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Jean Brunhes

Jean Brunhes, né le à Toulouse et mort le à Boulogne-Billancourt, est un géographe français.

Jean Brunhes
Jean Brunhes.
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Académie serbe des sciences et des arts ()
Académie des sciences coloniales (d) ()
Académie des sciences morales et politiques ()
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Tombe de Jean Brunhes au cimetière ancien de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Biographie

Jean Brunhes devient agrégé d'histoire et géographie en 1892 après avoir été élève de l'École normale supérieure de Paris. Sur les conseils de Paul Vidal de La Blache, lauréat de la première promotion de la Fondation Thiers en 1893, il séjourne plus d'un an en Espagne, région où il étudie la matière de sa thèse future. Celle-ci, novatrice, soutenue en 1902, est intitulée L'Irrigation. Ses conditions géographiques, ses méthodes, son organisation dans la péninsule ibérique et dans l'Afrique du Nord : étude de géographie humaine[2].

De 1896 à 1912, il travaille comme professeur de géographie à l'Université de Fribourg[3]. Il en est le recteur de 1909 à 1910[4]. Il enseigne également à l'Université de Lausanne dès 1907, première chaire au monde où apparaît le terme « géographie humaine ».

Brunhes est un géographe atypique, qui n'a pas pu faire sa carrière universitaire en France. D'abord à cause de ses opinions politiques, puisqu'il était un catholique social engagé, proche du Sillon de Marc Sangnier[5], et ensuite par ses choix épistémologiques.

Ainsi La Géographie humaine, le manuel d’enseignement supérieur qu'il publie en 1910, comme le Traité de géographie physique d’Emmanuel de Martonne édité l'année précédente, participe à la constitution d'une géographie en plein devenir dont les concepts ne sont pas encore stabilisés. Il l'inscrit toutefois dans un champ universitaire qui légitime ses choix auprès de ses pairs, ses commanditaires et son public.

1912 voit la double consécration de Jean Bruhnes : il devient titulaire d'une chaire de Géographie humaine au Collège de France financée par le philanthrope Albert Kahn, lequel lui confie aussi la direction scientifique des Archives de la Planète, inventaire audiovisuel du monde par la photographie en couleur et le cinéma.

Le géographe est en effet un passionné de l'image pour appuyer ses recherches sur le terrain[6]. Perdant sa femme Henriette au début de la Première Guerre mondiale, mobilisé de façon très brève, il poursuit ses cours, dont certains sont publiés sous le titre de Géographie de la guerre et de la paix en 1921. Il écrit également dans de nombreux journaux, s'engage en faveur de la Serbie et de la Yougoslavie et participe aux travaux du Comité d'études[7].

Élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1927, Brunhes publiera jusqu'à sa mort en 1930 de nombreux ouvrages remarquables, qui rencontreront par ailleurs un grand succès public et qui contribueront à vulgariser en France les concepts de la géographie humaine.

Il repose au cimetière ancien de Boulogne-Billancourt.

Apports scientifiques : une théorie très originale de l'espace

Les idées de Brunhes sont très à contre-courant du mouvement général lorsqu'il définit en 1910 ses Principes de géographie humaine de la France, ouvrage qui sera augmenté en 1912 et en 1925, où s'échelonnent plusieurs niveaux de perception des phénomènes spatiaux : d'abord la géographie des nécessités vitales (exploitation de la terre), ensuite la géographie sociale et enfin la géographie historique et politique. Sa méthode s'ordonne autour de trois séries de « faits essentiels » :

  • l'occupation improductive du sol (maisons et chemins),
  • la conquĂŞte vĂ©gĂ©tale et animale (culture, Ă©levage) et
  • l'Ă©conomie qu'il appelle « destructrice » (dĂ©vastations animales, vĂ©gĂ©tales et exploitations minĂ©rales)[8].

