Fritz Bauer
Fritz Bauer, né le à Stuttgart et mort le à Francfort-sur-le-Main, est un juge et un procureur allemand. Il fut l’initiateur des procès dits « d'Auschwitz » à Francfort-sur-le-Main où comparurent des gardiens du camp d’Auschwitz.
Juge | |
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Procureur | |
Procureur général |
Naissance | |
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Décès |
(Ă 64 ans) Francfort-sur-le-Main |
Nationalité | |
Domiciles |
Empire allemand (- |
Formation |
Université Eberhard Karl de Tübingen Université de Heidelberg Université Louis-et-Maximilien de Munich Eberhard-Ludwigs-Gymnasium (en) |
Activités |
Parti politique |
Parti social-démocrate d'Allemagne (depuis ) |
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Distinctions |
Le travail de Fritz Bauer a contribué à l'élaboration d'un système de justice démocratique en Allemagne, à la condamnation des injustices nazies ainsi qu'à la réforme du droit pénal.
Biographie
Fritz Bauer est l'aîné d'une famille de commerçants juifs allemands[1], lui-même non pratiquant. Il fait des études de commerce, puis étudie le droit à Heidelberg, Munich et Tübingen. Après avoir passé son doctorat en droit en 1928 (il fut le plus jeune docteur en droit d'Allemagne), il devient juge assesseur à la cour locale de la région de Stuttgart. En 1920, il avait déjà adhéré au Parti social-démocrate d'Allemagne[1]. En raison de cette adhésion et de ses origines juives, il fut arrêté par la Gestapo et interné en mai 1933 puis, un peu plus tard, exclu de la fonction publique[2].
En 1935, il s'exile avec sa famille au Danemark. Lorsque ce pays est occupé par la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale, Bauer s'exile en Suède en 1943[3]. C'est là qu'il crée, en collaboration avec Willy Brandt du Parti socialiste ouvrier d'Allemagne, le périodique Sozialistische Tribüne (La Tribune socialiste)[4].
Bauer revint en Allemagne en 1949, après la fondation de la RFA, alors que la fonction publique et le système judiciaire avaient été rétablis. Il exerça, dans un premier temps, dans des cours fédérales puis devint, un an plus tard, procureur général de la République à la cour d'appel de Brunswick. En 1956, il fut nommé aux fonctions de procureur général du Land de Hesse, situé à Francfort-sur-le-Main. Il a exercé cette fonction jusqu'à sa mort en 1968[1].
Après-guerre, il ne ménagea pas ses efforts afin d'obtenir justice et compensations aux victimes du régime nazi. En 1951, il poursuivit Otto-Ernst Remer, un ancien Generalmajor de la Wehrmacht, pour diffamation et insultes envers la mémoire des participants du complot du 20 juillet 1944 que Remer avait qualifié de traîtres[4] ; ces poursuites aboutirent au procès Remer, qui ouvrit la voie au rejet par la justice allemande de la légitimité du Troisième Reich. En 1958, il obtint qu'un procès en action collective certifié soit organisé à l'encontre des membres de l'administration du camp de concentration d'Auschwitz ; le recueil des nombreuses réclamations individuelles de victimes aboutit aux procès dits « d'Auschwitz » à Francfort qui débutèrent en 1963.
De 1957 à 1960, il a contribué de façon décisive aux efforts pour retrouver Adolf Eichmann en Argentine[5]. Lothar Hermann, un rescapé du camp de concentration de Dachau, avait émigré en Argentine en 1938 avec toute sa famille. Or sa fille Sylvia entretenait une relation avec Klaus, le fils aîné d'Eichmann. Les confidences de Klaus relatives au passé nazi de son père, ainsi que la lecture en 1957 d'un article concernant les criminels nazis réfugiés en Argentine (dont Eichmann), mirent Hermann sur la voie de ce dernier. Il envoya alors sa fille enquêter chez les Eichmann (qui se faisaient appeler Klement), et elle obtint, de la bouche même d'Adolf, la confirmation des soupçons de son père. Celui-ci prévint alors Fritz Bauer qui, n'ayant pas confiance dans les services allemands où travaillaient d'anciens nazis et craignant qu'ils préviennent Eichmann[2], prévint directement les autorités israéliennes. Celles-ci prirent contact avec Hermann. Le Mossad finit, grâce aux indications de Hermann qui continuait à le surveiller, par localiser précisément Eichmann. Un plan d'enlèvement fut ainsi élaboré par les services secrets israéliens. Le gouvernement israélien l'approuva finalement en 1960, et il fut mis en œuvre peu après.
Bauer fonda également, avec Gerhard Szczesny (de), le Syndicat humaniste (de), une organisation de défense des droits de l'Homme, en 1961. Après la mort de Bauer, l'Union fit un don pour financer le Prix Fritz Bauer. En 1995 fut fondé l'Institut Fritz Bauer, organisation à but non lucratif consacrée aux droits civils, qui se concentre sur l'histoire et les conséquences de la Shoah.
Dans le système judiciaire allemand de l'après-guerre, Bauer a été une figure controversée en raison de son engagement socio-politique. Il aurait déclaré « Dans le système judiciaire, je vis comme en exil ».
