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Grand scandale des tramways américains

Le grand scandale des tramways américains est, dans les années 1970, le résultat des révélations concernant l'abandon, des années 1930 aux années 1950, des réseaux de transport en commun électriques de surface en raison du lobbying des grandes compagnies américaines des secteurs de l'automobile et du pétrole.

« Trams rouges » de Los Angeles de la Pacific Electric Railway, empilés en attente de leur démolition en 1956.

Le cadre

Dans les annĂ©es 1910-1920, les rues des grandes villes amĂ©ricaines comptent de plus en plus de voitures, notamment de Ford T produites en sĂ©rie, qui crĂ©ent des embouteillages ralentissant les tramways et les trolleys : entre 1915 et 1927, le nombre de voitures automobiles Ă  New York passe de 40 000 Ă  612 000[1]. En 1922, le PDG de General Motors crĂ©e un groupe de travail dont la mission est de concevoir une stratĂ©gie visant Ă  remplacer les tramways Ă©lectriques d'abord par des autobus, puis par des voitures[2].

Dans les années 1930, deux grandes firmes électriques, General Electric et Insull, ont pris possession de la plupart des compagnies de tramways, ce qui leur permet de lisser les pics de consommation et d’optimiser la production de leurs centrales[1].

En 1935, le Public Utility Holding Company Act oblige les compagnies électriques à vendre les compagnies de tramways[1] - [2]. General Motors, Standard Oil et Firestone s'allient à deux petites entreprises de transport, Rapid Transit Company et Yellow Coach Bus Company, pour racheter à bas prix les tramways dans une cinquantaine de villes américaines[1] (dont Détroit, New York, Oakland, Philadelphie, Chicago, St. Louis, Salt Lake City, Tulsa, Baltimore, Minneapolis, Seattle et Los Angeles). Les lignes de tramways sont supprimées ou remplacées par des autobus à essence, afin de créer de nouveaux débouchés à l'industrie automobile[1].

Les versions antagonistes

Il existe deux points de vue :

  • la premier point de vue est celui de « General Motors » selon lequel les dysfonctionnements des tramways Ă  cette Ă©poque rendaient leur fin inĂ©luctable, du fait de plusieurs facteurs :
    • l'invention du moteur Ă  explosion a fortement dĂ©veloppĂ© l'industrie automobile, qui a construit des voitures, les voyageurs en ont achetĂ© et n'utilisent donc plus les tramways, donc ceux-ci sont devenus obsolètes ;
    • les tramways dĂ©pendent fortement du trafic routier et les bouchons crĂ©Ă©s par les voitures ralentissent les trams ; de plus, le rĂ©seau ferrĂ© ou câblĂ© (trolleybus) Ă©tait concentrĂ© dans le centre-ville et les personnes rĂ©sidant en banlieue ont besoin de voitures pour se dĂ©placer. Ce phĂ©nomène a notamment Ă©tĂ© accentuĂ© par l'expansion des villes (suburbanisation), augmentant le nombre de personnes se dĂ©plaçant en voiture ;
    • des problèmes de gestion et de coĂ»ts auraient Ă©galement affaibli les tramways ; l'attribution d'aides financières publiques excluait le rĂ©seau de transport en commun Ă©lectrique du marchĂ© et faussait la libre concurrence.
  • le second point de vue affirme que le transport en commun Ă©lectrique est un bien commun et un service public qui n'a pas vocation Ă  ĂŞtre rentable, mais Ă  dĂ©congestionner les villes (si les 50 passagers d'un streetcar moyen prennent 25 voitures, ils occuperont 70 m de chaussĂ©e et pollueront en proportion) ; selon ce point de vue, l'industrie automobile et pĂ©trolière a sciemment voulu « tuer » les transports Ă©lectriques de surface des États-Unis afin de leur substituer des bus et des autos pour multiplier son chiffre d'affaires, violant ainsi les sections I et II du Sherman Antitrust Act.
Ce n'est pas seulement aux États-Unis que les tramways ont disparu au profit des bus et des voitures : à Mexico, il ne reste rien en 1965 du réseau électrique de la métropole mexicaine, ici en 1940 connecté devant la cathédrale. En France aussi, le dense réseau de trams de la région parisienne installé à partir de 1855 (qui desservait aussi les banlieues) disparaît totalement en 1938.

En 1947, un grand jury californien inculpe les neuf accusĂ©s : General Motors, Mack Manufacturing Company, Phillips Petroleum Company, Standard Oil Company of California, Federal Engineering Corporation (propriĂ©tĂ© de Standard Oil), Firestone Tire and Rubber Company, National City Lines (maison-mère de 46 sociĂ©tĂ©s de transport dans 16 États), Pacific City Lines (auparavant filiale de NCL) et American City Lines (filiale de NCL opĂ©rant dans les grandes agglomĂ©rations) d'avoir violĂ© le Sherman Antitrust Act[3]. L'acte d'accusation aboutit Ă  l'ouverture d'une procĂ©dure civile et pĂ©nale[3]. En 1949, l'affaire est transfĂ©rĂ©e Ă  Chicago, oĂą le procès s'ouvre[3]. Une thĂ©orie du complot des annĂ©es 1970 soutient que le procès aurait donnĂ© lieu Ă  une condamnation pour « complot en vue de dĂ©truire le système de transport en commun du pays », mais l'universitaire Martha J. Bianco souligne que les accusĂ©s ont Ă©tĂ© acquittĂ©s du premier chef d'accusation selon lequel ils auraient pris le contrĂ´le d'un nombre important d'entreprises de transport en commun uniquement dans le but d'Ă©liminer les rĂ©seaux de transport Ă©lectrique de surface[3]. Toutefois, General Motors est condamnĂ© Ă  une amende symbolique de 5 000 $ au titre du second chef d'accusation, selon lequel elle aurait complotĂ© en vue d'Ă©liminer la concurrence dans la vente de bus et de pièces dĂ©tachĂ©es Ă  National City Lines, sociĂ©tĂ© elle-mĂŞme contrĂ´lĂ©e par General Motors[3] - [1]. General Motors fait appel et voit sa peine confirmĂ©e en 1951[3]. Sur cette conclusion qui ne remet pas en cause la fin du transport Ă©lectrique urbain mais punit seulement (et lĂ©gèrement) l'entrave Ă  la concurrence, le dossier est classĂ© en 1955[3].

Références

  1. Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil, L'Événement anthropocène : la Terre, l'histoire et nous, Points, , 336 p. (lire en ligne).
  2. Francois Jarrige et Thomas Le Roux, La Contamination du monde : une histoire des pollutions à l'âge industriel, Le Seuil, coll. « L'Univers historique », , 480 p. (lire en ligne).
  3. (en) Martha J. Bianco, « Kennedy, 60 Minutes, and Roger Rabbit: Understanding Conspiracy-Theory Explanations of The Decline of Urban Mass Transit », sur marthabianco.com, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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