Cette classification s'inspire de l'idée de surface et vise les objets par lesquels s'y manifeste l'action de l'homme. Cette géographie humaine a reçu un accueil très mitigé de la part des vidaliens, très sceptiques quant à cette approche qui privilégie les œuvres humaines matérielles dans leur dimension culturelle et historique (l'architecture et le génie rural par exemple) au détriment de la vision plus totalisante et abstraite défendue par la géographie jacobine de l'École normale de Paris. C'est la conception brunhienne qui prévaudra avec l'École des annales et avec ses travaux comme les Caractères originaux de l'histoire rurale française de Marc Bloch.

Ĺ’uvres

  • Michelet, Librairie Devaux, Paris, 1898 – Prix d'Ă©loquence de l’AcadĂ©mie française.
  • "Les marmites du barrage de la Maigrauge", in Bulletin de la sociĂ©tĂ© fribourgeoise des sciences naturelles, 1899, vol. VII, p. 169-185[9].
  • L'irrigation. Ses conditions gĂ©ographiques. Ses modes et son organisation dans les zones arides et dĂ©sertiques de l'Espagne et du Nord de l'Afrique, C. Naud, Paris, 1902, 518 p.[2]
  • La gĂ©ographie humaine. Essai de classification positive. Principes et exemples, Ă©ditions Alcan, Paris, 1910, 844 p. – Prix Halphen de l'AcadĂ©mie française
  • "Du caractère propre et du caractère complexe des faits de gĂ©ographie humaine" in Annales de gĂ©ographie, Ă©ditions Armand Colin, 1913.
  • Avec C. Vallaux, La gĂ©ographie de l'histoire. GĂ©ographie de la paix et de la guerre sur terre et sur mer, Alcan, Paris, 1921, 716 p. [10]
  • La gĂ©ographie humaine, Alcan, Paris, 1925, 2 tomes.
  • Comment s'est faite la carte de France, in La Revue universelle, 1926, 126 p.
  • La gĂ©ographie humaine de la France dans : Gabriel Hanot, Histoire de la nation française, 1926. illustration du peintre Mathurin MĂ©heut.
  • GĂ©ographie Cours-SupĂ©rieur, chez Alfred Mame, illustration de Mathurin MĂ©heut.
  • Races. Image du monde, Firmin Didot, Paris, 1930.

Hommage

En 1908, le navigateur et explorateur français Raymond Rallier du Baty donne le nom de glacier Jean Brunhes à l'un des glaciers des îles Kerguelen[11].

Depuis 1940, un boulevard de Toulouse, sa ville natale, porte son nom.

