Gouvernement intérimaire de l'Ambazonie
Le gouvernement intérimaire de l'Ambazonie (en anglais : Interim Government of Ambazonia) est le gouvernement provisoire en exil de la République fédérale d'Ambazonie, non reconnue internationalement[1].
Histoire
Cabinet Ayuk Tabe (2017-2018)
Le gouvernement provisoire de l'Ambazonie a été formé à partir du Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun méridional (SCACUF), un mouvement indépendantiste non violent. Ses membres comprennent d'anciens dirigeants du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC), un mouvement indépendantiste qui s'est illustré dans les années 1990. C'est le SCACUF, dirigé par le président Sisiku Julius Ayuk Tabe, qui a déclaré l'indépendance de l'Ambazonie le 1er octobre 2017. Le gouvernement provisoire a été officiellement formé le 31 octobre 2017, Tabe assumant le rÎle de président de l'Ambazonie et le SCACUF formant le gouvernement provisoire[1].
Au moment oĂč le SCACUF s'est transformĂ© en gouvernement intĂ©rimaire, un conflit sĂ©paratiste faisait rage depuis prĂšs de deux mois. Plusieurs milices sĂ©paratistes Ă©taient actives, la plus importante les Forces de dĂ©fense d'Ambazonie (FDA) rĂ©pondant au Conseil de gouvernement d'Ambazonie (AGovC), dirigĂ© par Ayaba Cho Lucas et avec Benedict Kuah comme chef d'Ă©tat-major. Le gouvernement intĂ©rimaire a initialement rejetĂ© l'idĂ©e d'une lutte armĂ©e, prĂ©fĂ©rant la dĂ©sobĂ©issance civile et une campagne diplomatique. DĂ©but novembre, le gouvernement intĂ©rimaire a condamnĂ© une attaque des FDA contre des gendarmes[2].
En janvier 2018, la plupart des membres du gouvernement intĂ©rimaire ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par les autoritĂ©s nigĂ©rianes et extradĂ©s au Cameroun. Ils ont ensuite Ă©tĂ© emprisonnĂ©s pendant prĂšs d'un an, avant qu'un procĂšs ne s'ouvre en dĂ©cembre 2018[3], ce qui a suscitĂ© une controverse au Nigeria, car la plupart des personnes expulsĂ©es avaient prĂ©sentĂ© des demandes d'asile politique. En mars 2019, un tribunal nigĂ©rian a dĂ©terminĂ© que l'arrestation et l'expulsion avaient Ă©tĂ© inconstitutionnelles, et a ordonnĂ© que tout le monde soit renvoyĂ© au Nigeria et indemnisĂ©[4]. Cela n'a pas eu d'implications pratiques, et le 20 aoĂ»t 2019, les dix dirigeants, y compris Ayuk Tabe, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă la prison Ă vie par le tribunal militaire de YaoundĂ©[5].
Cabinet Sako (2018-2019)
AprÚs l'arrestation de la plupart des membres du gouvernement provisoire, Samuel Ikome Sako a été élu dans un collÚge électoral de la diaspora au poste de président par intérim en février 2018[6]. Dans une tentative d'unir plusieurs milices locales sous une seule banniÚre, le gouvernement provisoire a créé le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (ASC) en mars 2018. Bien que l'ASC soit collectivement plus important que les FDA, il ne dispose pas d'une structure de commandement centralisée et constitue davantage un projet de coopération qu'une organisation unique[7].
Le président Sako a cherché à enterrer les divergences entre le gouvernement provisoire et les Forces de défense d'Ambazonie, qui sont loyales à l'AGovC[8]. Le 31 décembre 2018, il a annoncé qu'une police à escadre mobile serait créée et que les séparatistes abandonneraient leur stratégie défensive pour saisir l'offensive. Il a également promis de prendre des mesures contre toute personne impliquée dans l'enlÚvement de civils, qui était devenu un problÚme croissant au Cameroun anglophone[9]. Le 31 mars 2019, le gouvernement provisoire et plusieurs mouvements ambazoniens sont convenus de créer le Conseil de libération du Sud-Cameroun, un front uni composé à la fois de séparatistes et de fédéralistes[10]. Cependant, malgré ses tentatives d'unir les séparatistes, les critiques ont accusé le cabinet Sako d'incompétence et de détournement de fonds[11].
