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Hiver nucléaire

Un hiver nuclĂ©aire est un phĂ©nomĂšne climatique hypothĂ©tique de baisse globale des tempĂ©ratures de surface, prĂ©dit comme pouvant ĂȘtre le rĂ©sultat d’une guerre nuclĂ©aire massive. Il serait analogue Ă  l’hiver volcanique ou Ă  l'hiver d'impact.

MĂ©canisme

Un hiver nucléaire serait un refroidissement global et durable du climat terrestre lié à l'absorption des rayonnements du Soleil par les aérosols injectés dans la stratosphÚre par un grand nombre d'explosions nucléaires[1].

PoussiĂšre

Une seule explosion de mĂ©gatonne au niveau du sol pulvĂ©riserait plusieurs millions de tonnes de roches en formant un cratĂšre et injecterait avec le « champignon atomique » de 10 Ă  30 000 tonnes de poussiĂšres sub-micromĂ©triques dans la stratosphĂšre[2] - [3].

L’explosion au niveau du sol de plusieurs milliers d’engins nuclĂ©aires au cours d’une mĂȘme guerre entraĂźnerait la formation dans la stratosphĂšre d’une couche opaque. Ces particules ne redescendant que trĂšs progressivement, cette couche pourrait rester prĂ©sente pendant des mois, voire des annĂ©es. TransportĂ©e par les puissants vents d’ouest en est, elle formerait une ceinture encerclant l’hĂ©misphĂšre nord entre 30 et 60 degrĂ©s de latitude[4].

Un tel scĂ©nario provoquant un « hiver nuclĂ©aire » serait donc techniquement possible, avec les arsenaux constituĂ©s pendant la course aux armements nuclĂ©aires. L'effet d'une explosion au niveau du sol correspond au scĂ©nario de Castle Bravo, qui pulvĂ©risa l’ülot de corail et provoqua des retombĂ©es radioactives dramatiques, suscitant l'Ă©motion internationale. Cependant, il faut souligner que cette hypothĂšse d'une explosion au sol de tout un arsenal est incohĂ©rente par rapport Ă  un emploi opĂ©rationnel dans une guerre nuclĂ©aire, oĂč l'emploi des armes nuclĂ©aires vise Ă  utiliser l'effet destructeur du souffle et du rayonnement thermique sur une surface la plus grande possible. Contrairement aux cas des bombes classiques, ces effets sont maximaux pour une explosion nuclĂ©aire en altitude, une explosion au sol Ă©tant nettement moins efficace[5]. Dans une telle explosion en altitude, l'onde de choc rebondit sur le sol et repousse la boule de feu avant contact, et cet effet de cratĂšre massif ne se produit pas.

Fumée

Les incendies des zones urbaines provoqueraient également la formation de grandes quantités de particules sous forme de fumées (suie), mais quoique plus opaques elles atteindraient plus difficilement la stratosphÚre et redescendraient plus rapidement (quelques mois)[2].

Conséquences sur les températures de surface

Carte montrant les changements en température aprÚs l'échange nucléaire. AprÚs 40 jours (en haut), aprÚs 243 jours (en bas).

Ces particules (poussiÚres et fumées), en absorbant la lumiÚre du Soleil, réduiraient la quantité de rayonnement solaire atteignant la surface, entraßnant un assombrissement et un refroidissement. Les fumées dans la troposphÚre provoqueraient à court terme (deux ou trois mois) un refroidissement important, tandis que les poussiÚres dans la stratosphÚre auraient un effet moins important mais plus durable (des années).

Ordre de grandeur[6] dans l’hypothĂšse d’un Ă©change nuclĂ©aire de 5 000 mĂ©gatonnes :

  • Localement dans les rĂ©gions continentales recouvertes les premiers mois par les fumĂ©es : un maximum Ă  15 jours avec une chute de tempĂ©rature pouvant atteindre 20 Ă  30 °C, Ă  110 jours les tempĂ©ratures seraient encore de 10 °C en dessous de la normale.
  • Au-dessus des ocĂ©ans, par contre, la variation de tempĂ©rature ne dĂ©passerait pas quelques degrĂ©s, avec dĂ©clenchement de tempĂȘtes violentes et durables dans les rĂ©gions littorales,
  • À l’échelle de l’hĂ©misphĂšre et pour de nombreuses annĂ©es, les tempĂ©ratures baisseraient de plusieurs degrĂ©s Ă  cause des poussiĂšres stratosphĂ©riques. À 300 jours les tempĂ©ratures continentales seraient encore Ă  4 °C en dessous des moyennes saisonniĂšres.

Conséquences écologiques

La combinaison de l’obscuritĂ© et du froid provoquerait d’énormes dommages Ă  la vie vĂ©gĂ©tale dans les rĂ©gions touchĂ©es, avec rupture des chaĂźnes alimentaires (rarĂ©faction des plantes, puis des herbivores, puis des carnivores faute de nourriture).

Conséquences humaines

Une baisse des tempĂ©ratures moyennes de seulement quelques degrĂ©s entraĂźne une chute des rĂ©coltes. Dans l’hypothĂšse d’un hiver nuclĂ©aire, la production agricole serait trĂšs fortement touchĂ©e. Les rendements s’effondreraient, d’autant plus que l’industrie serait anĂ©antie (production de pesticides, d’engrais, de produits pĂ©troliers pour vĂ©hicules agricoles). AssociĂ©e Ă  la destruction des rĂ©seaux de transport, de distribution et des rĂ©serves, une famine Ă  laquelle seraient confrontĂ©s les survivants pourrait ĂȘtre bien plus meurtriĂšre que la guerre elle-mĂȘme[7].

