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Graphane

Le graphane est un matĂ©riau bidimensionnel cristallin dĂ©rivĂ© du graphĂšne. Issu de l'hydrogĂ©nation complĂšte d'une feuille de graphĂšne, il est nommĂ© ainsi par analogie avec les alcanes : Ă  chaque atome de carbone est associĂ© un atome d'hydrogĂšne dont la liaison est perpendiculaire au plan du cristal. L’intĂ©rĂȘt portĂ© Ă  ce nouveau matĂ©riau s’explique par les applications concrĂštes dont il pourrait ĂȘtre le sujet, comme le stockage de l’hydrogĂšne, ou sa probable utilisation en micro et nanoĂ©lectronique.

Graphane
Image illustrative de l’article Graphane
Molécule de graphane
Identification
No CAS 1221743-01-6
Propriétés chimiques
Formule (CH)n
Cristallographie
SystĂšme cristallin Hexagonal plan

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Histoire

Prédiction théorique

La prĂ©diction thĂ©orique de l'existence du graphane est gĂ©nĂ©ralement attribuĂ©e au professeur Jorge O.Sofo en 2007[1] ; cependant, quatre ans plus tĂŽt, une Ă©quipe japonaise avait fait cette prĂ©diction sans utiliser le mot "graphane"[2]. Le graphane a Ă©tĂ© obtenu pour la premiĂšre fois dĂ©but 2009, par une Ă©quipe internationale comprenant les deux codĂ©couvreurs du graphĂšne : Andre Geim et Konstantin Novoselov, laurĂ©ats du prix Nobel de physique 2010[3].

SynthĂšse du graphane

Le graphane a Ă©tĂ© obtenu par le procĂ©dĂ© suivant. Les Ă©chantillons de graphĂšne ont Ă©tĂ© premiĂšrement chauffĂ©s Ă  300 °C pendant 4 heures dans un gaz d’argon afin d’éliminer toute impuretĂ©. Ensuite, les Ă©chantillons ont Ă©tĂ© placĂ©s dans un plasma froid d’hydrogĂšne, ou plus prĂ©cisĂ©ment dans un mĂ©lange argon (90 %) - hydrogĂšne (10 %), Ă  basse pression (0,1 mbar). Les feuillets de graphĂšne Ă©taient placĂ©s entre deux Ă©lectrodes en aluminium, Ă  30 cm de la zone de dĂ©charge (permettant d’ioniser les molĂ©cules diatomiques d’hydrogĂšne) afin d’éviter un possible endommagement par des ions trop Ă©nergĂ©tiques. Il a fallu attendre typiquement deux heures pour que l’hydrogĂ©nation soit dĂ©crĂ©tĂ©e comme suffisante. Des mesures de rĂ©sistivitĂ© ont tout d'abord prouvĂ© que le graphĂšne est rĂ©actif chimiquement, mais surtout que le processus d'hydrogĂ©nation du graphĂšne est rĂ©versible par simple chauffage Ă  haute tempĂ©rature. Ces premiers rĂ©sultats ont Ă©tĂ© corroborĂ©s par spectroscopie Raman, qui a Ă©galement permis de vĂ©rifier qu'une hydrogĂ©nation des deux cĂŽtĂ©s du plan de graphĂšne produit deux fois plus de signal qu'une hydrogĂ©nation unilatĂ©rale. Enfin, la diminution du paramĂštre de maille a Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©e par des mesures topographiques par MET.

Propriétés

En prĂ©sence d’hydrogĂšne, le graphĂšne rĂ©agit : l’électron de l’atome d'hydrogĂšne se lie Ă  un Ă©lectron libre du graphĂšne (les Ă©lectrons de conduction fournis par les atomes de carbone) pour former une nouvelle liaison chimique. L'hybridation des atomes de carbone passe alors de sp2 Ă  sp3 (carbone tĂ©traĂ©drique). La structure est ainsi entiĂšrement saturĂ©e. Cette modification de l'hybridation a plusieurs consĂ©quences.

Propriétés structurales

PremiĂšrement, la structure spatiale du graphĂšne est modifiĂ©e. En effet, les atomes d’hydrogĂšne se lient aux atomes de carbone des deux cĂŽtĂ©s du plan de graphĂšne de façon alternĂ©e (un atome sur deux). Ils tirent donc de chaque cĂŽtĂ© du plan moyen, ce qui a pour consĂ©quence la modification de la structure atomique. Cette compression de la maille est toutefois compensĂ©e par l'Ă©longation des liaisons C-C qui valent dĂ©sormais 1,52 Ă… (contre 1,42 Ă… dans le graphĂšne), du fait qu'une double liaison est plus courte qu'une liaison σ (simple).

