Grotte de la Roche-Cotard
La grotte de la Roche-Cotard est un site paléolithique situé à Langeais dans le département d'Indre-et-Loire. Un bloc de silex découvert lors d'un sondage stratigraphique sur le site en 1977 et dénommé depuis le « masque moustérien de la Roche-Cotard » est considéré comme l'une des premières manifestations artistiques attribuables à l'homme de Néanderthal.
Coordonnées |
47° 20′ 12″ N, 0° 25′ 51″ E |
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Pays | |
Région française | |
DĂ©partement | |
Vallée |
vallée de la Loire |
Localité voisine |
Occupation humaine | |
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Patrimonialité |
Historique
La grotte est découverte le par le propriétaire du terrain, François d'Achon, qui en entreprend une fouille rapide et découvre plusieurs niveaux d'habitats datés du Moustérien. En 1975, Jean-Claude Marquet entreprend une nouvelle campagne de fouilles qui permet de retrouver de nouveaux ossements animaux dans la grotte (renommée désormais Roche-Cotard I) et de découvrir deux sites complémentaires, l'un en contrebas de la grotte, l'autre quelques mètres plus à l'est, dénommés respectivement Roche-Cotard II et III[1].
Le gisement paléolithique de la Roche-Cotard est inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du [2] puis classé en avril 2021[3].
Description
La Roche-Cotard I
C'est une grotte naturelle qui ouvre au sud dans la falaise en tuffeau de la berge sud de la Loire. Elle comporte plusieurs couloirs, pour un développement total d'environ 60 m, et une seconde ouverture située à environ 15 m à l'ouest de l'ouverture principale[4]. Dès 1912, François d'Achon y découvre une série d’ossements d'animaux et de silex. Les os ont été retrouvés près de l'entrée principale de la grotte. Ils correspondent à plusieurs espèces de mammifères : bisons, ours, chevaux, hyènes, rhinocéros, marmottes et divers cervidés[4]. Les silex, environ une centaine d’exemplaires, ont été retrouvés vers le fond du premier couloir : coups de poing et haches de type acheuléen, couteaux, racloirs et pointes de type moustérien[4].
La Roche-Cotard II
Un sondage opéré dans les sédiments (9 couches sédimentaires) a permis de découvrir un niveau d'occupation (dans la couche 7) daté du Moustérien d'environ 0,20 cm d’épaisseur. Il comprend trois zones : une cuvette à l'ouest, un petit amas d'outils au sud-est et une zone plus pauvre à l'est. La cuvette mesure environ 0,40 m de diamètre sur 0,15 m d’épaisseur. Creusée dans le sable jaune issu de l'altération du tuffeau, elle renfermait une côte d'un grand herbivore. Elle correspond à l'emplacement d'un foyer (sable rubéfié). La côte a été datée en 1980 au C14 d'un âge supérieur ou égal à 32 100 ans (Gif 4383). Quelques outils (racloirs) ont été retrouvés autour de cette cuvette. L'amas d'outils en silex du sud-est se composait de lames type Levallois et de quelques éclats. Plus à l'est, la zone correspond à un espace périphérique de type dépotoir. C'est parmi des éclats et des esquilles d'os que fut découvert un bloc de silex local appelé « le masque »[1].
L'absence de très petits éclats et la quasi-absence de petits éclats, ainsi que leurs origines diverses, indiquent que les silex n'ont pas été taillés sur place. Le site peut donc être considéré comme un campement de chasseurs moustériens[1].
La Roche-Cotard III
Ce niveau d'occupation correspond à un abri découvert par sondage en 1977. Les sédiments renfermaient de nombreux ossements de grands mammifères (hyènes des cavernes, loup, renard, cerf élaphe, cerf Mégaceros, chevreuil, bœuf primitif, bison, chevaux) et de plus petits (lapins, marmottes). La datation au 14C d'une omoplate de grand herbivore correspond à un âge supérieur ou égal à 45 000 ans (Gif 4384). La découverte d'une vingtaine d'éclats de silex et d'un nucléus d'origine fluviale indiquent une occupation humaine avec débitage sur place[1].
