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Giovanni Passannante

Giovanni Passannante (né le à Salvia di Lucania et mort le à Montelupo Fiorentino) est un anarchiste italien, connu pour une tentative d'assassinat sur le roi Humbert Ier.

Giovanni Passannante

Biographie

Les origines

Fils de Pasquale et Maria Fiore, dernier de dix enfants, Giovanni Passannante commence à travailler trÚs jeune pour aider sa famille pauvre, comme berger de brebis et domestique. Désireux d'apprendre, il ne fréquente l'école primaire qu'une année, mais apprend à lire et écrire seul. Il se déplace à Vietri puis à Potenza, pour travailler comme plongeur dans un hÎtel.

Il dĂ©mĂ©nage Ă  Salerne, oĂč il travaille comme serviteur chez une riche famille. En attendant, Passannante amĂ©liore son instruction en lisant la Bible et les Ɠuvres de Giuseppe Mazzini. En , il est arrĂȘtĂ© et accusĂ© de conspiration contre la monarchie, aprĂšs avoir affichĂ© un manifeste rĂ©publicain exaltant Mazzini et Giuseppe Garibaldi.

Selon la dĂ©position d'un locataire qui vit dans le mĂȘme palais que Passannante, l'anarchiste Ă©tudie le français afin d'aller en France pour assassiner NapolĂ©on III, coupable d'ĂȘtre « la cause de l'empĂȘchement de la RĂ©publique universelle »[1]. LibĂ©rĂ© de prison en , il commence Ă  travailler comme cuisinier dans une usine textile. Puis Passannante ouvre un petit restaurant, oĂč il offre souvent des repas gratuits. Il adhĂšre Ă  des associations ouvriĂšres, qu'il quitte pour divergence avec les administrateurs. En , il se rend Ă  Naples, oĂč il vit d'une façon prĂ©caire, de petits emplois occasionnels.

L'attentat

L'attentat sur un journal de l'Ă©poque.

AprĂšs la mort de son pĂšre Victor-Emmanuel II d'Italie, Humbert Ier, avec sa femme, la reine Marguerite, et son fils Victor-Emmanuel III prĂ©pare une tournĂ©e dans les principales villes italiennes, pour se montrer aux gens comme le nouveau souverain. Le , la famille est en visite Ă  Naples qui a connu, dans les jours prĂ©cĂ©dents, des manifestations par les internationalistes. Celles-ci sont rĂ©primĂ©es par les autoritĂ©s et certains manifestants sont arrĂȘtĂ©s alors qu'ils distribuent des tracts rĂ©volutionnaires.

Tandis que le roi et la reine passent dans la rue Largo della Carriera Grande, Passannante surgit tout Ă  coup de la foule, monte sur le marchepied du carrosse royal et tente, Ă  l’aide d’un poignard, de tuer le roi. Il est lĂ©gĂšrement blessĂ© au bras. La reine lance le bouquet qu'elle tient Ă  la main au visage de l'agresseur et le Premier ministre Benedetto Cairoli, qui accompagne la famille royale, est lui blessĂ© Ă  la cuisse, tandis qu'il tente de le dĂ©fendre.

L'anarchiste, frappĂ© par Stefano De Giovannini, capitaine de cuirassiers, est arrĂȘtĂ©. L'action est accomplie si rapidement que les voitures qui prĂ©cĂšdent la voiture royale poursuivent leur route sans arrĂȘter. Sur le chiffon rouge oĂč Passannante a cachĂ© son poignard, il a Ă©crit « Mort au Roi, Vive la RĂ©publique universelle, Vive Orsini »[2].

AprÚs son arrestation, Passannante est torturé afin de lui faire avouer le nom d'éventuels complices alors qu'il déclare avoir agi seul. La tentative d'assassinat fournit le prétexte à des actions répressives contre les militants internationalistes et républicains et elle contribue à des désordres dans toute l'Italie.