Propriétés électroniques

La structure du graphane ressemble alors Ă  celle du diamant, un allotrope isolant Ă  large gap en Ă©nergie. C’est donc sans surprise que le graphane est effectivement caractĂ©risĂ© par un comportement isolant, avec la particularitĂ© notoire que la largeur du gap peut ĂȘtre modulĂ©e par l’ajout d’une plus ou moins grande quantitĂ© d’hydrogĂšne[4]. C'est une des raisons pour lesquelles les articles parlent de plus en plus du graphane comme un matĂ©riau semi-conducteur. En effet, l’adsorption d’hydrogĂšne accompagnĂ©e du changement d’hybridation dĂ©place les bandes de conduction π, ouvrant un gap en Ă©nergie dans la structure de bande. Le gap d’énergie au point Γ (centre de la premiĂšre zone de Brillouin) vaut alors 3,5 eV (une valeur corrigĂ©e serait de 5,97 eV)[5].

Propriétés magnétiques

Le graphane idĂ©al est entiĂšrement non-magnĂ©tique: tous les Ă©lectrons participent aux liaisons C-C et C-H. Le retrait d’un atome d’hydrogĂšne engendre un passage Ă  la configuration Ă©lectronique sp2, plane, avec rĂ©apparition d’une orbitale pz perpendiculaire. Ce site vacant prĂ©sente ainsi un Ă©lectron non-appariĂ© qui gĂ©nĂšre un moment magnĂ©tique de 1 ÎŒB (magnĂ©ton de Bohr). Une absence d’atomes d’hydrogĂšne dans le graphane peut donner naissance Ă  des structures magnĂ©tiques particuliĂšres. Celles-ci dĂ©pendent de la forme et de la taille de la zone oĂč la dĂ©shydrogĂ©nation a Ă©tĂ© effectuĂ©e. Ces rĂ©sultats d’aimantation contrĂŽlĂ©e par dĂ©shydrogĂ©nation, bien que purement thĂ©oriques, encouragent les auteurs qui expliquent que des feuilles de graphane pourraient alors servir pour stocker des donnĂ©es, avoir des applications en spintronique, ou encore ĂȘtre utilisĂ©es en tant que marqueurs non toxiques en imagerie mĂ©dicale[5].


Applications

Stockage de l'hydrogĂšne

La caractĂ©ristique la plus intĂ©ressante rĂ©vĂ©lĂ©e par l'Ă©quipe qui a synthĂ©tisĂ© pour la premiĂšre fois le graphane est que le processus de fixation des atomes d’hydrogĂšne sur le graphĂšne peut ĂȘtre inversĂ© simplement en chauffant le graphane. Cette rĂ©versibilitĂ© fait du graphane un matĂ©riau prometteur pour stocker dans un faible volume de grandes quantitĂ©s d’hydrogĂšne facilement libĂ©rables. Il pourrait ainsi amĂ©liorer les rendements des actuelles piles Ă  combustibles Ă  dihydrogĂšne. Il faut malheureusement garder Ă  l'esprit que les coĂ»ts de production du graphĂšne sont encore bien trop Ă©levĂ©s actuellement pour envisager une distribution Ă  l'Ă©chelle industrielle (quelques millions de dollars pour quelques centimĂštres carrĂ©s). Une possibilitĂ©, selon le professeur M.Katsnelson, serait de se contenter de feuilles de graphĂšne multicouches, bien plus facile Ă  produire[6].