DĂ©couvertes et datations
Le Masque moustérien
Il fut découvert lors du sondage opéré sur le secteur dit Roche-Cotard II. C'est un petit bloc en silex local qui mesure au plus large 10,55 cm pour une hauteur maximale de 9,8 cm et une épaisseur comprise entre 4,05 cm et 3,1 cm. Sur sa face antérieure, le bloc est percé dans le sens de la largeur d'un trou naturel évidé aux deux extrémités. Une esquille osseuse (7,44 cm de longueur sur environ 1,4 cm de largeur) a été introduite et bloquée par de petites plaquettes volontairement dans ce conduit dont elle déborde de part et d'autre de manière équilibrée. Le bloc a fait l'objet de retouches : enlèvement d'éclats sur chaque face et régularisation en périphérie afin d'en renforcer la symétrie[5]. L'ensemble fait penser à un visage humain ou animal d'où son appellation de « masque moustérien de la Roche-Cotard » : « il figure une sorte de face avec son front (en haut), ses orbites (le 1er et le 3ème tiers du conduit), son nez (le pont rocheux) »[5].
Francesco d'Errico (en) et Paul Pettitt ont contesté le caractère symbolique de l'objet. Pour d'Errico, le bloc pourrait correspondre à un poids destiné à tendre une peau, mais son poids très faible (199 g) invalide cette thèse. Pour Pettitt, le bloc pourrait être un jouet enfantin, mais cela ne permet pas d'expliquer la recherche de symétrie[6].
Datations
En 2009, deux nouvelles datations au 14C effectuées sur des os appartenant à la même couche sédimentaire que celle du masque ont indiqué un âge supérieur à 40 000 ans.
En 2014, une datation des sédiments par luminescence stimulée optiquement (OSL) a proposé l'âge de 75 600 ans +/- 5800 pour la couche contenant le masque[6].
En 2023, une étude pluridisciplinaire, pilotée par le géologue Jean-Claude Marquet, a été réalisée dans la grotte de la Roche-Cotard. Elle a été menée par un collectif de scientifiques du Muséum (dont Morgane Calligaro, doctorante au sein de l’UMR HNHP - NOMADE), de l’INRAP et du CNRS. Dans cette étude, de nouvelles datations confirment que Néandertal est l'auteur des tracés digitaux découverts en 1975[7].
Notes et références
- Marquet 1990
- « Arrêté portant inscription au titre des monuments historiques du gisement paléolithique de la Roche-Cotard à LANGEAIS (Indre-et-Loire) »
- « Gisement paléolithique de la Roche-Cotardl », notice no PA37000038, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Debreuil-Chambardel 1912
- Marquet et Lorblanchet 2000
- Marquet et al. 2016
- Jean-Claude Marquet, « Les plus anciennes gravures de Néandertal en France », sur mnhn.fr le site du Muséum national d'histoire naturelle, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Louis Debreuil-Chambardel, « La grotte moustérienne de la Roche-Cotard. (Indre-et-Loire) », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, vol. 3, nos 1-2,‎ , p. 40-41 (lire en ligne)
- Jean-Claude Marquet, Le site paléolithique moyen de La Roche-Cotard, commune de Langeais (Indre-et-Loire), vol. 2, Paris, Congrès Préhistorique de France 21e Session Montauban-Cahors, , p. 189-206
- Jean-Claude Marquet, « Organisation de l'espace et habitat moustérien de la Roche Cotard à Langeais (Indre-et-Loire) », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 87, nos 10-12,‎ , p. 317-320 (lire en ligne)
- Jean-Claude Marquet, Thierry Aubry, N. Byrne, F. Delpech, G. Desse, Jean-Jacques Macaire, F. Prat, J-C. Rage, B. Urban et L. Visset, Le site préhistorique de La Roche-Cotard à Langeais (Indre-et-Loire), Chambray-lès-Tours, Ed. CLD, , 127 p.
- Jean-Claude Marquet et Michel Lorblanchet, « Le masque moustérien de La Roche-Cotard, Langeais (Indre-et-Loire) », Paleo, no 12,‎ , p. 325-338 (lire en ligne)
- Jean-Claude Marquet et Michel Lorblanchet, « A Neandertal face ? The protofigurine from La Roche-Cotard, Langeais (Indre-et-Loire, France) », Antiquity, vol. 77, no 298,‎ , p. 661-670
- Paul B. Pettitt, « Is this the infancy of art ? Or the art of an infant ? A possible Neanderthal face from La Roche-Cotard, France », Before Farming (Western Academic & Specialist Press),‎ (lire en ligne)
- Jean-Claude Marquet, Michel Lorblanchet, Christine Oberlin, Edit Thamo-Bozso et Thierry Aubry, « Nouvelle datation du « masque » de La Roche-Cotard (Langeais, Indre-et-Loire, France) », Paleo, no 27,‎ , p. 253-263 (lire en ligne)