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Jardins de Bomarzo

Les Jardins de Bomarzo, le Sacro Bosco appelés aussi Parc des monstres (Parco dei Mostri en italien), sont un complexe monumental situé dans la commune de Bomarzo dans la province de Viterbe au nord du Latium en Italie.

Jardins de Bomarzo
Image illustrative de l’article Jardins de Bomarzo
Le château de Bomarzo dominant les jardins
GĂ©ographie
Pays Drapeau de l'Italie Italie
Subdivision administrative Province de Viterbe
Commune Bomarzo
Localisation
CoordonnĂ©es 42° 29′ 26″ nord, 12° 14′ 43″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
Jardins de Bomarzo

Les Jardins de Bomarzo sont les jardins les plus extravagants de la Renaissance italienne. Ils se composent d’un parc boisé, situé au fond d’une vallée dominée par le château des Orsini, et peuplé de sculptures, de petits bâtiments et d'ornements architecturaux tels que des vasques, urnes ou obélisques répartis au milieu de la végétation naturelle.

Aussi bien l’histoire de la création des jardins que l’interprétation des sculptures et des textes gravés, ici et là dans le parc, sont aujourd’hui encore sujettes à controverses entre les historiens.

Création des jardins

Il est communément admis que le parc a été construit par Pier Francesco Orsini dit Vicino Orsini (1528–1570[1], ou 1574[2], ou 1585[3]) qui en aurait démarré la réalisation vers 1550. Certains historiens estiment toutefois que son père Giancorrado Orsini, condottiere et seigneur de Bomarzo, aurait pu commencer à réaliser les jardins plus tôt.

Vicino Orsini était un condottiere qui participa à de nombreuses campagnes en Italie, en Allemagne et en France. Il fut fait prisonnier en 1556 et arrêta sa carrière militaire à sa libération en 1557. Il était également un homme cultivé qui entretenait des relations suivies avec les intellectuels de son temps.

En 1554, il épousa Giulia Farnèse (morte en 1560), fille de Galeazzo Farnèse. Giulia était une nièce de l’autre Giulia Farnèse qui fut maîtresse du pape Alexandre VI.

Il est probable que les jardins furent construits en trois Ă©tapes:

  • 1548 Ă  1552, le théâtre et ses marches concaves-convexes; les fontaines et les jeux d'eau,
  • 1552 Ă  1564, le lac artificiel, la fontaine de PĂ©gase, la fontaine navire et le bassin Ă  poissons,
  • 1564 Ă  1580, les vases monumentaux posĂ©s sur le plateau supĂ©rieur, la place de PersĂ©phone et le temple.

Les jardins ont été probablement dessinés par l'architecte Pirro Ligorio (~1510–1583), l’un des plus grands architectes-jardiniers de son temps, qui réalisa également les jardins de la villa d'Este à Tivoli. Le Temple, érigé en souvenir de Giulia, fut quant à lui probablement construit par Vignole (1507–1573) après la mort de celle-ci. Toutes les sculptures, attribuées à Simone Moschino (it) (1533-1610), furent réalisées en étroite consultation avec le seigneur du château.

La première mention des jardins apparaît dans une lettre du poète Annibal Caro en 1564. Leur nom était alors Bosco Sacro (bois sacré) et le restera jusqu’au XXe siècle où ils prendront le nom de Parco dei Mostri (parc des monstres). Un nom très proche, Bosco dei Mostri, a été utilisé dès leur création avec le sens de mostrare qui signifie démontrer.

Les jardins furent abandonnés au cours des siècles suivants et ne furent vraiment redécouverts qu’au XXe siècle.

La famille Bettini les racheta en 1870 et en 1954 Giovani Bettini et son épouse Tina Severi entreprirent le déblaiement et la restauration des jardins avec, dès l’origine, l’aide de l’Institut d’Histoire et d'Architecture de Rome et, plus tard, des chercheurs de l’Académie de France à Rome.

Description des jardins

Par un chemin à travers un verger, le visiteur arrive à l’entrée, une porte architecturée, surmontée de l’emblème des Orsini, et est accueilli par deux sphinx puis par un petit ruisseau, appelé Fosso della Concia.

La trentaine de sculptures et de bâtiments, comprise dans une zone de km2 au nord-est du ruisseau, est taillée dans une roche volcanique grise/marron, le pépérin, qu'on trouve en bloc ou en inclusion dans le tuf volcanique.

