Gabrielle Petit (féministe)
Gabrielle Petit, née Gabrielle Mathieu le à Cayrols (Cantal) et morte en 1952, est une militante féministe, anticléricale et socialiste libertaire.
Gabrielle Petit | |
Naissance | Cayrols (Cantal, France) |
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DĂ©cĂšs | (Ă 91-92 ans) |
PremiÚre incarcération | pour propos antimilitaristes |
Origine | Française |
Type de militance | journaliste éditrice propagandiste conférenciÚre |
Cause défendue | néomalthusianisme libertaire féminisme antimilitarisme |
IndĂ©pendante de tout parti politique, elle collabore avec des syndicalistes et des militants de la Libre pensĂ©e. Elle fonde le journal La Femme affranchie oĂč elle dĂ©nonce la prostitution. Dans ses confĂ©rences, elle parle de l'Ă©mancipation des femmes, du contrĂŽle des naissances, des mĂ©faits du militarisme, du soutien aux grĂšves ouvriĂšres.
Biographie
Gabrielle Petit est nĂ©e dans une famille de meuniers du Cantal. Elle travaille dĂšs lâĂąge de 8 ans. Elle aide ses parents et garde Ă©galement les chĂšvres[1].
Ă 14 ans, elle connaĂźt son premier dĂ©mĂȘlĂ© avec la justice pour avoir jetĂ© des pierres sur la voie du chemin de fer, sur un train en marche. Elle et son amie sont condamnĂ©es Ă une amende. Elle ne va pas Ă lâĂ©cole et ainsi quâelle lâexplique lors de son premier procĂšs : « JusquâĂ 20 ans, je nâai eu dâautre professeur que la nature, les champs, les prĂ©s, la forĂȘt pour bibliothĂšque, le livre de la vie, le plus complet et le plus nouveau car il a une page nouvelle chaque jour »[1].
Elle Ă©migre aux Ătats-Unis oĂč elle a un fils avant de se sĂ©parer du pĂšre. Elle ne revient en France quâĂ lâĂąge de 32 ans, oĂč elle Ă©lĂšve seule son fils.
En 1897, alors quâelle est ĂągĂ©e de 37 ans, elle s'engage dans la dĂ©fense et lâassistance aux femmes et aux enfants.
La Femme affranchie
Elle rencontre Marguerite Durand, militante féministe fondatrice du journal La Fronde. Gabrielle y fait ses premiers pas dans le journalisme.
En avril 1904, elle fonde La Femme affranchie[2], « organe du féminisme ouvrier socialiste et libre-penseur »[3]. Elle dirige le journal jusqu'en 1913 puis durant les années 1930[4].
Elle sâappuie sur le soutien dâun ancien communard, Jean Allemane, dĂ©portĂ© en Nouvelle-CalĂ©donie, qui rĂ©sout avec elle lâĂ©pineux problĂšme du financement du journal. Il provient des abonnements, de la vente Ă la criĂ©e et de la vente aux syndicats et militants.
De 1904 Ă 1907, lâĂ©quipe se renforce de nombreuses rĂ©dactrices dont Odette Laguerre (pacifiste et fĂ©ministe, qui fondera la Ligue internationale des mĂšres et Ă©ducatrices pour la paix) et Nelly Roussel, issue dâune famille bourgeoise catholique, mais qui rompt Ă 20 ans avec les valeurs familiales pour se tourner vers la lutte fĂ©ministe[5].
Parmi les nombreux thÚmes développés, La Femme affranchie consacre quantité d'articles à la dénonciation de la prostitution.
Selon le politologue Francis Dupuis-DĂ©ri : « Le journal La femme affranchie, dirigĂ© de 1904 Ă 1913 par Gabrielle Petit, fĂ©ministe, antimilitariste et anarchiste, dĂ©nonçait la police française et son droit dâinterpeler sans mandat les prostituĂ©es. Le journal estimait à « dix mille » le nombre de prostituĂ©es ou prĂ©tendues telles, emprisonnĂ©es pour nâavoir « commis dâautres crimes que dâĂȘtre pauvres »[6].
En plus de la revue, Gabrielle enchaĂźne dans toute la France des confĂ©rences sur lâexploitation des femmes, notamment avec le nĂ©omalthusien Paul Robin[5].
Câest au cours de lâune dâelles quâelle rencontre Julia Bertrand, qui lâamĂšne vers les thĂšses libertaires[1].
