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Hans Jonas

Hans Jonas, né le à Mönchengladbach (Empire allemand) et mort le à la Nouvelle-Rochelle (État de New York, États-Unis), est un historien du gnosticisme et un philosophe allemand. C'est avec son éthique pour l'âge technologique qu'il s'est avant tout fait connaître, en particulier au-delà des cercles philosophiques. Cette éthique est développée dans son œuvre principale, Le Principe responsabilité (1979). Il est l'un des philosophes du XXe siècle à avoir réfléchi sur les problèmes environnementaux et les implications morales du génie génétique.

Biographie

Hans Jonas naît dans l'Empire allemand en 1903. Il devient très jeune un militant sioniste[1]. Il suit des études de philosophie à Fribourg, Berlin, Heidelberg et Marbourg. Il est l'élève de Husserl, Heidegger et Bultmann avec Hannah Arendt[2]. En 1928, il fait une thèse de doctorat sur la gnose.

En , il fuit l’Allemagne pour se réfugier à Londres, mais, fidèle à ses convictions sionistes, il débarque en 1935 en Palestine. Il y participe entre 1936 et 1939 aux actions de la Haganah, organisation juive paramilitaire. Parallèlement, il fait partie d'un groupe d'émigrés intellectuels autour de Gershom Scholem[1]. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, il rejoint la brigade de volontaires juifs qui va combattre, en 1943-1944, dans les rangs des Alliés, sur le front de l’Italie et ensuite en Allemagne, et participe à la libération de la Bavière.

En apprenant que sa mère est morte au camp de Maïdanek[1], Jonas refuse la proposition de l’éditeur allemand, qui en avait conservé les épreuves, d'imprimer le second tome de son livre sur la gnose. Ce n’est qu’en 1954 qu'il donne finalement son accord pour la publication de ce volume, qui sera dédié à la mémoire de sa mère. Il retourne ensuite en Israël, où il participe à la guerre d'indépendance et enseigne à l'université hébraïque de Jérusalem. Il quitte Israël en 1950 pour le Canada, où il enseigne à l'Université Carleton. De là, il déménage en 1955 à New York, où il enseigne à l'université The New School (à l'époque: The New School for Social Research) pour le reste de sa vie, où son amie Hannah Arendt deviendra également professeur pour le reste de sa vie en 1967.

Il a trois enfants avec sa femme Lore.

Pensée

Dans la philosophie qu'il énonce vers la fin de sa vie, Hans Jonas veut apporter une réponse aux problèmes que pose la civilisation technicisée, à savoir les problèmes environnementaux, les questions du génie génétique, etc. D'après lui, le pouvoir énorme qui est conféré à l'homme par la technoscience constitue un problème auquel doit répondre, en l'homme, une nouvelle forme de responsabilité. Celle-ci n'est pas à comprendre comme une attitude, mais plutôt comme une faculté proprement humaine que tout homme est tenu d'exercer.

On entend classiquement la responsabilité comme l’obligation d’assumer son acte (par exemple en expiant, si l’acte est une faute, ou en réparant les dommages dont il est l’origine). La responsabilité selon Jonas est à comprendre, bien plutôt, comme la sollicitude que doit avoir un individu pour une chose ou une personne vulnérable si elle lui est confiée.

Cette « responsabilitĂ© Â»-lĂ  interdirait Ă  l'homme d'entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger soit l'existence des gĂ©nĂ©rations futures, soit la qualitĂ© de l'existence future sur terre. C'est pourquoi, avant d'utiliser une technique, il devrait toujours « s'assurer Â» que toute Ă©ventualitĂ© apocalyptique soit exclue. Par cette prescription, Jonas exige une connaissance prĂ©alable Ă  l'agir. Parmi les prĂ©visions, il faut toujours accorder la prĂ©fĂ©rence Ă  la prĂ©vision pessimiste. C'est lĂ  l'humilitĂ© de la sagesse technologique.

Postérité et critiques

Hans Jonas est très connu en Allemagne, oĂą Le Principe responsabilitĂ© est le livre de philosophie le plus diffusĂ©[3]. Selon sa traductrice, la philosophie de la nature et l'Ă©thique de Jonas ont suscitĂ© Ă  la fois « une rĂ©ception très critique dans certains milieux de la philosophie française contemporaine » tout en donnant lieu Ă  des applications dans divers domaines dont la bioĂ©thique ou l'Ă©thique de l'environnement[4]. Selon plusieurs chercheurs[5] - [6] - [7], il a inspirĂ© le « principe de prĂ©caution Â» imposĂ© dans le droit positif français via les directives europĂ©ennes, diffĂ©rentes lois nationales (un article dans la loi sur les nouvelles rĂ©gulations Ă©conomiques), l'inclusion de la charte de l'environnement dans la Constitution de la Ve RĂ©publique, etc. Ce principe ne fait pas l'unanimitĂ© (voir l'article dĂ©diĂ©).

Dans Principe responsabilité ou principe espérance, le philosophe Arno Münster livre une lecture critique de la pensée de Hans Jonas. Il avance que la façon dont l'œuvre jonassienne a été accueillie, a occulté le fond de la pensée de son auteur : le rejet d'un rapport à l'avenir fondé sur la pensée de l'espérance et l'utopie concrète. Pour Münster, cet anti-utopisme s'inscrit dans la lignée de la polémique entre Günther Anders, ancien élève de Martin Heidegger avec Jonas et théoricien de l'« obsolescence de l'homme », et le philosophe marxiste Ernst Bloch, auteur du Le Principe espérance. Or, Münster estime que les arguments de Bloch justifient encore d'aborder l'avenir par la catégorie de l'utopie, et que la position jonassienne à ce sujet s'avère faible[8].

