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Iasnaïa Poliana (domaine)

Iasnaïa Poliana dans le gouvernement de Toula (en russe : Ясная Поляна, litt. « La clairière aux frênes », du russe iassen, « frêne » et poliana, « clairière », expression également traduite par « clairière lumineuse » ou « claire clairière ») est un grand domaine (380 hectares)[1] dont Léon Tolstoï hérita à la mort de sa mère. La propriété se situe à 12 km au sud-ouest de la ville de Toula (elle-même à 200 km au sud de Moscou). Tolstoï dut quitter cet endroit pour Moscou à l'âge de neuf ans, ce qui provoqua chez lui une tristesse et une nostalgie si forte, qu'il retourna y vivre après 1847, et ce jusqu'à sa mort en 1910. Entre 1882 et 1901, il passa ses hivers dans sa maison de Moscou, rue Khamovniki[2]. C'est à Iasnaïa Poliana qu'est enterré Tolstoï[3]. Ce domaine a survécu au bolchevisme et au stalinisme. Il est actuellement géré par l'État russe, et la famille Tolstoï.

Iasnaïa Poliana
Image illustrative de l’article Iasnaïa Poliana (domaine)
Nom local Ясная Поляна
Coordonnées 54° 04′ 34″ nord, 37° 31′ 34″ est
Pays Drapeau de la Russie Russie
Localité Près de Toula
Géolocalisation sur la carte : Russie européenne
(Voir situation sur carte : Russie européenne)
Iasnaïa Poliana
Site web www.yasnayapolyana.ru

C'est en ces lieux que Tolstoï écrivit Guerre et Paix (ainsi qu'au domaine de Nikolskoïe-Viazemskoïe) et Anna Karénine. Il connut ses plus grandes joies à Iasnaïa Poliana mais avec son évolution morale le domaine, propriété privée et lieu de pouvoir, devint contradictoire. C'est aussi de là qu'il s'enfuit pour la gare d'Astapovo.

Son épouse, Sophie Tolstoï, a laissé des milliers de clichés du domaine, aujourd'hui dans les archives d'État de la fédération de Russie, pour la plupart. Le château abrite aujourd’hui le musée Tolstoï. L'on y accède par une allée de bouleaux argentés.

La vie à Iasnaïa Poliana

La maison

La chambre de Tolstoï

La maison en elle-même date des premières années du XIXe siècle. Ce n'est à l'origine que l'aile du château de Nicolas Volkonski, grand-père de Tolstoï. Ce château construit en 1763 est en fait celui dans lequel Tolstoï est né. Il est vendu en 1854 (sans les ailes) pour être démonté et reconstruit trente kilomètres plus loin, dans la localité de Dolgoïe.

Tolstoï et sa famille s'installent alors dans l'aile nord, modifiée et agrandie, tandis que l'aile sud, dans laquelle l'écrivain va fonder son école, est restée la même qu'à l'origine.

Plus d'une dizaine de personnes vivent constamment dans la maison qui comprend de nombreuses pièces, de la chambre de Tolstoï à la chambre du docteur (un médecin est en effet attaché à la famille Tolstoï ; le dernier est Dushan Makovitsky)[1].

L'école

L'école de Iasnaïa Poliana en 1861-1862

Tolstoï ouvre en 1859 une école dans l'aile sud de l'ancien château, dans laquelle il veut offrir à ses paysans l'éducation qu'il n'a jamais eue et appliquer ses principes pédagogiques (Il écrit donc les Quatre livres de lecture). Tolstoï affirme qu'il est prêt à se sacrifier à ce projet « Je consacrerai tout mon bien et toutes mes forces à la réalisation de ce programme »[4]. Néanmoins, durant l’année 1861, Tolstoï est nommé « conciliateur des litiges ». Un manifeste du tsar Alexandre II, qui a succédé à Nicolas Ier, vient en effet de décréter l’affranchissement des serfs. Mais, dès sa promulgation, des différends surviennent entre les propriétaires fonciers et les paysans, et le gouvernement veut les régler avec l’aide d’« arbitres de paix ». Pendant un an, Tolstoï s’acquitte de sa tâche consciencieusement.

Le , Léon Tolstoï, à l'âge de trentre-quatre ans, épouse Sophie Behrs, une jeune fille de dix-huit ans, fille d’un médecin attaché à l’administration du palais impérial de Moscou. Il se remet à écrire et termine Les cosaques, commencé dix ans plus tôt et qui obtient très vite un grand succès.

Toutefois, après la rédaction de Guerre et Paix, Tolstoï reprend l'école en 1869 fréquentée par trente-cinq enfants de paysans de la région. Il rédige alors un abécédaire, Les quatre livres de lecture, recueil de centaines de récits, fables, contes et légendes populaires composés ou adaptés par Tolstoï.

Aux champs

Tableau représentant un homme guidant un souci de charrue, tiré par deux chevaux.
Tolstoï dans un champ de labour par Répine (1887)

Préoccupé de la condition paysanne, Léon Tolstoï soutient ses serfs. Attentif à leur bien-être, d'une condition physique robuste, il les aide aux champs[5]. Ilia Répine rapporte lorsqu'il explique la genèse du tableau Tolstoï dans un champ de labour qu'il a suivi Tolstoï appelé par une veuve à l'aider dans son champ, et que celui-ci a travaillé sans interruption pendant six heures, ce qui a permis à Répine de remplir son carnet de croquis[6].

Tolstoi en son domaine

Les milliers de visiteurs qui venaient à Iasnaîa Poliana étaient fort surpris de voir la famille Tolstoï manger dans des services en argent. Tolstoï, qui était de son temps, adorait jouer au tennis (cour en gazon de la propriété) et rouler à bicyclette offerte par la « Société moscovite des passionnés de vélocipède »[5].

