Grand-mère Kalle
Grand-mère Kalle ou Kal[1] est un personnage légendaire de l'île de La Réunion, département d'outre-mer français dans le sud-ouest de l'océan Indien. Vieille femme aux allures de sorcière, elle apparaît en tant que telle dans les contes réunionnais ainsi que dans la littérature d'enfance et de jeunesse réunionnaise. Personnage associé à l'esclavage, elle l'est également au Piton de la Fournaise, le volcan actif de l'île, où elle côtoie souvent Grand Diable, qui est parfois son époux.
Invention du personnage
À l'origine, Grand-mère Kal était invoquée surtout dans les « zistwar »[2] pour petits blancs. Légende obscure et maléfique qui oppose le mythe terrifiant des noirs marrons sanguinaires à celui de la croisade des chasseurs blancs, Grand-Mère Kalle existe depuis le temps de l'esclavage.
Grand-mère Kal donne lieu à plusieurs interprétations.
Selon les versions, dans sa jeunesse Grand-mère Kal, fut une esclave, prénommée Kalla, une belle femme ensorcelante au point que Zelindor, esclave marron chef d'une République noire, en fit sa femme. Elle n'était pas appréciée des esclaves marron puisque, esclave d'intérieur, elle bénéficiait de la confiance de sa jeune maîtresse dont elle était la confidente. On lui attribue la dénonciation de l'esclave marron Zelindor, lorsque celui-ci, par mégarde, enleva sa maîtresse à sa place. Son âme, d'abord errante puisque dit-on ses os gisaient au fond d'un gouffre vers L'Étang-Salé, ne retrouva le repos que lorsque la descendante de sa maîtresse réalisa la promesse de son aïeule en lui donnant une sépulture.
Kalla a pu apparaître dans certains contes comme une méchante propriétaire, ce qui explique qu'on lui associe quelquefois madame Desbassayns, dont le fantôme hanterait la côte ouest de l'île et dont les éruptions du volcan du Piton de la Fournaise seraient en fait ses supplications, son âme expiant ses péchés dans son cratère.
On lui attribue une sorte d'oiseau de compagnie, le « Bébèt tout » ou la Timise, qui serait inspiré du Fouquet ou du Pétrel de Bourbon et dont les cris peuvent être perçus comme sinistres (« Tououout »)[3]. Parfois, cette créature incarne Grand mère Kalle elle-même, qui annonce dangers, ou malheur et mort prochaine. Elle enlève les enfants de préférence à la tombée de la nuit (six heures du soir) et les jette dans la ravine où son petit-fils se serait noyé, pour lui tenir compagnie.
Pour l'écrivain Daniel Honoré, Granmèrkal est « LE symbole de l'imaginaire réunionnais »[4].
Le jeu
Un jeu du type chat ou chat perché est associé à la légende. Un enfant est désigné pour être grand-mère Kalle, il se vêt d'un grand châle, qu'il met sur sa tête. Les autres enfants participant lui demandent : « Grand-mère Kalle, quelle heure i lé? » et Grand-mère Kalle de répondre une heure de son choix, disant qu'il n'est pas très tard, etc. Lorsque Grand-mère Kalle dit « minuit », elle se rue sur le premier téméraire. Celui-ci devient Grand-mère Kalle à son tour s'il est touché.
Culture
Célèbre brasserie de l'île de la Réunion, les Brasseries de Bourbon ont produit en quantité limitée une bière nommée Gran Merkal en référence au personnage légendaire.
Le groupe musical réunionnais Ziskakan a composé une chanson sur le personnage de Grand mère Kalle, une autre sur l'esclave marron Kala.
La compagnie Baba Sifon a créé en 2017 le spectacle Kala, qui interroge l'identité de la femme réunionnaise à travers ce mythe[5].
Ces dernières décennies, Grand mère Kalle a resurgi de la mémoire collective grâce aux « rakontër zistwar » (conteurs) . Afin de contrer l'influence de la fête d'Halloween dans l'île, la ville de Saint-Paul a créé une animation à cette période, le Festikal[6]. Cependant, dans la légende, Grand Mère Kalle ne possède pas les attributs européens d'une sorcière : ni balai, ni chapeau, ni nez crochu[4].
« La Nuit de Kal » est un festival de rock métal ayant lieu chaque année à La Réunion[7].
Notes et références
- Grand-mère Kalle, Grand-mère Kal, Granmèr Kal ou Granmèrkal : autres orthographes rencontrées
- contes en créole réunionnais
- Design System, « Life+ Pétrels, Pétrel noir de bourbon », sur www.petrels.re (consulté le )
- Honoré, Daniel, Faisons... nos contes : quelques réflexions sur les contes traditionnels de la Réunion, Ille-sur-Têt, Éd. K'A, impr. 2009, 100 p. (ISBN 978-2-910791-65-0 et 2-910791-65-3, OCLC 470580811, lire en ligne)
- « Cie Baba Sifon : Spectacle », sur www.babasifon.com (consulté le )
- « Sauvetage culturel ou mascarade », Le Quotidien de la Réunion, , p. 12
- « La Nuit de Kal - Ville de Saint-Denis de La Réunion », sur www.saintdenis.re (consulté le )
Bibliographie
- Grand-mère Kalle, Yves Manglou, éditions du Paille-en-queue noir 1999 - (ISBN 2-912797-02-0). Roman jeunesse.
- Mais que fait grand-mère Kalle, Joëlle Ecormier, Océan Éditions, 2006 - (ISBN 2-916533-12-5). Album.
- Faisons nos... contes, Daniel Honoré, Editions K'A, 2009 - (ISBN 2-910791-65-3). Essai.
- "Grand-mère Kalle, de Isla Reunión, y Yama Uba, de Japón", Fernando Cid Lucas, en: Kokoro: Revista para la difusión de la cultura japonesa, (ISSN 2171-4959), nº. Extra 4, 2017 (Ressource électronique).