Il fut retrouvé mort dans sa baignoire le . Il savait qu’il était un homme haï et en danger : « Dès que je sors du palais de justice je me retrouve en territoire ennemi ». Son appartement, habituellement jonché de manuscrits et de dossiers, était totalement « rangé ». C’est l’étrangeté de cette mort subite, jamais remise en question par la police ou par le gouvernement allemand, qui décida la documentariste Ilona Ziok à se mettre à la recherche de témoins pouvant raconter la vie de Bauer et leurs doutes sur sa mort, et à réaliser le film hommage Fritz Bauer, mort par acomptes (Fritz Bauer – Tod auf Raten), sorti en 2010, date à laquelle Bauer était oublié en Allemagne. Ses derniers jours furent désillusionnés. Toutefois, après un revirement de la jurisprudence allemande en 2006, qui jusque là refusait de considérer toutes les personnes impliquées à Auschwitz comme conjointement responsables du meurtre de masse systématique, mais demandait au contraire des preuves individuelles pour des meurtres précis, a mis en lumière le travail pionnier de Fritz Bauer[1].
Ĺ’uvres
- Le Crime et la société, Éditions Reinhardt, 1957.
- Sexualité et crime, Éditions Fischer, 1963.
- La nouvelle violence in Revue L'Appel, 1964.
- Résistance à l'autorité publique, Éditions Fischer, 1965.
- Les Humanités du système judiciaire. Écritures choisies - Hrsg. de Joachim Perels et Irmtrud Wojak, Francfort-sur-le-Main, Éditions Campus, puis New York, 1998, (ISBN 3-593-35841-7)
Filmographie
- 2010 : Fritz Bauer: Tod auf Raten (Fritz Bauer : Mort par acomptes), film documentaire de Ilona Ziok sur la vie de Fritz Bauer, ainsi que sur sa mort suspecte.
- 2013 : Mörder unter uns – Fritz Bauers Kampf, documentaire télévisé de Peter Hartl et Andrzej Klamt, 44:18 minutes
- 2014 : Le Labyrinthe du silence (Im Labyrinth des Schweigens) de Giulio Ricciarelli. Le film met en lumière l'action de Fritz Bauer (joué par Gert Voss) et des procureurs travaillant avec lui, ayant conduit au Procès de Francfort[5].
- 2015 : Fritz Bauer, un héros allemand (Der Staat gegen Fritz Bauer) de Lars Kraume. Le film est centré sur la traque d'Adolf Eichmann par Fritz Bauer (joué par Burghart Klaußner)[5].
- 2016 : Die Akte General (de) de Stephan Wagner (de). Le film porte sur les recherches de Fritz Bauer et les difficultés qu'il rencontre pour retrouver des criminels nazis dont Adolf Eichmann[6] et Josef Mengele ainsi que sur les efforts avortés pour traduire en justice Hans Globke[7].
Hommages
- En 2019, un mémorial est dressé en son honneur dans la Zeil, à côté de la cour d'appel de Francfort. C'est un rocher de 4,5 tonnes dépassant du sol intitulé « Juste la pointe de l'iceberg » , imaginé par l'artiste Tamara Grcic en référence à une citation de Bauer à propos des anciens nazis dans l'Allemagne de 1964 : « Sie müssen wissen, es gibt einen Eisberg, und wir sehen einen kleinen Teil und den größeren sehen wir nicht. » (« Vous devez savoir qu'il y a un iceberg ; on en voit une petite partie, mais la majeure partie, nous ne la voyons pas »). À côté du rocher, un texte rappelle que sur les 8 000 Allemands impliqués dans les crimes d'Auschwitz, seuls 40 ont été poursuivis[1].
- Un buste de lui, réalisé Pavel Feinstein (de), a été dressé en 2020 dans le foyer du ministère fédéral de la Justice à Berlin portant désormais son nom, de préférence à une allégorie de la justice[8].
Notes et références
- (de) « Ein Eisberg auf der Zeil für Fritz Bauer », sur fr.de, (consulté le )
- Thomas Schnee, « Les grosses lacunes de la dénazification », sur laliberte.ch, La Liberté,
- « Fritz Bauer, d'Auschwitz à Francfort (1/5) - Radio », sur Play RTS (consulté le )
- (de) Alexander Haneke, « Blüten des Fritz-Bauer-Kultes », sur faz.net, Frankfurter Allgemeine Zeitung,
- « Fritz Bauer, le chasseur de nazis », Le Vif,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Institut français de Prague, « Die Akte General », sur www.ifp.cz (consulté le )
- Elizabeth M. Ward, « Revisiting the crimes of the past: the image of the perpetrator in recent German Holocaust film », Holocaust Studies, vol. 0, no 0,‎ , p. 1–11 (ISSN 1750-4902, DOI 10.1080/17504902.2019.1637503, résumé)
- (de) Maria Ugoljew, « Bronzener Charakterkopf », sur Jüdische Allgemeine, (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Wojak, Irmtrud : Fritz Bauer et la découverte des crimes nationaux-socialistes après 1945. Point de vue l'Hesse, Centrale du Land de la Hesse pour la formation politique - numéro 2/2003 en ligne.
- Tuviah Friedman : Fritz Bauer l'information l'homme de vérification (Lothar Hermann Argentinien) l'alias Francisco Schmidt (en 1957)
- Dossier CIA (mars 1958) : l'alias Ricardo Clemens en 1957.
- Ce qu'a dit Fritz Bauer d'Adolf Eichmann - KOWEÏT Pressarchiv - Hors Série (décembre 1959)
- Irmtrud Wojak : Fritz Bauer - Stationen eines Lebens
- Irmtrud Wojak : Fritz Bauer. Eine Biographie, 1903-1963.
Documentaires
- Fritz Bauer - Mort par acomptes (Fritz Bauer — Tod auf Raten) de Ilona Ziok, 2010, film documentaire sur sa vie, ainsi que sur sa mort suspecte.
- Fritz Bauer, un procureur contre le nazisme de Catherine Bernstein, Arte, 2018, documentaire, 57 min [voir en ligne].