Notes et références

  1. « https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/POG/FRAN_POG_05/p-3749gpttc-ablazrjywm2s »
  2. L'irrigation. Ses conditions géographiques. Ses modes et son organisation dans les zones arides et désertiques de l'Espagne et du Nord de l'Afrique, C. Naud, Paris, 1902, 518 p. lire en ligne sur Gallica
  3. Marie-Claire Robic, « BRUNHES Jean Léon Victor Baptiste », Dictionnaire des orientalistes de langue française,‎ , p. 165-166 (lire en ligne)
  4. « Brunhes, Jean (1869 - 1930) », sur Base de données des élites suisses au XXe s. (consulté le )
  5. Occupe à partir de 1896 une chaire de géographie de l’université de Fribourg, où était favorablement accueillie l'encyclique Rerum novarum (publiée par Léon XIII en 1891), ensuite professeur en Belgique.
  6. Albert Kahn est un banquier et mĂ©cène pacifiste, passionnĂ© par les nouvelles façons d'enregistrer le rĂ©el pour faire progresser la connaissance mutuelle des peuples et la paix. En 1908-1909,lors d'un long "voyage autour du monde", il fait rĂ©aliser un reportage photographique et cinĂ©matographique, prologue aux Archives de la planète. Plus tard, quand Jean Brunhes sera le directeur scientifique du projet, il assurera la coordination et la formation des diffĂ©rents opĂ©rateurs. Ceux-ci rĂ©alisent des plaques autochromes - premier procĂ©dĂ© industriel de la photographie directe des couleurs commercialisĂ© par les frères Lumière depuis 1907, et projetables, et des films. Entre 1910 et 1931, le mĂ©cène financera des missions dans soixante pays, pour constituer aussi une bibliothèque d'images afin de fixer « des aspects, des pratiques et des modes de l'activitĂ© humaine dont la disparition fatale n'est plus qu'une question de temps. » Le fonds compte 72 000 autochromes et 170 000 mètres de films. DemeurĂ©e incomplète en raison de la ruine du mĂ©cène, cette vaste entreprise laisse un tĂ©moignage visuel remarquable de la vie Ă  cette Ă©poque
  7. Nicolas Ginsburger, "La guerre, la plus terrible des érosions". Cultures de guerre et géographes universitaires. France, Allemagne, Etats-Unis (1914-1921), Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, (lire en ligne)
  8. Ce chapitre développait la notion de Raubwirtschaft (littéralement, l'économie de pillage) introduite par le géographe allemand Ernst Friedrich (né en 1867, professeur à Koenigsberg) : « Il est particulièrement étrange que des phénomènes de dévastation caractéristiques accompagnent spécialement la civilisation, alors que les peuples primitifs n'en connaissent que des formes atténuées. » Sur ce point, Jean Brunhes mentionnait le livre de son frère Bernard Brunhes, La Dégradation de l'énergie (1909) pour étayer ses démonstrations. Une géographie écologique aurait pu naître de cette vision totalement neuve mais la notion ne pouvait émerger dans une France plongée dans l'exploitation des richesses de ses colonies.
  9. Les marmites du barrage de la Maigrauge, in Bulletin de la société fribourgeoise des sciences naturelles, 1899, vol. VII, p. 169-185.
  10. La géographie de l'histoire. Géographie de la paix et de la guerre sur terre et sur mer, Alcan, Paris, 1921, 716 p. disponible sur Internet Archive]
  11. Gracie Delépine, Toponymie des Terres australes, éditions La Documentation française, Paris, 1973, p. 273, consultable sur www.archives-polaires.fr.

Annexes

Bibliographie et sitographie

  • Les papiers personnels de Jean Brunhes sont conservĂ©s aux Archives nationales sous la Archives nationales cote 615AP.
  • Marie-Claire Robic, Les Petits Mondes de l'eau : le Fluide et le Fixe dans la mĂ©thode, in L'Espace GĂ©ographique, N° 1, 1988, p 31-42.
  • MusĂ©e Albert Kahn, Boulogne, Jean Brunhes autour du monde, regards d'un gĂ©ographe / regards de la gĂ©ographie, Vilo, Paris, 1993, 348 p.
  • Numa Broc, Regards sur la gĂ©ographie française de la Renaissance Ă  nos jours, Presses universitaires de Perpignan, 1995.
  • Paul Claval, AndrĂ©-Louis Sanguin (Ă©d.), La GĂ©ographie française Ă  l'Ă©poque classique (1918-1968), Ă©ditions L'Harmattan, 1996.
  • Jean-Louis Tissier, Brunhes (Jean), in Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Ă©ditions du Seuil, 1996, p. 195-196.
  • GĂ©rard Joly, « Brunhes (Jean) Â», in Dictionnaire biographique de gĂ©ographes français du XXe siècle, aujourd'hui disparus, PRODIG, Paris, hors-sĂ©rie GrafigĂ©o, 2013, p. 42 (ISBN 9782901560838)
  • Nicolas Ginsburger, « Jean Brunhes : rĂ©seaux et combats d’un intellectuel en Grande Guerre », in Perlès V., Sigaud A. (dir.), RĂ©alitĂ©s (in)visibles. Autour d’Albert Kahn, les archives de la Grande Guerre, DĂ©partement des Hauts-de-Seine-musĂ©e dĂ©partemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, Ed. Bernard Chauveau, 2019, p. 56-63.
  • "Figure d'un gĂ©ographe, Paul Vidal de la Blache (1845-1918)": une exposition virtuelle de l'Ă©quipe CNRS EHGO, très richement illustrĂ©e et informative, en particulier sur les vidaliens et leur relation avec Vidal (consultĂ©e en avril 2022)

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