De 1904 à 1910, Gabrielle donne 2 000 conférences dans 58 départements.
Elle voue une véritable admiration à Louise Michel et lui rend hommage lorsque celle-ci disparait en 1905[5].
ProcĂšs pour antimilitarisme
Le 1er aoĂ»t 1907, elle est arrĂȘtĂ©e Ă Granges, dans les Vosges, et incarcĂ©rĂ©e. Ă son procĂšs, le 20 novembre 1907[7], on lui reproche dâavoir tenu des propos antimilitaristes au cours dâune confĂ©rence et dâavoir, dans un train, provoquĂ© des militaires Ă la dĂ©sobĂ©issance et au vol des armes. Elle reste en prison jusquâau 1er fĂ©vrier 1908. Devenue une personne « dangereuse », elle est accompagnĂ©e dans tous ses dĂ©placements par un commissaire de police ou un gendarme. Mais cela ne lâempĂȘche pas de continuer Ă sillonner la France pour y donner des confĂ©rences, elle en fait parfois trois par jour.
Le 2 aoĂ»t 1908, elle est Ă nouveau arrĂȘtĂ©e tandis quâelle soutient les grĂ©vistes des soieries de Besançon, au prĂ©texte, une fois encore quâelle fait de la propagande antimilitariste. Le procĂšs a lieu le 29 aoĂ»t[8]. Elle est condamnĂ©e Ă trois mois de prison ferme[9] et libĂ©rĂ©e le 13 novembre 1908.
Au dĂ©but de lâannĂ©e 1913, Gabrielle Petit et Julia Bertrand, sentant monter la menace de la guerre, rĂ©digent un numĂ©ro spĂ©cial de La Femme affranchie, tandis que la voix des nationalistes se fait de plus en plus vĂ©hĂ©mente et violente contre les pacifistes, et tout particuliĂšrement contre JaurĂšs qui est assassinĂ© le 31 juillet 1914.
En 1927, tandis quâelle sĂ©journe successivement dans les Vosges, le Lot, la Charente, elle est toujours flanquĂ©e dâun gardien de la paix et inscrite au Carnet B, depuis le 23 aoĂ»t 1913[10].
Elle reprend ses confĂ©rences en faveur du pacifisme et du droit de vote des femmes, mĂȘme si, en tant que sympathisante libertaire, elle considĂšre que ce combat a ses limites. Pour elle, « ĂȘtre antivotant nâest pas en contradiction avec la revendication du suffrage fĂ©minin. Pour sâabstenir et manifester par ce moyen sa condamnation du comportement des politiciens, faut-il encore avoir le droit de voter ! »[1].
Au dĂ©but des annĂ©es 1930, elle participe Ă la communautĂ© libertaire LâIntĂ©grale Ă Puch dâAgenais, en Lot-et-Garonne, animĂ©e par le « socialiste anarchisant » Victor Coissac. MalgrĂ© son Ăąge avancĂ©, 73 ans, elle s'active beaucoup, surtout Ă l'imprimerie[11] - [12].
Commentaire
Selon sa biographe Madeleine Laude : « ConfĂ©renciĂšre admirĂ©e et reconnue, Gabrielle Petit ne mĂąchait pas ses mots. Le pouvoir a tentĂ© de la faire taire en lâincarcĂ©rant en 1907 Ă Nancy pour dĂ©lit dâopinion puis en 1908 Ă Besançon. Ces deux emprisonnements nâont pas rĂ©ussi Ă la « mater », comme elle disait. Pas plus que le fait dâĂȘtre inscrite dans plusieurs dĂ©partements sur le Carnet B, qui recensait les « personnes dangereuses ». Pendant des dizaines dâannĂ©es, elle va continuer allĂšgrement Ă parcourir la France pour soutenir des grĂ©vistes, crĂ©er des associations et donner de nombreuses confĂ©rences (plus de 2 000 dans 70 dĂ©partements). Lâhistorien Lucien Febvre, qui lâa connue Ă Besançon en 1908, sâadresse Ă elle dans Le Socialiste comtois en ces termes : « Vous, bonne et vaillante citoyenne Petit ». Celle-ci est dâailleurs, semble-t-il, la seule femme dont il est fait mention dans lâĆuvre de cet auteur. »[13]
Ćuvres
- Les Conseils d'une MÚre, La Femme affranchie, 1904, texte intégral.
