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Gang des ripoux de Lyon

Le gang des policiers ripoux de Lyon désigne une association de malfaiteurs constituée de policiers lyonnais en exercice, à l'origine d'une soixantaine de vols à mains armées et trois homicides commis en bande organisée dans la région lyonnaise entre et [1] - [2] - [3] - [4]. Outre l'appartenance au corps de la police nationale d'au moins cinq d'entre eux, la particularité du modus operandi de leurs attaques sérielles était l'usage de masques de vieillards ou de politiciens, le plus souvent contre des établissements proposant le système du pari mutuel urbain[5]. Ces attaques ont rapporté près de 24 millions de francs au réseau de malfaiteurs[6]. Conjuguée à sa portée médiatique, cette affaire atypique est considérée comme la plus extraordinaire enquête menée par la brigade antigang du commissaire Michel Neyret[2].

Gang des ripoux de Lyon
Fondé par Michel Lemercier, Don-Jean Giovanetti
Lieu DĂ©cines, Lyon, RhĂ´ne-Alpes
Territoire Drapeau de la France France
Années actives 1985-1990
Nombre de membres 3 Ă  15 malfaiteurs
Activités criminelles vols à mains armées

Genèse du gang

Un noyau dur de trois individus

D'abord dĂ©signĂ©e par la police judiciaire comme le « gang des PMU Â» pour ses ciblages spĂ©cifiques, cette bande organisĂ©e a Ă©mergĂ© par le biais de deux policiers charismatiques et manipulateurs : Michel Lemercier, sous-brigadier de police, et Don-Jean Giovanetti, enquĂŞteur de police, tous deux affectĂ©s au commissariat de police du 3e arrondissement de Lyon, situĂ© 213, rue Garibaldi au pied de la tour de la Part-Dieu[7]. Les deux policiers se sont associĂ©s Ă  un malfaiteur originaire de DĂ©cines, fichĂ© au grand banditisme lyonnais pour vols, escroqueries et proxĂ©nĂ©tisme[8] : Alain Chemedikian, plâtrier-peintre de profession.

C'est au cours de l'année 1985, par l'entremise de connaissances, que ce dernier participe à des travaux dans la résidence secondaire ardéchoise de Giovanetti à Vals-les-bains[4]. Ces derniers sympathisent et leurs conversations douteuses les mènent à spéculer sur les faiblesses entourant la protection des recettes des établissements PMU, jusqu'à transgression de l'interdit dans la préparation de vols à main armée, après avoir persuadé et mis Lemercier dans la confidence[2] - [9]. Le statut d'enquêteur de Giovanetti permet au gang de cibler les PMU équipés de coffres-forts[4].

Nouveaux recrutements dont trois policiers

À mesure des coups réalisés le trio apprend que la police judiciaire surveille les établissements PMU convoités et projette de s'attaquer aux commerces de moyennes surfaces[4]. Il enrôle de nouveaux complices comme Dominique Delagrée, beau-frère de Chemedikian et braqueur expérimenté, et des petits caïds comme Hugues Giubbi, Nourredine Khamla, Frédéric Gonin.

Selon les opportunités, le trio originel enrôle également d'autres policiers succombant à l'appât du gain, que la presse décrit comme « malmenés par la dépression, les crises conjugales ou la banqueroute[6] » : Laurent Féminier, Richard Durastante, tous deux inspecteurs de police, Guy Nicolaï, enquêteur de police[10], tous ayant travaillé dans le même service à la Part-Dieu avant de récentes mutations. Il embauche des complices parfois insoupçonnables, comme Jean-Jacques Zartarian, employé des pompes funèbres et candidat aux élections municipales de la ville de Décines ; ou Alain Erard, un employé modèle de la Société Générale travaillant au siège du 3e arrondissement, qu'il persuade de livrer des informations sur certaines succursales de la ville[11].