Les conséquences

Le jour aprĂšs l'Ă©vĂ©nement, Ă  Florence, une bombe est jetĂ©e sur un cortĂšge monarchique : deux hommes et une fillette sont tuĂ©s, une dizaine de personnes sont blessĂ©es. Un groupe d'anarchistes est arrĂȘtĂ© mais relĂąchĂ© par manque de preuves. À Pise, une autre bombe explose au cours d'une manifestation en faveur du roi, il n'y a pas de victimes. Il y a des affrontements avec la police dans des villes comme Bologne, GĂȘnes, Pesaro et de nombreuses personnes, Ă  Turin, Milan, La Spezia, sont arrĂȘtĂ©s pour avoir rendu hommage au comploteur ou pour avoir dĂ©nigrĂ© le roi.

Le poĂšte Giovanni Pascoli, au cours d’une rĂ©union des socialistes Ă  Bologne, donne une lecture publique de son Ode Ă  Passannante. ImmĂ©diatement aprĂšs, Pascoli dĂ©chire le poĂšme, dont seuls les vers suivants sont connus : Con la berretta del cuoco, faremo una bandiera (Avec le chapeau du cuisinier, nous ferons un drapeau)[3]. Paul Brousse, directeur de l'Avant-Garde, publie un article apologĂ©tique sur l'anarchiste et, en raison de la pression du gouvernement italien et afin de ne pas froisser les relations diplomatiques, le journal est interdit. Brousse est arrĂȘtĂ© et exilĂ© en Suisse. L'article est probablement Ă©crit par l'anarchiste Carlo Cafiero, alors en Suisse[4].

Certains rĂ©publicains comme Aurelio Saffi et Alberto Mario prennent leur distance de l'action de Passannante et envoient leurs fĂ©licitations Ă  Humbert Ier. François II, souverain dĂ©chu du royaume des Deux-Siciles, en exil Ă  Paris, condamne l'attentat en disant que « notre vie est seulement dans les mains de Dieu[5] ». Garibaldi, dans un lettre Ă  FĂ©lix Pyat, l'appelle « un prĂ©curseur de l’avenir[6] ». L'Ă©conomiste Émile de Laveleye considĂšre l'attentat de Passannante comme « un avertissement », une attaque qui n'est pas menĂ©e contre le roi, mais contre « l'institution, la royautĂ©, et non la royautĂ© comme institution politique, mais comme symbole de l'inĂ©galitĂ© sociale[7] ».

Le village natal de Passannante est contraint de changer son nom en Savoia di Lucania, en honneur de la dynastie de Savoie. Au parlement, il y a une condamnation unanime de l'agression, le gouvernement Cairoli est accusĂ© d'ĂȘtre incapable de maintenir l'ordre public et de faire preuve d'une excessive tolĂ©rance envers les associations internationalistes et rĂ©publicaines. Le , le ministre Guido Baccelli dĂ©pose un vote de confiance qui est rejetĂ© ; Cairoli est contraint de dĂ©missionner.

Le procĂšs

Le procĂšs de Passannante.

Le , deux jours aprĂšs l'attentat, Passannante est emprisonnĂ© dans la prison de San Francesco Ă  Naples. D'autres anarchistes comme Matteo Maria Melillo, Tommaso Schettino, Elviro Ciccarese et Felice D'Amato sont arrĂȘtĂ©s pour complicitĂ© puis ils sont libĂ©rĂ©s par manque de preuves. Beaucoup de gens sont interrogĂ©s et accusĂ©s d'ĂȘtre de connivence avec le comploteur mais les magistrats ne trouvent aucune preuve.

Passannante est soumis à des examens psychiatriques et il est déclaré sain d'esprit. Le , l'anarchiste est emmené à la prison de Castel Capuano, escorté par l'inspecteur, le commandant de la police, deux officiers et plusieurs policiers. Le procÚs se tient les 6 et . Passannante est défendu par l'avocat Leopoldo Tarantini.