Nanoélectronique

Une seconde exploitation du graphane serait son utilisation comme matĂ©riau de base en micro et nanoĂ©lectronique. En effet, son caractĂšre semi-conducteur Ă  gap large peut servir de base Ă  de nombreux mĂ©canismes. Le fait que la hauteur du gap soit modulable par simple taux d’hydrogĂ©nation[4] - [7] ou par dĂ©coupe plus ou moins large d’un nanoruban[7], font du graphane un semi-conducteur particuliĂšrement intĂ©ressant. De plus, bien que tous deux semi-conducteurs, le graphĂšne et le graphane possĂšdent des gaps en Ă©nergie trĂšs diffĂ©rents (fondamentalement nul pour le graphĂšne ; de 5,97 eV pour le graphane[5]). Des mĂ©canismes combinant les deux matĂ©riaux sont fortement envisageables pour les conductions Ă©lectroniques souhaitĂ©es. RĂ©cemment, une Ă©quipe iranienne a prouvĂ© la faisabilitĂ© de jonction P-N Ă  base de graphane par simple dĂ©shydrogĂ©nation[8]. Une autre a mis en valeur son comportement supraconducteur lorsqu’il est dopĂ© p ; la tempĂ©rature critique atteindrait 90 K (bien au-dessus du point d’ébullition de l’azote)[9]. Enfin, les travaux thĂ©oriques de E.Penev et A.Singh, dĂ©montrent que la dĂ©shydrogĂ©nation localisĂ©e du graphane rĂ©vĂšle des domaines en graphĂšne se comportant comme des boĂźtes quantiques, ouvrant ainsi une nouvelle voie dans la recherche de pointe sur les semi-conducteurs[10].

Stockage de données

Les capacitĂ©s de magnĂ©tisation du graphane par simple dĂ©sorption d’atomes d’hydrogĂšne, en font un matĂ©riau convenant au stockage de donnĂ©es. L’arrachement d’atomes d’hydrogĂšne en surface est dĂ©jĂ  maĂźtrisĂ© par diverses techniques (en utilisant un faisceau laser par exemple).

ProblĂšme de la "H-frustration"

Lors de ces Ă©tudes sur le graphane, l’expĂ©rimentateur peut rencontrer un problĂšme important qui empĂȘche actuellement la fabrication d’une feuille de graphane idĂ©ale. En effet, le recouvrement uniforme de la couche de graphĂšne avec des atomes d’hydrogĂšne pose problĂšme. L’hydrogĂ©nation n’est pas parfaitement ordonnĂ©e, mais les Ă©tudes thĂ©oriques rĂ©vĂšlent un processus de croissance des domaines hydrogĂ©nĂ©s autour des quelques liaisons C-H initiales[11]. Quand deux domaines se rencontrent, il peut arriver que le recouvrement devienne incompatible avec la succession de liaisons alternĂ©es de chaque cĂŽtĂ© du plan. On parle de « H-frustration ». Ainsi, au niveau des parois entre domaines, la structure est perturbĂ©e et le paramĂštre de maille diminue. Ainsi, dĂšs les premiers instants du processus d’hydrogĂ©nation, des incompatibilitĂ©s de domaine sont prĂ©sentes, et il est malheureusement trĂšs improbable qu’une feuille de graphane parfaite soit obtenue. Les frustrations seront toujours prĂ©sentes.


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


Notes et références

  1. Sofo, Jorge O. et al. (2007). "Graphane: A two-dimensional hydrocarbon". Physical Review B 75 (15): 153401–4.
  2. Sluiter, Marcel; Kawazoe, Yoshiyuki (2003). "Cluster expansion method for adsorption: Application to hydrogen chemisorption on graphene". Physical Review B 68: 085410
  3. D. C. Elias and al. (2009). "Control of Graphene's Properties by Reversible Hydrogenation: Evidence for Graphane". Science 323 (5914): 610.
  4. D. W. Boukhvalov et al., Phys. Rev. B 77, 035427 (2008).
  5. H. ƞahin, C. Ataca, and S. Ciraci. Magnetization of graphane by dehydrogenation. Appl. Phys. Lett. 95, 222510 (2009)
  6. « ru.nl/english/general/news_age
 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?).
  7. H. ƞahin, C. Ataca, and S. Ciraci. Electronic and magnetic properties of graphane nanoribbons. PHYSICAL REVIEW B 81, 205417 (2010)
  8. Behnaz Gharekhanlou, Sina Khorasani. Current-voltage characteristics of graphane p-n junctions. IEEE Transactions on Electron Devices, vol. 57, no. 1, pp. 209-214 (2010)
  9. G. Savini, A. C. Ferrari, and F. Giustino. Doped graphane: a prototype high-Tc electron-phonon superconductor. Phys Rev Lett 105, 037002 (2010)
  10. Abhishek K. Singh, Evgeni S. Penev and Boris I. Yakobson. Vacancy clusters in graphane as quantum-dots. ACS Nano, 2010, 4 (6), pp 3510–3514
  11. Sergio B. Legoas, Pedro A. S. Autreto, Marcelo Z. S. Flores, Douglas S. Galvao (2009). “Graphene to Graphane: The Role of H Frustration in Lattice Contraction”
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