Principales attaques à mains armées attribuées au gang

  • : Attaque Ă  main armĂ©e du bar PMU Au Bon Coin dans le 8e arrondissement de Lyon. Le gĂ©rant est frappĂ© Ă  coups de crosse de fusil. Premier fait d'arme du gang attribuĂ© Ă  Lemercier et Chemedikian. Butin : 130 000 francs[4]. Pendant une annĂ©e, les braquages de PMU vont se succĂ©der Ă  rythme soutenu.
  • 1986 : Attaque Ă  main armĂ©e d'un centre commercial E.Leclerc Ă  Beynost. NicolaĂŻ cesse pour un temps ses activitĂ©s Ă  cette deuxième participation. Il est remplacĂ© par un collègue endettĂ© : Durastante[4].
  • : Attaque Ă  main armĂ©e de la station-service Esso Ă  DĂ©cines. Un blessĂ© grave. Zartarian cesse ses activitĂ©s avec le gang après ce coup[4].
  • : MontĂ©s Ă  bord d'un vĂ©hicule volĂ©, les malfaiteurs sont pris dans une fusillade avec un Ă©quipage de police Ă  DĂ©cines. Durastante abandonne le gang Ă  cet instant, tandis que Delagree le rejoint[4].
  • : Attaque Ă  main armĂ©e du cafĂ© PMU Aux Transporteurs Ă  Genas. Un tĂ©moin est abattu. La participation Ă  ce hold-up meurtrier par le trio Lemercier-Chemedikian-DelagrĂ©e Ă©tait dĂ©montrĂ©e Ă  l'instruction. En outre, un tĂ©moin certifie qu'un malfaiteur portait un pantalon d'uniforme de policier. Le gang cesse ses activitĂ©s criminelles pour une annĂ©e.
  • : Attaque Ă  main armĂ©e par trois malfaiteurs d'un convoi de fonds de la sociĂ©tĂ© Transvaal près du centre commercial E.Leclerc de Firminy. Les convoyeurs Freddy Bonneau et Alain Monnier sont abattus. Butin : 630 000 francs La participation du trio Lemercier-Chemedikian-DelagrĂ©e Ă  ce hold-up meurtrier Ă©tait dĂ©montrĂ©e Ă  l'instruction. SurnommĂ© TĂŞte de chien dans le milieu Ă  cause de sa morphologie très particulière et d'une claudication bien visible[12], Chemedikian sera confondu par des tĂ©moins[1] - [13].
  • Neuf nouvelles agressions sont commises dans le courant de l'Ă©tĂ© 1990, jusque dans le Doubs, en Savoie et le territoire de Belfort. Ă€ l'automne, le gang fonctionne « en tiroirs Â» : Lemercier recrute Giubbi et forme un binĂ´me.
  • : Attaque Ă  main armĂ©e contre une agence bancaire de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale Ă  Bron, avec une complicitĂ© interne. L'instruction dĂ©montre l'implication de FĂ©minier, Lemercier, Khamla, Gonin, Giubbi et Erard dans cette expĂ©dition.
  • : Attaque Ă  main armĂ©e contre un supermarchĂ© E.Leclerc Ă  Saint-Marcellin. Un vigile est blessĂ© par balle Ă  la tĂŞte. Les malfaiteurs Chemedikian-DelagrĂ©e, sous surveillance policière, sont repĂ©rĂ©s au retour de leur mĂ©fait Ă  DĂ©cines. Les policiers poursuivent la surveillance deux jours durant jusqu'au dernier coup oĂą les policiers vĂ©reux vont participer.
  • : Attaque Ă  main armĂ©e et sĂ©questration de l'agence bancaire de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale de la Place des Pavillons dans le 7e arrondissement de Lyon. Le directeur de l'agence est d'abord enlevĂ© Ă  son domicile par quatre malfaiteurs parmi lesquels Lemercier et Giovanetti. RestĂ©e sous bonne garde, l'Ă©pouse de la victime est menacĂ©e de mort en cas de rĂ©bellion. Le dispositif policier permet l'interpellation de l'ensemble des malfaiteurs Ă  l'issue de ce mĂ©fait[1].