La procĂ©dure pĂ©nale est sujette Ă  controverse parce que, bien que la peine capitale soit prĂ©vue seulement en cas de rĂ©gicide, Passannante est condamnĂ© Ă  mort. Luigi Galleani considĂšre le procĂšs comme un outrage aux normes judiciaires. Francesco Merlino accuse l'avocat de servilitĂ© envers la monarchie et il l'appelle « un second accusateur[8] ». Cependant, par le dĂ©cret royal du , la peine est commuĂ©e en rĂ©clusion Ă  perpĂ©tuitĂ© Ă  Portoferraio, sur l’üle d'Elbe.

La mort

La tour de la Linguella, oĂč Passannante a Ă©tĂ© emprisonnĂ©.

Passannante est enfermĂ© dans la tour de la Linguella, aussi connu comme tour du Martello et plus tard rebaptisĂ©e tour de Passannante[9], dans un cachot minuscule et humide sous le niveau de la mer, sans toilettes, dans l’obscuritĂ© totale, attachĂ© Ă  une chaĂźne de 18 kg, en isolement et sans jamais pouvoir parler Ă  personne pendant dix ans. Les effets sont dĂ©vastateurs sur son corps : il devient gonflĂ©, livide, rĂąlant et, selon certains tĂ©moins, rĂ©duit Ă  se nourrir de ses excrĂ©ments[10]. Au cours de sa peine, Passannante perd la raison.

Les bateliers, qui passent prĂšs de la prison, entendent souvent les cris de douleur du prisonnier[11]. Le dĂ©putĂ© Agostino Bertani a l’autorisation de pĂ©nĂ©trer dans la forteresse, accompagnĂ© par la journaliste Anna Maria Mozzoni. Bertani, est choquĂ© et il proteste Ă©nergiquement contre le chĂątiment. DĂ©clarĂ© fou par des experts, Passannante est placĂ© dans la prison psychiatrique Villa Medicea dell'Ambrogiana, Ă  Montelupo Fiorentino, oĂč il meurt en 1910, ĂągĂ© de 60 ans.

Son cadavre est décapité. Son crùne et son cerveau sont étudiés dans le cadre des théories anthropologiques de Cesare Lombroso, pour démontrer l'existence de déviances criminelles innées chez Passannante. Les restes, plongés dans du formol, sont exposés au musée de criminologie de Rome. En 1999, Oliviero Diliberto, ministre de la Justice, autorise l'inhumation du crùne et du cerveau de Passannante dans son village natal. Cela intervient huit ans aprÚs la décision. Entre-temps, l'acteur Ulderico Pesce (it) adresse une pétition auprÚs du gouvernement italien pour une sépulture, à laquelle adhÚrent des personnalités du spectacle, journalisme et musique comme Dario Fo, Marco Travaglio, Francesco Guccini, Antonello Venditti, Carmen Consoli, Peter Gomez (it), Erri De Luca et Giorgio Tirabassi (it)[12]. Grùce principalement à cette initiative, le , ses restes sont de retour dans son village natal et inhumés dans le cimetiÚre de Savoia di Lucania.

Notes et références

  1. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 305.
  2. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 396.
  3. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 270.
  4. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 328.
  5. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 85.
  6. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 258.
  7. Émile de Laveleye, Lettres d'Italie : 1878-1879, Librairie EuropĂ©enne C. Muquardt, 1880, p. 57.
  8. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 500.
  9. « La troisiÚme forteresse conçue par Giovanni Camerini en 1548 afin de fortifier la ville, comme le désirait Cosme Ier », sur iledelbe.net (consulté le ).
  10. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 642.
  11. Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante, p. 629.
  12. (it) « Teatro: Ulderico Pesce presenterà l'Innaffiatore del cervello di Passannante », .

Annexes

Bibliographie

  • Giuseppe Galzerano, Giovanni Passannante. La vita, l'attentato, il processo, la condanna a morte, la grazia ‘regale' e gli anni di galera del cuoco lucano che nel 1878 ruppe l'incantesimo monarchico, Galzerano, 2004, 864 pages, notice Ă©diteur.
  • Ugoberto Alfassio Grimaldi, Il re buono, Feltrinelli, 1980.

Articles connexes

Liens externes

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