Autres consĂ©quences Ă©cologiques d’une guerre nuclĂ©aire globale

D’autres effets pourraient se combiner Ă  ceux de l’hiver nuclĂ©aire :

  • Les radiations seraient meurtriĂšres pour les ĂȘtres vivants dans les zones de retombĂ©es, du moins pendant les premiĂšres semaines.
  • Les oxydes d’azote gĂ©nĂ©rĂ©s par les explosions et injectĂ©s dans la stratosphĂšre dĂ©graderaient la couche d’ozone. La forte Ă©lĂ©vation en rayonnements ultraviolets qui en rĂ©sulterait aurait un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur la vie vĂ©gĂ©tale et animale. Cet effet serait encore plus persistant que ceux d’un hiver nuclĂ©aire car il faudrait attendre la restauration de la couche d’ozone.

Autres considérations

Un effort de prĂ©diction des effets mĂ©tĂ©orologiques d’une guerre nuclĂ©aire de grande envergure a Ă©tĂ© apportĂ© en 1983 par l’étude amĂ©ricaine « TTAPS » (initiales de ses auteurs, R. P. Turco, O. B. Toon, T. P. Ackerman, J. B. Pollack et Carl Sagan). Les auteurs se sont inspirĂ©s pour leur Ă©tude des effets de refroidissement provoquĂ©s par les tempĂȘtes de poussiĂšre sur Mars, et pour effectuer leur modĂ©lisation ils ont utilisĂ© un modĂšle simplifiĂ© Ă  deux dimensions de l’atmosphĂšre terrestre, en supposant que les conditions Ă  une latitude donnĂ©e soient constantes.

Le consensus, basĂ© sur des calculs plus sophistiquĂ©s, est que le modĂšle de l’étude TTAPS surestime probablement le degrĂ© du refroidissement, bien que la quantitĂ© de cette surestimation ne soit pas bien dĂ©finie. Bien qu’il soit certain qu’une guerre nuclĂ©aire serait dĂ©vastatrice, le degrĂ© des dommages imposĂ©s Ă  la Terre en gĂ©nĂ©ral reste sujet Ă  controverse.

L'acadĂ©micien russe Gueorgui Golitsyne a appliquĂ© son modĂšle de tempĂȘte de poussiĂšre Ă  la situation dĂ©coulant d'une catastrophe nuclĂ©aire de grande ampleur[8].

Notes et références

  1. L’hiver nuclĂ©aire, article de Richard Turco, Owen Toon, Thomas Ackerman, James Pollack et Carl Sagan, in La paix surarmĂ©e, Belin, p. 97, 1987, traduction en français de l'article Nuclear Winter: Global Consequences of Multiples Nuclear Explosions in Science, vol. 222, no 4 630, p. 1283-1292, 23 dĂ©cembre 1983.
  2. L’hiver nuclĂ©aire, article de Richard Turco, Owen Toon, Thomas Ackerman, James Pollack et Carl Sagan, in La paix surarmĂ©e, Belin, p 103, 1987, traduction en français de l'article Nuclear Winter: Global Consequences of Multiples Nuclear Explosions in Science, vol. 222, no 4630, p. 1283-1292, 23 dĂ©cembre 1983.
  3. Cette valeur, quoique impressionnante, n'est pas excessive. Le tir nuclĂ©aire Koon au cours de l'opĂ©ration Castle en 1954 vit la dĂ©tonation d'un engin de 1⁄10 mĂ©gatonne au niveau du sol. En rĂ©sulta un cratĂšre de 133 mĂštres de rayon et 25 mĂštres de profondeur (in US Nuclear Weapons, The Secret Story, Chuck Hansen, Aerofax, 1988, p. 67). Si par analogie on admet que ce cratĂšre Ă  la forme d'un cĂŽne on retrouve alors un volume de matĂ©riaux dĂ©placĂ© de 463 000 mĂštre cube. Si le corail est d'une masse volumique de 2 on arrive Ă  plus de 900 000 tonnes de matĂ©riaux dĂ©placĂ©s.
  4. Voir par exemple la simulation donnée par 5 million tons of smoke created by 100 Hiroshima-size nuclear weapons.
  5. Voir par exemple les modélisations de NukeMap pour comparer les explosions au sol ou en altitude.
  6. L’hiver nuclĂ©aire, article de Richard Turco, Owen Toon, Thomas Ackerman, James Pollack et Carl Sagan, in La paix surarmĂ©e, Belin, p. 105, 1987, traduction en français de l'article Nuclear Winter: Global Consequences of Multiples Nuclear Explosions in Science, vol. 222, no 4630, p. 1283-1292, 23 dĂ©cembre 1983.
  7. (en) Lili Xia, Alan Robock, Kim Scherrer et Cheryl S. Harrison, « Global food insecurity and famine from reduced crop, marine fishery and livestock production due to climate disruption from nuclear war soot injection », Nature Food, vol. 3, no 8,‎ , p. 586–596 (ISSN 2662-1355, DOI 10.1038/s43016-022-00573-0, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (ru)« Entretien avec Gueorgui Golitsyn » (version du 10 février 2012 sur Internet Archive)

Annexes

Bibliographie

  • Carl Sagan, Paul R.Ehrlich, Donald Kennedy et Walter Orr Roberts (prĂ©face de Lewis Thomas MD), The Cold and the Dark: The World after Nuclear War, W.W.Norton&Company, 1985.
  • Science Digest (Article de Andrew C.Revkin: Hard Fact about Nuclear Winter), .
  • Carl Sagan, Richard Turco, L'hiver nuclĂ©aire, collection Science ouverte, Seuil, 1991 (ISBN 978-2020127110).
  • Tony Rothman, Science a la Mode, Princeton Legacy Library, 2014.
  • Martin R.Mason, Doomsday Scenarios, Lulu.com, 2015.

Articles connexes

Liens externes

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