EnquĂŞte, arrestations et condamnations

La piste des fausses plaques d'immatriculation

La brigade de recherche et d'intervention de la police judiciaire de Lyon, emmenée par le commissaire Michel Neyret, parvient à sceller un premier maillon à partir des recherches effectuées sur les fausses plaques d'immatriculation utilisées sur les véhicules des malfaiteurs, issues d'une seule et même matrice[14]. Investiguant méthodiquement les sociétés fabriquant des plaques dans la région, les enquêteurs cernent le profil intéressant d'un mécanicien : Dominique Delagrée, lequel est employé chez Gobillot à Villeurbanne[1]. Explorant son environnement, ils le relient au beau-frère, Alain Chemedikian, dont le signalement atypique, rapporté par des témoins, le confond dans plusieurs agressions. À leur grande stupeur, les enquêteurs remontent, au fur et à mesure des filatures et écoutes effectuées, la piste des policiers véreux du 3e arrondissement de Lyon[1]. Ils font le rapprochement avec le braquage meurtrier de Genas où un pantalon de policier était porté par l'un des malfaiteurs. Certains des policiers n'attendaient même pas leur fin de service pour effectuer des repérages ou commettre leurs méfaits.

L'enquĂŞte est Ă  prĂ©sent sensible, mais elle a dĂ©jĂ  beaucoup avancĂ© : le « gang des PMU Â» devient le « gang des policiers ripoux de Lyon Â». Deux juges d'instruction sont saisis de ce dossier colossal, Mme Revol près le tribunal de Saint-Étienne et Mr PĂ©ju près le tribunal de Lyon, et les cinq policiers impliquĂ©s sont aussitĂ´t suspendus de leurs fonctions[15]. Le gang est dĂ©mantelĂ© au terme d'une surveillance accrue rĂ©alisĂ©e pendant leurs deux dernières expĂ©ditions criminelles (voir section ci-dessus), qui permet de matĂ©rialiser l'association de malfaiteurs. Ă€ la suite des interpellations successives, les perquisitions sont fructueuses : vingt-sept armes et leurs munitions, des postiches et matĂ©riels utilisĂ©s pendant les agressions sont apprĂ©hendĂ©s.

Un commissariat sous le choc

L'affaire des ripoux de Lyon jette inévitablement l’opprobre et la consternation dans la police lyonnaise mais éclabousse toute l'institution policière.

Pendant cinq ans, un groupe criminel composĂ© de policiers a pu organiser une soixantaine de braquage sans attirer l'attention de la hiĂ©rarchie policière et un commissariat devenir le « centre de recrutement Â» de « braqueurs assermentĂ©s Â». Les policiers incriminĂ©s Ă©taient en outre bien notĂ©s par leurs supĂ©rieurs[7]. Le commissariat de la Part-Dieu, fort d'une soixantaine d'effectifs en tenue et d'une vingtaine en civil, Ă©tait commandĂ© de 1982 Ă  1987 par le commissaire LĂ©onard Roudeau. L'audit rĂ©alisĂ© pendant l'instruction par l'inspection gĂ©nĂ©rale de la police nationale a rĂ©vĂ©lĂ© de graves manquements, soulignant une explosion de la criminalitĂ© sur le secteur en cinq ans et parallèlement une baisse de l'activitĂ© de l'unitĂ© de police judiciaire administrative oĂą Ă©taient affectĂ©s les policiers vĂ©reux[16].

Plus surprenant, Lemercier était le chauffeur attitré du commissaire jusqu'à sa mutation. Le malfaiteur était par la suite positionné en congé maladie pour un an[8]. L'enquête fait ressortir que le commissaire, au fait de l'existence d'une possible association de malfaiteurs au sein de son service, était menacé par Lemercier de chantage à partir de photos compromettantes de son épouse. Réfugié dans l'alcool après des déboires familiaux, il aurait abandonné toute idée de commandement, plongeant le commissariat dans un environnement de décrépitude morale[16]. Le commissaire Roudeau mettait fin à ses jours en 1991[2].