Crise du leadership (2019-en cours)
Le 2 mai 2019, un document signĂ© par Ayuk Tabe a dĂ©clarĂ© que le cabinet intĂ©rimaire dirigĂ© par Sako avait Ă©tĂ© dissous, et que son propre cabinet avant l'arrestation avait Ă©tĂ© rĂ©tabli. Le document exprimait la reconnaissance du travail accompli par le cabinet dirigĂ© par Sako, mais affirmait que les luttes intestines l'avaient rendu inapte Ă continuer ; le cabinet intĂ©rimaire a perdu la capacitĂ© de rĂ©concilier notre peuple et, ce faisant, a mis en pĂ©ril l'identitĂ© et la mission du gouvernement intĂ©rimaire pour achever la dĂ©colonisation du Southern Cameroons en faisant progresser nos intĂ©rĂȘts nationaux collectifs[12]. Cela a dĂ©clenchĂ© une crise de leadership au sein du gouvernement intĂ©rimaire, car le cabinet dirigĂ© par Sako a refusĂ© de se retirer. En juin, le Conseil de restauration de l'Ambazonie a mis en accusation Ayuk Tabe pour "faute de trahison", et a dĂ©clarĂ© qu'un changement de direction appropriĂ© serait initiĂ© dans trois mois. Cela a marquĂ© le dĂ©but de la crise du leadership ambazonien[13]. L'AGovC a apportĂ© son soutien Ă Ayuk Tabe[14] et en aoĂ»t, elle s'est officiellement alliĂ©e Ă la faction de l'IG dirigĂ©e par Ayuk Tabe[15].
Malgré l'emprisonnement et les luttes intestines au sein du gouvernement provisoire, Ayuk Tabe était toujours considéré comme plus influent que Sako. En juillet 2020, des officiels camerounais ont rencontré Ayuk Tabe et d'autres membres de son cabinet pour discuter d'un cessez-le-feu[16]. Lorsqu'on lui a demandé quelles étaient ses conditions pour un cessez-le-feu, Ayuk Tabe en a énuméré trois : que le cessez-le-feu soit annoncé par le Président Paul Biya, que l'armée camerounaise se retire des régions anglophones et une amnistie générale pour les séparatistes[17].
Le déclenchement de l'insurrection dans le sud-est du Nigeria a creusé le fossé entre les factions ambazoniennes. L'AGovC a déclaré une alliance avec le Peuple indigÚne du Biafra (IPOB), un mouvement séparatiste biafrais. Le gouvernement provisoire dirigé par Sako a dénoncé cette démarche, préférant tenter de gagner la bienveillance du gouvernement nigérian[18].
Notes et références
- (en-GB) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur www.euractiv.com, (consulté le ).
- (en-US) « âAmbazoniaâ Interim âPresidentâ Condemns Violence Amid Claims By ADF of Masterminding Gendarme Killing », sur Cameroon News Agency (consultĂ© le )
- « Cameroon: Ambazonia leaders appear before judge at military tribunal », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
- « Cameroon: Nigerian Court orders return of Ambazonia leaders », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
- « Cameroon: Detained Ambazonia leaders handed life sentence », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
- (en-US) « Just In-Dr Samuel Ikome Sako Is New Acting Interim President of The âFederal Republic of Ambazoniaâ », sur Cameroon News Agency (consultĂ© le )
- (en) « âThese Killings Can Be Stoppedâ: Abuses by Government and Separatist Groups in Cameroonâs Anglophone Regions », hrw, Human Rights Watch,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « 3 most touching tributes offered to âGeneral Ivoâ », sur web.archive.org, (consultĂ© le )
- (en-US) « No Retreat, No Surrender, From Defensive To Offensive Strategy, The way Forward In 2019-Dr Samuel Sako », sur Cameroon News Agency (consulté le )
- (en-GB) « Anglophone Struggle Takes Another Kink, Separatists, Federalists Bury Hatchet, Create Southern Cameroons Liberation Council », sur National Times (consulté le )
- (en) « Cameroonâs Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur Crisis Group, (consultĂ© le )
- (en-GB) « Detained Sisiku Auk Tabe Dissolves Interim Government As Infighting Bedevils âAmbazoniaâ », sur National Times (consultĂ© le )
- « Cameroon: Confusion as detained Ambazonia leader impeached by peers », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
- « Cameroon: Sepratist hardliners react after impechment of detained Ambazonia leader », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
- (en) « Ahead of peace talks, a whoâs who of Cameroonâs separatist movements », sur The New Humanitarian, (consultĂ© le )
- (en) « Breaking International News & Views », sur Reuters (consulté le )
- (en-US) « Cameroon: Government is secretly negotiating with the Ambazonians », sur The Africa Report.com, (consulté le )
- (en-GB) « Why we are distancing ourselves from IPOB â Ambazonia Interim Govt - Premium Times Nigeria », (consultĂ© le )