Bibliographie
- Madeleine Laude, Gabrielle Petit, l'indomptable, Ăditions du Monde libertaire, 2010, (OCLC 758833296), notice Ă©diteur.
- Gabrielle Petit, devant la Cour d'assises de Nancy, 21 novembre 1907, in Christine Bard, Grégoire Kauffmann, Les insoumises, la révolution féministe, Le Monde, 2013, (ISBN 978-2-35184-131-0).
- Georges Ubbiali, Une femme affranchie. Gabrielle Petit, lâindomptable, revue Ă©lectronique Dissidences, BibliothĂšque de comptes rendus, septembre 2011, texte intĂ©gral.
- Anne Cova, Féminismes et néo-malthusianismes sous la TroisiÚme République, L'Harmattan, 2011, (ISBN 978-2-296-54569-4), extraits en ligne.
- Patrick Schindler, Gabrielle Petit, lâindomptable : une femme affranchie, Le Monde libertaire, n°1628, 24 mars 2011, texte intĂ©gral.
- Florence Rochefort, Michelle Zancarini-Fournel, Le pouvoir du genre : laĂŻcitĂ©s et religions, 1905-2005, Ăditions Presses Universitaires du Mirail, 2007, p.114, (ISBN 2858169497).
- Christiane Demeulenaere-DouyÚre, Paul Robin. Un militant de la liberté et du bonheur, Paris, Publisud, 1994, p.320.
- Daniel Vasseur, Les débuts du mouvement ouvrier dans la région Belfort-Montbéliard (1870-1914), Annales littéraires de l'Université de Franche-Comté, 1967, p.137, (ISBN 978-2-251-60083-3).
- Michelle Zancarini-Fournel, Florence Rochefort, Bibia Pavard, Les lois Veil. Les événements fondateurs:Contraception 1974, IVG 1975, Armand Colin, 2012, notice biographique.
Notices
- Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social : notice biographique.
- Christine Bard (dir.), Dictionnaire des fĂ©ministes : France, XVIIIeâââXXIe siĂšcle, Paris, Presses universitaires de France, 2017, (ISBN 978-2-13-078720-4), [lire en ligne].
- Institut international d'histoire sociale (Amsterdam) : notice biographique.
- René Bianco, 100 ans de presse anarchiste : notice bibliographique.
- Fédération internationale des centres d'études et de documentation libertaires : une carte postale.
- RA.forum : notice.
Articles connexes
Liens externes
- L'En Dehors.
- Les grĂšves de 1907 sur le site d'histoire locale de Raon-l'Ătape.
Notes et références
- Patrick Schindler, Gabrielle Petit, lâindomptable : une femme affranchie, Le Monde libertaire, n°1628, 24 mars 2011, texte intĂ©gral.
- François-Olivier Touati (s/d), Maladies, médecines et sociétés, association Histoire au Présent, 1993, volume 1, page 291.
- René Bianco, 100 ans de presse anarchiste : La Femme affranchie.
- Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : Julia Bertrand.
- Anne Cova, Féminismes et néo-malthusianismes sous la TroisiÚme République, L'Harmattan, 2011, (ISBN 978-2-296-54569-4), extraits en ligne.
- Francis Dupuis-Déri, Les anarchistes et la prostitution : perspectives historiques, Genres, sexualité & société, n°9, printemps 2013, texte intégral.
- Jean Rabaut, Marguerite Durand (1864-1936). La Fronde féministe ou Le Temps en jupons, L'Harmattan, 1996, p.106.
- Fédération internationale des centres d'études et de documentation libertaires : [ProcÚs de Gabrielle Petit, Besançon, 29 août 1908.
- Joseph Pinard, Le Sillon de Marc Sangnier et la démocratie sociale, Collection Annales littéraires de l'Université de Franche-Comté, 2006, (ISBN 978-2-84867-159-8), page 80.
- Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social : notice biographique.
- Michel Antony, Communes Libertaire et Anarchiste en France, in Essais utopiques libertaires de « petite » dimension, Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel, 2005, texte intégral.
- Diana Cooper-Richet, L'exercice du bonheur : Ou comment Victor Coissac cultiva l'utopie entre les deux guerres dans sa communautĂ© de l'intĂ©grale, Ăditions Champ Vallon, 1993, extraits en ligne.
- Madeleine Laude, Gabrielle Petit lâIndomptable, Les Alternatifs de Franche-ComtĂ©, 19 mai 2011, texte intĂ©gral.