Publications

  • La Religion gnostique : Le Message du Dieu Ă©tranger et les dĂ©buts du christianisme, traduit de l'anglais par Louis Evrard, Paris, Flammarion, 1978
  • Le Principe responsabilitĂ© : une Ă©thique pour la civilisation technologique, traduit de l'allemand par Jean Greisch, Paris, Éditions du Cerf, 1990 ; rĂ©Ă©d. Paris, Flammarion, coll. « Champs : essais », 2008
  • Pour une Ă©thique du futur, 1990
  • Le Concept de Dieu après Auschwitz,1984 ; traduit de l'allemand par Philippe Ivernel, suivi d'un essai de Catherine Chalier, Paris, Payot & Rivages, 1994.
  • Une Ă©thique pour la nature, Paris, DesclĂ©e De Brouwer, coll. « Midrash Â», 2000
  • Le PhĂ©nomène de la vie, vers une biologie philosophique, 1966, De Boeck ; trad. Danielle Lories, 2001
  • Puissance ou impuissance de la subjectivitĂ©
  • Entre le nĂ©ant et l'Ă©ternitĂ©
  • Nature et responsabilitĂ©
  • Évolution et libertĂ©, traduit de l'allemand par Sabine Cornille et Philippe Ivernel, Paris, Rivages, coll. « Petite bibliothèque », 2005
  • Souvenirs : d'après des entretiens avec Rachel Salamander, traduit de l'allemand par Sabine Cornille, Philippe Ivernel, avant-propos de Lore Jonas, postface et notes Christian Wiese, Paris, Rivages, 2005
  • Le Droit de mourir
  • L'Art mĂ©dical et la responsabilitĂ© humaine, traduit, prĂ©sentĂ© et annotĂ© par Éric Pommier, prĂ©facĂ© par Emanuel Hirsch, Paris, Cerf, 2012
  • Essais philosophiques : du credo ancien Ă  l’homme technologique, Paris, Vrin, 444 p. ; trad. de l’anglais vers le français par Hans Jonas, 1974, Philosophical Essays, From Ancient Creed to Technological Man, University of Chicago Press, coll. « Midway reprint Â», 349 p., Bazin D. et DeprĂ© O. (dir. scientifiques), 2013
  • « La libertĂ© par l’image. Homo Pictor et la diffĂ©rence de l’Homme Â», trad. Emmanuel Alloa, Penser l'image II. Anthropologies du visuel, Les Presses du rĂ©el, 2015, 57-76
  • La gnose et l'esprit de l'AntiquitĂ© tardive. Histoire et mĂ©thodologie de la recherche, Milan, Mimesis, trad. et prĂ©sentĂ© par N. Frogneux, 2017.

Articles

Notes et références

  1. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 301-302
  2. Cf. le film Hannah Arendt (2013), où son rôle est joué par Ulrich Noethen.
  3. Encyclopédie de la culture politique contemporaine, Hermann (ISBN 978-2-7056-7018-4, lire en ligne), p. 109
  4. Lories et Depré 2003, p. 7
  5. Catherine Larrère, « Le principe de précaution et ses critiques », Innovations,‎ , pp. 9-26 (ISSN 1267-4982, lire en ligne)
  6. Olivier Godard, « Le principe de précaution », Revue Projet,‎ , pp. 39-47 (ISSN 0033-0884, lire en ligne)
  7. « Le principe de précaution est-il irresponsable ? », sur huffingtonpost.fr, (consulté le )
  8. Arno Münster, Principe responsabilité ou principe espérance ?, Le Bord de l'eau, , 257 p. (ISBN 978-2-35687-095-7)

Voir aussi

Bibliographie

Nathalie Frogneux, Hans Jonas ou la vie dans le monde, préface de J. Greisch, Bruxelles, De Boeck, 2001.https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:96475

  • (de) Klaus Harms, Hannah Arendt und Hans Jonas. Grundlagen einer philosophischen Theologie der Weltverantwortung, Berlin, WiKu-Verlag, 2003.
  • Danielle Lories et Olivier DeprĂ©, Vie et libertĂ© : phĂ©nomĂ©nologie, nature et Ă©thique chez Hans Jonas, Vrin, coll. « Problèmes et controverses », (ISBN 978-2-7116-1603-9, lire en ligne).
  • Jean-Christophe Mathias, « Hans Jonas et la nouvelle mission de la philosophie », dans Nicolas LĂ©chopier et Gilles Marmasse (dir.), La Nature entre science et philosophie,, Vuibert-SFHST, , chap. 56.
  • (fr) Jean-Christophe Mathias, Politique de Cassandre, Sang de la Terre, coll. « La pensĂ©e Ă©cologique Â», 2009.
  • (fr) Damien Bazin, Sauvegarder la nature : une introduction au principe de responsabilitĂ© de Hans Jonas, Paris, Ellipses, coll. « Philo Â», 128 p. (avec un avant-propos d’Alain Lipietz, Philip Pettit et Richard Howarth), 2006.
  • Éric Pommier, Ontologie de la vie et Ă©thique de la responsabilitĂ© selon Hans Jonas, Paris, Vrin, 2013.
  • Avishag Zafrani, Le DĂ©fi du nihilisme : Ernst Bloch et Hans Jonas, Paris, Hermann, 2014.

Image et corps vivant: penser Ă  partir de Hans Jonas. N. Frogneux et R. Franzini Tibaldeo (dir.), in Revue Philosophique de Louvain, 117/2, 2019.

Articles connexes

Liens externes

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