Les principales sculptures

  • ProtĂ©e, divinitĂ© marine ayant le don de mĂ©tamorphose, dont la tĂŞte sortant du sol porte sur son crâne les armoiries de la famille Orsini (les commanditaires du jardin),
  • Deux sphinx sur des piĂ©destaux se faisant face ;
  • Hercule Ă©cartelant Cacus qu'il maintient la tĂŞte en bas (ou peut-ĂŞtre Roland Ă©cartelant un berger) ; La figure d'Hercule pourrait ĂŞtre un portrait de Vicino Orsini.
  • Une tortue portant sur sa carapace une renommĂ©e ailĂ©e en Ă©quilibre prĂ©caire sur un globe terrestre soufflant dans deux trompettes (dĂ©truites) ;
  • Une Orque (sorte de baleine monstrueuse) en contrebas, la gueule ouverte qui semble attendre un faux pas de la tortue ou des promeneurs ...
  • PĂ©gase escaladant un monticule au centre du bassin d'une fontaine ;
  • Les Trois Grâces en bas-relief sur l'une des parois d'un nymphĂ©e ;
  • VĂ©nus sur une conque retournĂ©e dans une niche ;
  • Une nymphe endormie sur laquelle veille un petit chien ;
  • Échidna[4] (ou de manière impropre « sirène Ă  queue bifide ») ;
  • Un lion et une lionne ;
  • Une harpie Ă  pattes de lion et queue de sirène ;
  • Des ours (emblème des Orsini: Ursinus) prĂ©sentant leurs armoiries ;
  • Neptune, dieu des mers et des ocĂ©ans ou Pluton, dieu des enfers ;
  • Un dragon attaquĂ© par un lion et une lionne ;
  • Un Ă©lĂ©phant de l'armĂ©e d’Hannibal soulevant un lĂ©gionnaire romain ;
  • La tĂŞte d'un ogre sur la lèvre supĂ©rieure duquel est inscrit « Toute pensĂ©e s'envole» (Ogni pensiero vola) aussi appelĂ©e la Porte des enfers (faisant clairement rĂ©fĂ©rence Ă  l'Enfer de Dante) avec sa bouche ouverte monumentale qui permet aux visiteurs d'entrer se reposer - paradoxalement - au frais ;
  • CĂ©rès, dĂ©esse de l'agriculture, assise, portant sur sa tĂŞte une coupe fleurie avec dans son dos un groupe de sirènes et d'enfants ;
  • Un buste de Proserpine, fille de CĂ©rès et Jupiter, Ă©pouse de Pluton, dĂ©esse des saisons dont les bras reposent sur le dossier d'un banc ;
  • Cerbère, le chien Ă  trois tĂŞtes qui garde la porte des Enfers ;
  • Des fruits gĂ©ants, des pommes de pin, des glands, des vasques...
  • Échidna.
  • L'ÉlĂ©phant d’Hannibal.
    L'Éléphant d’Hannibal.
  • La Porte de l'Ogre (entrĂ©e des Enfers).
    La Porte de l'Ogre (entrée des Enfers).
  • Hercule Ă©cartelant Cacus (ou peut-ĂŞtre Roland Ă©cartelant un berger)
    Hercule Ă©cartelant Cacus (ou peut-ĂŞtre Roland Ă©cartelant un berger)
  • La Tortue.
    La Tortue.
  • ProtĂ©e-Glaucos.
    Protée-Glaucos.
  • La Maison penchĂ©e.
    La Maison penchée.

Les constructions et bâtiments

  • Un petit mausolĂ©e effondrĂ© reprenant les ornements de la Rome antique et des niches Ă©trusques ;
  • Un nymphĂ©e ;
  • Un petit théâtre de verdure ;
  • La Maison penchĂ©e : dĂ©diĂ©e au cardinal Cristoforo Madruzzo, ami de Vicino Orsini et de sa femme[5];
  • Un banc dont le dossier prĂ©sente les armoiries des Orsini ;
  • Un banc Ă©trusque abritĂ© sous un arc sur lequel est gravĂ© cette inscription “Voi che pel mondo gite errando, vaghi/ di veder meraviglie alte e stupende, / venite qua dove son facce orrende / elefanti, leoni, orsi, orchi e draghi” ;
  • Le Temple de l'ÉternitĂ© : le mĂ©morial Ă  Giulia Farnese situĂ© au sommet du jardin. C’est un bâtiment octogonal surmontĂ© d'une coupole et d'un clocheton en son sommet. Il est prĂ©cĂ©dĂ© d'un portique de plan carrĂ© accolĂ© composĂ© d'une façade prĂ©sentant un fronton triangulaire percĂ© en son centre d'un arc se prolongeant dans la profondeur du bâtiment et d'une colonnade supportant l'ensemble. On retrouve ces colonnes, mais cette fois engagĂ©es (c'est-Ă -dire, Ă©mergeant des parois), autour de la rotonde. L'ensemble est un mĂ©lange de style grec (cf. fronton et colonnade du temple de SĂ©geste), classique (cf. le tempietto se trouvant dans la cathĂ©drale Saint-Martin de Lucques) et renaissance. Il abrite aujourd’hui les sĂ©pultures de Giovanni Bettini et Tina Severi, restaurateurs des jardins.

Les inscriptions

De nombreuses inscriptions sont gravées sur les socles des statues, sur des plaques ou sur des pans de mur. Elles sont souvent difficiles à interpréter car elles font référence à des milieux littéraires propres à l'époque ou à des devises adoptées par les Orsini et par Vicino lui-même. Certaines sont issues de textes antiques ou des poètes de la Renaissance voire des proches du Condottiere et sont souvent équivoques ou symboliques à l'instar des textes hermétiques.