Tolstoï tond son gazon. Il fabrique lui-même ses chaussures se faisant cordonnier[5].

La rédaction de Guerre et Paix et d'Anna Karénine

Léon Tolstoï a écrit ses chefs-d’œuvre ici, assis face à son bureau, dans sa chambre du rez-de-chaussée.

La tombe de Tolstoï

La tombe de Tolstoï dans le parc de Iasnaïa Poliana.

La tombe de Tolstoï est particulière, car elle forme un simple monticule, sans croix, ni pierre tombale, ni inscription. Tolstoï voulait être enterré là, en souvenir du jeu des frères Fourmis[7]. Elle produisit un vif effet sur Stefan Zweig[8] « [n'avoir] rien vu en Russie de plus grandiose, de plus saisissant que la tombe de Tolstoï ». Il ajoute :

« Ni la crypte de Napoléon sous la coupole de marbre des Invalides, ni le cercueil de Goethe dans le caveau des princes, ni les monuments de l'abbaye de Westminster n'impressionnent autant que cette tombe merveilleusement silencieuse, à l'anonymat touchant, quelque part dans la forêt, environnée par le murmure du vent, et qui ne livre par elle-même nul message, ne profère nulle parole. »

— Stefan Zweig, Le monde d'hier. Souvenirs d'un Européen

L'écrivain et académicien français Dominique Fernandez a lui aussi été profondément marqué par cette tombe. Il déclarait ainsi dans un entretien au Courrier de Russie[9]°: « c'est la tombe la plus émouvante que j'aie jamais vue. La simplicité du génie, tout est là ».

Le musée Tolstoï et Iasnaïa Poliana de 1905 à nos jours

La salle à manger
Iasnaïa Poliana en 1908 par Sergueï Prokoudine-Gorski.

Les paysans de Iasnaïa Poliana protègent le domaine pendant la révolution russe de février 1917[10]

En 1921, le domaine fut transformé en musée à la mémoire de l'écrivain[11] - [12]. Il est d'abord dirigé par une des filles de Tolstoï, Alexandra Tolstoï.

Les paysans encore pendant la Seconde Guerre mondiale protègent toujours le domaine. La tombe de Tolstoï est profanée par la Wehrmacht, les soldats allemands enterrant leurs morts à côté de celle-ci ; la propriété étant transformée en hôpital militaire[13]. Le domaine échappe toutefois au pillage, les Soviétiques ayant auparavant évacué les objets les plus précieux. Après la guerre, il fut restauré, et rendu à l'état dans lequel il était du vivant de Tolstoï.

En 1994, la direction du musée est reprise par Vladimir Tolstoï, l'arrière petit-fils de Tolstoï[14]. Cette nomination marque le retour de la famille Tolstoï à Iasnaïa Poliana. En 2012, il cède sa place à Ekaterina Tolstaya, son épouse[15] - [16], à la tête du musée[17].

Le musée contient les effets personnels de Tolstoï, ses meubles, ainsi que sa bibliothèque de 22 000 volumes. On y visite également l'école fondée par Tolstoï.

Références

  1. Iasnaïa Poliana sur le site Russie.net
  2. aujourd'hui, 21, rue Léon-Tolstoï
  3. Visite de Stefan Zweig à Iasnaïa Poliana
  4. Léon Tolstoï, Œuvres pédagogiques
  5. Jean-François Nadeau Silence de Tolstoi sur Le Devoir 17 mai 2003
  6. Репин И. Е. (I. I. Répine) 1953, p. 382.
  7. Le frère de Léon Tolstoï, Nicolas, avait inventé le jeu des "Frères Fourmis" (selon Tolstoï, en référence à l'idéal des Frères moraves (mouraveï, « fourmi » en russe). « La fraternité des Fourmis nous était révélée, mais le secret principal : que faire pour que les hommes n’aient plus de malheur, ne se querellent jamais et soient toujours heureux, était écrit par lui, nous disait-il, sur un petit bâton vert, et ce bâton vert était enfoui dans le chemin, au bord d’un ravin (Starï-Zakaz), à cet endroit où, puisqu’il faudra quelque part enfouir mon corps, j’ai demandé d’être enseveli en souvenir de Nikolenka » - Notes manuscrites recueillies par Paul Birukov et publiées dans : Paul Birukov, Léon Tolstoï, vie et œuvre, Traduction par J.-W. Bienstock, éd.Félix Alcan, 1906, Tome 1, p. 101-103.
  8. « La tombe de Tolstoï / Stefan Zweig », sur agora.qc.ca, 1-11-30 (sic) (consulté le )
  9. « Tourisme russe: rêves et projets », sur lecourrierderussie.com, (consulté le )
  10. France Culture // Histoires de musique par Marianne Vourch, Iasnaïa Poliana, l’école de Tolstoï
  11. « Domaine-musée Tolstoï. Iasnaïa Poliana, Toula, Russie », sur data.bnf.fr, (consulté le )
  12. (en) « The Museum », sur ypmuseum.ru (consulté le )
  13. Brian Moynahan, Le concert héroïque, JC Lattès, 2014 s.p
  14. « RUSSIE. Léon Tolstoï rentre enfin à la maison », sur Courrier international, (consulté le )
  15. (en) « The Tolstoys today: Tracking down a famous family », sur rbth.com, (consulté le )
  16. À ne pas confondre avec la petite-fille de Tolstoï qui répond au même nom.
  17. (en) « The museum at present », sur ypmuseum.ru/en (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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