
  21. La page FLIPPES Alphonsine Julie : 1914-1918 sur MémorialGenWeb (consultée le 17 juin 2018).
  22. Alphonsine Julie (Andrée) Flippes (19 avril 1886 - 20 mars 1917), infirmière à la Société de Secours aux Blessés Militaires, a été décorée avec la Croix de guerre.
  23. Geneviève Hennet de Goutel (11 mars 1885 - 4 mars 1917), infirmière-major à la Société de Secours aux Blessés Militaires, a été décorée avec la Croix de guerre, la Médaille d'honneur des épidémies - vermeil - et la Croix de la Reine Marie (Roumanie).
  24. La page HENNET DE GOUTEL Geneviève Anne Marie : 1914-1918 sur MémorialGenWeb (consultée le 17 juin 2018).
  25. La page "Une infirmière de talent…" dans Héros de la Grande Guerre au cimetière du Montparnasse.
  26. Scientific Notes and News, Science, vol. XXXIII, nr. 843, 24 février 1911, p. 298.
  27. Le Figaro, an 63, no. 247, 4 septembre 1917, p. 1.
  28. "Roumania's Queen Lauds Her French Allies", The New York Times, 21 octobre 1917.

Liens externes

La Collection Waller de la bibliothèque de l'Universitaire d’Uppsala, Suède, possède des lettres manuscrites de Jean Clunet écrites durant la campagne des Dardanelles.

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