Sur la panca étrusque : Voi che pel mondo gite erando vaghi / Di veder maraviglie alte e stupende / Venite qua, dove son faccie horrende / Elefanti leoni orsi orchi et draghi - « Vous qui allez errants par le monde / Pour contempler de hautes et stupéfiantes merveilles, / Venez ici ! Vous y trouverez des faces terribles / Éléphants, lions, ours, ogres et dragons. »

Sol per sfogare il Core - « Juste pour libérer le cœur. »

Ogni Pensiero Vola - « Chaque pensée s'envole ».

Notte et Giorno noi siam vigili et pronte Aguardar dogni inguiria questa fonte - « Nuit et jour nous sommes vigilants, prêts à protéger cette source. »

Tu ch'entri qua con mente parte a parte et dimmi poi se tante meraviglie sien fatte per inganno o pur per arte. - « Toi qui entre ici, ait l'esprit de me dire si tant de merveilles furent faites pour tromper ou purement pour l'art »

Symbolisme et interprétation

Les jardins présentent un ensemble de thèmes de la mythologie grecque et de la Renaissance.

Différentes scènes peuvent évoquer des épisodes d’œuvres baroques telles que le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, ou le poème Floridant de Bernardo Tasso ou encore le Orlando furioso de L'Arioste.

De nombreuses interprétations ont été tentées, tant des statues que du parcours lui-même, depuis la redécouverte des jardins au XXe siècle sans toutefois permettre d'arriver à un consensus entre les différents historiens et auteurs.

Les jardins de Bomarzo dans les arts

Les jardins de même que la vie de Vicino Orsini ont inspiré de nombreux artistes modernes :

  • Hella S. Haasse a publiĂ© un essai sur l'histoire des jardins, Les jardins de Bomarzo (1968 Ă©d. nĂ©erlandaise).
  • Mario Praz a Ă©crit des articles sur les jardins, I mostri di Bomarzo (1949), Il giardino dei sensi 1975.
  • BrassaĂŻ a pris de nombreuses photos des jardins, The mammoth figures of Bomarzo (Harper's Bazaar, ).
  • Ă€ partir de 1960, le peintre hollandais Carel Willink a utilisĂ© dans ses peintures des motifs du jardin.
  • Manuel Mujica Láinez (romancier argentin) a publiĂ© un roman basĂ© sur la vie de Vicino Orsini, Bomarzo (1962).
  • Alberto Ginastera a Ă©crit une cantate Cantata Bomarzo et un opĂ©ra Bomarzo, crĂ©Ă© Ă  Washington en 1967 après que cet opĂ©ra a Ă©tĂ© interdit de crĂ©ation Ă  Buenos Aires par le gouvernement argentin pour atteinte aux bonnes mĹ“urs.
  • Laurent Grasso a rĂ©alisĂ© le court-mĂ©trage Bomarzo en 2011 (18 min). Sur des images en super 8, la narration en voix off est une construction qui mĂŞle des citations d'inscriptions gravĂ©es sur les socles de sculptures, les plaques et les pans de murs, issues de documents et d'Ă©tudes sur Bomarzo et du Songe de Poliphile.
  • Michèle Barrière y place une scène de crime dans Natures mortes au Vatican : roman noir et gastronomique en Italie Ă  la Renaissance.

Références

  • Hella Haase, Les jardins de Bomarzo, Seuil, Paris 2000
  • Jessie Sheeler, Le Jardin de Bomarzo - Une Ă©nigme de la Renaissance, Actes Sud, Arles 2007

Notes

  1. Hella Haasse – Les jardins de Bomarzo
  2. Encyclopédie Encarta en Français
  3. Selon Wikipedia italien, PierFrancesco Orsini, dit Vicino Orsini, est décédé le 28 janvier 1585 et sa sépulture se trouve dans l'église paroissiale de Santa Maria Assunta, cf Vicino Orsini
  4. Maurice Fleurent, Le Monde secret des jardins, Flammarion, 1987, (ISBN 978-2706607479)
  5. « Le jardin de Vicino Orsini à Bomarzo (1547-1580); », sur italie-infos.fr (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • « Le Bois sacrĂ©, Bomarzo » in Caroline Holmes, Folies et fantaisies architecturales d'Europe (photographies de Nic Barlow, introduction de Tim Knox, traduit de l'anglais par Odile Menegaux), Citadelles & Mazenod, Paris, 2008, p. 22-27 (ISBN 978-2-85088-261-6)
  • « Les jardins de Bomarzo » de Jessie Sheeler, Mark Smith et Christine Piot, Actes Sud, 2007.
  • Richtsfeld, Bruno J.: Der "Heilige Wald" von Bomarzo und sein "Höllenmaul". In: Metamorphosen. Arbeiten von Werner Engelmann und ethnographische Objekte im Vergleich. Herausgegeben von Werner Engelmann und Bruno J. Richtsfeld. MĂĽnchen 1989, S. 18 - 36.
  • Benoist-MĂ©chin, L'Homme et ses Jardins, Éditions Albin Michel, 1975.
  • Manuel Mujica Lainez, Bomarzo, Editions Le cherche-midi, 1923
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