Condamnations

Le procès se tient à la cour d'assises du Rhône présidée par le juge Yvette Vilvert durant sept semaines. Quatorze individus, dont les cinq policiers révoqués, se trouvent dans le box des prévenus. Le verdict prononcé le vendredi ne laisse apparaître aucune clémence. Lemercier et son complice Chemedikian sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité avec une mesure de sûreté de dix-huit ans pour le premier accusé. Les autres policiers Giovanetti, Féminier, Nicolaï et Durastante sont condamnés respectivement à vingt ans de réclusion pour le premier et onze ans pour les trois autres[17]. Lemercier mettra fin à ses jours durant sa détention[2].

Affaires similaires lyonnaises

Les ripoux de Meyzieu

Un autre cas similaire d'association de malfaiteurs policiers Ă©tait dĂ©jouĂ© Ă  Lyon sans lien avec cette affaire. Le jeudi , quatre gardiens de la paix du commissariat de police de Meyzieu, en service et en tenue, Ă©taient surpris en flagrant dĂ©lit de cambriolage dans un commerce de textiles de la mĂŞme commune. L'Ă©quipe Ă©tait Ă©galement composĂ©e de l'Ă©pouse d'un des policiers, mais Ă©galement d'un sapeur-pompier accompagnĂ© de son Ă©pouse. Elle opĂ©rait en vĂ©hicule de service pour tenter de passer inaperçue[18]. Finalement, cinq policiers de Meyzieu sont inculpĂ©s pour « association de malfaiteurs, vols avec effraction en rĂ©union Â» et Ă©crouĂ©s. Ils Ă©taient soupçonnĂ©s d'avoir commis plusieurs cambriolages pendant leurs rondes nocturnes[19].

Notes et références

  1. Michel Neyret, Flic, EDI8, , 175 p.
  2. Richard Schittly, Commissaire Neyret : chute d'une star de l'antigang, Tallandier, , 336 p.
  3. « 5 policiers lyonnais dans un gang criminel ripoux », Le Soir,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. « Le gang des policiers lyonnais répond de 59 hold-up devant la cour d'assises », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  5. Joëlle Meskens, « Le gang avait commis 3 meurtres, les policiers ripoux condamnés à Lyon », Le Soir,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « En 1990, cinq gangsters-policiers lyonnais sont arrêtés », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Un commissariat sous le choc », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  8. « A la reprise du procès, flics et braqueur racontent leur vie », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Cathy Capvert, « Les flics et le voyou se renvoient la balle », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. Ina Société, « Le réquisitoire lors du procès des policiers ripoux à Lyon », (consulté le )
  11. « " Ripoux " lyonnais : Un ancien candidat aux élections et un employé de banque inculpés. _ », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  12. Mireille Debard, « Ripoux de Lyon: où le tribunal découvre trois Pieds Nickelés. Le procès des policiers accusés de braquages et de meurtres entre 1985 et 1990 a repris devant les assises de Lyon. », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Devant les assises du Rhône, le flou persiste autour du meurtre de deux convoyeurs de fonds », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  14. « L'enquête sur une centaine de hold-up dans la région Rhône-Alpes Cinq policiers lyonnais seraient les piliers d'un gang de malfaiteurs », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  15. « Une décision du ministre de l'intérieur Les cinq policiers impliqués dans l'affaire du », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  16. « Aux assises du Rhône, portrait d'un commissariat en perdition », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  17. « Le gang des policiers lyonnais est lourdement condamné », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  18. « Surpris en flagrant délit Quatre policiers cambrioleurs arrêtés à Lyon », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  19. « Cinq policiers de Meyzieu inculpés pour cambriolage », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Michel Neyret, Flic, Plon, , 175 p. (ISBN 978-2-259-22144-3)
  • Richard Schittly, Commissaire Neyret : chute d'une star de l'antigang, Ă©ditions Tallandier, , 332 p. (ISBN 979-10-210-1845-7)
  • Alain Chemedikian, Gang de flics: La folle dĂ©rive des ripoux de Lyon, Nouveau Monde Editions, , 250 p. (ISBN 978-23-809-4015-2)

Liens externes

Articles connexes

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